CHAPITRE IX
-
Sécurisation juridique

Art. 14
Sécurisation juridique des conventions ou accords conclus
en application de la loi du 13 juin 1998

I - Le dispositif proposé

L'article 14 prévoit un dispositif de validation partielle des accords signés sur le fondement de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail.

Le paragraphe I considère que sont réputées signées sur le fondement de la présente loi les stipulations des conventions ou accords collectifs étendus ou des accords d'entreprises ou d'établissements conclus en application de la loi précitée et qui sont conformes aux dispositions de la présente loi.

Le paragraphe II prévoit que les clauses des accords contraires aux dispositions de la présente loi, lorsqu'elles ne relèvent pas des dispositions relatives au régime des heures supplémentaires, continuent à produire leurs effets jusqu'à la conclusion d'un accord collectif s'y substituant et, au plus tard, pendant une durée d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - Les propositions de votre commission


En prévoyant une validation pour une durée d'un an de l'essentiel des clauses des accords conclus en application de la loi du 13 juin 1998 qui seraient contraires au présent projet de loi, cet article reconnaît explicitement que celui-ci ne reprend pas l'entièreté des dispositions qui ont trouvé l'accord des partenaires sociaux.

Les accords auraient beau être des accords d'entreprises ayant déjà fait l'objet d'un conventionnement, et donc d'un contrôle de la part de l'administration, ou des accords de branche étendus, c'est-à-dire ayant fait l'objet d'un contrôle de légalité de la part du ministère de l'emploi, cet article considère qu'ils ne pourront plus produire leur effet au terme d'un an après l'entrée en vigueur de la présente loi pour ce qui est des clauses contraires au nouvel état du droit.

Votre commission ne peut accepter que des accords dont la négociation a été provoquée par le Gouvernement soient remis en cause postérieurement de manière générale et systématique, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi qui était censé prendre acte des résultats de la négociation. En conséquence, elle vous a déjà proposé d'adopter un amendement ayant pour objet de créer un article additionnel relatif à une validation générale pour cinq ans de l'ensemble des accords (voir article additionnel avant l'article premier). Dans ces conditions, le présent article devient inutile.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Art. 15
Licenciement d'un salarié refusant les conséquences,
sur son contrat de travail,
de l'application d'un accord de réduction du temps de travail

I - Le dispositif proposé

C'est votre commission des Affaires sociales qui a, en premier, soulevé la question des conséquences de l'application d'un accord collectif de réduction du temps de travail sur les contrats de travail lors de la discussion de la première loi Aubry en 1998 après que la commission a auditionné le Pr Jean-Emmanuel Ray 204( * ) .

Dans son rapport sur la première loi Aubry, votre rapporteur avait mis en avant 205( * ) que la généralisation de la réduction du temps de travail posait inéluctablement la question de la compensation salariale. Il observait alors qu'il existait " un risque sérieux que les salariés soient fondés à être licenciés par leur entreprise avec des indemnités, on se trouverait dans ce cas dans une situation paradoxale où l'entreprise se verrait dans l'obligation de licencier avant de pouvoir embaucher dans le cadre d'un accord de réduction du temps de travail " .

La jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation considère en effet qu'une réduction de salaire induite par une réduction de la durée du travail constitue " une modification d'un élément essentiel du contrat de travail des intéressés " (Cass. Soc. 14 février 1996, SAGEM c/Binard et a) et que " la réduction de la durée du travail sans compensation salariale constitue une modification de leur contrat que les salariés n'étaient pas tenus d'accepter " (Cass. Soc. 19 novembre 1997, Manoir industries c/Akarkoub et a).

Il résulte de ces évolutions de la jurisprudence que la réduction de salaire consécutive ou non à la réduction du temps de travail constitue une modification de travail qui requiert l'accord individuel des salariés concernés.

Les conséquences dommageables pour l'entreprise d'une telle situation apparaissent par ailleurs comme renforcées du fait de la jurisprudence " Framatome " et " Majorette " (arrêts du 3 décembre 1996) de la Cour de Cassation qui avait décidé que, en cas de modification des contrats de travail pour motif économique dans une entreprise d'au moins 50 salariés, dès lors qu'au moins 10 salariés étaient susceptibles d'être concernés dans une même période de 30 jours, l'employeur avait pour obligation de mettre en oeuvre un plan social.

Dans un cas extrême, si le licenciement devait être considéré par le juge comme irrégulier, votre rapporteur avait observé que l'employeur pouvait être éventuellement poursuivi pour délit d'entrave (en cas de défaut de consultation des représentants du personnel, de défaut de notification à l'administration et/ou de non-respect des délais) et risquer ainsi d'être condamné à une peine d'emprisonnement.

Dans une réponse à un questionnaire écrit de votre rapporteur en date du 20 février 1998 206( * ) , Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait considéré qu'en pratique " une situation de refus par les salariés et donc de licenciement éventuel était exceptionnelle ".

Quinze mois de mise en oeuvre semblent avoir démontré que le " cas d'école " constituait bien une menace pour les entreprises engagées dans la réduction du temps de travail.

Le Gouvernement a proposé un paragraphe I complétant l'article 212-3 du code du travail qui prévoit que la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par une convention ou un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail.

Le paragraphe II supprime le risque d'avoir à organiser un plan social auquel était exposé le chef d'entreprise dans l'hypothèse où plus de 10 salariés refuseraient les conséquences d'un accord de réduction du temps de travail sur leur propre contrat individuel de travail. Il précise que ce licenciement est réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse et est soumis à la procédure applicable en cas de licenciement individuel.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - Les propositions de votre commission


Votre commission observe qu'en l'absence du paragraphe II, une entreprise confrontée au refus de plus de dix salariés d'accepter les conséquences d'un accord de réduction du temps de travail sur leur contrat de travail, aurait été dans l'obligation d'organiser un plan social. Or, l'amendement adopté à l'article premier du projet de loi (amendement " Michelin "), oblige l'employeur, préalablement à l'établissement du plan social, à avoir conclu un accord de réduction du temps de travail...

Il apparaît néanmoins que cette précaution que constitue le paragraphe II ne suffit pas à prémunir le chef d'entreprise des conséquences indésirables d'un licenciement individuel qui ne pourrait être considéré que comme un licenciement économique (convention de conversion, contribution Delalande, priorité de réembauche...). Il apparaît nécessaire de conserver le principe du licenciement individuel pour préserver les droits du salarié de même que la référence à l'accord collectif. Par contre, il apparaît souhaitable de préciser que le licenciement individuel ne constitue pas une modalité du licenciement pour motif économique.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Art. 15 bis
Exemption de la " contribution Delalande "

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, adopté par l'Assemblé nationale en première lecture, résulte d'un amendement présenté par M. Henry Chabert, Député du Rhône, et auquel le Gouvernement et la commission ont donné un avis favorable.

Cet article exempte l'employeur du paiement de la contribution dite " Delalande " en cas de licenciement motivé par le refus du salarié d'une modification de son contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par un accord conclu en application de la présente loi.

Il complète le dispositif proposé au II de l'article 15 qui prévoit que lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par un accord conclu conformément aux dispositions de l'article 11 de la présente loi, leur licenciement est réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse et est soumis à la procédure applicable en cas de licenciement individuel.

Le présent article précise par conséquent que, dans ce cas, si le salarié est âgé de plus de 50 ans, la contribution Delalande n'est pas due.

La contribution Delalande a été instituée en 1987 au moment de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement. La loi n° 87-518 du 10 juillet 1987 modifiant le code du travail et relative à la prévention et à la lutte contre le chômage de longue durée a instauré cette cotisation supplémentaire -dite " contribution Delalande " du nom de l'auteur de l'amendement qui l'a créée, M. Jean-Pierre Delalande, député du Val d'Oise- due par l'employeur aux ASSEDIC pour toute rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de 50 ans.

Cette cotisation, prévue par l'article L. 321-13 du code du travail, avait pour objet de mieux protéger ces salariés contre le licenciement. Son taux était fixé initialement à trois mois de salaire brut du salarié licencié.

La cotisation fut augmentée une première fois par l'article 31 de la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle qui institue également une modulation de la contribution en fonction de l'âge du salarié et de la taille de l'entreprise concernée.

Conformément à ce qu'avait annoncé à l'Assemblée nationale, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, le 10 novembre dernier, cette cotisation a de nouveau été augmentée à compter du 31 décembre 1998.

L'article D. 321-8 du code du travail fixe le montant de la contribution en fonction de l'âge du salarié. L'ancien barème applicable avant la parution du décret n° 98-1201 du 28 décembre 1998 variait de un à six mois du salaire brut : un mois à 50 ou 51 ans, deux mois à 52 ou 53 ans, quatre mois à 54 ans, cinq mois à 55 ans et six mois pour les salariés âgés de 56 ans et plus.

Le nouveau taux de la contribution, fixé par le décret n° 98-1201 du 28 décembre 1998, est progressif puis dégressif : deux mois de salaire brut à 50 ans, trois mois à 51 ans, cinq mois à 52 ans, six mois à 53 ans, huit mois à 54 ans, dix mois à 55 ans, douze mois à 56 ans et 57 ans, dix mois à 58 ans et huit mois à 59 ans.

Le nouveau barème témoigne pour l'essentiel d'un doublement -voire dans certains cas d'un triplement- de la " contribution Delalande ". Les entreprises de moins de 50 salariés demeurent cependant assujetties sur le barème antérieur.

L'article L. 321-13 du code du travail prévoit que la cotisation n'est pas due dans un certain nombre de cas. La liste des exemptions, que le présent article compléterait par un 1° bis constitué du cas susmentionné, est la suivante :

1.  licenciement pour faute grave ou lourde ;

2.  licenciement résultant d'une cessation d'activité de l'employeur, pour raison de santé ou de départ en retraite, qui entraîne la fermeture définitive de l'entreprise ;

3.  rupture d'un contrat de travail, par un particulier, d'un employé de maison ;

4.  licenciement visé à l'article L. 321-12 du code du travail, c'est-à-dire à la fin d'un chantier ;

5.  démission trouvant son origine dans un déplacement de la résidence du conjoint, résultant d'un changement d'emploi ou d'un départ en retraite de ce dernier ;

6.  rupture du contrat due à la force majeure ;

7.  rupture du contrat de travail d'un salarié qui était, lors de son embauche intervenue après le 9 juin 1992, âgé de plus de cinquante ans et inscrit depuis plus de trois mois comme demandeur d'emploi ;

8.  première rupture d'un contrat de travail intervenant au cours d'une même période de douze mois dans une entreprise employant habituellement moins de 20 salariés ;

9.  licenciement pour inaptitude lorsque l'employeur justifie, par écrit, de l'impossibilité où il se trouve de donner suite aux propositions de reclassement du médecin du travail ou lorsque l'inaptitude à tout poste dans l'entreprise a été constatée par le médecin du travail.

Il convient en outre de rappeler que la loi n° 99-570 du 8 juillet 1999 tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans -que le Sénat a rejetée à trois reprises- a soumis à la contribution Delalande les ruptures des contrats de travail des salariés ayant adhéré à des conventions de conversion et les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice de la préretraite dans le cadre du fonds national de l'emploi (FNE).

II - Les propositions de votre commission

Votre commission considère que cet article additionnel répare une omission. Il n'y a en effet pas de justification à ce qu'un employeur soit contraint d'acquitter la contribution Delalande lorsqu'il licencie un salarié parce que celui-ci a refusé une modification de son contrat de travail consécutive à la réduction du temps de travail résultant d'un accord.

Dans la mesure où ce licenciement trouve son origine dans la loi et la volonté de l'Etat de diminuer la durée du travail, il semblerait anormal que l'employeur en subisse les conséquences.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement apportant une modification rédactionnelle à cet article et tirant les conséquences de la position retenue sur les autres dispositions de ce texte.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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