2. Les accords d'entreprise sont-ils menacés par la remise en cause de certains accords de branche ?
a) L'articulation entre l'accord de branche et l'accord d'entreprise dépend de la taille de cette dernière
La mise
en oeuvre de la loi du 13 juin 1998 reposait sur la négociation
collective et les aides financières. Celle-ci étant un
préalable à celles-là, la loi a multiplié les
niveaux et les acteurs de la négociation
126(
*
)
pour aboutir à des
règles d'une grande complexité
qui ne sont pas sans poser
des difficultés d'articulation entre la branche et l'entreprise.
L'articulation entre la négociation de branche et d'entreprise est
organisée par le paragraphe II de l'article 3 de la loi du 13
juin 1998, celui-ci prévoit que :
" La réduction du temps de travail doit être
organisée par un
accord d'entreprise ou d'établissement. Elle
peut être également organisée en application d'une
convention collective ou d'un accord de branche étendus
ou
agréés en application de l'article 16 de la loi
n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et
médico-sociales,
soit, dans les entreprises de cinquante
salariés ou plus, sous réserve d'un accord complémentaire
d'entreprise, soit dans les entreprises de moins de cinquante salariés,
selon des modalités de mise en oeuvre prévues par la convention
ou l'accord de branche
. Elle peut aussi être organisée par un
accord conclu dans les conditions prévues par les deux premiers
alinéas de l'article L. 132-30 du code du travail ".
Comme le souligne Me Alain Souret
127(
*
)
, avocat conseil :
" la
discussion juridique (de cet article) est délicate à
maîtriser, étant donné la diversité de statuts et de
situations des entreprises relevant d'une seule et même branche, que ne
le révèlent, d'une part, le principe d'un double niveau de
négociation pour les entreprises de cinquante salariés ou plus,
et, d'autre part, le principe d'applicabilité directe pour les PME de
moins de cinquante salariés ".
Pour apprécier le
degré d'autonomie préservé par l'entreprise de plus de
cinquante salariés, il conviendra d'analyser l'accord de branche avec
attention.
La raison principale du recours au double niveau de négociation entre
branche et entreprise tient à la volonté affichée par le
Gouvernement d'avoir une négociation complémentaire de terrain,
notamment pour optimiser l'organisation des temps de travail. Il est à
noter que le recours à ce double niveau de négociation est devenu
habituel depuis 1982, date à laquelle la loi a initié un partage
de compétences entre branche et entreprise. Les partenaires sociaux se
sont saisis de ce mécanisme en multipliant les accords cadres au niveau
de la branche et en renvoyant, pour des points précis et le choix d'une
option d'organisation des temps de travail, à un accord collectif
d'entreprise. Le recours à la modulation constitue à cet
égard un bon exemple, les accords cadres prévoyant les
différents types de modulation possible et renvoyant à une
négociation d'entreprise complémentaire le choix de l'option
choisie et les modalités d'organisation.
Ce double niveau de négociation constitue pour l'employeur une garantie
qui préserve son autonomie puisqu'il est libre de décliner
l'accord de branche au niveau de l'entreprise ou de ne pas le faire. L'accord
de branche peut ouvrir des possibilités, lui seul peut permettre par
exemple une modulation de type II au-delà de 44 heures. Outre un
rôle de facilitateur, la branche joue également un rôle de
régulateur puisqu'elle peut permettre l'adaptation de certaines
dispositions légales, comme le contingent d'heures
supplémentaires, aux réalités du secteur. Enfin, la
branche peut impulser la négociation en suggérant des
thèmes de négociation. En tout état de cause, le chef
d'une entreprise de plus de cinquante salariés, conserve la
maîtrise de l'application de l'accord de branche. Cet accord ne peut lui
être opposé qu'à la condition d'être d'abord
parachevé par un accord collectif.
Dans le cadre des entreprises de moins de cinquante salariés, le
rôle principal d'un accord d'anticipation au niveau de la branche est de
permettre une organisation du temps de travail sans recours automatique au
mandatement. Pour ces entreprises, le niveau de la branche cumule les fonctions
de facilitateur, de régulateur et de cadre exclusif puisqu'elle est
d'application directe.