B. L'ACTION CONDUITE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE
L'action conduite au sein de l'Union européenne a permis en quelques années l'adoption de plusieurs instruments destinés à lutter contre la corruption. Le point de départ de cette évolution a été la nécessité pour l'Union européenne de protéger les intérêts financiers des Communautés face à la fraude.
1. Les acquis
Dès 1987, la Commission européenne s'est dotée d'une de la lutte anti-fraude (UCLAF), qui comprend aujourd'hui 130 agents et conduit des enquêtes sur les fraudes au budget communautaire. Le traité de Maastricht puis celui d'Amsterdam ont permis aux Etats de s'engager plus fermement dans la lutte contre la fraude.
Article 280 du traité sur l'Union européenne
" La Communauté et les Etats membres
combattent la
fraude et toute activité illégale portant atteinte aux
intérêts financiers de la Communauté par des mesures prises
conformément au présent article qui sont dissuasives et offrent
une protection effective dans les Etats membres.
" Les Etats membres prennent les mêmes mesures pour combattre la
fraude portant atteinte aux intérêts financiers de la
Communauté que celles qu'ils prennent pour combattre la fraude portant
atteinte à leurs propres intérêts financiers.
" Sans préjudice d'autres dispositions du présent
traité, les Etats membres coordonnent leur action visant à
protéger les intérêts financiers de la Communauté
contre la fraude. A cette fin, ils organisent, avec la Communauté, une
collaboration étroite et régulière entre les
autorités compétentes.
" Le Conseil statuant conformément à la procédure
visée à l'article 251, arrête, après
consultation de la Cour des comptes, les mesures nécessaires dans les
domaines de la prévention de la fraude portant atteinte aux
intérêts financiers de la Communauté et de la lutte contre
cette fraude en vue d'offrir une protection effective et équivalente
dans les Etats membres. Ces mesures ne concernent ni l'application du droit
pénal national ni l'administration de la justice dans les Etats membres.
" La Commission, en coopération avec les Etats membres, adresse
chaque année au Parlement européen et au Conseil un rapport sur
les mesures prises pour la mise en oeuvre du présent article ".
Si la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers des
Communautés européennes fait partie des compétences de
celles-ci, en revanche la matière pénale entre dans le champ de
ce qu'on appelle couramment le troisième pilier de l'Union
européenne, au sein duquel prévaut la coopération
intergouvernementale. Les Etats membres ont négocié, dans le
cadre de l'ancien article K3 du traité sur l'Union européenne
(devenu l'article 31 depuis l'entrée en vigueur du traité
d'Amsterdam) plusieurs instruments destinés d'abord à faciliter
la répression des atteintes aux intérêts financiers des
Communautés, puis plus largement à lutter contre la corruption.
a) La convention relative à la protection des intérêts financiers
Le 26 juillet 1995, le Conseil de l'Union européenne a adopté une convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Cette convention a pour objet d'imposer l'incrimination par l'ensemble des législations pénales des Etats membres de l'Union des comportements constitutifs de fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes. L'article 2 de cette convention incite les Etats à prendre les " sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives incluant, au moins dans les cas de fraude grave, des peines privatives de liberté pouvant entraîner l'extradition ".
b) Le protocole sur la corruption
Un
protocole du 27 septembre 1996 à la Convention relative à la
protection des intérêts financiers les Communautés
européennes a pour objet d'imposer aux Etats membres d'incriminer la
corruption active (celle du " corrupteur ") et la corruption passive
(celle du " corrompu ") de fonctionnaire communautaire ou de
fonctionnaire d'un autre Etat membre, ainsi que la corruption de membres
d'institutions communautaires ou d'organes créés
conformément aux traités instituant les Communautés
européennes.
Le protocole ne prévoit cependant l'incrimination de la corruption que
pour autant qu'elle porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux
intérêts financiers des Communautés.
L'article 4 du protocole édicte un principe
d'" assimilation ", afin d'imposer aux Etats que, dans leur
législation pénale, la qualification de corruption active et
passive de fonctionnaires nationaux soit applicable de la même
façon aux cas de corruption de fonctionnaires communautaires ou
fonctionnaires des autres Etats membres.
c) Le protocole relatif à la Cour de justice des Communautés européennes
Un protocole du 29 novembre 1996 à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes concerne l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes, de cette convention. Ce protocole n'est rappelé que pour mémoire, dans la mesure où le présent projet de loi n'y fait aucune référence.
d) Le protocole sur le blanchiment des capitaux
Enfin, un protocole du 19 juin 1997 à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes tend à imposer aux Etats membres d'établir une incrimination de blanchiment des capitaux liés au produit des comportements de fraude et de corruption active et passive définis par la convention et le protocole du 18 septembre 1996.
e) La convention relative à la lutte contre la corruption
Cette
convention du 26 mai 1997, comme le protocole du 27 septembre 1996 à la
convention relative à la protection des intérêts financiers
des Communautés, a pour objet de définir des comportements de
corruption active et de corruption passive dans lesquels sont impliqués
des fonctionnaires communautaires ou nationaux. Elle a toutefois un objectif
plus large que le protocole puisqu'elle tend à imposer aux Etats
d'incriminer la corruption active ou passive,
qu'elle porte atteinte ou non
aux intérêts financiers des Communautés
. Cette
convention édicte le même principe
d' " assimilation " que le protocole de 1996, imposant aux Etats
disposant de législations visant les faits de corruption de
fonctionnaires nationaux de les rendre applicables de la même
façon aux fonctionnaires communautaires et aux fonctionnaires des autres
Etats membres. L'article 5 exige que les Etats prévoient des
"
sanctions pénales effectives, proportionnées et
dissuasives incluant, au moins dans les cas graves, des peines privatives de
liberté pouvant entraîner l'extradition
".
Il convient de noter que les conventions et protocoles qui viennent
d'être énumérés n'entreront en vigueur que
lorsqu'ils auront été ratifiés par l'ensemble des Etats
membres de l'Union européenne. Quelques Etats, en particulier
l'Allemagne et la Finlande, ont ratifié certains de ces textes, mais
aucun Etat n'a encore ratifié l'ensemble des cinq conventions et
protocoles. En ce qui concerne l'état d'avancement de la
procédure en France, le Parlement a autorisé la ratification des
cinq engagements, mais le gouvernement a décidé de ne
déposer les instruments de ratification qu'après l'adoption du
présent projet de loi.
2. Les perspectives
L'action
de l'Union européenne dans le domaine pénal a vocation à
se renforcer. Au cours de sa dernière réunion à Tampere en
Finlande, les 15 et 16 octobre derniers, le Conseil européen a ainsi
estimé que "
les citoyens sont en droit d'attendre de l'Union
qu'elle réagisse à la menace que représente la grande
criminalité pour leur liberté et les droits que leur
reconnaît la loi. Pour contrer ces menaces, il est nécessaire
d'agir de concert, dans toute l'Union, en matière de prévention
et de lutte contre la criminalité et les organisations criminelles. Une
mobilisation commune des ressources policières et judiciaires est
nécessaire pour veiller à ce que les auteurs d'infractions et le
produit de leurs crimes ne trouvent aucun refuge dans l'Union "
1(
*
)
.
Le Conseil européen a décidé la création d'une
unité (Eurojust) composée de procureurs, de magistrats ou
d'officiers de police ayant des compétences équivalentes
détachés par chaque Etat membre. Cette unité aura pour
mission de contribuer à une bonne coordination entre les
autorités nationales chargées des poursuites et d'apporter son
concours dans les enquêtes relatives aux affaires de criminalité
organisée.
Au delà de ces initiatives, il convient de rappeler que certaines
propositions ambitieuses ont été formulées, notamment par
Mme Mireille Delmas-Marty, dans un projet de corpus juris publié en
1997, lequel envisage la création d'un parquet européen disposant
de pouvoirs d'enquête étendus et compétent pour la
poursuite de certaines infractions telles que la fraude au budget communautaire
ou la corruption de fonctionnaire communautaire.