B. LES PARTENAIRES SOCIAUX SONT MAJORITAIREMENT OPPOSÉS AU RECOURS AU RÉFÉRENDUM
Le
projet de loi introduit largement la procédure du
référendum pour valider les accords de réduction du temps
de travail ouvrant droit à des allégements spécifiques de
cotisations sociales.
L'article 11 prévoit la consultation des salariés dans
quatre
cas
:
-
à la demande d'une ou plusieurs organisations syndicales
signataires
d'un accord qui n'a pas été signé par une
ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise
et représentant une majorité des salariés (art. 11 -
III) ;
-
lorsque l'accord a été signé par un
salarié mandaté
(art. 11 - IV) ;
- dans les entreprises de moins de 50 salariés
dépourvues de délégués syndicaux, en l'absence
d'une convention ou d'un accord de branche étendu et lorsqu'aucun
salarié n'a été mandaté dans les délais,
lorsque l'accord a été négocié par les
délégués du personnel
(art. 11 - V) ;
- à compter du 1
er
janvier 2002, en l'absence d'une
convention ou d'un accord de branche étendu, lorsqu'aucun salarié
n'a été mandaté, dans les entreprises dont l'effectif est
inférieur à onze salariés,
lorsque l'employeur propose
de réduire la durée du travail
de manière
unilatérale
(art. 11 - VI) ;
Les dispositions visent à assurer que la réduction
négociée du temps de travail fait l'objet d'un
consensus
minimal
.
Elles donnent également le sentiment que le Gouvernement
n'hésite pas à recourir à tous les dispositifs imaginables
pour favoriser la signature d'un accord.
A cet égard, la rédaction du projet de loi laisse penser que
l'objectif principal de ce texte réside plus dans l'incitation à
la signature d'un accord que dans la réduction du temps de travail ou la
création d'emplois, comme si la forme l'emportait sur le fond.
Ce faisant, le Gouvernement a, comme votre rapporteur l'a déjà
expliqué précédemment, ouvert un débat au moins
aussi important que les 35 heures elles-mêmes, étant
donné que l'introduction du référendum pour l'adoption
d'un accord, comme l'exigence d'un accord majoritaire, remettent en cause les
fondements de la négociation collective en France.
Le référendum tel qu'il est prévu par l'article 11 se
distingue en effet des consultations qui étaient réalisées
à l'initiative des syndicats dans le cadre de l'application de la
première loi Aubry. Le ministère de l'emploi n'évoque pas
ces consultations dans le bilan réalisé fin septembre 1999 sur
les accords signés en vertu de la loi du 13 juin 1998 mais leur nombre
s'est multiplié ne serait-ce que parce que les syndicats avaient du mal
à évaluer les attentes des salariés et les concessions
qu'ils étaient prêts à accepter
91(
*
)
. On peut citer les
référendums organisés chez Renault véhicules
industriels, Alsthom, EDF-GDF, Scherring...
Ces consultations ont permis à chaque fois aux syndicats de mesurer
l'état d'esprit des salariés, il ne s'agissait pas d'un exercice
de " démocratie sociale ". Seule la CGT revendiquait une
consultation " à tous les stades de la négociation ".
Position par rapport au référendum tel qu'il est prévu par le projet de loi
MEDEF |
" Défavorable au référendum car attaché à la représentativité syndicale, facteur de stabilité " |
CGPME |
" Le recours au référendum aurait pour conséquence de détruire l'autorité du chef d'entreprise " |
UNAPL |
" Aucun sens dans des entreprises ne comportant que quelques salariés " |
FNSEA |
Le risque de désaveu pour le chef d'entreprise amènera celui-ci à éviter d'avoir recours à cette procédure, au besoin en ne signant pas d'accord |
FO |
" L'exigence d'un accord majoritaire ou le recours au référendum auprès des salariés constituent un danger pour le syndicalisme " |
CFDT |
-
comprend le recours au référendum quand un syndicat
" majoritaire " veut s'opposer à un accord conclu par un
syndicat " minoritaire "
|
CGT |
Opposition au seul " référendum patronal " |
CFTC |
" Le choix du référendum pour valider des accords constitue une erreur majeure de nature à remettre en cause l'existence même des syndicats minoritaires " |
Source : commission des Affaires sociales du
Sénat
En donnant satisfaction à la seule CGT, toutes les autres organisations
étant hostiles au principe du référendum automatique, le
Gouvernement prend un risque considérable pour l'avenir. On ne voit pas
en effet pourquoi cette procédure du référendum devrait
être limitée à l'article 11 de ce projet de loi
relatif à l'allégement des cotisations sociales dont peut
bénéficier une entreprise qui signerait un accord de
réduction du temps de travail. On ne voit pas non plus pourquoi le chef
d'entreprise ne se verrait pas reconnaître la possibilité de
recourir à cette procédure pour faire accepter un accord
d'entreprise par exemple.
On l'aura compris, ce dispositif de l'article 11 est dangereux. Il emprunte au
droit constitutionnel une procédure, le référendum, qui
est étrangère à notre tradition de la négociation
collective et à une certaine conception des principes
généraux de la République. Ce faisant, il ouvre grand la
" boîte de Pandore " pour favoriser un objectif de court terme.
Votre commission des Affaires sociales en vient à s'interroger. Ce
projet de loi apparaît déjà à bien des égards
comme " un texte contre les entreprises ", ne serait-il pas
également " un texte contre les syndicats " ? Comme si le
Gouvernement essayait de circonscrire tous les obstacles qui se dressent
à la mise en oeuvre des 35 heures. Comme si il s'agissait de tout faire
pour que " l'engagement pris soit tenu ".
Les organisations syndicales de salariés ne s'y sont pas trompées
puisqu'elles sont unanimes à dénoncer l'ouverture d'un tel
débat à l'occasion de la discussion d'un texte relatif à
la réduction du temps de travail.
On peut citer par exemple la réaction de la CFDT qui considère
que : "
le référendum ne doit pas être
imposé par le législateur, mais laissé à
l'initiative des partenaires sociaux
". Elle estime que
"
cette procédure va créer un frein, voire une paralysie
de la négociation en limitant la capacité de ceux qui s'engagent
et une déresponsabilisation des non-signataires
"
92(
*
)
.
En tout état de cause, Mme Nicole Notat se déclare opposée
à
" une décision prématurée, partielle, au
détour d'une loi dont l'objet est autre
93(
*
)
".