C. AUDITION DE MME MICHELLE BIAGGI, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL-FORCE OUVRIÈRE (CGT-FO), ACCOMPAGNÉE DE M. JEAN-CLAUDE MAILLY, ASSISTANT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
Enfin, la commission a procédé à
l'audition
de
Mme Michelle Biaggi, secrétaire confédéral de la
Confédération générale du travail-Force
ouvrière
(CGT-FO), accompagnée de
M. Jean-Claude Mailly,
assistant du secrétaire général
.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet, rapporteur,
concernant le bilan de la loi du 13 juin 1998,
Mme Michelle Biaggi
a déclaré que les 120.000 créations d'emplois
prises en compte dans le bilan de la loi du 13 juin 1998 comprenaient
également des emplois créés en application de la loi
" de Robien ". Elle a estimé que ces promesses d'emplois
devaient encore se réaliser étant donné le délai
d'un an laissé aux employeurs pour procéder aux embauches.
Elle a observé que les salariés en place subissaient le
contrecoup des 35 heures sous la forme d'une augmentation du stress et la
suppression de certains temps de pause et d'habillage.
Elle a considéré que le projet de loi était très
complexe et difficilement lisible. Après avoir rappelé que Force
ouvrière avait toujours souhaité privilégier les accords
de branche par rapport aux accords d'entreprises, elle a regretté que le
projet de loi adopte une démarche contraire. Elle a remarqué que
l'accord dans la métallurgie avait eu pour avantage d'établir un
cadre au niveau de la branche alors que les employeurs menaçaient de
dénoncer la convention collective.
Mme Michelle Biaggi
a estimé que la modération salariale
mise en oeuvre par la plupart des accords relatifs à la réduction
du temps de travail était inacceptable et elle a indiqué que son
organisation demandait une négociation annuelle sur les
rémunérations.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet, rapporteur,
sur la compatibilité du projet de loi avec la directive
européenne relative au travail à temps partiel,
Mme Michelle Biaggi
a déclaré que la
définition du travail à temps partiel envisagée dans la
directive ne satisfaisait pas Force ouvrière. Elle a estimé que
cette définition pouvait entraîner une incitation au travail
à temps partiel subi, de même qu'un effet d'aubaine pour
l'employeur à travers les incitations financières liées au
travail à temps partiel.
Elle a considéré qu'il était anormal que le projet de loi
institue un salaire minimum de croissance (SMIC) " à
compartiments " pour les salariés dont la durée du travail
aura été abaissée à 35 heures. Elle a
observé qu'un délai de cinq ans serait nécessaire pour
faire converger cette double échelle du SMIC au moyen de " coups de
pouce ". Elle a estimé que ce mécanisme aurait pour
conséquence de bloquer l'évolution des salaires situés
au-dessus du SMIC. Elle a regretté que trois embauches sur quatre
réalisées dans le cadre de la RTT donnaient lieu à des
contrats à durée déterminée éventuellement
à temps partiel. Elle a également observé que certains de
ces emplois à durée déterminée, créés
à l'occasion de la RTT, étaient dévolus à des
salariés qui occupaient auparavant un statut d'intérimaire dans
la même société.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet, rapporteur,
sur le bilan de mandatement,
Mme Michelle Biaggi
a rappelé que
Force ouvrière n'était pas, à l'origine, favorable au
mandatement. Elle a remarqué que le bilan n'était pas bon et que
cette procédure n'avait notamment pas entraîné -comme cela
aurait été souhaitable- de création de sections syndicales
ou d'instances représentatives. Elle a estimé que le recours au
mandatement pouvait constituer une manoeuvre de contournement des syndicats.
Elle a considéré qu'il aurait été
préférable de désigner des délégués
syndicaux dans les entreprises de moins de 50 salariés. Elle a
réaffirmé l'opposition de Force ouvrière à la
technique du mandatement.
En réponse à deux questions de
M. Louis Souvet,
rapporteur,
M. Jean-Claude Mailly
a jugé que la question
de la représentativité syndicale et celle du financement des
allégements de charges constituaient les deux " dégâts
collatéraux " des 35 heures, ces deux sujets n'ayant rien
à voir avec le texte.
Concernant la représentativité syndicale, il a
déclaré que Force ouvrière refusait de traiter ce
thème dans le cadre de la discussion sur les 35 heures. Evoquant
les accords majoritaires, il a observé que la rédaction de
l'article 11 donnait un pouvoir de veto aux organisations syndicales sur
la possibilité pour l'entreprise de bénéficier des
nouveaux allégements. Il a estimé que ce n'était pas
là le rôle de ces organisations. Il a remarqué que seule la
CGT soutenait cette disposition qui constituait, en réalité, un
" cavalier " au sein du projet de loi.
Poursuivant sur la question du financement des allégements de charges
sociales,
M. Jean-Claude Mailly
a observé que le projet de loi
relatif à la réduction négociée du temps de travail
était lié au projet de loi de financement de la
sécurité sociale et prévoyait une contribution des
régimes sociaux qui pourrait atteindre jusqu'à 20 milliards
de francs pour l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce
(UNEDIC).
Il s'est interrogé sur les conséquences qu'aurait ce
prélèvement sur les cotisations et les prestations et il a
observé qu'un tel dispositif revenait à faire financer une partie
des allégements de charges par les chômeurs, les retraités
ou les assurés sociaux.
M. Jean-Claude Mailly
a observé que ces mesures intervenaient de
surcroît au moment même où allaient débuter les
négociations relatives à la renégociation de la convention
UNEDIC et risquaient de les compromettre. Il a souligné qu'existait un
accord entre l'ensemble des partenaires sociaux pour refuser le principe de
cette contribution. Il a contesté par ailleurs le postulat selon lequel
la réduction du temps de travail procurerait des recettes
supplémentaires aux régimes de protection sociale, estimant
indispensable une évaluation préalable des effets sur l'emploi
réel, hors effets d'affichage et effets d'aubaine.
En réponse à une question de
M. Philippe Nogrix
qui
s'interrogeait sur l'attitude des syndicats vis-à-vis de la
modération salariale inscrite dans les accords relatifs à la RTT,
Mme Michelle Biaggi
a confirmé que Force ouvrière ferait
en sorte de renégocier les salaires tous les ans, sans tenir compte de
la modération salariale résultant de la RTT.
M. Serge Franchis
s'est interrogé sur l'intérêt
qu'il pourrait y avoir à réduire le montant des cotisations
salariales d'un employé payé au SMIC pour conserver le niveau de
sa rémunération suite à une baisse de la durée du
travail, de préférence à la création d'un double
barème. Il a observé que la finalité affichée de ce
projet de loi était l'emploi et que cet objectif nécessitait des
concessions de part et d'autre.
M. Jean-Claude Mailly
a considéré qu'il existait un
débat sur le fait que la réduction du temps de travail pouvait
avoir pour objet la création d'emplois. Il a rappelé que Force
ouvrière estimait qu'il n'y avait pas de corrélation statistique
entre les deux variables et que plus des trois quarts des emplois
créés depuis deux ans étaient dus à la croissance.
Il a souligné que la réduction du temps de travail ne constituait
que la troisième source de création d'emplois, loin
derrière les emplois-jeunes.
Il a jugé que nul ne pouvait prendre l'engagement qu'il n'y aurait pas
de hausse de salaires dans les cinq ans et que l'amoindrissement de la part des
cotisations sociales dans le financement de la protection sociale posait un
problème de fond étant donné qu'il n'appartenait pas aux
partenaires sociaux de gérer le produit de l'impôt.
Mme Michelle Biaggi
a déclaré que Force ouvrière
n'était pas favorable à des accords de réduction du temps
de travail signés par des groupements d'employeurs, en raison du
problème posé par le choix de la convention de branche
applicable.