B. AUDITION DE M. MICHEL COQUILLON, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DE LA CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DES TRAVAILLEURS CHRÉTIENS (CFTC)
Ensuite, la commission a entendu
M. Michel
Coquillion
,
secrétaire général adjoint de la
Confédération française des travailleurs
chrétiens
(CFTC).
Dans son propos liminaire,
M. Michel Coquillion
a rappelé le
regret de la CFTC que l'accord du 31 octobre 1995 sur l'aménagement du
temps de travail pour l'emploi n'ait pas débouché sur une vraie
démarche dans les branches et les entreprises en faveur de l'emploi. Il
a constaté que c'est cet échec qui avait ouvert la voie à
une démarche législative. Il a observé que la
négociation sur les 35 heures était un exercice très
difficile eu égard à son caractère transversal qui remet
en cause des domaines aussi différents que la
rémunération, l'organisation de l'entreprise, la formation ainsi
que le régime des cadres.
Il a estimé que le succès de cette négociation reposait
sur l'existence d'une volonté commune d'aboutir. Il a souligné
que le contexte social était défavorable aux salariés pour
trois raisons : les entreprises souhaitent que la mise en oeuvre de la
réduction du temps de travail soit réalisée à
coût constant, les salariés, faiblement syndiqués et
mobilisés, n'opposent pas de résistance déterminée
aux revendications des employeurs, et la démarche juridique, qui laisse
place à une négociation suivie d'une loi, a joué comme un
" piège " obligeant le législateur soit à
remettre en cause les accords signés soit à légaliser des
déréglementations importantes.
M. Michel Coquillion
a estimé que le défi majeur du second
texte relatif à la réduction du temps de travail consistait
à sortir de cette impasse juridique. Il a déclaré que la
CFTC demandait la négociation d'un accord interprofessionnel
validé par la loi sur tous les sujets qui, dans les accords de branche,
pouvaient apparaître comme dérogatoires ou illicites. Il a
considéré que cette négociation ne devait pas être
renvoyée aux entreprises ou aux établissements sauf à
rendre supplétives la loi, la négociation interprofessionnelle et
la négociation de branche, ce à quoi la CFTC s'était
opposée lors de la négociation du 31 octobre 1995.
M. Michel Coquillion
a déclaré que le projet de loi
proposé devait être fortement amélioré pour
répondre aux exigences de la CFTC, notamment en matière d'emploi
et de conciliation des temps de vie.
Il a estimé que ce projet de loi ne remettait pas en cause les accords
négociées dans les branches ou les entreprises, si ce
n'était sur des dispositions non conformes au code du travail
renvoyées à la négociation. Il a néanmoins
regretté que des dispositions résultant d'un accord national
interprofessionnel ou couvertes par la loi ou la jurisprudence aient
été renvoyées à la négociation de branche ou
d'entreprise.
M. Michel Coquillion
a considéré que la CFTC avait eu gain
de cause sur un certain nombre de dispositions du projet de loi, il a
cité l'exclusion des jours fériés dans la comptabilisation
des jours faisant l'objet d'une réduction du temps de travail, la
réduction du contingent d'heures supplémentaires pour les
entreprises qui ont recours à la modulation, le maintien du salaire pour
les salariés au SMIC, l'amélioration du compte épargne
temps et la reconduction du mandatement.
M. Michel Coquillion
a estimé toutefois que le projet de loi
présentait encore de graves lacunes sur des problèmes comme le
temps de travail réel et les moyens de le contrôler, le maintien
des salaires réels, la nature des embauches et l'accès aux
négociations des 35 heures.
Il a observé que plusieurs points méritaient d'être
précisés tels que le forfait cadre, la modulation unique, les
contreparties des aides versées aux entreprises, le temps partiel et la
nécessité d'un accord " majoritaire " pour
bénéficier des allégements de charge.
En définitive,
M. Michel Coquillion
a considéré que
ce projet de loi présentait des lacunes et des risques graves pour les
employés concernés. Il a remarqué qu'une absence de
contrôle de la durée du travail pourrait amener de nombreux
salariés qui travaillaient 45, 50 ou plus de 60 heures actuellement
payées 39 heures à faire à l'avenir le même nombre
d'heures payées 35 heures.
Il s'est inquiété de ce que le texte légalise la
dérive du temps de travail des cadres et que l'insuffisant encadrement
de la modulation puisse ouvrir la porte à une précarisation
totale de l'horaire de travail.
Il a constaté que le risque était grand que ce texte donne lieu
à une baisse importante des revenus des salariés, une
dégradation de leurs conditions de vie par la
généralisation de l'annualisation, du travail du samedi et du
dimanche, ainsi que par la légalisation de la dérive du forfait
cadre, ceci alors même que les créations d'emplois pourraient
être très faibles.
M. Michel Coquillion
a estimé que faute d'une révision en
profondeur du texte proposé, les effets attendus sur l'emploi ainsi que
les conditions de vie des nombreux salariés pourraient été
sacrifiés à l'idéologie.
Revenant sur les articles du projet de loi, il a estimé que la
définition du temps de travail devait être mieux encadrée
de manière à tenir compte des déplacements professionnels,
des pauses et des astreintes.
Il a considéré, à propos de l'article 5, qu'il
conviendrait de préciser les différentes catégories de
cadres et de décompter précisément les heures
supplémentaires dans le forfait.
Evoquant le compte épargne temps, il a déclaré qu'il
devait être alimenté et vidé rapidement à travers
par exemple le financement de formations. Il a souligné que la CFTC
n'était pas hostile au coïnvestissement sous réserve qu'il
respecte le principe du volontariat.
Il a insisté sur la nécessité d'un engagement en termes de
création d'emplois de la part des entreprises qui recevront des aides
financières.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet, rapporteur
,
sur la compatibilité
du projet de loi avec la directive
européenne sur le temps partiel,
M. Michel Coquillion
a reconnu
que le risque que des entreprises essaient d'embaucher des salariés
à 34 heures payées 34 heures était réel, de
même que le risque de contentieux pour ceux qui étaient
déjà rémunérés sur la base de 35 heures.
Evoquant le mandatement et le référendum,
M. Michel
Coquillion
a déclaré que le choix du référendum
pour valider des accords constituait une erreur majeure de nature à
remettre en cause l'existence même des syndicats minoritaires. Il a
souligné que le dialogue social ne reposait pas sur la démocratie
élective mais sur une présomption de
représentativité.
Il a estimé que ce débat sur la représentativité
syndicale n'avait pas sa place dans un texte relatif à la
réduction du temps de travail.
M. André Jourdain,
après avoir remarqué que les
artisans ne trouvaient pas
toujours les salariés
qualifiés qu'ils recherchaient, a observé que le projet de loi ne
définissait pas rigoureusement les délais de prévenance
dans le cadre des changements d'horaires, ce qui pourrait avoir des
conséquences dommageables pour les multisalariés.
M. Alain Gournac
a souhaité connaître l'attitude
qu'adopterait la CFTC si aucune modification n'était apportée au
projet de loi.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est demandé si le projet de loi
répondait bien aux contraintes du dialogue social dans les PME. Elle a
désiré connaître la position de la CFTC sur la
possibilité, pour pallier les difficultés constatées
à trouver des " négociateurs ", de se
référer à une " logique de territoire ".
M. Guy Fischer
a demandé à M. Coquillion si cette loi
marquait un pas supplémentaire vers la déréglementation.
En réponse aux différents intervenants,
M. Michel
Coquillion
a déclaré que l'adaptation de l'offre à la
demande du travail illustrait un problème relatif aux formations. Il a
estimé que plus de jeunes devraient s'orienter vers les métiers
de l'artisanat.
Il a souligné que la CFTC était favorable au multisalariat,
citant l'exemple du directeur des ressources humaines (DRH) que plusieurs PME
pouvaient partager entre elles.
Il a confirmé que la CFTC se plaçait dans une optique de
modification du projet de loi sans préciser quelle serait l'attitude de
ce syndicat si ce texte n'était pas sensiblement modifié à
l'issue du débat parlementaire.
Il a estimé que le concept de délégué de bassin
d'emploi n'était pas très éloigné de celui de
salarié mandaté.
Il a confirmé que le projet de loi légalisait certaines
dispositions relatives à la flexibilité contenues dans les
accords signés en réaffirmant que c'était là la
conséquence de l'attitude des employeurs qui n'avaient pas
souhaité venir sur le terrain de l'emploi.