Projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption
BALARELLO (José)
RAPPORT 42 (1999-2000) - commission des lois
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Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : UNE VOLONTÉ SALUTAIRE DE LIMITER LES FAITS DE CORRUPTION
- II. LE PROJET DE LOI : COMPLÉTER LE CODE PÉNAL ET LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE POUR PERMETTRE LA PLEINE APPLICATION PAR LA FRANCE DES CONVENTIONS DE L'UNION EUROPÉENNE ET DE L'O.C.D.E
-
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS :
PERMETTRE LA RÉPRESSION DE COMPORTEMENTS QUI DOIVENT ÊTRE
ÉRADIQUÉS, DANS LE RESPECT DU PRINCIPE D'ÉQUIVALENCE
FONCTIONNELLE POSÉ PAR LA CONVENTION DE L'O.C.D.E.
- A. APPROUVER L'ESPRIT DU PROJET DE LOI
- B. DES MOTIFS D'INQUIÉTUDE CONCERNANT L'APPLICATION DE LA CONVENTION DE L'O.C.D.E
- C. PERMETTRE UNE RÉPRESSION EFFICACE DISSUASIVE ET PROPORTIONNÉE DE LA CORRUPTION ACTIVE D'AGENT PUBLIC ÉTRANGER
- EXAMEN DES ARTICLES
- ANNEXE
-
ETUDE D'IMPACT
N° 42
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 novembre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption ,
Par M.
José BALARELLO,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin,
Mme
Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel
Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre
Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul
Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian
Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie,
Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville,
René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert,
Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard
Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour,
Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir le
numéro :
Sénat :
179
(1998-1999).
Code pénal. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 3 novembre sous la présidence
de
M. René-Georges Laurin, vice-président, la commission
des Lois a examiné, sur le rapport de M. José Balarello, le
projet de loi (n° 179) modifiant le code pénal et le code de
procédure pénale relatif à la lutte contre la corruption.
Le rapporteur a souligné la nécessité de lutter contre la
corruption, notamment dans le commerce international, observant que celle-ci
portait atteinte aux fondements de la démocratie et entravait le
développement d'un grand nombre d'Etats dans le monde.
Il a indiqué que le projet de loi tendait à transposer en droit
français cinq engagements signés dans le cadre de
l'Union
européenne
ainsi que la convention du
17 décembre 1997 relative à la lutte contre la
corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales signée dans le cadre de
l'O.C.D.E
. Le rapporteur
a observé que le projet de loi prévoyait la création de
quatre incriminations nouvelles punissant respectivement la corruption passive
de fonctionnaire communautaire et de fonctionnaire des Etats membres de l'Union
européenne (article 435-1 du code pénal), la corruption
active des mêmes personnes (article 435-2 du code pénal), la
corruption active d'agents publics étrangers (article 435-3 du code
pénal), enfin la corruption active de magistrats ou de personnes
exerçant une fonction juridictionnelle dans un Etat étranger
(article 435-4 du code pénal). Il a souligné que les peines
proposées étaient identiques à celles existant en
matière de corruption de fonctionnaires nationaux, à savoir dix
ans d'emprisonnement et 1.000.000 F d'amende.
Le rapporteur, tout en approuvant pleinement les objectifs poursuivis par le
projet de loi, s'est inquiété des distorsions de concurrence qui
résulteraient d'une application différenciée de la
convention de l'O.C.D.E par les Etats parties. Il a observé que les
peines d'emprisonnement prévues par les pays ayant déjà
transposé la convention dans leur droit étaient plus faibles que
celles proposées dans le projet de loi.
La commission a adopté des amendements tendant notamment à :
- ramener de
dix à cinq ans
la peine d'emprisonnement
prévue pour les infractions de corruption d'agents publics
étrangers et de corruption de magistrats ou de personnes exerçant
une fonction juridictionnelle dans un Etat étranger ;
- fixer les peines encourues par les
personnes morales
pour les quatre
infractions nouvelles créées par le projet de loi à
l'amende, la confiscation du produit de l'infraction, l'affichage de la
décision et au placement sous surveillance judiciaire ;
- prévoir une compétence du procureur, du juge d'instruction et
du tribunal correctionnel de
Paris
concurrente à celle de la
juridiction territorialement compétente pour la poursuite et le jugement
de la corruption d'agents publics étrangers (articles 435-3 et
435-4 nouveaux du code pénal).
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat, première assemblée saisie, est appelé
à examiner le projet de loi (n° 179) modifiant le code
pénal et de code de procédure pénale et relatif à
la lutte contre la corruption.
Ce projet de loi tend à transposer dans notre droit plusieurs
engagements internationaux, en particulier une convention du
26 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption
impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des
fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne ainsi qu'une
convention du 17 décembre 1997, signée dans le cadre de
l'Organisation de coopération et de développement
économique (O.C.D.E), sur la lutte contre la corruption d'agents publics
étrangers dans les transactions commerciales internationales.
La corruption dans le commerce international a pendant longtemps
été considérée comme un mal nécessaire,
alors même qu'elle constitue une atteinte aux principes de la
démocratie et qu'elle est une entrave au développement d'un grand
nombre de pays. Une prise de conscience a cependant pu être
observée au cours des dernières années, qui a conduit
nombre d'organisations internationales à rechercher les moyens d'une
action plus efficace contre ce fléau.
Le projet de loi soumis au Sénat tend à transcrire dans notre
droit les premiers résultats de ces efforts entrepris au sein de l'Union
européenne ou d'enceintes plus larges, afin de mettre fin à la
tolérance dont a bénéficié la corruption.
Ce projet de loi, s'il doit être impérativement soutenu compte
tenu des objectifs qu'il poursuit, n'en soulève pas moins des
difficultés importantes qui devront être rapidement
résolues afin d'éviter que la mise en place d'instruments de
lutte contre la corruption ait pour seul effet d'accroître les
distorsions de concurrence dans le commerce international.
I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : UNE VOLONTÉ SALUTAIRE DE LIMITER LES FAITS DE CORRUPTION
Le présent projet de loi tend à transposer en droit interne des conventions signées par la France dans le cadre de l'Union européenne et de l'Organisation de coopération et de développement économique (O.C.D.E). Il s'inscrit dans le contexte d'une multiplication des initiatives prises au sein d'enceintes internationales pour lutter contre la corruption.
A. DE MULTIPLES INITIATIVES AU SEIN DES INSTANCES INTERNATIONALES
Un grand
nombre d'instances internationales ont pris des initiatives destinées
à mettre fin ou à limiter les pratiques de corruption existant
notamment dans le cadre du commerce international.
Ainsi, un programme d'action contre la corruption a été
adopté au sein du
Conseil de l'Europe
, à la suite duquel
une convention pénale a été élaborée dans le
cadre du groupe multidisciplinaire contre la corruption. Cette convention
pénale adoptée en décembre 1998 et ouverte à la
signature prévoit l'obligation pour les Etats signataires de prendre un
grand nombre de mesures destinées à lutter contre la corruption.
Les Etats sont invités à incriminer la corruption active et
passive d'agents publics nationaux, la corruption active et passive d'agents
publics étrangers, la corruption de fonctionnaires internationaux, le
trafic d'influence... L'article 32 de la convention prévoit qu'elle
prendra effet trois mois après la date à laquelle 14 Etats
auront exprimé leur consentement à être liés par la
Convention.
Par ailleurs,
l'Assemblée générale des
Nations-Unies
a adopté en 1996 une résolution qui incite les
Etats membres à incriminer la corruption d'agents publics
étrangers et à supprimer la déductibilité fiscale
des paiements illicites.
Au sein du
Fonds monétaire international
et de la
Banque
mondiale
, les performances des pays débiteurs en ce qui concerne la
" gouvernance " publique sont désormais prises en
considération pour les critères d'attribution des prêts.
L'Organisation mondiale du commerce
s'est engagée dans des
négociations relatives à l'établissement de règles
de concurrence et de transparence en matière de marchés publics.
Ainsi le comité des marchés publics gère l'accord sur les
marchés publics (AMP), dont l'un des objectifs consiste à
éviter que la décision d'attribution des marchés ne soit
liée à des facteurs étrangers à la qualité
des offres commerciales.
Les initiatives ayant abouti aux résultats les plus avancés sont
cependant celles qui ont été prises dans le cadre de l'Union
européenne et de l'O.C.D.E, dont le présent projet de loi tend
à permettre à l'application.
B. L'ACTION CONDUITE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE
L'action conduite au sein de l'Union européenne a permis en quelques années l'adoption de plusieurs instruments destinés à lutter contre la corruption. Le point de départ de cette évolution a été la nécessité pour l'Union européenne de protéger les intérêts financiers des Communautés face à la fraude.
1. Les acquis
Dès 1987, la Commission européenne s'est dotée d'une de la lutte anti-fraude (UCLAF), qui comprend aujourd'hui 130 agents et conduit des enquêtes sur les fraudes au budget communautaire. Le traité de Maastricht puis celui d'Amsterdam ont permis aux Etats de s'engager plus fermement dans la lutte contre la fraude.
Article 280 du traité sur l'Union européenne
" La Communauté et les Etats membres
combattent la
fraude et toute activité illégale portant atteinte aux
intérêts financiers de la Communauté par des mesures prises
conformément au présent article qui sont dissuasives et offrent
une protection effective dans les Etats membres.
" Les Etats membres prennent les mêmes mesures pour combattre la
fraude portant atteinte aux intérêts financiers de la
Communauté que celles qu'ils prennent pour combattre la fraude portant
atteinte à leurs propres intérêts financiers.
" Sans préjudice d'autres dispositions du présent
traité, les Etats membres coordonnent leur action visant à
protéger les intérêts financiers de la Communauté
contre la fraude. A cette fin, ils organisent, avec la Communauté, une
collaboration étroite et régulière entre les
autorités compétentes.
" Le Conseil statuant conformément à la procédure
visée à l'article 251, arrête, après
consultation de la Cour des comptes, les mesures nécessaires dans les
domaines de la prévention de la fraude portant atteinte aux
intérêts financiers de la Communauté et de la lutte contre
cette fraude en vue d'offrir une protection effective et équivalente
dans les Etats membres. Ces mesures ne concernent ni l'application du droit
pénal national ni l'administration de la justice dans les Etats membres.
" La Commission, en coopération avec les Etats membres, adresse
chaque année au Parlement européen et au Conseil un rapport sur
les mesures prises pour la mise en oeuvre du présent article ".
Si la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers des
Communautés européennes fait partie des compétences de
celles-ci, en revanche la matière pénale entre dans le champ de
ce qu'on appelle couramment le troisième pilier de l'Union
européenne, au sein duquel prévaut la coopération
intergouvernementale. Les Etats membres ont négocié, dans le
cadre de l'ancien article K3 du traité sur l'Union européenne
(devenu l'article 31 depuis l'entrée en vigueur du traité
d'Amsterdam) plusieurs instruments destinés d'abord à faciliter
la répression des atteintes aux intérêts financiers des
Communautés, puis plus largement à lutter contre la corruption.
a) La convention relative à la protection des intérêts financiers
Le 26 juillet 1995, le Conseil de l'Union européenne a adopté une convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Cette convention a pour objet d'imposer l'incrimination par l'ensemble des législations pénales des Etats membres de l'Union des comportements constitutifs de fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes. L'article 2 de cette convention incite les Etats à prendre les " sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives incluant, au moins dans les cas de fraude grave, des peines privatives de liberté pouvant entraîner l'extradition ".
b) Le protocole sur la corruption
Un
protocole du 27 septembre 1996 à la Convention relative à la
protection des intérêts financiers les Communautés
européennes a pour objet d'imposer aux Etats membres d'incriminer la
corruption active (celle du " corrupteur ") et la corruption passive
(celle du " corrompu ") de fonctionnaire communautaire ou de
fonctionnaire d'un autre Etat membre, ainsi que la corruption de membres
d'institutions communautaires ou d'organes créés
conformément aux traités instituant les Communautés
européennes.
Le protocole ne prévoit cependant l'incrimination de la corruption que
pour autant qu'elle porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux
intérêts financiers des Communautés.
L'article 4 du protocole édicte un principe
d'" assimilation ", afin d'imposer aux Etats que, dans leur
législation pénale, la qualification de corruption active et
passive de fonctionnaires nationaux soit applicable de la même
façon aux cas de corruption de fonctionnaires communautaires ou
fonctionnaires des autres Etats membres.
c) Le protocole relatif à la Cour de justice des Communautés européennes
Un protocole du 29 novembre 1996 à la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes concerne l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes, de cette convention. Ce protocole n'est rappelé que pour mémoire, dans la mesure où le présent projet de loi n'y fait aucune référence.
d) Le protocole sur le blanchiment des capitaux
Enfin, un protocole du 19 juin 1997 à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes tend à imposer aux Etats membres d'établir une incrimination de blanchiment des capitaux liés au produit des comportements de fraude et de corruption active et passive définis par la convention et le protocole du 18 septembre 1996.
e) La convention relative à la lutte contre la corruption
Cette
convention du 26 mai 1997, comme le protocole du 27 septembre 1996 à la
convention relative à la protection des intérêts financiers
des Communautés, a pour objet de définir des comportements de
corruption active et de corruption passive dans lesquels sont impliqués
des fonctionnaires communautaires ou nationaux. Elle a toutefois un objectif
plus large que le protocole puisqu'elle tend à imposer aux Etats
d'incriminer la corruption active ou passive,
qu'elle porte atteinte ou non
aux intérêts financiers des Communautés
. Cette
convention édicte le même principe
d' " assimilation " que le protocole de 1996, imposant aux Etats
disposant de législations visant les faits de corruption de
fonctionnaires nationaux de les rendre applicables de la même
façon aux fonctionnaires communautaires et aux fonctionnaires des autres
Etats membres. L'article 5 exige que les Etats prévoient des
"
sanctions pénales effectives, proportionnées et
dissuasives incluant, au moins dans les cas graves, des peines privatives de
liberté pouvant entraîner l'extradition
".
Il convient de noter que les conventions et protocoles qui viennent
d'être énumérés n'entreront en vigueur que
lorsqu'ils auront été ratifiés par l'ensemble des Etats
membres de l'Union européenne. Quelques Etats, en particulier
l'Allemagne et la Finlande, ont ratifié certains de ces textes, mais
aucun Etat n'a encore ratifié l'ensemble des cinq conventions et
protocoles. En ce qui concerne l'état d'avancement de la
procédure en France, le Parlement a autorisé la ratification des
cinq engagements, mais le gouvernement a décidé de ne
déposer les instruments de ratification qu'après l'adoption du
présent projet de loi.
2. Les perspectives
L'action
de l'Union européenne dans le domaine pénal a vocation à
se renforcer. Au cours de sa dernière réunion à Tampere en
Finlande, les 15 et 16 octobre derniers, le Conseil européen a ainsi
estimé que "
les citoyens sont en droit d'attendre de l'Union
qu'elle réagisse à la menace que représente la grande
criminalité pour leur liberté et les droits que leur
reconnaît la loi. Pour contrer ces menaces, il est nécessaire
d'agir de concert, dans toute l'Union, en matière de prévention
et de lutte contre la criminalité et les organisations criminelles. Une
mobilisation commune des ressources policières et judiciaires est
nécessaire pour veiller à ce que les auteurs d'infractions et le
produit de leurs crimes ne trouvent aucun refuge dans l'Union "
1(
*
)
.
Le Conseil européen a décidé la création d'une
unité (Eurojust) composée de procureurs, de magistrats ou
d'officiers de police ayant des compétences équivalentes
détachés par chaque Etat membre. Cette unité aura pour
mission de contribuer à une bonne coordination entre les
autorités nationales chargées des poursuites et d'apporter son
concours dans les enquêtes relatives aux affaires de criminalité
organisée.
Au delà de ces initiatives, il convient de rappeler que certaines
propositions ambitieuses ont été formulées, notamment par
Mme Mireille Delmas-Marty, dans un projet de corpus juris publié en
1997, lequel envisage la création d'un parquet européen disposant
de pouvoirs d'enquête étendus et compétent pour la
poursuite de certaines infractions telles que la fraude au budget communautaire
ou la corruption de fonctionnaire communautaire.
C. LA CONVENTION DE L'O.C.D.E DU 17 DÉCEMBRE 1997
1. L'élaboration de la convention
Le
thème de la corruption internationale figure à l'ordre du jour
des travaux de l'O.C.D.E depuis 1989. Selon le rapport de cette organisation
pour 1998, "
l'O.C.D.E s'est fixée deux objectifs fondamentaux
pour ses travaux : lutter contre la corruption dans les transactions
commerciales internationales et aider à créer des conditions
concurrentielles égales pour toutes les entreprises
"
2(
*
)
.
Plusieurs des comités de l'organisation ont alors entrepris des
études sur divers aspects de la corruption. Le comité de
l'investissement international et des entreprises multilatérales (CIME)
a mis en place un groupe de travail sur la corruption dans le cadre de
transactions commerciales internationales. En 1994, sur la base des travaux de
ce comité, l'O.C.D.E a adopté une recommandation invitant les
pays membres à prendre des mesures efficaces pour décourager,
prévenir et combattre la corruption internationale des agents publics
étrangers.
En mai 1996, les pays membres de l'O.C.D.E ont adopté une
recommandation relative à la déductibilité fiscale des
commissions versées à des agents publics étrangers. Au
cours de la même année, le Conseil de l'O.C.D.E s'est
engagé sur la voie d'une incrimination de la corruption d'agents publics
étrangers. Il semble que la France et l'Allemagne aient alors fortement
insisté pour qu'une telle incrimination prenne place dans une
convention, instrument juridique contraignant et non dans une simple
recommandation.
En mai 1997, le Conseil de l'O.C.D.E a adopté une recommandation
révisée sur la lutte contre la corruption dans les transactions
commerciales internationales, qui fixait notamment un calendrier très
précis pour l'adoption d'une convention destinée à
permettre l'incrimination d'agents publics étrangers.
La convention a été définitivement élaborée
au cours d'une conférence de négociation tenue du 17 au
21 novembre 1997 et a été signée le
17 décembre 1997 par les 29 Etats membres de l'O.C.D.E
3(
*
)
ainsi que par l'Argentine, le Brésil, la
Bulgarie, le Chili et la République Slovaque.
2. Le contenu de la convention
Le préambule de la convention du 17 décembre 1997 rappelle que " la corruption est un phénomène répandu dans les transactions commerciales internationales, y compris dans le domaine des échanges et de l'investissement, qui suscite de graves préoccupations morales et politiques, affecte la bonne gestion des affaires publiques et le développement économique et fausse les conditions internationales de concurrence ".
a) Définition de l'infraction
La
convention invite, dans son article premier, les Etats parties à
incriminer la
corruption active d'agent public étranger
définie comme "
le fait intentionnel, pour toute personne,
d'offrir, de promettre ou d'octroyer un avantage indu pécuniaire ou
autre, directement ou par des intermédiaires, à un agent public
étranger, à son profit ou au profit d'un tiers, pour que cet
agent agisse ou s'abstienne d'agir dans l'exécution de fonctions
officielles, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre
avantage indu dans le commerce international
".
Les Etats parties devraient également incriminer la complicité de
corruption d'agent public étranger.
Il convient d'indiquer que la notion
d'agent public étranger
au
sens de la convention désigne toute personne qui détient un
mandat législatif, administratif ou judiciaire dans un pays
étranger, qu'elle ait été nommée ou élue,
toute personne exerçant une fonction publique pour un pays
étranger, y compris pour une entreprise ou un organisme publics, et tout
fonctionnaire ou agent d'une organisation internationale publique.
b) Sanctions
L'article 3 de la Convention prévoit, d'une part, que la
corruption doit être passible de sanctions pénales efficaces,
proportionnées et dissuasives, d'autre part, que
"
l'éventail des sanctions applicables doit être
comparable à celui des sanctions applicables à la corruption des
agents publics de la Partie en question (...)
".
L'article 2 invite chaque partie à prendre les mesures
nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour
établir la responsabilité des personnes morales en cas de
corruption d'un agent public étranger. L'article 3 complète
ces dispositions en précisant que lorsque la responsabilité
pénale n'est pas applicable aux
personnes morales
, la partie
concernée doit faire en sorte que les personnes morales soient passibles
de sanctions non pénales efficaces, proportionnées et dissuasives.
Il convient enfin de noter, et votre rapporteur insistera ultérieurement
sur cet aspect, que le préambule de la convention indique
"
qu'assurer l'équivalence entre les mesures que doivent
prendre les parties constitue un objet et un but essentiels de la convention
qui exigent que la convention soit ratifiée sans dérogation
affectant cette équivalence
".
c) Surveillance et suivi
L'article 12 de la convention invite les Etats parties
à
coopérer pour mettre en oeuvre un programme de suivi systématique
afin de surveiller et promouvoir la pleine application de la convention. Cette
action sera menée au sein du groupe de travail de l'O.C.D.E sur la
corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales.
Le système de suivi doit en particulier comporter deux séries
d'évaluations. La première, qui a débuté dès
le mois d'avril dernier, est consacrée à l'étude des
textes de transposition adoptés par les parties. Chaque pays voit sa
législation examinée par des représentants de deux pays
examinateurs, afin que soit évalué le respect par les parties des
dispositions de la convention.
Une seconde évaluation devrait ultérieurement être
consacrée à la mise en oeuvre concrète des lois de
transposition. Une visite d'évaluation devrait intervenir dans chacun
des Etats parties.
d) Règles de compétence
L'article 4 de la convention prévoit notamment que chaque partie ayant compétence pour poursuivre ses ressortissants à raison d'infractions commises à l'étranger doit prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence à l'égard de la corruption d'un agent public étranger.
e) Autres stipulations
L'article 7 invite chaque partie à faire en sorte
que la
corruption d'agent public étranger soit une infraction principale aux
fins de l'application de sa législation relative au blanchiment de
capitaux lorsque la corruption de ses propres agents est une infraction
principale au fins de l'application de cette législation.
L'article 9 incite les parties à accorder une entraide judiciaire
prompte et efficace aux autres parties aux fins des enquêtes et des
procédures pénales engagées par une partie. En
particulier, le secret bancaire ne peut constituer un motif de refus de
l'entraide judiciaire.
L'article 10 concerne l'extradition et prévoit notamment que chaque
partie doit prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte soit de
pouvoir extrader ses ressortissants, soit de pouvoir les poursuivre à
cause de l'infraction de corruption d'un agent public étranger.
f) Entrée en vigueur
L'article 15 prévoit un régime
d'entrée en
vigueur de la convention relativement complexe. Il prévoit en effet une
entrée en vigueur le soixantième jour suivant la date à
laquelle cinq pays qui comptent parmi les dix premiers pays pour la part des
exportations, et qui représentent à eux cinq au moins 60 %
des exportations totales cumulées de ces dix pays, auront
déposé leur instrument d'acceptation, d'approbation ou de
ratification. La grande complexité de cette clause est
révélatrice de la crainte de nombre d'Etats que la convention ne
conduise, si elle n'est pas mise en oeuvre partout, à des distorsions de
concurrence.
En pratique, la convention est entrée en vigueur le
15 février 1999, à la suite des ratifications par le
Japon, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada, ces pays
représentant 66,4 % des exportations des dix premiers pays pour la
part des exportations.
Le tableau suivant résume l'état des ratifications de la
convention.
Etats signataires |
Ratification |
Argentine |
|
Australie |
|
Autriche |
20 mai 1999 |
Belgique |
27 juillet 1999 |
Brésil |
|
Bulgarie |
22 décembre 1998 |
Canada |
17 décembre 1998 |
Chili |
|
République Tchèque |
|
Danemark |
|
Finlande |
10 décembre 1998 |
France |
|
Allemagne |
10 novembre 1998 |
Grèce |
5 février 1999 |
Hongrie |
4 décembre 1998 |
Islande |
17 août 1998 |
Irlande |
|
Italie |
|
Japon |
13 octobre 1998 |
Corée |
4 janvier 1999 |
Luxembourg |
|
Mexique |
27 mai 1999 |
Pays-Bas |
|
Nouvelle-Zélande |
|
Norvège |
18 décembre 1998 |
Pologne |
|
Portugal |
|
Slovaquie |
24 septembre |
Espagne |
|
Suède |
8 juin 1999 |
Suisse |
|
Turquie |
|
Royaume-Uni |
14 décembre 1998 |
Etats-Unis |
8 décembre 1998 |
En ce qui concerne l'état de la procédure en France, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant la ratification de la convention le 24 avril 1999 sur le rapport de notre collègue M. Christian de La Malène 4( * ) et l'Assemblée nationale a fait de même le 25 mai. Le Gouvernement n'a toutefois pas déposé les instruments de ratification, souhaitant que la convention et la loi de transposition dans le code pénal et dans le code de procédure pénale entrent en vigueur simultanément.
D. L'ÉTAT DU DROIT FRANÇAIS
1. L'absence d'incrimination à l'égard des agents publics étrangers
Le code
pénal incrimine d'ores et déjà la corruption passive
(article 432-11) et la corruption active (article 433-1) de personnes
dépositaires de l'autorité publique, exerçant une mission
de service public ou un mandat électif public.
Ces infractions ne peuvent cependant concerner la corruption d'agents publics
étrangers. Comme le fait valoir l'exposé des motifs du projet de
loi, elles prennent place dans le livre IV du code pénal
consacré aux "
crimes et délits contre la Nation, l'Etat
et la paix publique
".
Les rares décisions jurisprudentielles intervenues sous l'empire de
l'ancien code pénal laissent également penser que les infractions
actuelles ne s'appliquent pas en matière de corruption d'agents publics
étrangers. Ainsi, dans un arrêt de 1941, la cour d'appel de Paris
a estimé que la notion d'autorité publique visée dans
l'ancien article 177 du code pénal ne visait que l'autorité
publique française
5(
*
)
. Dans un
arrêt du 30 juin 1955, la Cour de cassation a estimé que les
articles 177 et 179 de l'ancien code pénal visaient toute corruption,
commise en France, d'un expert remplissant officiellement sa mission sur le
territoire français.
La circulaire du 14 mai 1993 portant commentaire des dispositions
législatives du nouveau code pénal laisse entendre que la notion
de personne dépositaire de l'autorité publique
évoquée dans les articles 432-11 et 433-1 du code
pénal pourrait s'appliquer aux fonctionnaires internationaux
"
dès lors qu'il leur est reconnu, en application de conventions
internationales, des pouvoirs d'autorité ou une mission de service
public sur le territoire français
". En tout état de
cause, votre commission considère comme le gouvernement que la
corruption active de fonctionnaires des Etats étrangers ne peut
être poursuivie dans le cadre du droit actuel.
2. Le régime fiscal
Il
convient par ailleurs de rappeler que jusqu'à un période
récente, les commissions versées dans le cadre de contrats
internationaux étaient non seulement déductibles fiscalement,
mais donnaient lieu à la pratique dite du " confessional " qui
permettait à une entreprise de solliciter l'accord préalable d'un
service spécialisé du ministère des finances. Cette
pratique a disparu en 1993.
Dès l'adoption de la convention de l'O.C.D.E en 1997, le Gouvernement a
proposé dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative (loi
du 29 décembre 1997) la suppression de la déductibilité
des commissions qualifiées de frais commerciaux exceptionnels. Ainsi,
l'article 39-2 bis du code général des impôts
prévoit désormais que, pour les contrats conclu au cours
d'exercices ouverts à compter de l'entrée en vigueur de la
convention de l'O.C.D.E, les sommes versées ou les avantages
octroyés, directement ou par des intermédiaires, au profit d'un
agent public au sens du 4 de l'article premier de ladite convention ou
d'un tiers pour que cet agent agisse ou s'abstienne d'agir ne sont plus
déductibles. Il est possible de se demander, comme l'a fait la
commission des finances du Sénat lorsqu'elle a examiné cette
modification, s'il était utile d'adopter dès 1997 cette
modification, alors même qu'en octobre 1999, la convention n'est pas
applicable en France de telle sorte que la déductibilité demeure
possible.
II. LE PROJET DE LOI : COMPLÉTER LE CODE PÉNAL ET LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE POUR PERMETTRE LA PLEINE APPLICATION PAR LA FRANCE DES CONVENTIONS DE L'UNION EUROPÉENNE ET DE L'O.C.D.E
Certaines dispositions du droit pénal français ne satisfont pas pleinement aux obligations définies par les conventions signées dans le cadre de l'Union européenne et de l'O.C.D.E. Ainsi, la corruption active et passive d'agents publics est punie par le code pénal, mais les infractions concernées ne couvrent ni les agents publics étrangers ni les fonctionnaires des organisations internationales publiques (même si une certaine ambiguïté demeure sur ce dernier point).
A. QUATRE INFRACTIONS NOUVELLES
L'exposé des motifs du projet de loi indique que
"
les dispositions actuellement existantes en matière de
corruption et les dispositions nouvelles induites par les traités
auraient pu être regroupées dans un seul article du code
pénal
".
Le Gouvernement a cependant choisi de procéder différemment, afin
d'éviter la création d'un "
ensemble juridique complexe
et touffu
".
L'article premier du projet de loi prévoit donc l'insertion dans le
livre IV (Des crimes et délits contre la Nation, l'Etat et la paix
publique) - titre III (Des atteintes à l'autorité de l'Etat)
un nouveau chapitre comprenant l'ensemble des dispositions relatives à
la corruption internationale. Dans le même souci de clarté, le
Gouvernement a estimé souhaitable que chaque nouvel article du code
pénal fasse référence explicitement à la convention
dont il tend à permettre l'application.
1. Des incriminations spécifiques
Quatre
infractions nouvelles seraient créées, deux relatives aux
conventions de l'Union européenne et deux à la convention de
l'O.C.D.E.
• Deux de ces infractions doivent permettre la transposition des
conventions et protocoles signés dans le cadre de l'Union
européenne :
- la corruption passive de fonctionnaire communautaire ou de fonctionnaire
d'un autre Etat membre de l'Union européenne ainsi que la corruption
passive d'un membre de la Commission européenne, du Parlement
européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des
Communautés européennes (art. 435-1 nouveau du code
pénal) ;
- la corruption active des mêmes personnes (article 435-2
nouveau du code pénal).
Il convient de noter que les conventions et protocoles qu'il s'agit de
transposer visent non seulement la corruption active et passive, mais
également les infractions portant atteinte aux intérêts
financiers des Communautés européennes. Le Gouvernement a
considéré que les incriminations pénales existantes
permettaient de réprimer ces agissements.
De fait, certains délits fiscaux et douaniers peuvent s'appliquer aux
fraudes au budget communautaire, de même que les délits
d'escroquerie (article 313-2 du code pénal), de faux
(articles 441-1 et suivants du code pénal), d'obtention d'aides
publiques pour fausses déclarations (article 441-6 du code
pénal).
• Deux infractions doivent permettre la transposition de la
convention du 17 décembre 1997 signée dans le cadre de
l'O.C.D.E :
- la corruption active d'une personne dépositaire de
l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou
investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au
sein d'une organisation internationale publique (article 435-2 nouveau du
code pénal) ;
- enfin, la corruption active d'un magistrat, d'un juré ou de toute
autre personne siégeant dans une formation juridictionnelle, d'un
arbitre ou d'un expert nommé soit par une juridiction, soit par les
parties ou d'une personne chargée par l'autorité judiciaire d'une
mission de conciliation ou de médiation, dans un Etat étranger ou
au sein d'une organisation internationale publique.
Il convient de noter que les définitions retenues pour ces
infractions ont été entièrement reprises des dispositions
du code pénal qui punissent la corruption passive d'agents publics
nationaux (article 432-11 du code pénal), la corruption active
d'agents publics nationaux (article 433-1 du code pénal) et la
corruption active de magistrat (article 434-9 du code pénal).
Le seul élément novateur est le fait que la corruption d'agents
publics étrangers (articles 435-3 et 435-4 nouveaux du code
pénal) ne sera incriminée que si elle est faite "
en vue
d'obtenir ou de conserver un marché ou un autre avantage indu dans le
commerce international
" conformément à la convention de
l'O.C.D.E du 17 décembre 1997.
Les définitions de la corruption
•
Convention du 26 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption
impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des
fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne
:
- corruption passive : " (...)
est constitutif de
corruption passive le fait intentionnel, pour un fonctionnaire, directement ou
par interposition de tiers, de solliciter ou de recevoir des avantages de
quelque nature que ce soit, pour lui-même ou pour un tiers, ou d'en
accepter la promesse, pour accomplir ou ne pas accomplir, de façon
contraire à ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte
dans l'exercice de sa fonction
" ;
- corruption active : " (...)
est constitutif de corruption
active le fait intentionnel, pour quiconque, de promettre ou de donner,
directement ou par interposition de tiers, un avantage de quelque nature que ce
soit, à un fonctionnaire, pour lui-même ou pour un tiers, pour
qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir, de façon contraire
à ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte dans
l'exercice de sa fonction
".
•
Convention du 17 décembre 1997 sur la lutte contre
la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions
commerciales internationales
:
- corruption active : " (...)
le fait intentionnel, pour
toute personne, d'offrir, de promettre ou d'octroyer un avantage indu
pécuniaire ou autre, directement ou par des intermédiaires,
à un agent public étranger, à son profit ou au profit d'un
tiers, pour que cet agent agisse ou s'abstienne d'agir dans l'exécution
de fonctions officielles, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un
autre avantage indu dans le commerce international
".
•
Code pénal français
:
- corruption passive (art. 432-11) : " (...)
le fait,
par une personne dépositaire de l'autorité publique,
chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat
électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit,
directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des
présents ou des avantages quelconques (...) pour accomplir ou s'abstenir
d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou
facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat
" ;
- corruption active (art. 433-1) : " (...)
le fait de
proposer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses,
des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une
personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une
mission de service public ou investie d'un mandat électif public
(...)
qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa
fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa
mission ou son mandat
; (...)
le fait de céder à une
personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une
mission de service public ou investie d'un mandat électif public qui
sollicite, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses,
des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou
s'abstenir d'accomplir un acte (de sa fonction, de sa mission ou de son mandat
ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat
").
2. Le régime des sanctions
Le
Gouvernement propose de punir les quatre nouvelles infractions des mêmes
peines que celles qui sont prévues pour la corruption active ou passive
d'agents publics nationaux, à savoir dix ans d'emprisonnement et
1.000.000 F d'amende.
Les personnes physiques encourraient en outre des
peines
complémentaires
: l'interdiction des droits civiques,
l'interdiction d'exercer une fonction publique ou l'activité dans
l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, l'affichage de
la décision, enfin la confiscation de la chose qui a servi ou
était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui
en est le produit.
Il convient de noter que la peine de confiscation n'est pas actuellement
prévue en cas de corruption d'un agent public national, mais la
convention de l'O.C.D.E ainsi que le protocole à la convention sur la
protection des intérêts financiers des Communautés
européennes font obligation aux parties de prévoir une telle
peine.
Les conventions prévoyant l'obligation pour les Etats connaissant la
responsabilité pénale des personnes morales
de l'appliquer
aux infractions de corruption internationale, le projet de loi tend à
permettre que les personnes morales puissent être punies des mêmes
peines que celles qu'elles encourent en cas de corruption d'agents publics
nationaux. Rappelons que le nouveau code pénal prévoit qu'une
personne morale encourt une amende d'un montant maximal du quintuple de
l'amende encourue par les personnes physiques. Parmi les peines prévues
figurent en outre, pour une durée de cinq ans ou plus :
- l'interdiction d'exercer l'activité dans laquelle l'infraction a
été commise ;
- la fermeture des établissements ou de l'un des
établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits
incriminés ;
- l'exclusion des marchés publics ;
- l'interdiction de faire appel public à l'épargne.
3. La question de la concurrence des infractions
Quelques
précisions méritent d'être apportées à propos
des nouvelles infractions que tend à créer le projet de loi. Dans
certains cas, la disposition sur la corruption active prise en application de
la convention signée dans le cadre de l'Union européenne pourrait
être applicable concurremment à la disposition prise en
application de la convention signée dans le cadre de l'O.C.D.E.
L'exposé des motifs du projet de loi précise que, dans une telle
situation, "
les dispositions prises en application des traités
de l'Union seront seules applicables ; elles constituent en effet une loi
spéciale compte tenu de leur champ d'application territorial restreint,
résultant de traités régionaux d'ailleurs
mentionnés dans le corps même du texte d'incrimination
".
La principale différence entre les régimes des infractions est
que le projet de loi prévoit explicitement que le ministère
public détient le monopole des poursuites en ce qui concerne la
corruption d'agent public étranger (hors Union européenne) alors
que cette précision ne figure pas en matière de corruption de
fonctionnaire communautaire ou de fonctionnaire d'un Etat membre de l'Union
(voir ci-dessous)
4. Compétence des juridictions françaises
Les
conventions que le projet de loi tend à transposer prévoient des
dispositions particulières relatives à l'établissement par
les Etats parties de la compétence de leurs juridictions. Ainsi, la
convention de l'O.C.D.E prévoit, dans son article 4, que chaque Etat
établit sa compétence lorsque l'infraction est commise en tout ou
partie sur son territoire. Cette clause est satisfaite par l'article 113-2 du
nouveau code pénal.
La convention prévoit en outre que les parties ayant compétence
pour poursuivre leurs ressortissants à raisons d'infractions commises
à l'étranger doivent établir leur compétence
à l'égard de la corruption d'un agent public dans les mêmes
conditions.
A cet égard, l'article 113-6 du nouveau code pénal
prévoit que la loi pénale française "
est
applicable aux délits commis par des Français hors du territoire
de la République si les faits sont punis par la législation du
pays où ils ont été commis
". En vertu de cette
règle, la corruption d'agent public étranger par un
Français hors du territoire de la République ne pourra être
réprimée en France que si la législation du pays du
fonctionnaire concerné punit la corruption de ses agents publics. Dans
quelques cas, cette règle de la double incrimination a été
écartée par certaines lois. Ainsi, l'article 222-22 du code
pénal, tel qu'il résulte de la loi relative à la
répression et à la prévention des infractions sexuelles du
17 juin 1998, prévoit que la loi française est
applicable aux agressions sexuelles commises à l'étranger contre
un mineur par un Français ou une personne résidant habituellement
sur le territoire français par dérogation à
l'article 113-6 du code pénal. Si la règle de la double
incrimination peut, en première analyse, paraître poser
problème, la difficulté doit cependant être
relativisée, la plupart des pays punissant la corruption d'agents
publics.
La convention du 26 mai 1997 signée dans le cadre de l'Union
européenne invite les Etats membres à établir leur
compétence dans quelques cas spécifiques pour lesquels
l'application des principes généraux du code pénal ne
permet pas de tenir pour acquise la compétence des juridictions
françaises
. L'article 3 du projet de loi tend donc à
prévoir dans le code de procédure pénale la
compétence des juridictions françaises pour les cas
mentionnés par la convention.
B. RÈGLES DE PROCÉDURE
Le
projet de loi prévoit explicitement que
la poursuite des
délits de corruption active d'agent public étranger
(article 435-3 nouveau du code pénal) et de magistrat
étranger (article 435-4 nouveau du code pénal) ne peut
être exercée qu'à la requête du ministère
public
. Ainsi, la constitution de partie civile serait exclue pour ces
délits, qui constituent la transposition en droit pénal
français de la convention de l'O.C.D.E.
Il convient de rappeler qu'en tout état de cause, l'article 113-8
du code pénal prévoit que le ministère public est seul
compétent pour mettre en mouvement l'action publique lorsque les faits
ont été commis hors du territoire de la République. Le
projet de loi étend cette règle aux infractions commises sur le
territoire en matière de corruption d'agents publics étrangers.
Par ailleurs, l'article 4 du projet de loi tend à faire figurer les
quatre nouvelles infractions parmi la liste de celles relevant de la
compétence des juridictions spécialisées en
matière économique et financière.
Conformément
aux articles 704 et 705 du code de procédure pénale, ces
juridictions (un tribunal de grande instance dans le ressort de chaque cour
d'appel) sont compétentes pour certaines infractions économiques
ou financières "
qui sont ou apparaîtraient d'une grande
complexité
". Cette compétence est concurrente de celle
de la juridiction territorialement compétente et il revient au procureur
saisi d'apprécier s'il doit renvoyer l'affaire devant la juridiction
spécialisée.
Rappelons à cet égard que Mme le garde des Sceaux a engagé
une action visant à développer des
pôles
économiques et financiers
dans certaines juridictions, et que de
tels pôles sont déjà en place à Paris, Lyon,
Marseille et Bastia.
C. NON-RÉTROACTIVITÉ DE LA LOI PÉNALE PLUS SÉVÈRE
L'article 2 du projet de loi prévoit que les quatre
nouvelles infractions que tend à créer le texte
ne
s'appliquent pas aux faits commis à l'occasion de contrats signés
antérieurement à l'entrée en vigueur des conventions
concernées
.
En tout état de cause, la non-rétroactivité de la loi
pénale plus sévère est un principe de valeur
constitutionnelle en France. L'article 8 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen prévoit explicitement que "
la
loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi
établie et promulguée antérieurement au délit et
légalement appliquée
".
L'article 112-1 du code pénal prévoit de manière
générale que "
sont seuls punissables les faits
constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont
été commis
".
La disposition de l'article 2 du projet de loi n'en présente pas
moins une importance certaine, dans la mesure où certains contrats
internationaux ont une durée d'exécution très longue.
Punir un versement de commissions intervenu après l'entrée en
vigueur de la convention de l'O.C.D.E, mais afférent à un contrat
signé avant l'entrée en vigueur de cette convention
créerait une grave situation d'insécurité juridique pour
les contrats en cours d'exécution.
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : PERMETTRE LA RÉPRESSION DE COMPORTEMENTS QUI DOIVENT ÊTRE ÉRADIQUÉS, DANS LE RESPECT DU PRINCIPE D'ÉQUIVALENCE FONCTIONNELLE POSÉ PAR LA CONVENTION DE L'O.C.D.E.
A. APPROUVER L'ESPRIT DU PROJET DE LOI
La
corruption dans le commerce international a été trop longtemps
tolérée voire encouragée, étant simplement
considérée comme un mal nécessaire pour la bonne marche
des affaires. La corruption mine pourtant les fondements même de la
démocratie et est source d'une perte de confiance des citoyens à
l'égard des pouvoirs publics.
Comme l'a noté Mme Mireille Delmas-Marty "
si les
phénomènes de corruption au sens large apparaissent comme une
telle menace pour l'Etat de droit, et plus largement pour la
société démocratique, c'est qu'ils en ébranlent les
piliers, soit, d'une part, le mécanisme de la représentation qui
sous-tend la séparation des pouvoirs et, d'autre part, les droits de
l'homme
"
6(
*
)
.
Il convient par ailleurs de noter que la corruption constitue à
l'évidence une entrave au développement des pays les moins
favorisés de la planète, l'argent de la corruption ne profitant
jamais aux populations de ces pays.
Les initiatives prises dans les organisations internationales, et notamment au
sein de l'Union européenne et de l'O.C.D.E, méritent donc
d'être approuvées et encouragées. Les Etats ne peuvent
continuer à poursuivre et réprimer sévèrement la
corruption sur leur territoire tout en ignorant
délibérément les comportements qui existent dans le
commerce international.
Les entreprises des grands pays industrialisés ont, pour beaucoup
d'entre elles, entrepris de lutter contre ces pratiques et de
réfléchir à de nouveaux moyens de rendre leurs offres
commerciales attractives sans avoir recours à la corruption.
Votre commission approuve donc les objectifs poursuivis par les conventions que
le présent projet de loi tend à transposer. La lutte contre la
corruption est un combat important qu'il est nécessaire de mener en ne
faisant preuve ni d'angélisme ni de faiblesse.
Votre commission estime également particulièrement heureuses les
dispositions du projet de loi qui réservent la mise en mouvement de
l'action publique au ministère public et excluent du champ d'application
des nouvelles incriminations les faits commis dans le cadre de contrats
signés antérieurement à l'entrée en vigueur des
conventions.
B. DES MOTIFS D'INQUIÉTUDE CONCERNANT L'APPLICATION DE LA CONVENTION DE L'O.C.D.E
Le projet de loi soumis à l'examen de votre commission des Lois, s'il mérite d'être approuvé dans ses principes, suscite des inquiétudes légitimes. Ces inquiétudes se résument au fait que la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, si elle n'est pas appliquée de la même manière par tous les Etats parties, pourrait entraîner davantage une multiplication des distorsions de concurrence qu'une moralisation du commerce international.
1. Lutte contre la corruption et action publique en matière pénale
Le
présent projet de loi doit être replacé dans le contexte
plus général de la réforme de la justice actuellement en
cours. Le projet de loi relatif à l'action publique en matière
pénale tend à supprimer les instructions du garde des Sceaux dans
les affaires individuelles tout en consacrant la pratique des circulaires
générales de politique pénale.
Dans le domaine de la corruption dans les contrats internationaux, il est
possible de se demander s'il est possible de laisser chaque parquet
maître de la conduite de l'action publique, au risque de voir se
développer des comportements forts différents d'un ressort
à l'autre. Certes, le projet de loi prévoit la possibilité
de saisir la juridiction spécialisée en matière
économique et financière qui existe dans chaque ressort de cour
d'appel. On peut se demander si cette précaution permettra d'assurer la
cohérence de l'action publique dans une matière où les
infractions sont d'une grande complexité.
2. Une convention qui ne s'applique qu'à un nombre limité d'Etats
Un autre
motif d'inquiétude tient dans le fait que 34 pays seulement,
même s'ils figurent parmi les plus puissants dans le commerce
international, sont signataires de la convention sur la lutte contre la
corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales. Un certain nombre de très grands Etats ou d'Etats
exportateurs de produits dépendant fortement de la commande publique, en
particulier, la Russie, l'Inde, la Chine, Israël et l'Afrique du Sud ne
sont pas signataires de cette convention, ce qui pourrait entraîner de
graves distorsions de concurrence dans certains secteurs économiques. Il
est vrai que certains de ces pays, l'Afrique du Sud et Israël, ont
déclaré vouloir signer la convention.
Comme l'a souligné notre collègue M. Christian de la
Malène dans son rapport sur le projet de loi autorisant la ratification
de la convention, "
il importe d'amplifier ce mouvement
d'adhésion à la convention en visant, par exemple, une extension
progressive à tous les pays de l'organisation mondiale du commerce, afin
que les effets de la corruption dans le commerce international
bénéficient de la plus large prise de
conscience
"
7(
*
)
.
3. Un risque d'application inégale du fait des différences de systèmes juridiques
La convention de l'O.C.D.E laisse une marge importante aux Etats, afin de respecter les principes juridiques de chacun en matière pénale. Elle pose toutefois comme un principe essentiel l'équivalence fonctionnelle entre les mesures que doivent prendre les parties. Le préambule de la convention prévoit en effet qu'assurer l'équivalence entre les mesures que doivent prendre les parties constitue un objet et un but essentiels de la convention. Or, au vu des législations déjà adoptées par les Etats qui ont ratifié la convention, il est possible de douter du réel respect de ce principe d'équivalence.
a) La législation américaine
Les
Etats-Unis ont joué un rôle moteur dans l'élaboration de la
convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers,
dans la mesure où, disposant d'une législation réprimant
la corruption d'agents publics étrangers, ils souhaitaient que leurs
principaux concurrents se dotent d'une telle législation.
Dès 1977, le Congrès américain a en effet adopté le
Foreign Corupt Pratices Act (FCPA
),à la suite de nombreux
scandales dans lesquels des entreprises américaines ont
été convaincues d'avoir versé des commissions à des
agents publics pour obtenir des marchés ou d'autres avantages. Le FCPA a
été modifié en 1998 pour tenir compte de l'adoption de la
convention de l'OCDE, de sorte que la législation est désormais
contenue dans un nouvel acte
l'International Antibribery and Fair
Competition Act
.
Dans sa version initiale, le FCPA ne concernait que les actes de corruption
commis par une entreprise ou un citoyen américain auprès d'un
agent public étranger. Les modifications apportées en 1998 ont
étendu l'application de la législation aux actes de corruption
commis par des personnes physiques ou morales étrangères se
trouvant sur le territoire des Etats-Unis. Réciproquement, la loi
s'appliquera désormais aux actes de corruption commis à
l'étranger lorsqu'ils impliquent une entreprise ou un citoyen
américain.
Certains paiements sont explicitement exclus de l'application de la
législation américaine : il s'agit des
paiements dits
" de facilitation
"
qui ont pour objet d'obtenir une
"
action gouvernementale routinière
" telle que la
délivrance d'un visa ou d'une autorisation, ainsi que des paiements
constituant un remboursement de frais associés à des promotions
de produits ou des visites d'usines et des paiements licites en vertu de la loi
étrangère.
Une clause de la législation américaine précise qu'aucune
sanction civile ne peut être prononcée contre des
sociétés américaines qui, agissant en coopération
avec une agence fédérale ayant pour mission d'assurer la
sécurité des Etats-Unis, effectuent des paiements à
l'étranger sans être en mesure d'en justifier l'origine dans les
conditions prévues par les réglementations comptables en vigueur.
Une autre clause donne la possibilité aux entreprises de consulter le
Department of Justice sur la liceité d'une opération
engagée, ce qui permet, en cas d'assentiment, à l'entreprise
concernée de bénéficier d'une présomption de
conformité au FCPA.
La mise en mouvement de l'action publique en matière de corruption
d'agents publics étrangers appartient au seul Attorney General (ministre
de la justice) qui dispose d'un pouvoir d'appréciation de
l'opportunité des poursuites. S'il décide d'engager des
poursuites, celles-ci doivent être autorisés par le grand jury.
En ce qui concerne les sanctions prévues, les entreprises peuvent se
voir infliger des
amendes pouvant s'élever à deux millions de
dollars
. Les peines encourues par les personnes physiques sont une
amende de 100.000 dollars et une peine de cinq ans
d'emprisonnement
. A ce stade, il convient de noter que la corruption
d'agent public américain est quant à elle punissable de
quinze
ans d'emprisonnement
. Il est difficile de considérer que les
sanctions prévues pour la corruption d'agent public étranger sont
"
comparables
" à celles prévues pour la
corruption d'agent public national, bien que la convention de l'O.C.D.E
comporte une telle exigence.
Une action civile peut être engagée, soit par l'Attorney general,
soit par la
Securities and Exchange Commission
(SEC) en vue du
prononcé d'une sanction civile ou afin de mettre l'entreprise en demeure
d'effectuer un acte jugé nécessaire.
Certaines peines complémentaires peuvent être prononcées
contre les entreprises, en particulier l'i
nterdiction
de
bénéficier de licences d'exportation
, qui est une sanction
extrêmement lourde de conséquences puisqu'elle prive l'entreprise
de la possibilité d'obtenir des marchés à
l'étranger.
Toutefois, il est nécessaire de rappeler que, de manière
générale, les Etats-Unis connaissent le système du
"
plea bargaining
", qui permet de plaider coupable
pour obtenir une forte réduction des peines et éviter le
procès. Il est clair que ce système peut être
utilisé en matière de corruption d'agents publics
étrangers par les entreprises qui souhaitent éviter une
procédure publique.
D'après les informations recueillies par votre rapporteur, le nombre de
condamnations prononcées en application du FCPA depuis son entrée
en vigueur il y a 22 ans a été très faible, la peine
d'emprisonnement la plus lourde prononcée ayant été d'un
an.
b) Les autres législations
•
Selon les informations transmises à votre rapporteur, les peines
d'emprisonnement suivantes ont été prévues dans les pays
qui ont transposé la convention de l'O.C.D.E : un an en
Norvège, deux ans en Suède, trois ans en Belgique, en Hongrie, en
Islande, au Japon, cinq ans en Allemagne (dix ans dans quelques cas très
graves), au Canada et en Grèce.
• Le Royaume-Uni a déposé ses instruments de ratification
de la convention en décembre 1998 et semble avoir
considéré dans un premier temps que l'application de la
convention ne nécessitait aucune modification de sa législation.
Actuellement le
Public Bodies Corrupt Practices Act
de 1889 punit de six
mois d'emprisonnement (sept ans en cas de récidive) la corruption des
agents des organismes publics. Le
Prevention of Corruption Act
de 1916
précise la définition des organes publics et y inclut toute
personne morale exerçant une activité statutairement
définie ou d'intérêt général. Il semble que
le Royaume-Uni estime désormais que sa législation doit
être adaptée pour assurer le plein respect de la convention sur la
lutte contre la corruption d'agents publics étrangers.
• En ce qui concerne la législation allemande, il convient de
noter que la mise en cause de la responsabilité des personnes morales
est particulièrement difficile. Elle n'est en effet possible que si un
cadre de très haut niveau de l'entreprise a commis un acte criminel ou
délictueux ; il faut en outre que la personne morale ait
tenté de s'enrichir à travers la commission du délit.
Il résulte de ces éléments d'informations que le
respect du principe d'équivalence fonctionnelle posé par la
convention de l'O.C.D.E est particulièrement difficile à
apprécier et qu'il existe un risque important que le non-respect de ce
principe conduise à des distorsions de concurrence.
Il convient donc d'insister tout particulièrement sur la
nécessité que les travaux du comité de suivi de l'O.C.D.E
soient menés avec la plus grande rigueur et que les pays dont la
législation ne respecterait pas le principe d'équivalence
fonctionnelle soient fermement incités à revoir leurs
dispositions.
Il est indispensable que les représentants de la France au sein du
comité de suivi de l'O.C.D.E soient particulièrement vigilants en
ce qui concerne l'examen des législations de transposition de la
convention.
4. Les risques de contournement
La
dernière difficulté posée par la convention de l'O.C.D.E
réside dans l'insuffisance de son champ d'application.
Il convient tout d'abord de noter qu'elle ne prévoit l'incrimination que
de la corruption active d'agent public étranger et non de la corruption
passive. Cette restriction est juridiquement compréhensible, mais il
paraît clair que des résultats significatifs ne pourront
être obtenus en matière de corruption que si les Etats sont
incités à pénaliser fermement la corruption passive de
leurs agents publics.
Par ailleurs, la convention de l'O.C.D.E ne concerne pas le trafic d'influence,
infraction très proche de la corruption qui perturbe également le
fonctionnement du commerce international. Rappelons que la corruption est le
fait de proposer certains avantages à une personne pour qu'elle
accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, tandis que le
trafic d'influence est le fait de proposer certains avantages à une
personne pour qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée
en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique
des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre
décision favorable.
Enfin, il convient de noter que la convention interdit clairement certaines
pratiques, mais que l'utilisation de moyens complexes utilisant des
sociétés de droit local et le passage par des " centres
offshore " risque de permettre le contournement des stipulations de la
convention. A cet égard, il est souhaitable que la France poursuive
l'action qu'elle a entamé dans les enceintes internationales pour lutter
contre les " centres financiers offshore ", pays ou territoires
offrant des services financiers, sans contrôle ni réglementation
suffisants et souvent dotés d'un secret bancaire très strict.
C. PERMETTRE UNE RÉPRESSION EFFICACE DISSUASIVE ET PROPORTIONNÉE DE LA CORRUPTION ACTIVE D'AGENT PUBLIC ÉTRANGER
•
Afin d'améliorer le dispositif proposé par le projet de loi,
votre commission souhaite que la poursuite et la répression de la
corruption active d'agent public étranger au sens de la convention de
l'O.C.D.E soient confiées au
procureur de la République et au
tribunal correctionnel de Paris
. La corruption passe parfois par des
mécanismes très complexes et il paraît nécessaire
que des magistrats très au fait des mécanismes financiers soient
appelés à connaître de ces comportements. La
répression de la corruption ne pourra être efficace que si elle
est confiée à des juges spécialisés.
L'établissement de la compétence de la juridiction parisienne
pourrait à cet égard permettre une meilleure application de la
convention de l'O.C.D.E.
• Par ailleurs, pour prendre pleinement en compte le principe
d'équivalence fonctionnelle posé par la convention de l'O.C.D.E,
votre commission propose de remplacer la peine de dix ans d'emprisonnement
encourue par les personnes physiques en cas de corruption d'agents publics
étrangers par une peine de
cinq ans d'emprisonnement
. Cette peine
paraît en effet plus conforme à celles prévues par les
autres pays signataires de la convention. De même, votre commission
propose de limiter la liste des peines encourues par les
personnes
morales
. Certaines peines, telles que la fermeture d'établissements
paraissent en effet disproportionnées. En outre, certains pays
signataires de la convention ont un régime de responsabilité des
personnes morales moins rigoureux que celui de la France.
• Enfin, votre commission propose de placer les dispositions transitoires
relatives à l'entrée en vigueur des nouvelles incriminations dans
l'article 2 du projet de loi, qui n'a pas vocation à être
codifié, plutôt que dans de nouveaux articles du code
pénal.
*
* *
Sous réserve de l'ensemble de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(art. 435-1 à 435-4 nouveaux du
code pénal)
Incrimination de la corruption d'agents publics
étrangers,
de fonctionnaires communautaires ou appartenant
aux
autres Etats membres de l'Union européenne
Le
livre IV du code pénal est consacré aux "
crimes et
délits contre la Nation, l'Etat et la paix publique
". Le
titre III de ce livre IV concerne les "
Atteintes à
l'autorité de l'Etat
" et comporte actuellement quatre
chapitres respectivement relatifs aux atteintes à la paix publique, aux
atteintes à l'administration publique commises par des personnes
exerçant une fonction publique, aux atteintes à l'administration
publique commises par des particuliers, enfin aux atteintes à l'action
de justice.
L'article premier du projet de loi a pour objet d'insérer dans le
titre III du livre IV du code pénal un chapitre V
consacré aux "
Atteintes à l'administration publique des
Communautés européennes, des Etats membres de l'Union
européenne, des autres Etats étrangers et des organisations
internationales publiques
".
Ce chapitre comporterait trois sections respectivement relatives à la
corruption passive
, à la
corruption active
, enfin aux
peines complémentaires et à la responsabilité des
personnes morales
. Cet article premier du projet de loi doit permettre la
transposition en droit français de la Convention signée dans le
cadre de l'O.C.D.E relative à la corruption d'agents publics
étrangers dans les transactions commerciales internationales, ainsi que
des conventions signées dans le cadre de l'Union européenne
relatives à la protection des intérêts financiers des
Communautés européennes (Convention du 26 juillet 1995)
et à la lutte contre la corruption (Convention du 26 mai 1997).
L'une des questions qui se posent est celle de savoir si le code pénal,
dans sa rédaction actuelle, ne punit pas d'ores et déjà la
corruption d'agent public étranger ou d'agent public appartenant
à une organisation internationale. L'exposé des motifs du projet
de loi donne clairement une réponse négative à cette
question. Actuellement, la corruption active ou passive figure parmi les
infractions mentionnées dans le livre du code pénal
consacré aux "
crimes et délits contre la Nation, l'Etat
et la paix publique
", ce qui semble exclure les atteintes à
des administrations étrangères ou internationales. Les rares
décisions jurisprudentielles intervenues sous l'empire de l'ancien code
pénal semblent confirmer que le délit de corruption active ou
passive, tel qu'il figure dans le code pénal ne concerne pas les agents
étrangers.
La circulaire du 14 mai 1993 commentant les dispositions de la partie
législative du nouveau code pénal précise que l'expression
"
personne dépositaire de l'autorité publique
"
employée dans les articles du code relatifs à la corruption
"
paraît pouvoir s'appliquer aux fonctionnaires internationaux,
dès lors qu'il leur est reconnu, en application de conventions
internationales des pouvoirs d'autorité ou une mission de service public
sur le territoire français
". Les agents publics d'Etats
étrangers ne sont donc en tout état de cause pas concernés.
Le Gouvernement a choisi de présenter les dispositions
nécessaires pour la transposition dans l'Union européenne et de
la convention de l'O.C.D.E dans une section spécifique. Il aurait
été envisageable de compléter les dispositions existantes
du code pénal sur la corruption active et la corruption passive. Le
Gouvernement a écarté ce choix, d'une part à cause de la
diversité du champ d'application des diverses conventions en
présence, d'autre part pour tenir compte de la spécificité
de certaines notions propres à chacun des traités.
Il convient enfin de signaler que chacune des nouvelles incriminations
renvoie explicitement à la convention à laquelle elle se
rapporte, ce qui constitue une novation dans notre droit pénal
destinée à délimiter de manière précise le
champ de l'infraction.
SECTION 1
De la corruption passive
Le texte proposé pour le chapitre V du titre III du livre IV du code pénal comporterait une section I consacrée à la corruption passive et composée d'un unique article.
Article
435-1 du code pénal
Corruption passive de fonctionnaire
communautaire
ou de fonctionnaire d'un autre Etat membre de l'Union
européenne
Le texte
proposé pour l'article 435-1 nouveau du code pénal tend
à punir de dix ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende
"
le fait par un fonctionnaire communautaire ou un fonctionnaire
national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou par un membre
de la Commission des Communautés européennes, du Parlement
européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des
Communautés européennes de solliciter ou d'agréer, sans
droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des
présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir
d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou
facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat
. "
Plusieurs remarques peuvent être formulées sur la
définition de cette nouvelle infraction.
Le texte proposé fait explicitement référence à la
convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des
fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires
des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le
26 mai 1997. Un souci de "
dissiper toute confusion
" a
guidé ce choix du Gouvernement.
L'expression "
fonctionnaire communautaire
" doit être
entendue dans un sens très large. En effet, le rapport explicatif
concernant la convention du 26 mai 1997
8(
*
)
précise que cette expression vise "
non
seulement les fonctionnaires titulaires des Communautés
européennes stricto sensu, auxquels s'applique le statut des
fonctionnaires des Communautés européennes, mais aussi les
différentes catégories d'agents engagés par contrat au
sens du régime applicable aux autres agents des Communautés
européennes. Ce concept englobe les experts nationaux mis à la
disposition des Communautés européennes pour y exercer des
fonctions équivalentes à celles qu'exercent les fonctionnaires et
autres agents des Communautés européennes
".
Toutes les personnes travaillant dans des organisations de droit communautaire
sont considérées comme des fonctionnaires communautaires au sens
de la Convention. Il en va ainsi du personnel de la Banque européenne
d'investissement, de l'Agence européenne pour l'environnement, de la
Banque centrale européenne...
En ce qui concerne la notion de "
fonctionnaire national d'un autre
Etat membre
", le rapport explicatif concernant la convention du
26 mai 1997 indique que l'acception du droit pénal du pays
d'origine du fonctionnaire national est privilégiée.
Les éléments constitutifs de l'infraction ont été
calqués sur les éléments d'ores et déjà
prévus par l'article 432-11 du code pénal relatif à
la corruption passive. Ces éléments prennent pleinement en
considération l'ensemble des exigences posées par la convention
du 26 mai 1997, laquelle définit la corruption passive comme
"
le fait intentionnel, pour un fonctionnaire, directement ou par
interposition de tiers, de solliciter ou de recevoir des avantages de quelque
nature que ce soit, pour lui même ou pour un tiers, ou d'en accepter la
promesse, pour accomplir ou ne pas accomplir, de façon certaine à
ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte dans l'exercice de sa
fonction
".
Seul l'élément intentionnel n'est pas repris dans la
définition proposée par le projet de loi, mais il résulte
de l'article 121-3 du code pénal qu'il n'est pas de délit
sans intention de le commettre.
Les pénalités sont les mêmes que celles prévues par
l'article 432-11 du code pénal relatif à la corruption
passive et au trafic d'influence commis par des personnes dépositaires
de l'autorité publique ou exerçant une mission de service public.
Rappelons à cet égard que, dans un arrêt de 1989
9(
*
)
, la Cour de justice des Communautés
européennes à considéré que les Etats membres
"
doivent notamment veiller à ce que les violations du droit
communautaire soient sanctionnées dans des conditions, de fond et de
procédure, qui soient analogues à celles applicables aux
violations du droit national d'une nature et d'une importance similaires et
qui, en tout état de cause, confèrent à la sanction un
caractère effectif, proportionné et dissuasif
".
Le rapport explicatif de la convention précise que les Etats membres
disposent d'une certaine marge d'appréciation, mais le Gouvernement a
choisi de prévoir des peines rigoureusement identiques pour la
corruption d'agents nationaux et la corruption des fonctionnaires
communautaires ou de fonctionnaires d'autres Etats membres de l'Union
européenne.
Le second alinéa du texte proposé pour l'article 435-1 du
code pénal prévoit que les dispositions de cet article entreront
en vigueur le jour de l'entrée en vigueur de la convention du
26 mai 1997 sur la corruption signée dans le cadre de l'Union
européenne. Le Parlement a autorisé la ratification de cette
convention au printemps 1999, mais le Gouvernement n'a pas
déposé les instruments de ratification de la Convention dans
l'attente de l'adoption du présent projet de loi.
Ce choix paraît judicieux, dans la mesure où il est
préférable que la convention et la loi de transposition n'entrent
pas en vigueur de manière décalée dans le temps. Votre
commission estime cependant qu'il est inutile de prévoir au sein du code
pénal lui-même une disposition transitoire telle que celle qui est
proposée. Votre commission vous soumet donc un
amendement
de
suppression du second alinéa du texte proposé pour
l'article 435-1 du code pénal et proposer le rétablissement
de cette disposition transitoire à l'article 2 du projet de loi,
lequel n'a pas vocation à être codifié.
SECTION 2
De la corruption active
Le texte proposé pour le chapitre V nouveau du titre III du livre IV du code pénal comporte une section 2 relative à la corruption active et composée de trois articles numérotés 435-2 à 435-4.
Article
435-2 du code pénal
Corruption active de fonctionnaire
communautaire
ou de fonctionnaire d'un autre Etat membre de l'Union
européenne
Le texte
proposé pour cet article est le pendant du texte proposé pour
l'article 435-1, puisqu'il tend à punir la corruption active de
fonctionnaire communautaire ou de fonctionnaire d'un Etat membre de l'Union
européenne autre que la France.
Le nouvel article 435-2 vise le corrupteur alors que le texte proposé
pour l'article 435-1 visait la personne corrompue.
Serait puni de dix ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende
"
le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des
offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages
quelconques pour obtenir d'un fonctionnaire communautaire ou d'un fonctionnaire
national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un membre de
la Commission des Communautés européennes, du Parlement
européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des
Communautés européennes qu'il accomplisse ou s'abstienne
d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou
facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat
".
Le deuxième alinéa du texte proposé pour
l'article 435-2 du code pénal tend à punir des mêmes
peines "
le fait de céder à une des personnes
précédemment mentionnées qui sollicite des promesses,
dons, présents ou avantages pour accomplir ou ne pas accomplir un acte
de sa fonction
".
Ainsi, comme pour la corruption passive, la définition de la corruption
active de fonctionnaire communautaire ou de fonctionnaire d'un autre Etat
membre de l'Union européenne que la France est exactement la même
que la définition de la corruption active d'une personne
dépositaire de l'autorité publique (article 433-1 du code
pénal).
Cette définition paraît respecter pleinement celle de la
convention du 26 mai 1997, au sens de laquelle la corruption active
est "
le fait intentionnel, pour quiconque, de promettre ou de donner,
directement ou par interposition de tiers, un avantage de quelque nature que ce
soit, à un fonctionnaire, pour lui-même ou pour un tiers, pour
qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir, de façon certaine à
ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte dans l'exercice de sa
fonction
".
Le troisième alinéa du texte proposé pour
l'article 435-2 prévoit que ses dispositions entreront en vigueur
le jour de l'entrée en vigueur de la convention du 26 mai 1998
relative à la corruption. Conformément à la
décision prise à propos de l'article 435-1, votre commission
vous soumet un
amendement
de suppression de cet alinéa pour le
transférer dans l'article 2.
Article 435-3
Corruption active d'agents
publics
étrangers
ou appartenant à des organisations internationales
autres que les Communautés européennes
Le texte
proposé pour l'article 435-3 du code pénal tend à
transposer la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics
étrangers dans les transactions commerciales internationales
signée dans le cadre de l'O.C.D.E le 17 décembre 1997.
Comme pour la convention signée dans le cadre de l'Union
européenne, le texte proposé fait directement
référence à la convention qu'il tend à transposer.
Le texte proposé tend à punir de dix ans d'emprisonnement et de
1.000.000 F d'amende le fait de proposer sans droit, directement ou
indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des
avantages quelconques pour obtenir "
d'une personne dépositaire
de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public,
ou investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou
au sein d'une organisation internationale publique, qu'elle accomplisse ou
s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat
ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir
ou de conserver un marché ou un autre avantage inclus dans le commerce
international
".
A nouveau, l'incrimination proposée est très proche de celle
d'ores et déjà prévue pour la corruption de fonctionnaires
nationaux. Ainsi, la référence aux personnes dépositaires
de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public
ou investies d'un mandat électif public est directement reprise de
l'article 433-1 du code pénal, qui incrimine la corruption active.
La convention de l'O.C.D.E fait pour sa part référence à
la notion d'"
agent public étranger
"
qui
désigne "
toute personne qui détient un mandat
législatif, administratif ou judiciaire dans un pays étranger,
qu'elle ait été nommée ou élue, toute personne
exerçant une fonction publique pour un pays étranger, y compris
pour une entreprise ou un organisme public, et tout fonctionnaire ou agent
d'une organisation internationale publique "
.
Le texte proposé pour l'article 435-3 tend à transposer de
manière complète le texte de la convention. Ainsi, la notion de
personne dépositaire de l'autorité publique désigne
"
les personnes qui exercent une fonction d'autorité, que cette
autorité soit de nature administrative, juridictionnelle ou
militaire
" (circulaire du 14 mai 1993 commentant la partie
législative du nouveau code pénal).
Le droit français comportant une infraction spécifique de
corruption de magistrat, de juré et d'autres personnes ayant une
fonction judiciaire, le Gouvernement a cependant choisi de faire un sort
particulier à cette catégorie d'agents publics étrangers
qui font l'objet du texte proposé pour l'article 435-4 du code
pénal.
En ce qui concerne les éléments constitutifs de l'infraction, le
texte proposé est identique à l'article 433-1 du code
pénal. Le texte proposé incrimine en effet "
le fait de
proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses,
des dons ou des avantages quelconques
". Cette expression paraît
réaliser une transposition très complète de la convention
du 17 décembre 1997 qui invite chaque Etat partie à
punir "
le fait intentionnel, pour toute personne, d'offrir, de
promettre ou d'octroyer un avantage indu pécuniaire ou autre,
directement ou par des intermédiaires
".
Le but de l'infraction est défini de manière presque identique
dans le texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal et
dans le texte de la convention. Le texte proposé précise que la
proposition est faite à la personne concernée pour obtenir
"
qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa
fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa
mission ou son mandat "
. La convention évoque le fait que
l'agent étranger "
agisse ou s'abstienne d'agir dans
l'exécution de fonctions officielles
".
Enfin, il convient de noter que la nouvelle infraction comporte un
élément spécifique par rapport à la
définition actuelle de la corruption active dans le code pénal.
Le texte proposé ne concerne en effet que la corruption d'un agent
public étranger "
en vue d'obtenir ou de conserver un
marché ou un autre avantage indu dans le commerce
international "
. Cette expression est directement reprise de
l'article premier de la convention du 17 décembre 1997.
Les commentaires de la Convention apportent des éclairages
intéressants et importants sur ce dernier élément
constitutif de l'infraction.
Ainsi, par
" autre avantage indu
", il faut entendre
"
un avantage qu'une entreprise n'aurait clairement pas dû
recevoir, par exemple l'autorisation d'exercer une activité pour une
usine ne remplissant pas les conditions réglementaires
".
Les commentaires de la convention précisent en outre qu'il y a
infraction indépendamment "
de la valeur de l'avantage ou de son
résultat, de l'idée qu'on peut se faire des usages locaux, de la
tolérance de ces paiements par les autorités
légales "
.
En revanche, l'infraction n'est pas constituée "
lorsque
l'avantage est permis ou requis par la loi ou la réglementation
écrites du pays de l'agent public étranger, y compris la
jurisprudence
".
Surtout, les commentaires de la convention précisent que "
les
petits paiements dits de " facilitation " ne constituent pas des
paiements " en vue d'obtenir ou de conserver un marché ou un autre
avantage indu (...) et, en conséquence, ils ne constituent pas une
infraction (...)
". Il est possible de se demander si cette
dernière précision ne devrait pas être explicitement
inscrite dans l'article du code pénal créant l'infraction de
corruption d'agent public étranger. On peut toutefois estimer que les
magistrats appelés à appliquer la nouvelle infraction seront
nécessairement conduits à se reporter à la convention,
à laquelle le texte proposé pour l'article 435-3 du code
pénal fait explicitement référence.
Votre commission estime cependant souhaitable que des orientations
générales de politique pénale du garde des Sceaux
rappellent que ces paiements "
de facilitation
" sont exclus
du champ d'application de la nouvelle incrimination.
En ce qui concerne les peines prévues, votre commission vous soumet un
amendement
les réduisant à cinq ans d'emprisonnement et
à 1.000.000 F d'amende. La convention de l'O.C.D.E prévoit
certes que l'éventail des sanctions applicables à la corruption
d'agent public étranger doit être comparable aux sanctions
applicables à la corruption d'agents nationaux, mais elle a
également pour objectif d'assurer l'équivalence fonctionnelle
entre les mesures prises par les Etats parties. Or, d'après les
informations recueillies par votre rapporteur, les peines prévues par
les pays ayant déjà transposé la convention ne
dépassent pas cinq ans d'emprisonnement.
Il serait donc paradoxal que
la France et elle seule punisse la corruption d'agent public étranger de
peines deux fois supérieur à celles prévues par ses
partenaires.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour
l'article 435-3 tend à punir des mêmes peines le fait de
céder à l'une des personnes précédemment
énumérées qui sollicite des offres, promesses, dons,
présents ou avantages pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte
de sa fonction ou un acte facilité par sa fonction.
Le troisième alinéa prévoit que les dispositions de
l'article 435-3 entreront en vigueur le jour de l'entrée en vigueur
de la convention du 17 décembre 1997. Conformément aux
décisions prises à propos des article 435-1 et 435-2, votre
commission vous soumet un
amendement
de suppression de cette disposition
qu'elle vous propose de faire figurer à l'article 2.
Enfin, le dernier alinéa du texte proposé prévoit que la
poursuite des délits visés dans l'article ne peut être
exercée qu'à la requête du ministère public.
Ainsi, le projet de loi tend à exclure la constitution de partie civile
en matière de corruption d'agent public étranger. Il convient de
rappeler qu'en tout état de cause, l'article 113-8 du code
pénal prévoit que la poursuite des délits commis par un
Français hors du territoire de la République ne peut être
exercée qu'à la requête du ministère public.
Par ailleurs, l'exposé des motifs du projet de loi précise que
"
lorsqu'une partie au moins de ces faits a eu lieu sur le territoire
national, la mise en mouvement de l'action publique par une entreprise
concurrente, par exemple, n'aurait, en tout état de cause, pas
été possible. En effet, comme l'indique l'intitulé du
chapitre V, l'incrimination a pour but de protéger les atteintes
portées à l'administration publique d'Etats étrangers ou
d'organisations internationales publiques. La commission de l'infraction ne
cause donc directement aucun préjudice personnel à une entreprise
concurrente
".
Le Gouvernement propose donc d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la
poursuite est réservée au ministère public dans un souci
de sécurité juridique.
L'insertion de cette disposition dans le projet de loi mérite
d'être approuvée. Même en l'absence de condamnation, une
plainte avec constitution de partie civile déposée par un
concurrent évincé d'un marché peut être
profondément déstabilisante pour une entreprise et l'on ne peut
exclure a priori que certaines de ces plaintes ne soient jugées
recevables en l'absence d'une disposition explicite.
Il paraît au demeurant justifié de réserver au
ministère public le monopole de l'engagement des poursuites. Rappelons
que peu de pays connaissent le système de la constitution de partie
civile tel qu'il existe en France.
Il convient toutefois de noter que cette disposition n'est prévue que
pour les infractions destinées à permettre l'application de la
convention du 17 octobre 1997 signée dans le cadre de
l'O.C.D.E et non pour les infractions destinées à permettre
l'application des conventions signées dans le cadre de l'Union
européenne. Une telle différence peut toutefois être
justifiée par le fait que les conventions signées dans le cadre
de l'Union européenne prévoient un principe
d' "
assimilation
" entre le traitement
réservé aux nationaux et celui réservé aux
fonctionnaires de la Communauté.
Article
435-4 du code pénal
Corruption de magistrat dans un Etat
étranger
ou une organisation internationale publique
La
convention du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la
corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales invite notamment les Etats à punir la corruption de
personnes détenant un mandat judiciaire. Or, cette notion ne
paraît pas couverte par le texte proposé pour
l'article 435-3, qui fait référence, conformément aux
dispositions sur la corruption déjà inscrites à
l'article 433-1 du code pénal aux personnes dépositaires de
l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou
titulaires d'un mandat électif public.
En effet, l'article 434-9 du code pénal incrimine
spécifiquement la corruption, au niveau interne, de magistrats ou
d'autres personnes exerçant une fonction judiciaire.
Le texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal a donc
pour objet d'incriminer la corruption active de personnes détenant un
mandat judiciaire au sens de la convention. Le Gouvernement a choisi de
reprendre les éléments constitutifs de l'infraction de corruption
active de magistrat prévue à l'article 434-9 du code
pénal. Les personnes visées seraient donc "
un magistrat,
un juré ou toute autre personne siégeant dans une formation
juridictionnelle, un arbitre ou un expert nommé soit par une
juridiction, soit par les parties, ou une personne chargée par
l'autorité judiciaire d'une mission de conciliation ou de
médiation
".
Comme pour les infractions précédentes, serait puni le fait de
proposer des offres, promesses ou dons afin d'obtenir d'une des personnes
énumérées qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir
un acte de sa fonction, mais aussi le fait de céder aux sollicitations
d'une de ces personnes.
Comme pour la corruption de personne dépositaire de l'autorité
publique prévue dans le texte proposé pour l'article 435-3,
le but de l'infraction serait "
d'obtenir ou conserver un marché
ou un autre avantage indu dans le commerce international
", expression
directement reprise de la convention signée dans le cadre de l'O.C.D.E.
Votre commission, par coordination avec les décisions prises aux
articles précédents vous propose, par un
amendement
, de
ramener les peines prévues à cinq ans d'emprisonnement et
à 1.000.000 F d'amende et de remanier la rédaction de cet
article, afin qu'il soit en harmonie avec celle proposée pour les
articles 435-2 et 435-3 nouveaux du code pénal.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour
l'article 435-4 du code pénal prévoit que l'incrimination
prévue par cet article entrera en vigueur le jour de l'entrée en
vigueur de la convention à laquelle il fait référence. Par
coordination avec les décisions prises à propos des articles
précédents, votre commission vous propose de supprimer cet
alinéa qui sera repris à l'article 2.
Enfin, le dernier alinéa du texte proposé prévoit que la
poursuite des délits visés dans l'article ne peut être
exercée qu'à la requête du ministère public. Pour
les raisons exposées à propos du texte proposé pour
l'article 435-3 du code pénal, cette disposition mérite
d'être approuvée.
SECTION 3
Peines complémentaires et
responsabilité des personnes morales
Article 435-5 du code pénal
Peines complémentaires
encourues par les personnes physiques
Le texte
proposé pour l'article 435-5 énumère les peines
complémentaires encourues par les personnes coupables d'une des
infractions que tendent à créer les articles 435-1 à
435-4 nouveaux du code pénal.
Les peines prévues sont les suivantes :
- l'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
- l'interdiction pour une durée de cinq ans ou plus, d'exercer une
fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale
dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a
été commise ;
- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée ;
- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée
à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à
l'exception des objets susceptibles de restitution. Il convient de noter que
la confiscation du produit de l'infraction n'est actuellement pas
prévue pour l'application de l'article 433-1 du code pénal
relatif à la corruption active de fonctionnaire national
. Cependant,
la convention du 17 décembre 1997 signée dans le cadre
de l'O.C.D.E prévoit explicitement dans son article 3 que
"
chaque partie prend les mesures nécessaires pour assurer que
l'instrument et les produits de la corruption d'un agent public étranger
ou des avoirs d'une valeur équivalente à celle de ces produits
puissent faire l'objet d'une saisie et d'une confiscation ou que des sanctions
pécuniaires d'un effet comparable soient prévues
". Le
projet de loi prévoit donc la confiscation de la chose qui a servi
à commettre l'infraction comme peine complémentaire applicable
aux personnes physiques.
Enfin, le texte proposé par l'article 435-5 prévoit que
l'interdiction du territoire français peut être prononcée
dans les conditions prévues par l'article 131-30 du code
pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée
de dix ans au plus à l'encontre de tout étranger coupable d'une
des infractions que tend à créer le projet de loi.
Article
435-6 du code pénal
Responsabilité pénale des
personnes morales
L'article 2 de la convention sur la lutte contre la
corruption
d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales prévoit que "
chaque partie prend les mesures
nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour
établir la responsabilité des personnes morales en cas de
corruption d'un agent public étranger
".
Dans la mesure où la législation française prévoit,
depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, la
responsabilité pénale des personnes morales, il est normal que
celle-ci soit prévue pour les nouvelles infractions que tend à
créer le projet de loi.
Le texte proposé pour l'article 435-6 du code pénal comporte
une
liste des peines applicables aux personnes morales exactement identique
à celle qui prévaut en matière de corruption d'un
fonctionnaire national
. Les personnes morales encourraient donc :
- l'amende (le montant maximal possible étant de 5 millions de
francs) ;
- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée
à commettre l'infraction ;
- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée.
Surtout, les personnes morales pourraient se voir infliger, pour une
durée de cinq ans ou plus ;
- l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans laquelle
ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a
été commise ;
- le placement sous surveillance judiciaire ;
- la fermeture des établissements ou de l'un des
établissements ayant servi à commettre les faits
incriminés ;
- l'exclusion des marchés publics ;
- l'interdiction de faire appel public à l'épargne ;
- l'interdiction d'émettre des chèques.
L'énumération de ces dernières peines suscite quelques
interrogations. Il est possible de se demander si elles ne sont pas
disproportionnées par rapport à l'infraction commise et si elles
ne poseraient pas certaines difficultés juridiques. Des tribunaux
français pourraient-ils imposer la fermeture d'établissements
situés hors du territoire de la République ?
Par ailleurs, il est indispensable de rappeler que certains pays signataires de
la convention de l'O.C.D.E ne connaissent pas la responsabilité
pénale des personnes morales. A cet égard, la convention
prévoit que si dans le système juridique d'une partie, la
responsabilité pénale n'est pas applicable aux personnes morales,
cette Partie fait en sorte que les personnes morales soient passibles de
sanctions non pénales efficaces, proportionnées et dissuasives.
La convention a notamment pour objet d' "
assurer
l'équivalence entre les mesures que doivent prendre les
parties
". Afin de préserver cette équivalence
nécessaire, votre commission vous soumet un
amendement
tendant
à limiter les peines encourues par les personnes morales à
l'amende, la confiscation, l'affichage de la décision et au placement
sous surveillance judiciaire.
Votre commission vous propose d'adopter l'article premier
ainsi
modifié
.
Article 2
Non-rétroactivité de
la
loi pénale plus sévère
L'article 2 du projet de loi prévoit que les quatre
infractions nouvelles que tend à créer le projet de loi
ne
s'appliquent pas aux faits commis à l'occasion des contrats
signés antérieurement à l'entrée en vigueur de la
convention visée par ces articles.
Cet article a donc pour objet de permettre l'application aux nouvelles
infractions du principe de non rétroactivité de la loi
pénale plus sévère. Rappelons que l'article 8 de la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit que
"
nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et
promulguée antérieurement au délit
".
De même, l'article 7§1 de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme dispose que "
nul ne peut être
condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a
été commise, ne constituait pas une infraction d'après le
droit national ou international. De même, il n'est infligé aucune
peine plus forte que celle qui était applicable au moment où
l'infraction a été commise
".
Le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus
sévère est de valeur constitutionnelle, comme l'a affirmé
à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel. Ainsi, dans sa
décision du 3 septembre 1986, il a censuré par une
réserve d'interprétation, certaines des dispositions de la loi du
9 septembre 1986 relative à la lutte contre la
criminalité, afin que la période de sûreté de trente
ans créée par cette loi ne puisse être appliquée
à des infractions commises avant son entrée en vigueur.
Il est possible de se demander si l'article 2 du projet de loi est
indispensable, dans la mesure où l'article 112-1 du code
pénal prévoit déjà de manière
générale que
" sont seuls punissables les faits
constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont
été commis. Peuvent seules être prononcées les
peines légalement applicables à la même date
".
Toutefois, il convient de noter que, naturellement, pour savoir si une
infraction tombe sous le corps de la nouvelle loi plus sévère, il
est nécessaire de déterminer le moment de sa réalisation.
Or, si cette détermination est aisée dans le cas d'infractions
"
instantanées "
, elle est beaucoup plus difficile pour
les infractions dont la réalisation s'étend sur une certaine
durée.
Dans ce cas, il convient de savoir si tout acte constitutif de l'infraction
commis après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi suffit
à écarter le principe de non rétroactivité de la
loi pénale plus sévère.
Dans le cas des contrats passés dans le cadre du commerce international,
certaines commissions peuvent être versées longtemps après
la signature du contrat tout en n'étant que la conséquence de
celui-ci. Il est donc justifié de prévoir que les nouvelles
incriminations ne s'appliquent pas aux actes accomplis pour l'exécution
de contrats signés antérieurement à l'entrée en
vigueur des conventions. Il résulterait de l'absence d'une telle clause
dans le projet de loi une grande insécurité juridique pour les
entreprises ayant souscrit des contrats avant l'entrée en vigueur des
nouvelles dispositions pénales.
Dans un souci de clarté, votre commission vous soumet un
amendement
tendant à préciser que la date d'entrée
en vigueur des conventions évoquée dans cet article est celle de
l'entrée en vigueur sur le territoire de la République. En effet,
la convention du 17 décembre 1997 signée dans le cadre
de l'O.C.D.E est entrée en vigueur pour un certain nombre de pays
l'ayant ratifiée le 15 février dernier. Il convient
donc d'éviter toute ambiguïté entre la date de
l'entrée en vigueur et celle de l'entrée en vigueur sur le
territoire de la République, qui ne pourra intervenir que lorsque la
France aura déposé ses instruments de ratification.
Par ailleurs, votre commission vous soumet un
amendement
complétant cet article pour prévoir que les nouvelles
incriminations ainsi que l'article du code de procédure pénale
établissent la compétence des juridictions françaises
entreront en vigueur le jour de l'entrée en vigueur des conventions
auxquelles ils font référence. Le projet de loi prévoit en
effet d'insérer une clause de ce type dans chacun des nouveaux articles
du code pénal et du code de procédure pénale. Votre
commission considère qu'il n'est pas de bonne technique
législative de codifier des dispositions par nature transitoires qu'elle
vous a proposé en conséquence de supprimer à l'article
premier et qu'elle vous propose de rétablir au présent article.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2
ainsi
modifié
.
Article 3
(article 689-8 nouveau du code de
procédure pénale)
Compétence universelle des
juridictions françaises
L'article 113-2 du code pénal prévoit que
"
la loi pénale française est applicable à toutes
les infractions commises sur le territoire de la République "
.
En principe, les infractions commises hors du territoire de la
République échappent aux juridictions françaises.
Toutefois, l'article 113-6 du code pénal prévoit que la loi
française est applicable pour les crimes et les délits commis
à l'étranger par un Français. En ce qui concerne les
délits, la loi pénale française ne s'applique que
"
si les faits sont punis par la législation du pays où
ils ont été commis
". Par ailleurs, selon
l'article 113-7 du code pénal "
la loi pénale
française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout
délit puni d'emprisonnement, commis par un Français ou par un
étranger hors du territoire de la République lorsque la victime
est de nationalité française au moment de
l'infraction
".
En outre, certaines infractions portant atteinte à des
intérêts supérieurs sont également soumises à
la loi pénale française, même lorsqu'elles sont commises
à l'étranger (article 113-10 du code pénal).
Enfin, dans certains cas, les juridictions françaises
bénéficient d'une compétence universelle par l'effet de
conventions internationales. Le système de la compétence
universelle "
donne vocation à juger une infraction aux tribunaux de
l'Etat sur le territoire duquel le délinquant a été
arrêté ou se trouve même passagèrement, quel que soit
le lieu de commission de l'infraction et quelles que soient les
nationalités de l'auteur et de la victime "
10(
*
)
. Les articles 689-2 à 689-7 du code
de procédure pénale prévoient déjà des cas
de compétence universelle des juridictions françaises, par
exemple pour l'application de la convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
L'article 3 du projet de loi tend à introduire un nouveau cas de
compétence universelle pour l'application du protocole du
27 septembre 1996 à la convention relative à la
protection des intérêts financiers des Communautés et de la
convention du 26 mai 1997 relative à la lutte contre la
corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés
européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union
européenne.
Ces deux engagements internationaux imposent aux Etats parties
d'établir leur compétence dans certains cas où
l'application des principes généraux du droit pénal
français ne permet pas d'être sûr de la compétence
des juridictions françaises
.
Ainsi, l'article 6 du protocole du 27 septembre 1996 et
l'article 7 de la convention du 26 mai 1997 imposent aux Etats
d'établir leur compétence dans les cas où :
- l'auteur de l'infraction est un de leurs ressortissants ou un de leurs
fonctionnaires ;
- l'infraction est commise à l'encontre d'un de leurs
ressortissants, fonctionnaire européen ou national, ou membre d'une
institution ou organisation communautaire ;
- l'auteur de l'infraction est un fonctionnaire communautaire au service
d'une institution des Communautés européennes ou d'un organisme
créé conformément aux traités instituant les
Communautés européennes et ayant son siège dans l'Etat
membre concerné.
Pour permettre l'application de ces stipulations, l'article 3 du projet de
loi tend à insérer un article 689-8 dans le code de
procédure pénale afin de prévoir la compétence des
juridictions françaises à l'égard de :
- tout fonctionnaire communautaire au service d'une institution des
Communautés européennes ou d'un organisme créé
conformément aux traités instituant les Communautés
européennes et
ayant son siège en France
, coupable du
nouveau délit de corruption passive (article 435-1 du code
pénal) ou d'une infraction portant atteinte aux intérêts
financiers des Communautés européennes. L'hypothèse ici
visée selon l'exposé des motifs du projet de loi est celle d'une
infraction commise hors du territoire de l'Union par un fonctionnaire
européen ou ressortissant d'un Etat membre
;
- tout Français ou toute personne appartenant à la fonction
publique française coupable d'un des nouveaux délits de
corruption passive (article 435-1 du code pénal) ou active
(article 435-2 du code pénal) ou d'une infraction portant atteinte
aux intérêts financiers des Communautés
européennes ;
- enfin, toute personne coupable du nouveau délit de corruption
active (article 435-2 du code pénal) ou d'une infraction portant
atteinte aux intérêts financiers des Communautés
européennes lorsque ces infractions sont commises à l'encontre
d'un ressortissant français.
Cet article permet donc d'établir la compétence des juridictions
françaises en dehors de toute condition de réciprocité et
ne concernera donc que des
infractions commises entièrement hors du
territoire de l'Union
européenne
. En effet, le protocole et
la convention visés dans le texte proposé pour
l'article 689-8 du code de procédure pénale n'entreront en
vigueur que lorsque tous les Etats membres les auront ratifiés, de sorte
qu'à l'intérieur de l'Union, la condition de
réciprocité sera toujours satisfaite.
Conformément aux décisions prises à l'article premier
et à l'article 2, votre commission vous soumet un
amendement
supprimant le dernier alinéa de cet article qui tend à
prévoir son entrée en vigueur le jour de l'entrée en
vigueur des conventions auxquelles il fait référence.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 3
ainsi
modifié.
Article additionnel après
l'article 3
Compétence du procureur et des juridictions
de Paris
pour la corruption active d'agents publics étrangers
La
corruption dans le commerce international est souvent extrêmement
difficile à déceler, compte tenu des mécanismes de plus en
plus complexes qui sont utilisés. La création dans notre code
pénal d'une incrimination de ces comportements ne pourra être
réellement efficace que si des magistrats très
spécialisés en matière financière sont
chargés de ces dossiers.
Par ailleurs, dans une telle matière, il paraît souhaitable que
l'action publique soit exercée de manière cohérente sur
l'ensemble du territoire. Le projet de loi prévoit certes une
compétence concurrente entre les juridictions territorialement
compétentes et les juridictions spécialisées en
matière économique et financière dans le ressort de chaque
cour d'appel mais cette précaution est apparue insuffisante à
votre commission. En effet, malgré le développement récent
de quelques pôles économiques et financiers, peu de juridictions
paraissent aujourd'hui dotées des moyens nécessaires pour lutter
efficacement contre des infractions financières d'une grande
complexité.
Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un article additionnel,
de prévoir une
compétence concurrente de la juridiction
parisienne et de la juridiction territorialement compétente
. Un tel
système, qui existe déjà dans notre procédure
pénale pour la poursuite, l'instruction et le jugement des affaires de
terrorisme, pourrait permettre que les affaires de corruption internationale
soient traitées par la juridiction qui dispose aujourd'hui des moyens
les plus importants pour faire face à ce type d'infractions. En outre,
la cohérence de l'action publique dans une matière très
sensible pourrait être plus sûrement assurée grâce
à cette compétence de la juridiction parisienne.
Naturellement, il sera possible de reconsidérer cette compétence
de la juridiction parisienne si les pôles économiques et
financiers promus par Mme le garde des sceaux se développaient de
manière telle qu'il existe une certitude que, sur tout le territoire de
la République, les infractions souvent complexes de corruption dans les
contrats internationaux soient confiées à des magistrats
disposant d'une formation adéquate.
Il convient enfin de rappeler que d'ores et déjà, pour l'ensemble
des infractions, l'article 693 du code de procédure pénale
prévoit un certain nombre de critères pour la
détermination de la juridiction compétente (le lieu de
résidence du prévenu, le lieu où il est trouvé, le
lieu de résidence de la victime...) et que lorsque ces critères
ne peuvent recevoir application,
la juridiction compétente est celle
de Paris sauf décision contraire de la Cour de cassation.
Article 4
Compétence des tribunaux
correctionnels
en matière économique et financière
L'article 704 du code de procédure pénale
prévoit qu'un certain nombre de délits, en particulier la
corruption et le trafic d'influence, qu'ils soient actifs ou passifs, ainsi que
les délits prévus par la loi de 1966 sur les
sociétés commerciales relèvent de la compétence des
tribunaux correctionnels spécialisés en matière
économique et financière.
La loi n° 94-89 du 1
er
février 1994,
qui a modifié le système antérieur établi par la
loi du 6 août 1975, a prévu, pour toutes les infractions
énumérées à l'article 704 du code de
procédure pénale, une compétence territoriale concurrente
entre la juridiction correctionnelle de droit commun et une juridiction
correctionnelle spécialisée en matière économique
et financière (dont l'existence est prévue par l'article 705
du code de procédure pénale). Ainsi, lorsque la complexité
d'une affaire paraît l'exiger, le procureur territorialement
compétent peut saisir la juridiction spécialisée
plutôt que la juridiction de son ressort.
L'article 4 du projet de loi tend à
inclure parmi les
délits relevant de la compétence des juridictions
correctionnelles spécialisées les nouvelles infractions
prévues par le projet de loi
, en particulier la corruption active
d'agent public étranger.
De fait, les contrats passés dans le cadre du commerce international
peuvent être d'une grande complexité et il paraît
nécessaire que les magistrats appelés à connaître de
plaintes sur ces dossiers aient une maîtrise réelle de ces
questions. Une entreprise peut être gravement déstabilisée
par une procédure lancée contre ses dirigeants et l'intervention
plusieurs années plus tard d'une relaxe ou d'un non-lieu ne peut
réparer les effets d'une mise en examen susceptible de ruiner la
crédibilité de l'entreprise.
La question qui se pose est celle de savoir si la précaution
prévue à cet article est suffisante pour que les affaires de
corruption dans le commerce international soient traitées par des
magistrats au fait de mécanismes financiers très complexes. En ce
qui concerne la corruption active d'agents publics étrangers, votre
commission a préféré prévoir la compétence
de la juridiction parisienne, de manière à faire en sorte que la
cohérence de l'action publique soit préservée et que cette
infraction soit poursuivie et jugée par la juridiction aujourd'hui la
mieux armée en matière économique et financière.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à exclure du
champ d'application de cet article les articles 435-3 et 435-4 nouveaux du
code pénal, relatifs à la corruption d'agents publics
étrangers, conformément à sa proposition de soumettre ces
infractions à la juridiction parisienne. En revanche, elle accepte
naturellement que les infractions de corruption passive ou active de
fonctionnaire communautaire ou de fonctionnaire d'un Etat membre de l'Union
européenne relèvent de la compétence des juridictions
spécialisées en matière économique et
financière.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4
ainsi
modifié.
Article 5
Applicabilité en
Nouvelle-Calédonie,
dans les territoires d'outre-mer et à
Mayotte
Cet
article prévoit l'applicabilité de la loi en
Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la
collectivité territoriale de Mayotte. Pour tenir compte du fait que la
Polynésie française ne sera bientôt plus un territoire
d'outre-mer, votre commission vous soumet, comme elle l'a déjà
fait pour plusieurs autres projets de loi, un
amendement
tendant
à remplacer la référence aux territoires d'outre-mer par
une référence à la Polynésie française et
aux îles Wallis-et-Futuna.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5
ainsi
modifié
.
*
Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
ANNEXE
ETUDE D'IMPACT
MINISTERE DE LA JUSTICE
AVANTAGES ATTENDUS DU PROJET DE LOI
Le
projet de loi a pour but de permettre à la France de satisfaire aux
engagements internationaux souscrits au cours des trois dernières
années et destinés à renforcer l'efficacité de la
lutte contre la corruption et les fraudes communautaires.
Il ne crée de nouvelles dispositions pénales que dans la mesure
strictement nécessaire à l'application des traités
signés, et ses dispositions n'entreront en vigueur qu'au moment
où ces traités entreront eux-mêmes en vigueur.
Il en résultera que la corruption de fonctionnaires communautaires et
étrangers, et personnes assimilées, sera désormais
réprimée en droit français, suivant des modalités
diverses selon qu'elle impliquera ou non des ressortissants des pays membres de
l'Union européenne.
Il en est attendu la création de moyens juridiques nouveaux pour assurer
d'une part la protection des intérêts financiers des
communautés européennes, d'autre part la transparence et la
loyauté des transactions commerciales internationales.
IMPACT SUR L'EMPLOI
Néant
IMPACT SUR D'AUTRES INTÉRÊTS GÉNÉRAUX
L'impact
des nouvelles dispositions sur la concurrence dans le cadre du commerce
international et donc sur l'activité des entreprises françaises
exportatrices est difficile à prévoir.
Les traités ont été négociés dans le but de
soumettre l'ensemble des pays signataires à une application concordante
d'engagements contraignants similaires, dont le projet de loi ne constitue que
la stricte adaptation.
INCIDENCES FINANCIÈRES
Néant, aucun accroissement massif du contentieux ne paraissant devoir
être envisagé.
IMPACT EN TERMES DE FORMALITÉS ADMINISTRATIVES
Néant.
CONSÉQUENCES SUR LA COMPLEXITÉ DE L'ORDONNANCEMENT
JURIDIQUE
Le projet de loi crée dans le code pénal un nouveau chapitre
comprenant six articles : quatre articles d'incrimination ; deux articles
relatifs aux peines applicables.
Il crée un nouvel article dans le code de procédure
pénale, aux fins d'établir une nouvelle règle de
compétence des juridictions françaises.
L'impact sur l'ordonnancement juridique est donc limité.
INCIDENCES INDIRECTES OU INVOLONTAIRES
Elles ont été évoquées dans l'étude d'impact
sur les autres intérêts généraux.
1
Conseil européen de Tampere,
Conclusions de la Présidence.
2
Rapport O.C.D.E 1998.
3
Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Corée,
Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie,
Irlande, Islande, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Norvège,
Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République
Tchèque, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie.
4
Rapport n°305 fait au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, 7
avril 1999.
5
CA Paris, 15 février 1941, Bonté, Nouguier et
Goldberg.
6
La corruption, un défi pour l'Etat de droit et la
société démocratique, Revue de science criminelle,
juillet-septembre 1997, p. 696.
7
Rapport n° 305 fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces
armées, 7 avril 1999.
8
JOCE 98/C 391/01 du 15 décembre 1998.
9
CJCE, 21 septembre 1989, Aff 68/88, p. 2965.
10
R. Koering-Jolin, Jurisclasseur procédure pénale,
fasc. 20, n°91