B. LA MISE EN OEUVRE DE LA LOI DU 13 JUIN 1998 ET LA PRÉPARATION DE LA SECONDE LOI ONT JETÉ LE DOUTE SUR LA VALIDITÉ DE CERTAINS ACCORDS COLLECTIFS ET INDIVIDUELS
1. L'application des accords de branche reste suspendue au contenu de la seconde loi
a) Le Gouvernement et les partenaires sociaux divergent sur le rôle respectif de la loi et de l'accord de branche
Le
débat reste vif entre le Gouvernement et les partenaires sociaux sur la
place que doit réserver la seconde loi aux dispositions adoptées
par les partenaires sociaux à travers les accords de branche. Ce
débat en recouvre un second relatif aux modalités d'extension des
accords de branche déjà signés.
Concernant la place réservée aux accords dans le second texte,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi, estime que la seconde loi
s'appuiera sur les accords signés et sur la concertation.
Lors de la présentation de son projet de loi, Mme Martine Aubry a
déclaré
114(
*
)
que :
" les entreprises et les syndicats qui avaient
négocié (avaient montré) la voie "
, elle a
estimé que les partenaires sociaux
" avaient fait preuve d'une
grande maturité et réussi à répondre à des
questions jugées auparavant insurmontables sur les cadres, le SMIC et la
formation "
, elle a souligné qu'ils
" étaient
parvenus à intégrer dans les négociations les souplesses
réclamées par les entreprises et les salariés, ainsi que
les garanties nécessaires, tout en trouvant les moyens de créer
des emplois "
.
Evoquant le rôle du projet de loi, Mme Martine Aubry a
déclaré que
" la loi fixera les clauses d'ordre public
social afin d'établir le cadre général et de donner des
garanties aux salariés. La négociation traitera du rythme, de
l'organisation du travail, de la compensation salariale, des souplesses que les
uns et les autres souhaitent "
.
Les représentants des employeurs considèrent que le texte du
projet de loi ne correspond pas aux déclarations du ministre.
M. Denis Gautier-Sauvagnac, délégué
général de l'UIMM, déclare par exemple que les accords
étendus ne seront pas opérationnels
115(
*
)
. Il attire l'attention sur les
" réserves " et les " exclusions "
116(
*
)
qui ont accompagné les
dispositions les plus innovantes et estime que les extensions des accords n'ont
eu qu'un caractère partiel. Il considère que "
le
Gouvernement refuse ce qui est important pour les entreprises, qu'il s'agisse
des cadres, dont la rémunération n'est pas liée à
un horaire, de la durée du travail en cas d'annualisation, de la
formation hors du temps de travail, ou du
nombre d'heures
supplémentaires effectivement applicables
". Sur tous ces
points, il estime que "
le projet de deuxième loi est
très restrictif
" et que "
les branches dont les
accords sont étendus sont donc dans une situation comparable à
celle de l'UIMM
".
L'accord du 28 juillet 1998 dans le secteur de la métallurgie
L'accord
dans la métallurgie conclu entre l'UIMM (45.000 entreprises,
1,8 million de salariés) et FO, la CGC et la CFTC a
été qualifié par certains d'
" audacieux et
inventif "
117(
*
)
tandis
que d'autres l'ont rangé dans la catégorie rassemblant
" une très petite frange d'accords, souvent conclus a des fins
symboliques, voire provocatrices, (et qui devront) faire l'objet d'une nouvelle
négociation "
118(
*
)
.
Cet accord a fait couler beaucoup d'encre parce qu'au lieu d'anticiper la mise
en oeuvre des 35 heures, il a souhaité promouvoir une
démarche alternative fondée sur
" l'adaptation du temps
de travail à la durée légale de 35 heures ",
à travers une nouvelle approche de la durée du travail, sans
référence horaire.
L'objectif de l'accord est en effet de permettre aux entreprises d'adapter leur
horaire effectif de travail à la réglementation de la
durée légale de 35 heures en le décomptant selon les
modalités offertes par la législation : sur la semaine, sur
un couple, ou sur l'année, pour l'adapter aux variations de la charge de
travail, conformément à l'article L. 212-2-1 du code du
travail (annualisation dite modulation de type III) ou aux articles
L. 212-8 et suivants (modulations dites de types I et II). Le passage aux
35 heures pourra se faire par réduction de la durée
hebdomadaire et/ou par l'octroi de journées de repos. L'accord
prévoit également la possibilité d'une répartition
de l'horaire de travail dans la semaine, sur quatre jours et demi ou moins.
L'article 6 de l'accord porte à 180 par an et par salarié le
contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées
sans autorisation de l'inspecteur du travail, en cas de décompte de la
durée du travail dans le cadre de la semaine ou du cycle. Cette
majoration conventionnelle du contingent doit permettre aux entreprises de
faire effectuer 39 heures par semaine quasiment toute l'année sans
passer par l'autorisation de l'inspecteur du travail.
Concernant l'annualisation, le seuil de durée annuelle du travail
au-delà duquel les heures effectuées seront
considérées comme heures supplémentaires est fixé
à 1.610 heures ; il ne prend pas en compte les jours
fériés chômés.
Enfin, l'accord dans la métallurgie a innové en prévoyant
la possibilité d'un forfait avec référence à un
horaire annuel pour les ingénieurs et les cadres mais aussi pour les
non-cadres classés au moins au niveau IV.
Il a également prévu un
" forfait à la mission
sans référence horaire "
; dans ce cas,
quasiment aucune disposition relative à la durée légale du
travail n'est applicable ; on a pu dire que cette formule qui vise
essentiellement les ingénieurs et les cadres organise
l'incontrôlabilité de la durée du travail.
Evoquant l'attitude que compte adopter son organisation, M. Denis
Gautier-Sauvagnac, vice-président, délégué
général de l'UIMM, déclare que les pouvoirs publics
"
n'ayant pas tenu leur parole
" concernant la reprise par la
seconde loi des accords de branche signés avec les syndicats, il ne
pouvait être sûr que les entreprises accepteront de
renégocier ce que la seconde loi pourrait rendre inapplicable dans les
accords déjà signés.