VI. EXAMEN DU RAPPORT
Le
mercredi 27 octobre 1999, sous la
présidence de M. Jean Delaneau,
président
, la commission a procédé à
l'examen du rapport
de
M. Louis Souvet
sur le
projet de
loi n° 22
(1999-2000), adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la
réduction négociée du temps de travail.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé que le Gouvernement avait
déposé, le 28 juillet dernier, un projet de loi relatif
à la réduction négociée du temps de travail et que
ce projet de loi, sensiblement amendé et complété par une
quinzaine d'articles supplémentaires, avait été
adopté par l'Assemblée nationale le 19 octobre dernier.
Il a observé que la discussion de ce texte intervenait dix-huit mois
après celle d'un premier texte déjà relatif à la
réduction du temps de travail, en soulignant l'existence d'une
différence essentielle entre ces deux textes : la loi du
13 juin 1998 fixait le principe d'un abaissement de la durée
légale du travail à 35 heures par semaine à compter du
1
er
janvier 2002 et dès le 1
er
janvier
2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés,
alors que le nouveau projet de loi met en oeuvre ce principe.
Il a souligné que l'abaissement de la durée légale du
travail ne se traduisait pas mécaniquement par une baisse de la
durée effective du travail, son effet indirect étant un
renchérissement du coût du travail pour les entreprises qui ne
réduiraient pas la durée collective du travail.
Il a considéré que le débat ne portait pas aujourd'hui sur
le principe de la réduction du temps de travail. Il a estimé en
effet que l'opposition actuelle avait beaucoup oeuvré pour favoriser une
réduction du temps de travail négociée en
considérant que, dans un contexte de chômage massif, aucune piste
ne devait être négligée.
Il a rappelé que la commission avait toujours été en
pointe dans cette démarche, notamment lors de la discussion de la loi du
11 juin 1996 dite " loi de Robien " qui incitait les entreprises
à réduire la durée collective du temps de travail, ainsi
que lors de la discussion de la première loi Aubry, il y a dix-huit
mois. Le Sénat avait alors voté les propositions de la commission
qui privilégiaient une nouvelle fois une réduction volontaire du
temps de travail selon un barème révisé de la " loi
Robien " afin de maîtriser le coût budgétaire du
dispositif, de préférence à un abaissement de la
durée légale du travail.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé qu'il avait
déclaré à cette occasion que " librement
négociée, associée à une souplesse indispensable
à la compétitivité de l'économie, la
réduction du temps de travail pouvait sans doute créer des
emplois ou en préserver dans certaines entreprises, en fonction du
contexte qui est propre à chacune, contexte économique, contexte
social, contexte psychologique également, c'est-à-dire
volonté commune ".
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que, depuis deux
ans, la France était le seul pays au monde à avoir engagé
une démarche de réduction de la durée légale du
travail, cette question étant même devenue l'alpha et l'omega du
débat économique et de la négociation collective. Il a
observé qu'aucune autre réforme d'envergure n'avait
été menée, que ce soit en termes d'allégements de
cotisations sociales, de flexibilité, de réforme du marché
du travail ou encore de formation professionnelle.
Il a estimé, dans ces conditions, que la comparaison du bilan de la loi
du 13 juin 1998 d'une part et des résultats obtenus par les autres
grands pays européens d'autre part, dans la lutte contre le
chômage, devait permettre de porter un premier jugement sur la
validité de l'option choisie par le Gouvernement.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que bilan de la loi
du 13 juin 1998, en termes de créations d'emplois, ne pouvait
pas être considéré comme satisfaisant.
Il a rappelé que le Gouvernement avait annoncé début
septembre que les accords avaient donné lieu à environ 120.000
engagements de créations d'emplois, dont près de 18.000 emplois
préservés et près de 19.000 créés par le
secteur public, ce qui lui a semblé bien peu compte tenu des moyens mis
en oeuvre par le Gouvernement pour inciter l'ensemble des entreprises
françaises à signer un accord.
Il a remarqué que 98,8 % des entreprises occupant au moins un
salarié n'avaient pas signé d'accord de réduction du temps
de travail et que 90 % des salariés du secteur marchand
n'étaient pas couverts par un accord.
Il a noté que les 120.000 créations ou préservations
d'emplois ne représentaient que 0,58 % des effectifs actuels du
secteur marchand.
Il a rappelé que la croissance à elle seule avait
généré la création de 500.000 emplois dans le
secteur marchand en deux ans.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a estimé que le bilan
présenté par le Gouvernement n'était donc pas à la
hauteur des enjeux : 3 millions de chômeurs, un chômage
de longue durée qui se maintient, une segmentation du marché du
travail qui se confirme, alors même que la présentation des
résultats de la loi du 13 juin 1998 n'était pas exempte de tout
reproche.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a considéré qu'il
était aujourd'hui démontré que les 85.000 créations
d'emplois annoncées (hors secteur public et hors emplois
" préservés ") ne constituaient que des promesses
d'embauches qui restaient encore à réaliser comme l'avait reconnu
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, lors
de son audition par la commission. Il a observé qu'on ne pouvait dire,
aujourd'hui, précisément combien d'emplois avaient
été effectivement créés du fait de la loi du 13
juin 1998 et que ce fait à lui seul légitimait sa
perplexité sur le dispositif dans son ensemble.
Par ailleurs,
M. Louis Souvet, rapporteur,
a souligné que 6 des
15.000 accords concernaient à eux seuls près de 600.000 des
2,2 millions de salariés couverts par un accord d'entreprise ou
d'établissement, soit 27,5 % du total des effectifs
concernés. Il a déclaré que ces accords avaient
été signés par Electricité de France (EDF),
Télédiffusion de France (TDF), la Société nationale
des chemins de fer français (SNCF), le Conseil général de
la Nièvre, les Mines de potasse d'Alsace et La Poste, en remarquant que
la prise en compte de ces structures publiques pouvait biaiser sensiblement le
bilan.
Il s'est interrogé sur la véritable signification des 85.000
créations d'emplois annoncées dans le cadre des accords
aidés, considérant qu'un certain nombre de ces emplois
correspondait à des effets d'aubaine.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé que le Gouvernement
estimait à 15.000 les créations d'emplois relevant des effets
d'aubaine. Il a estimé que ce chiffre ne pouvait être
rapporté aux 120.000 engagements de créations ou de
préservations d'emplois, compte tenu des 18.800 emplois relevant du
secteur public et des 16.300 emplois créés ou
préservés par des entreprises qui n'avaient pas reçu une
aide financière.
Il a constaté que ces 15.000 emplois devaient être
rapprochés des 85.000 emplois créés ou
préservés par des entreprises ayant signé un accord
aidé, ce qui représentait déjà un effet d'aubaine
d'environ 18 %. Il a observé à ce stade que ce chiffre de
18 % ne distinguait pas entre emplois créés ou
préservés, sachant toute l'ambiguïté que comportait
la notion d'emploi " préservé ". Dans ces conditions,
il a estimé que les chiffres du rapport préparé par le
Gouvernement illustraient que les accords signés en vertu de la loi du
13 juin 1998 avaient permis 70.000 promesses d'embauches (82 % des
85.000 emplois prévus par les accords aidés) et non 120.000
comme on pouvait le croire en écoutant des lectures plus accommodantes.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a considéré,
néanmoins, que ce chiffre de 70.000 créations d'emplois ne
pouvait, lui aussi, constituer une bonne approximation du nombre d'emplois
créés, compte tenu de la technique retenue par le Gouvernement
pour mesurer les effets d'aubaine.
Il a rappelé que le rapport présenté par le Gouvernement
le 20 septembre dernier expliquait, en effet, que la mesure de l'effet
d'aubaine avait été obtenue en comparant les entreprises ayant
signé un accord Aubry avec celles qui, appartenant à un
même secteur et ayant une taille comparable, n'avaient pas signé
d'accord. Il a observé que les experts du ministère de l'emploi
estimaient que la rupture observée dans l'évolution des effectifs
de ces entreprises constituait une mesure de l'effet sur l'emploi de la
réduction du temps de travail.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a
déclaré que le raisonnement, développé à la
page 13 du tome I du bilan, serait correct si l'on ne constatait pas avec
étonnement à la page 6 du tome II, dans les annexes, un graphique
tout à fait intéressant, et bien peu mis en valeur, qui
expliquait que l'évolution des deux catégories d'entreprises
examinées par les services du ministère différait
déjà entre 1990 et 1996, c'est-à-dire avant le vote de la
loi Robien et bien avant celui de la première loi Aubry.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a estimé que cela signifiait que,
bien qu'appartenant à un même secteur et ayant la même
taille, les entreprises ayant signé un accord n'étaient pas
comparables à celles qui n'en avaient pas signé,
l'évolution de l'emploi dans les entreprises signataires étant
spontanément plus favorable.
Il a considéré que, paradoxalement, les données
rassemblées dans les annexes du rapport publié le 20 septembre
par le Gouvernement démontraient que l'effet d'aubaine jouait à
plein et que les entreprises qui avaient signé un accord en promettant
d'embaucher étaient celles qui avaient déjà tendance
à embaucher, c'est-à-dire celles qui bénéficiaient
d'un avantage compétitif.
M. Louis Souvet, rapporteur,
s'est interrogé sur la
véritable mesure de l'effet d'aubaine. Il a rappelé que le Centre
des jeunes dirigeants (CJD) estimait que 50 % des emplois
créés relevaient de l'effet d'aubaine, que les chambres de
commerce et d'industrie estimaient ce chiffre à 70 % tandis que M.
Bernard Brunhes considérait que la " quasi-totalité "
des embauches réalisées relevait de l'anticipation,
c'est-à-dire littéralement de l'effet d'aubaine.
M. Louis
Souvet, rapporteur,
a déclaré que ces estimations ramenaient
entre 25.000 et 43.000 le nombre d'emplois créés en vertu de la
loi du 13 juin 1998.
Observant que 6,7 milliards de francs avaient été inscrits
au budget en 1998 et 1999 pour financer la loi du 13 juin 1998, il a
noté que si l'on retenait la fourchette haute de l'estimation, soit
43.000 vrais emplois créés, chaque emploi créé
aurait été financé par l'Etat à hauteur de 156.000
francs (268.000 francs par emploi si l'on retenait l'hypothèse
basse de 25.000 emplois créés hors effet d'aubaine). Il
s'est interrogé sur le fait de savoir si cet argent n'aurait pas
été mieux employé à réduire le coût du
travail ou à développer la formation professionnelle.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a souligné que l'ensemble des pays
européens avait bénéficié d'un retour de la
croissance depuis 1997.
Il a observé que le taux de chômage français,
supérieur à 11 % en 1999, était parmi les plus
élevés de l'Union européenne, ce taux étant
aujourd'hui de 7 % en Suède, 6,5 % en Irlande et au
Royaume-Uni, 4,5 % au Portugal, en Autriche et au Danemark, 3,3 % aux
Pays-Bas. Il a estimé que cette comparaison n'était pas à
l'avantage de la politique de l'emploi menée par le Gouvernement, la
France étant, en effet, le pays, parmi ceux qui avaient les plus hauts
taux de chômage en 1997, à avoir obtenu les moins bons
résultats depuis deux ans en termes de réduction du
chômage.
Il a observé, que, depuis deux ans, la Suède, l'Irlande et la
Finlande, trois pays qui avaient un taux de chômage compris entre 10 et
12 %, avaient réduit celui-ci de 20 à 33 % contre seulement
11 % pour la France. Il a remarqué que seule l'Italie avait obtenu
des résultats moins favorables que la France, en termes de baisse du
taux de chômage, soulignant qu'elle était le seul pays
également à avoir manifesté un intérêt pour
les 35 heures, bien qu'elle ait, depuis, renoncé à mener une
politique d'abaissement généralisé de la durée du
travail.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a conclu, aux termes de cette analyse du
bilan réalisé par le Gouvernement, que les emplois
n'étaient pas au rendez-vous de la loi du 13 juin 1998.
Il a cependant reconnu que la loi du 13 juin 1998 n'avait pas été
sans conséquence, la centaine d'accords de branche et les 15.000 accords
d'entreprise étant une réalité. Il a souligné que,
sous la contrainte exercée par la perspective de la seconde loi, les
partenaires sociaux avaient été amenés à
négocier ce dont les entreprises avaient besoin : la
flexibilité. Il a estimé que cette loi avait fait " tomber
des tabous " sur l'organisation du travail, les salariés ayant
dû accepter un accroissement de la flexibilité contre une
amélioration des conditions de travail et une réduction du temps
de travail. Il a remarqué que les accords signés avaient
prévu, dans plus de 42 % des cas, une fluctuation des horaires,
dans 25,2 % un redéploiement des qualifications des salariés
et dans 21 % une augmentation de l'amplitude des horaires d'ouverture. Par
comparaison, il a noté que seuls 18 % des accords avaient
prévu une augmentation de la durée d'utilisation des
équipements. Il a souligné que, selon les chiffres
communiqués dans le bilan du 20 septembre, 12 % des salariés
concernés par le nouveau temps de travail avaient une durée
annuelle du travail supérieure à 1.600 heures et 21 % des
accords prévoyaient une durée du travail hebdomadaire maximale
supérieure à 44 heures.
Il a insisté sur ces deux points, compte tenu du fait que le second
projet de loi avait prévu que le plafond de l'annualisation serait
abaissé à 1.600 heures et la durée maximale du travail
à 44 heures.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que les partenaires
sociaux étaient peu nombreux à considérer le bilan de la
loi du 13 juin 1998 comme satisfaisant.
Il a observé que le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la
Confédération générale des petites et moyennes
entreprises (CGPME) restaient résolument opposés à ce
texte. Evoquant le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises (CJD), il a
observé que 200 de ses 500 adhérents, qui avaient
décidé de mettre en oeuvre la loi Aubry, avaient renoncé
en cours de route à négocier la réduction du temps de
travail compte tenu de la complexité et de la rigidité des
procédures, de l'absence d'interlocuteurs du côté
salarié et des difficultés à mettre en oeuvre la
modulation du temps de travail.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé que M. Jean Delmas,
président de l'Union professionnelle artisanale (UPA) avait
déclaré, lors de son audition, que la loi du 13 juin 1998
s'était révélée impossible à appliquer pour
la majorité des toutes petites entreprises du fait notamment de leur
déficit d'expertise juridique.
Il a observé que, globalement, les syndicats de salariés
redoutaient qu'à une première loi Aubry
" réformant " la négociation collective, à
travers une certaine pratique du mandatement, succède une seconde loi
réorganisant le paysage syndical, à travers, par exemple, la
pratique des " accords majoritaires ".
Il a souligné que les désaccords entre le Gouvernement d'une part
et les partenaires sociaux d'autre part, portaient sur cinq points : la
capacité de ce dispositif à créer des emplois, l'ouverture
inopinée d'un débat sur la représentativité
syndicale, l'articulation du second projet de loi avec les accords
déjà signés, la question du financement et l'application
des 35 heures aux trois fonctions publiques qui posait un problème
de coût considérable.
Il a rappelé que l'article 2 de la loi du 13 juin 1998 appelait les
partenaires sociaux à " négocier d'ici les
échéances fixées à l'article premier (2000 ou 2002
selon la taille de l'entreprise), les modalités de réduction
effective de la durée du travail adaptées aux situations des
branches et des entreprises ".
Il a observé que les employeurs estimaient que les entreprises avaient
" joué le jeu " et respecté la loi, " chacun ayant
négocié selon les exigences de sa profession dans un dialogue
parfaitement classique " et qu'ils considéraient, maintenant, que
les accords étendus ne seraient pas opérationnels, compte tenu du
refus du Gouvernement de reprendre les dispositions des accords concernant
notamment le régime des cadres, la durée du travail en cas
d'annualisation, le développement de la formation en dehors du temps de
travail ou encore le nombre d'heures supplémentaires effectivement
applicable.
Examinant le contenu des accords de branche,
M. Louis Souvet,
rapporteur,
a constaté qu'ils prenaient en compte des exigences
communes. Il a observé que plusieurs branches avaient retenu un
contingent élevé d'heures supplémentaires, citant la
métallurgie et le bâtiment et les travaux publics (BTP) (180
heures), les services de l'automobile (182 heures), la propreté
(190 heures), le textile et l'habillement (175 heures). Concernant
l'annualisation, il a observé que les durées annuelles retenues
étaient souvent supérieures à 1.600 heures par an,
comme pour le BTP (1.645 heures) ou la métallurgie, les services
à l'automobile ou les industries chimiques (1.610 heures).
M. Louis Souvet, rapporteur,
a indiqué que certains accords
prévoyaient qu'une partie importante de la formation aurait lieu en
dehors du temps de travail (services à l'automobile).
Concernant la compensation de la baisse de salaire en cas de réduction
d'horaire, il a observé que les accords de branche se partageaient entre
ceux qui renvoyaient aux accords d'entreprise et ceux qui posaient le principe
d'une compensation sur les salaires réels.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que la
procédure d'extension avait déjà constitué une
première occasion de remise en cause des accords, leur examen
s'étant fait à partir du cadre légal actuel,
c'est-à-dire du droit existant. Il s'est demandé s'il ne fallait
pas comprendre que la loi du 13 juin 1998 ouvrait un droit à
l'expérimentation pour autant que les dispositions adoptées
n'étaient pas sans lien avec l'objet de la loi et rejoignaient sur la
forme la procédure des ordonnances législatives qui habilite le
Gouvernement à adopter des actes de portée législative
à " durée déterminée ".
Il a déclaré que les dispositions qui avaient fait l'objet d'une
exclusion au motif d'une absence de base légale n'avaient rien de
scandaleux, citant l'annualisation individuelle, le décompte en jours du
forfait annuel de la durée du travail, la prise en compte des
salariés à temps partiel dans la modulation, le remplacement de
la rémunération des heures complémentaires par du repos,
l'abondement par les repos compensateurs légaux et les majorations pour
heures supplémentaires du compte épargne-temps ou encore la
non-assimilation à du temps de travail effectif du temps consacré
aux actions de formation prévues par le plan de formation.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a estimé que l'étendue des
réserves et des exclusions illustrait le fait que le Gouvernement ne
souhaitait pas encourager l'innovation dans le contenu des accords, ce qui
était contradictoire avec l'esprit même de la loi du 13 juin 1998.
Il a observé que les employeurs pouvaient tout à fait, dans ces
conditions, dénoncer le " double-jeu " du Gouvernement qui
exerçait un droit de regard sur le contenu des accords tout en
précisant que les dispositions étendues " ne
préjugeaient pas du contenu de la seconde loi ".
M. Louis Souvet, rapporteur,
a constaté que la négociation
sur la réduction du temps de travail avait donc été
sérieusement " encadrée " par l'absence de
possibilité d'innover et qu'il apparaissait aujourd'hui que, non
seulement les partenaires sociaux n'avaient pu négocier ce qu'ils
souhaitaient, c'est-à-dire " les modalités de
réduction effective de la réduction du temps de travail
adaptées aux situations des branches et des entreprises " mais
qu'il leur faudrait renégocier certains accords sur des clauses
fondamentales comme l'annualisation du temps de travail, le régime des
heures supplémentaires, la formation professionnelle, le temps de
travail des cadres ou les salaires, compte tenu des dispositions figurant dans
le présent projet de loi.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a estimé, en conséquence, que
le projet de loi ne reprenait pas le contenu des accords signés, mais
qu'il se limitait à tenir compte des " enseignements des accords
conclus ", ce qui lui semblait très différent. Il a
remarqué que si la loi du 13 juin 1998 avait pu être
présentée comme une loi-cadre sur la réduction du temps de
travail, ce nouveau texte constituait un recadrage brutal compte tenu notamment
des amendements souvent très contraignants adoptés à
l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé les principales
dispositions du projet de loi.
Il a déclaré que l'article premier était sans doute le
plus emblématique puisqu'il confirmait le principe de la
réduction de la durée légale à 35 heures au
1
er
janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt
salariés et au 1
er
janvier 2002 pour les autres. Il a
remarqué que l'article 2 modifiait le régime des heures
supplémentaires pour tenir compte de l'abaissement de la durée
légale prévu par l'article premier. Il a souligné que
l'article 3 unifiait et simplifiait le régime des modulations
autour des 35 heures, tandis que l'article 4 pérennisait la
possibilité d'organiser la réduction du temps de travail sous
forme de journées ou de demi-journées de repos. Il a
observé que l'article 5 distinguait trois catégories de cadres et
que l'article 6 modifiait le régime du temps partiel.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a insisté sur l'article 11 du
projet de loi relatif aux allégements de cotisations sociales pour les
entreprises ayant conclu un accord de réduction du temps de travail. Il
a observé que le paragraphe XVI de cet article prévoyait que ces
allégements seraient financés par les régimes de
protection sociale, d'assurance chômage et par l'Etat. Il a
déclaré que l'article 12 définissait le barème
d'allégement de cotisations sociales. Il a souligné que l'article
14 validait les accords conclus avant l'entrée en vigueur de cette
nouvelle loi mais seulement pour un an, tandis que l'article 15 traitait
des conséquences du refus par un salarié d'accepter une
modification de son contrat de travail consécutive à la
réduction du temps de travail. Il a observé que l'article 16
garantissait les revenus des salariés rémunérés au
niveau du SMIC et passés aux 35 heures.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a considéré que
l'étendue des dispositions du projet de loi comme leur
complexité, notamment en ce qui concernait le régime des heures
supplémentaires, illustrait bien le " recadrage "
opéré par le Gouvernement à l'occasion de l'examen de ce
projet de loi. Il a déclaré qu'il ne s'agissait plus seulement
d'abaisser la durée légale du travail mais aussi de renforcer
l'encadrement du pouvoir de gestion des chefs d'entreprise.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a considéré que le
débat à l'Assemblée nationale avait pris un tour
très idéologique, l'objectif de création d'emplois
étant clairement passé au second rang derrière la
dimension sociale du projet de loi.
Il a cité Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, déclarant, au début de sa présentation
du projet de loi à l'Assemblée nationale, que " les enjeux
de la loi étaient clairs : non seulement rechercher un meilleur
équilibre quantitatif entre le temps de travail, le temps pour soi, le
temps pour les autres, mais aussi améliorer la qualité de la vie
de travail comme de la vie personnelle " à travers le sport, le
bricolage, le jardinage, la culture, la flânerie... Il a rappelé
que la discussion avait inscrit le projet de loi " au coeur des grandes
luttes sociales de notre pays pour l'amélioration des conditions de vie,
pour la défense et le développement de l'emploi ".
M. Louis Souvet, rapporteur,
a considéré que l'adoption de
nombreux amendements présentés quelquefois conjointement par la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale, les membres du groupe socialiste et les membres
du groupe communiste, avait sensiblement durci le texte. Par ailleurs, il a
souligné que des articles additionnels avaient été
adoptés sans rapport direct avec la réduction
" négociée " du temps de travail, ceux-ci
réécrivant de nombreuses dispositions du code du travail.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a estimé que le plus
emblématique de ces ajouts " idéologiques "
était sans doute l'amendement à l'article premier,
déposé par la commission et les membres du groupe socialiste, qui
imposait aux employeurs projetant un plan social d'engager préalablement
une négociation tendant à la conclusion d'un accord sur la
réduction du temps de travail (amendement " Michelin ").
Il a considéré que ces durcissements étaient perceptibles
tout le long du texte, la définition du travail effectif (article
premier ter) ayant été modifiée pour inclure le temps
nécessaire à la restauration, les temps consacrés aux
pauses ainsi que certains temps d'habillage et de déshabillage.
Il a observé que les horaires d'équivalence avaient
été strictement encadrés (article premier quater) de
même que les astreintes (article premier quinquies). Il a souligné
que le délai de prise du repos compensateur avait été
réduit de six mois par un amendement à l'article 2.
Il a remarqué que la durée maximale du travail hebdomadaire avait
été abaissée à 44 heures par un article
additionnel 2 bis et qu'un repos hebdomadaire de 35 heures avait
été créé par un article additionnel 2 ter, sans
possibilité de dérogation, contrairement à ce que
prévoyait la directive européenne.
Il a noté que le régime unique de modulation de l'article 3 avait
été durci par un amendement qui prévoyait que l'accord
devait préciser les données économiques et sociales
justifiant le recours à la modulation, qu'un article 4 bis avait
renforcé les modalités de contrôle du repos dominical.
Il a souligné que la catégorie des cadres dirigeants de l'article
5 avait été strictement délimitée.
Par ailleurs, il a observé que des conditions supplémentaires
pour obtenir le bénéfice des allégements de cotisations
sociales prévus à l'article 11 avaient été
introduites.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a estimé que les modifications
apportées par l'Assemblée nationale avaient toutes
privilégié le renforcement et le durcissement de " l'ordre
public social " de préférence à
l'élargissement
du champ d'intervention des partenaires
sociaux. Il a remarqué que " l'ancrage à gauche " du
texte revendiqué par Mme Martine Aubry et M. Gaëtan
Gorce, rapporteur pour l'Assemblée nationale, avait donc
été confirmé et accentué par la première
lecture à l'Assemblée nationale.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que les auteurs du
projet de loi avaient souhaité le situer dans la lignée des
" grandes lois de gauche " sur le renforcement des garanties
accordées aux salariés.
Il a observé que les effets de ces " grandes " lois
contredisaient souvent leurs objectifs, en considérant qu'elles avaient,
non seulement tendance à privilégier l'amélioration des
conditions de travail des salariés en place au détriment des
perspectives d'emploi pour les chômeurs, mais aussi à faire que
les contraintes imposées aux chefs d'entreprise les amènent
à augmenter encore la productivité, la substitution du facteur
capital au facteur travail, et donc à pénaliser l'emploi
salarié.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré qu'au-delà
d'un principe, la réduction du temps de travail, et d'une
méthode, l'abaissement de la durée légale du travail, il
existait donc une véritable rupture entre la vision de la
société qui portait ce projet de loi et les convictions profondes
que partageait la majorité des membres de la commission. Il a
remarqué que, bien que les " 35 heures " aient
constitué la 23
ème
des 110 propositions de
M. François Mitterrand en 1981, elles n'avaient pas
été appliquées, la durée légale ayant
simplement été ramenée de 40 à 39 heures.
Toutefois, il a observé que l'idée était restée,
notant qu'en 1982, deux des inspirateurs du présent projet de loi,
MM. Yves Barou et Jacques Rigaudiat, écrivaient déjà
que la réduction du temps de travail était la seule voie
permettant d'éviter la solution néo-libérale. Il a
observé que ces deux auteurs considéraient alors que
" travailler deux heures par jour, et 40.000 heures tout au long de sa
vie ", ce vieux rêve de " l'humanité était
aujourd'hui à notre portée " en concluant que " le
droit à la paresse était d'abord une conquête à
réaliser avant que d'être une jouissance à savourer ".
Sans dénier l'importance des loisirs pour les salariés,
M.
Louis Souvet, rapporteur,
a souhaité réaffirmer combien le
travail restait aujourd'hui pour lui un principe de liberté
indispensable à la cohésion de la société. Il a
rappelé ce qu'avait expliqué Max Weber, à savoir que la
division du travail qui caractérisait nos économies contraignait
chaque individu à travailler pour les autres et constituait ainsi un
puissant facteur d'unité et de solidarité.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré
préférer penser avec Hannah Arendt que " la condition
humaine du travail est la vie elle-même " plutôt que de
considérer le travail comme une aliénation. Il a rappelé
à cet égard les termes de la première phrase du
cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27
octobre 1946 : " Chacun a le devoir de travailler et le droit
d'obtenir un emploi ".
Il a estimé que la commission ne pouvait pas accepter ce texte en
l'état. Il a remarqué que ses objections se trouvaient
aujourd'hui renforcées par les incertitudes qui entouraient le
financement du dispositif.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé que le 29 juin 1998 lors
du débat sur la proposition de loi relative à l'allégement
des charges sur les bas salaires dont le premier signataire était M.
Christian Poncelet alors président de la commission des Finances,
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et
à la formation professionnelle, avait déclaré au
Sénat que le Gouvernement n'avait pas souhaité poursuivre cette
politique d'allégement des charges sociales pour trois raisons : le
niveau des charges ne constituait pas selon lui un obstacle certain à
l'emploi, l'efficacité des allégements de charges lui semblait
relative et le financement d'un tel dispositif lui apparaissait comme difficile.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a remarqué que le Gouvernement
était aujourd'hui revenu sur ses deux premières objections,
reconnaissant que le coût du travail constituait bien un obstacle
à l'emploi et que les allégements de charges étaient
efficaces, mais il a observé que le troisième point relatif au
financement continuait à lui poser un problème.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé que le Gouvernement avait
en effet prévu dans ce projet de loi un allégement de cotisations
sociales spécifique pour les entreprises signataires d'un accord de
réduction du temps de travail ayant abaissé la durée
collective du travail à 35 heures au plus. Il a observé que tout
emploi inscrit dans ce cadre donnerait droit, à partir de l'an 2000,
à un abattement de cotisations patronales compris entre 21.500 francs
par an au niveau du SMIC et 4.000 francs à 1,8 SMIC et au-delà.
Il a souligné que les entreprises qui ne seraient pas éligibles
au nouveau dispositif continueraient de bénéficier de la
ristourne dégressive sur les bas salaires (" ristourne
Juppé ").
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré qu'à
plusieurs reprises, le Gouvernement avait fait état d'une estimation
d'une baisse de 4 à 5 % du coût salarial pour un salarié
à 1,6 SMIC, une fois pris en compte l'effet
" négatif " des 35 heures.
Il a souligné que le financement des allégements de cotisations
sociales était assuré par un fonds de financement
créé par l'article 2 du projet de loi de financement de la
sécurité sociale auquel se référait le paragraphe
XVI de l'article 11 du présent projet de loi.
Il a déclaré que ce fonds avait un double objectif :
financer les aides accordées aux entreprises passant aux 35 heures et
financer les allégements de charges sociales sur les bas salaires. Il a
observé que ce fonds était alimenté par des recettes
d'origines diverses : une fiscalité affectée (pas moins de
trois prélèvements : droits sur tabacs, contribution sociale
sur les bénéfices, taxe générale sur les
activités polluantes) et, dans la rédaction adoptée par
l'Assemblée nationale, examinée présentement, une
contribution de l'Etat, de l'UNEDIC et des régimes de
sécurité sociale.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que pour l'an 2000,
le financement de la ristourne " Juppé " sur les bas salaires
actuelle était assuré par 85,5 % des droits sur les tabacs dans
la limite de 39,5 milliards de francs.
Il a observé que l'extension de la ristourne " Juppé "
actuelle sur les bas salaires serait financée par le conglomérat
improbable de la taxe générale sur les activités
polluantes (3,2 milliards de francs) et de la contribution sociale sur les
bénéfices des sociétés (4,3 milliards de
francs).
Il a remarqué que les 17,5 milliards de francs résultant
directement des 35 heures devaient être financés en 2000 par
une contribution de l'Etat à hauteur de 18 %, une contribution des
régimes de protection sociale à hauteur de 32 % et une
contribution de l'UNEDIC à hauteur de 50 %.
Il a également rappelé que le produit de la contribution de 10 %
sur les quatre heures supplémentaires entre 35 et 39 heures,
payée par les entreprises dont la durée collective du travail
n'aurait pas été abaissée à 35 heures, serait
affecté au fonds.
Concernant le financement du fonds " à terme ",
M. Louis
Souvet, rapporteur,
a observé que l'exposé des motifs de
l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale indiquait que " les dépenses seraient de l'ordre de 100
à 110 milliards de francs par an ". Il a remarqué que le
coût proprement dit des 35 heures atteindrait alors 40 milliards de
francs et l'extension de la " ristourne Juppé "
25 milliards de francs, les 40 premiers milliards de francs
d'allégements devant être toujours financés par les tabacs
et les 25 milliards supplémentaires par la taxe
générale sur les activités polluantes et la contribution
sociale sur les bénéfices des sociétés. Il a
observé que la contribution des organismes sociaux et de l'Etat
était estimée à 40 milliards de francs.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que la
majorité des membres de la commission ne pouvait qu'être
très défavorable à ce plan de financement.
Il a estimé que l'affectation des droits sur les tabacs à un
fonds de financement mélangeant allégements et aides
pérennes à la réduction du temps de travail ne
répondait en rien à un impératif de santé publique.
Il a considéré que la contribution sociale sur les
bénéfices des sociétés, dont l'affectation au fonds
de financement était proposée à l'article 3 du projet de
loi de financement de la sécurité sociale constituait, en
réalité, une majoration déguisée de l'impôt
sur les sociétés, le produit de la taxe générale
sur les activités polluantes étant détourné de son
objet qui devrait être la réparation des dommages causés
à l'environnement.
Par ailleurs,
M. Louis Souvet, rapporteur,
a estimé que demander
des contributions à la sécurité sociale et à
l'UNEDIC pour financer des allégements de charges et la réduction
du temps de travail constituait un détournement de la finalité
des ressources de ces régimes, compte tenu notamment des
ambiguïtés qui entouraient la notion de " recyclage " des
bénéfices à attendre des créations d'emplois dans
le cadre des 35 heures.
Il a observé que les gestionnaires des régimes sociaux et les
partenaires sociaux avaient réaffirmé en juillet et en septembre
leur opposition totale à cette contribution.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a considéré qu'en maintenant
son dispositif jusqu'au terme de la première lecture à
l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait pris le risque de mettre
fin au paritarisme dans les régimes sociaux, ce qui lui semblait
très grave.
Au surplus,
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que ces
contributions présentaient le caractère d'impositions, le
législateur étant seul compétent pour fixer les
règles concernant " l'assiette, le taux et les modalités de
recouvrement des impositions de toute nature ", comme le précisait
l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a souligné que l'annonce par le
Gouvernement de l'abandon du principe d'une contribution de la part des
régimes sociaux et de l'assurance chômage, si il devait être
salué comme un " retour à la raison ", ne laissait pas
moins la question du financement en suspens.
Il a observé que le Gouvernement avait annoncé que cette
contribution serait remplacée par une fraction des droits de
consommation sur les alcools. Ce faisant, il a considéré qu'en
privilégiant le financement des allégements de charges et la
réduction du temps de travail au détriment du financement futur
des retraites, le Gouvernement semblait contredire lui-même sa
priorité de " sauvegarder les régimes par
répartition " par l'intermédiaire du fonds de réserve.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a considéré qu'en
dépit des annonces faites par le Gouvernement, le financement des 35
heures pour 2000 n'était pas assuré à hauteur de
8 milliards de francs et qu'à terme, le plan de financement
montrait un " trou " d'une vingtaine de milliards de francs.
M. Louis Souvet, rapporteur,
en a conclu que le projet de loi relatif
à la réduction négociée du temps de travail
n'était toujours pas financé.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a pris acte des reculs et des
hésitations du Gouvernement. Il a souhaité proposer une solution
radicale aux problèmes posés par ce projet de loi en le modifiant
selon quatre principes.
Il a souhaité supprimer les dispositions relatives à
l'abaissement de la durée légale du travail, et notamment
l'article premier (abaissement de la durée légale du travail),
l'article 2 (régime des cadres), l'article 11
(allégement de charges subordonné à la réduction du
temps de travail), l'article 12 (barème de l'allégement),
l'article 16 (double-SMIC) et l'article 17 (35 heures dans le secteur
agricole).
Il a présenté des corrections aux dispositions adoptées
à l'Assemblée nationale pour durcir le texte en supprimant ou en
amendant notamment les articles premier bis (contreparties à
l'aménagement du temps de travail), premier ter (modification de la
durée du travail effectif) et 4 bis (renforcement du contrôle du
travail dominical).
Il a proposé d'enrichir les dispositions non liées à
l'abaissement de la durée légale du travail par des amendements
importants, notamment sur les articles 3 (régime unique de modulation),
6 (travail à temps partiel), 9 (compte épargne-temps).
Il a souhaité développer la négociation collective et
garantir l'application des accords à travers l'adoption de quatre
amendements créant des articles additionnels : le premier appelle
les partenaires sociaux à participer à une conférence
nationale sur le développement de la négociation collective, le
deuxième valide pour cinq ans les clauses des accords conclu en
application de la loi du 13 juin 1998, le troisième valide l'accord
signé par les partenaires sociaux le 8 avril 1999 qui reconduit le
mandatement tel qu'il avait été défini par l'accord
interprofessionnel de 1995 et, enfin, le quatrième prévoit que
les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social
pourront bénéficier de l'aide prévue par la
première loi Aubry jusqu'en juin 2000 afin de tenir compte des
contraintes spécifiques auxquelles doivent faire face ces
établissements du fait de la procédure d'agrément.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a considéré que les
conclusions du rapporteur sur le bilan de la loi du 13 juin 1998 étaient
sombres et sans nuance. Elle a estimé que le nouveau projet de loi, en
associant étroitement la loi et le recours à la
négociation collective, permettait d'affirmer des garanties pour les
salariés et d'assurer une application sur le terrain au plus près
des réalités. Elle a constaté que la première loi
avait permis une reprise du dialogue social dans les entreprises. Rappelant que
les simples incitations à la négociation n'avaient pas
donné beaucoup de résultats après avoir cité
l'accord interprofessionnel de 1995 et la loi du 11 juin 1996, elle a
réaffirmé la nécessité d'une loi pour promouvoir la
réduction du temps de travail.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
ayant observé que M. Louis
Souvet, rapporteur, considérait que le projet de loi privilégiait
dorénavant un projet de société et un renforcement des
garanties sociales des salariés, s'est félicitée que la
dimension sociale ne soit pas absente de ce texte.
Elle a observé que le projet de loi proposait un dispositif
dégressif d'allégement des cotisations sociales dont pouvait
bénéficier l'essentiel des entreprises françaises.
M. André Jourdain
a déclaré qu'il aurait
préféré que la commission propose d'adopter une exception
d'irrecevabilité. Il a rappelé que les organisations d'employeurs
considéraient que les dispositions des accords n'avaient pas
été reprises entièrement par le second projet de loi.
M. André Jourdain
, évoquant le financement du dispositif,
a observé que le montant de la contribution de 10 % liée aux
heures supplémentaires étant estimé à
7 milliards de francs, cela signifiait qu'un milliard d'heures
supplémentaires était pris en compte. Il a estimé que ce
milliard d'heures supplémentaires entre 35 et 39 heures correspondait au
fait que dix millions de salariés n'étaient pas passés
à 35 heures, ce qui illustrait l'échec du dispositif.
M. Guy Fischer
a exprimé la volonté du groupe
communiste républicain et citoyen de clarifier nombre de points de ce
projet de loi et de sécuriser certains articles afin d'affirmer un
objectif de créations d'emplois. Il a déclaré que les
allégements de cotisations sociales opérés depuis une
dizaine d'années n'avaient pas donné de résultats
tangibles et a estimé que les nouveaux allégements prévus
devaient être subordonnés à des engagements de la part des
entreprises bénéficiaires. Il a considéré que la
France n'était pas le pays où le coût du travail
était le plus élevé et qu'au contraire le rapport entre le
capital et le travail s'était dégradé.
M. Guy Fischer
a déclaré que les propositions du
rapporteur revenaient à supprimer l'essentiel du texte adopté par
l'Assemblée nationale et illustraient l'existence de deux philosophies
complètement opposées sur la réduction du temps de
travail. Il a considéré qu'une loi était nécessaire
afin de libérer du temps pour les salariés. Il a affirmé
que son groupe s'opposerait aux propositions de la commission des affaires
sociales.
M. Jean Chérioux
a déclaré que la question de la
réduction du temps de travail n'était pas au centre du
débat et que les différences d'appréciation reposaient
plutôt sur les modalités à retenir. Il a
considéré qu'il n'était pas réaliste de s'en
remettre à la loi et qu'il convenait de laisser une plus grande latitude
aux partenaires sociaux. Il a observé que la négociation sur la
réduction du temps de travail aurait tout intérêt à
trouver sa place dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire.
Mme Annick Bocandé
a souligné les faibles résultats
en termes d'emplois de la loi du 13 juin 1998. Elle s'est
inquiétée des modalités de financement de ce dispositif et
notamment du fait que la taxe générale sur les activités
polluantes soit détournée de son objectif premier,
c'est-à-dire la réparation des dommages causés à
l'environnement.
M. Serge Franchis
a estimé que le projet de loi était
moins moderne que ne le pensaient ses auteurs. Il a considéré que
si l'objectif de créations d'emplois n'était pas atteint cela
signifierait qu'une occasion avait été manquée. Il a
souhaité connaître les modalités d'articulation des
différentes aides relatives à la réduction du temps de
travail.
M. Philippe Nogrix
a fait part de son désaccord sur la vision qui
sous-tendait ce projet de loi qui a tendance à ne pas tenir compte des
modalités d'application et des oppositions qui se manifestaient, y
compris sur le terrain. Concernant le financement, il s'est
étonné que des ressources soient détournées de leur
objet, notamment en ce qui concernait la taxe générale sur les
activités polluantes. Il a évoqué la question de
l'application des 35 heures dans le secteur public qui demeurait une
inconnue. Il a souligné les problèmes que posait l'abaissement de
la durée légale pour les établissements du secteur social
compte tenu des contraintes spécifiques liées à la
procédure d'agrément.
M. Claude Domeizel
a considéré que les conclusions du
rapporteur étaient très catégoriques et s'est
interrogé sur la contradiction qu'il y avait à supprimer
l'essentiel des dispositions du texte tout en prônant le
développement de la réduction du temps de travail.
M. Claude Huriet
a souligné les conséquences de
l'abaissement de la durée légale du travail sur l'augmentation
des coûts salariaux des entreprises. Il a déclaré que de
nombreuses entreprises avaient déjà des problèmes pour
recruter des salariés possédant les qualifications requises.
En réponse aux différents intervenants,
M. Louis Souvet,
rapporteur,
a souligné les difficultés qu'il avait pu
rencontrer dans l'examen d'un texte dont le Gouvernement avait changé
l'ensemble des modalités de financement en cours d'examen. Il a
considéré que le Gouvernement avait semé ainsi un grand
désordre dans l'organisation de la procédure d'examen du projet
de loi.
Il a déclaré qu'aux termes de ses nombreuses auditions, la
majorité de ses interlocuteurs s'interrogeaient sur la façon dont
ce projet de loi pourrait être appliqué. Il a estimé que
l'application des 35 heures dans le secteur public poserait d'énormes
difficultés, notamment au niveau local.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a réaffirmé qu'il existait
des visions différentes de l'évolution de la
société et que cette opposition reposait notamment sur la place
qui devait être accordée au travail. Il a rappelé que le
projet de loi ne tenait pas les engagements pris en 1998 concernant la reprise
des clauses des accords signés.
Il a observé que l'intérêt d'une motion tendant à
opposer l'exception d'irrecevabilité avait perdu de son
intérêt depuis que le Gouvernement avait renoncé à
mettre à contribution les régimes sociaux et l'assurance
chômage.
Concernant la question des allégements de charges,
M. Louis Souvet,
rapporteur,
a rappelé que Mme Nicole Péry, secrétaire
d'Etat, avait déclaré en 1998 que les allégements de
charges ne constituaient pas une priorité du Gouvernement ; il a
salué la récente volte-face du Gouvernement sur ce sujet.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a considéré qu'il n'y avait
pas de contradiction entre les dispositions proposées et le souhait de
favoriser une réduction du temps de travail étant donné la
place qui était réservée aux partenaires sociaux dans le
cadre du nouveau dispositif.
Concernant les articulations des différentes aides à la
réduction du temps de travail,
M. Louis Souvet, rapporteur,
a
déclaré qu'il avait demandé par écrit à
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, un
récapitulatif de ces aides. Il a précisé qu'il n'avait pas
encore reçu de réponses à ce questionnaire bien qu'il
avait souhaité les obtenir avant le 27 octobre.
M. Jean Delaneau, président,
a souhaité rappeler les
termes du huitième alinéa du Préambule à la
Constitution du 27 octobre 1946, selon lesquels " tout travailleur
participe par l'intermédiaire de ses délégués,
à la détermination collective des conditions de travail ainsi
qu'à la gestion des entreprises ". Il a considéré que
telle était la philosophie du dispositif d'amendements proposés
par le rapporteur.
Ensuite la commission a procédé à l'examen des articles et
des amendements proposés par le rapporteur.
Elle a adopté un premier amendement tendant à insérer un
article additionnel avant l'article premier
prévoyant que
les partenaires sociaux seraient appelés à participer à
une conférence nationale sur le développement de la
négociation collective.
Elle a adopté ensuite un second amendement tendant également
à insérer un
article additionnel avant l'article premier
validant, dans la limite de cinq ans, les clauses des accords conclu en
application de la loi du 13 juin 1998.
La commission a adopté un amendement de modification de
l'article premier
du projet de loi supprimant les paragraphes I, II
et IV de cet article et coordonnant ces suppressions avec les dispositions de
l'article premier de la loi du 13 juin 1998 au regard de la suppression de
l'abaissement de la durée légale du travail.
Elle a adopté un amendement tendant également à
insérer un
article additionnel avant l'article premier bis
afin de valider l'accord signé par les partenaires sociaux sur le
renouvellement du dispositif relatif au mandatement.
Elle a adopté un amendement tendant à insérer un
article additionnel avant l'article premier bis
pour prévoir
que les établissements du secteur sanitaire, social et
médico-social pourront bénéficier de l'aide prévue
à l'article 3 de la loi du 13 juin 1998 jusqu'au
1
er
juin 2000.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article premier
bis
(affirmation des contreparties pour le salarié de
l'aménagement du temps de travail).
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de
l'article premier ter
, prévoyant que le temps nécessaire
à l'habillage et au déshabillage, lorsque le port d'une tenue de
travail est imposé, est rémunéré selon des
modalités fixées par convention ou accord collectif de travail.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de
l'article premier quater
tendant à prévoir, en l'absence
de décret, la possibilité pour les partenaires sociaux de
définir des durées d'équivalence.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de
l'article premier quinquies
relatif à la définition de
l'astreinte.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 2
relatif
au régime des heures supplémentaires dans le cadre de
l'abaissement de la durée légale du travail.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 2 bis
relatif à l'abaissement de la durée maximale du travail
hebdomadaire.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de
l'article 2 ter
afin de prendre en compte les dispositions d'une
directive sur le repos hebdomadaire minimal.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de
l'article 3
relatif à un régime unique de modulation des
horaires de travail.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de
l'article 4
relatif à la réduction du temps de travail par
l'attribution de journées ou de demi-journées de repos.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 4 bis
qui
renforce le contrôle et l'interdiction du travail hebdomadaire.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de
l'article 5
relatif à la durée et à la
rémunération du travail des cadres.
Elle a adopté une nouvelle rédaction de
l'article 6
relatif au travail à temps partiel, comportant huit modifications aux
différents paragraphes de cet article.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 6 bis
relatif à l'abrogation d'un dispositif d'exonération de charges
sociales pour les contrats de travail à temps partiel.
Elle a adopté conformes
les articles 7
(travail intermittent) et
8
(dispositions relatives aux congés) du projet de loi.
Elle a adopté un amendement qui modifie plusieurs dispositions de
l'article 9
(compte épargne-temps).
Elle a adopté un amendement qui modifie plusieurs dispositions de
l'article 10
relatif à la possibilité d'organiser des
périodes de formation pour partie en dehors du temps de travail.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 10 bis
portant sur la transposition de certaines dispositions d'une directive
européenne du 22 juin 1999 relative à la protection des jeunes au
travail.
Elle a adopté trois amendements de suppression des différents
paragraphes de
l'article 11
relatif à un allégement de
cotisations sociales pour les entreprises signant un accord de réduction
du temps de travail et prévoyant ses modalités de financement.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 11 bis
prévoyant des dispositions relatives au SMIC pour les salariés
des entreprises créées postérieurement à
l'entrée en vigueur de la présente loi.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 12
qui
définit le nouvel allégement de cotisations sociales lié
à la réduction du temps de travail.
Elle a adopté un amendement de modification de
l'article 12 ter
relatif à la réduction du temps de travail par étapes des
entreprises de moins de vingt salariés.
Elle a adopté un amendement comportant plusieurs modifications de
l'article 12 quater
relatif aux formalités administratives
imposées aux entreprises de moins de vingt salariés applicables
pour bénéficier de l'aide financière à la
diminution du temps de travail.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 12 quinquies
relatif à l'adaptation de
certaines dispositions du projet de loi à la collectivité de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Elle a adopté un amendement de modification de
l'article 13
relatif aux groupements locaux d'employeurs.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 14
relatif à une validation partielle des accords signés en
application de la loi du 13 juin 1998.
Elle a adopté un amendement modifiant
l'article 15
relatif au
licenciement d'un salarié refusant les conséquences de
l'application d'un accord de réduction du temps de travail.
Elle a adopté un amendement modifiant
l'article 15 bis
qui
exonère du paiement de la contribution Delalande l'entreprise ayant
licencié un salarié refusant la modification de son contrat de
travail consécutive à la mise en place d'un accord de
réduction du temps de travail.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 16
garantissant la rémunération des salariés payés au
SMIC en cas de réduction du temps de travail au motif que cet article
était intrinsèquement lié à la baisse de la
durée légale du travail, supprimée par la commission
à l'article premier.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 17
qui
abaisse à 35 heures par semaine la durée légale du
travail des salariés agricoles.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 18
relatif à la présomption de salariat qui constitue un
" cavalier législatif ".
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 19
relatif à l'information du comité d'entreprise sur les aides
reçues par l'entreprise, dépourvu de portée normative.
Elle a adopté un amendement qui propose une nouvelle rédaction de
l'article 20
relatif à un rapport sur la mise en oeuvre de
l'allégement de cotisations prévu par le projet de loi.
La commission a approuvé à sa majorité le projet de loi
ainsi amendé.
" La réduction de la durée du travail (...) peut créer des emplois, beaucoup d'emplois "
Martine
Aubry
(JO - débat AN - 27 janvier 1998 - p. 977)
" La réduction du temps de travail crée des emplois, beaucoup d'emplois "
Martine
Aubry
(JO - débat AN - 5 octobre 1999, p. 6861)
" On peut estimer à environ 30.000 à 40.000 les emplois déjà créés à cette date pour l'ensemble des accords. "
Réponse de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité à un questionnaire écrit de M. Louis Souvet, rapporteur, 28 octobre 1999