C. AUDITION DE M. ARNOLD BRUM, CHEF DU SERVICE DES AFFAIRES SOCIALES DE LA FÉDÉRATION NATINALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES (FNSEA)
Enfin, la commission a procédé à
l'audition
de
M. Arnold Brum
, chef du service des affaires sociales de la
Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles
(FNSEA).
Répondant aux questions de
M. Louis Souvet, rapporteur
,
M. Arnold Brum
a souhaité faire part des observations de la
FNSEA sur le projet de loi relatif à la réduction
négociée du temps de travail.
Il a déclaré que la notion de " durée collective de
travail " évoquée aux articles 2, 11 et 12 du projet de loi
n'était définie par aucun texte législatif et que la
notion voisine d'horaire collectif n'était pas applicable à
l'agriculture. Dans ces conditions, il s'est interrogé sur le fait de
savoir si la décision de l'employeur de faire exécuter des heures
supplémentaires constituait ou non une modification de l'horaire
collectif.
Dans l'hypothèse où la réalisation des heures
supplémentaires devait être considérée comme une
modification d'horaire, il a observé que l'entreprise ne se trouverait
plus dans la situation où la durée collective de travail est
inférieure ou égale à la durée légale ;
les quatre premières heures supplémentaires donneraient lieu
alors à une bonification réduite de 15 % et à une
contribution de 10 %. A l'inverse, a-t-il a souligné, si les heures
supplémentaires n'étaient pas considérées comme une
modification d'horaire, la bonification serait systématiquement de
25 %.
M. Arnold Brum
a souligné que la FNSEA dénonçait,
en tout état de cause,
la création d'une contribution qui
avait pour effet de priver le salarié de la juste
rémunération de son travail.
Evoquant les articles 3, 4 et 11 prévoyant que la durée annuelle
du travail ne pouvait dépasser 1.600 heures,
M. Arnold Brum
a
observé que ce seuil ne tenait pas compte de trois faits : tous les
jours fériés ne sont pas chômés, tous les
salariés n'ont pas droit à cinq semaines de congés
payés et tous les salariés qui ont droit à cinq semaines
de congés ne les prennent pas forcément tous les ans. Il en a
conclu que la règle de 1.600 heures pouvait donc conduire à
qualifier d'heures supplémentaires les heures effectuées par un
salarié qui n'aurait jamais travaillé plus de 35 heures par
semaine en moyenne.
Il a estimé que la référence à 1.600 heures par an
devait être supprimée, la notion de 35 heures en moyenne par
semaine travaillée lui apparaissant comme suffisante.
Evoquant le titre du projet de loi relatif à la réduction
négociée du temps de travail, il a constaté que
c'était en réalité la réduction des charges
patronales qui faisait l'objet d'une négociation et non la
réduction de la durée du travail puisque l'accord des syndicats
était indispensable pour obtenir les allégements de charges,
même si la durée légale de 35 heures était
respectée par l'entreprise.
M. Arnold Brum
s'est interrogé sur le recours au
référendum afin de sanctionner un accord conclu entre l'employeur
et un salarié mandaté. Il a estimé que le risque de
désaveu aurait pour conséquence une absence de recours à
ce dispositif.
M. Arnold Brum
a remarqué que la réduction du temps de
travail dans les entreprises de moins de 50 salariés à travers un
accord de branche pourrait connaître le même sort, cet accord ou
cette convention devant fixer la durée du travail et préciser les
modalités d'organisation et de décompte, autant de dispositions
qui ne lui ont pas semblé relever du niveau de la branche.
Evoquant la nécessité dans certains cas de recourir au
référendum dans les entreprises de moins de 11 salariés,
il a considéré que l'obligation faite à un employeur d'un
ou deux salariés d'obtenir leur approbation pour
bénéficier des aides n'avait aucun sens compte tenu de la
position de dépendance de ces salariés par rapport à
l'employeur.
M. Arnold Brum
a considéré que les modalités
d'obtention des allégements de charges, compte tenu de leur
complexité et de leur inadaptation aux petites et moyennes entreprises
(PME), constitueraient un obstacle à la réduction
négociée du temps de travail.
Il a déclaré que la FNSEA proposait que dans les entreprises de
moins de 50 salariés, la réduction du temps de travail
puisse être organisée selon les modalités prévues
par une convention ou un accord de branche étendu comme cela
était prévu par la loi du 13 juin 1998. Il a observé
que cette disposition avait permis la conclusion d'un accord national dans le
secteur de l'agriculture le 3 février 1999, étendu par un
arrêté interministériel du 8 avril 1999. Il a
constaté que cet accord prévoyait plusieurs modalités de
réduction du temps de travail, obligeait les accords d'entreprise
conclus avec des salariés mandatés à respecter ces
modalités et permettait à l'employeur de choisir directement
lesdites modalités de la mise en oeuvre de la réduction du temps
de travail si l'entreprise avait moins de 11 salariés et si la
négociation avec un salarié mandaté avait
échoué.
M. Arnold Brum
a redouté que le bénéfice de
l'allégement de charges puisse être suspendu par simple
décision de l'administration dès lors que les horaires de travail
pratiqués dans l'entreprise étaient " incompatibles "
avec les limites de 35 heures par semaine ou 1.600 heures par an, ou
encore lorsque le salarié avait effectué un nombre d'heures
supplémentaires dépassant le contingent fixé par
décret.
Il a estimé que la suspension de l'allégement dans des conditions
aussi peu précises faisait courir le risque d'arbitraire et
n'encourageait pas les entreprises à négocier la réduction
du temps de travail.
M. Arnold Brum
a considéré que l'article 15 relatif
à la modification du contrat de travail, s'il devait être
voté en l'état, pourrait être la source d'innombrables
litiges.
Il a observé que la décision de l'employeur d'appliquer la loi et
de fixer l'horaire de travail à 35 heures, en l'absence d'accord
d'entreprise, constituerait une modification du contrat de travail, de
même que des modifications connexes relatives au temps de pause, au repos
compensateur et à l'annualisation, même prévues par un
accord d'entreprise.
Evoquant le principe selon lequel le licenciement d'un salarié serait
réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse si
ce dernier refusait une modification de son contrat de travail
consécutivement à la signature d'un accord,
M. Arnold Brum
a souligné que tout salarié ayant intérêt à
quitter l'entreprise pourrait en conséquence prétendre avoir
été licencié et obliger l'employeur à lui verser
des indemnités de licenciement. A cette occasion, les salariés de
plus de 57 ans pourraient même prétendre au bénéfice
des allocations de chômage jusqu'à leur retraite.
Il a dénoncé le fait que le licenciement pourrait être
considéré comme abusif et l'employeur condamné à
des dommages et intérêts lorsque la durée du travail serait
réduite en l'absence d'accord, alors même qu'il ne s'agirait pour
l'employeur que d'appliquer la loi. Il a estimé que l'application dans
l'entreprise d'un horaire égal à la durée légale du
travail et les conséquences qui en résultaient sur la
rémunération et l'organisation du temps de travail ne devaient
pas constituer une modification du contrat de travail.
Evoquant l'article 16 relatif au salaire minimum interprofessionnel de
croissance (SMIC), il a rappelé qu'il était prévu qu'au
1
er
juillet 2005, le SMIC horaire aurait augmenté de
façon à rendre la garantie mensuelle sans objet. Il en a conclu
que d'ici cinq ans, le SMIC horaire devrait donc rattraper le 11,4 % de
différentiel entre 152 heures et 169 heures, l'évolution de
l'indice des prix entre 1999 et 2005 et la moitié de l'augmentation du
pouvoir d'achat du " salaire mensuel de base ouvrier " (SMBO). Il a
ainsi évalué à au moins 15 % l'augmentation du
pouvoir d'achat du SMIC horaire en 2005 par rapport à 1999.
M. Arnold Brum
a déclaré qu'il convenait, dans ces
conditions, d'adopter des dispositions transitoires permettant d'amortir le
choc de l'augmentation du SMIC. Il a suggéré que le SMIC horaire
soit indexé sur le seul indice des prix pendant deux ans, que la
garantie mensuelle soit indexée sur le seul indice des prix et que
l'augmentation de 11,4 % du SMIC soit reportée au-delà du
1
er
juillet 2005.