V. AUDITIONS DU MARDI 12 OCTOBRE 1999
A. AUDITION DE M. JEAN-MARC ICARD, SECRÉTAIRE NATIONAL CHARGÉ DE L'EMPLOI À LA CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DE L'ENCADREMENT-CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DES CADRES (CFE-CGC)
Réunie le mardi 12 octobre 1999, sous la
présidence
de
M. Jean Delaneau, président
, la commission a poursuivi son
programme d'
auditions
sur le
projet de loi n° 1786
(rectifié) (AN) relatif à la
réduction
négociée du temps de travail
.
La commission a tout d'abord entendu
M. Jean-Marc Icard,
secrétaire national chargé de l'emploi à la
Confédération française de
l'encadrement-Confédération générale des cadres
(CFE-CGC).
M. Jean-Marc Icard, secrétaire national de la CFE-CGC,
a tout
d'abord souhaité rappeler que son organisation syndicale n'avait pas
demandé une loi sur la réduction du temps de travail. Il a
souligné que la CFE-CGC avait été signataire de l'accord
interprofessionnel de 1995 et que c'est l'absence de volonté de
négocier des organisations patronales qui avait amené le
Gouvernement à légiférer. Evoquant la loi du 13 juin
1998,
M. Jean-Marc Icard
a souligné que son organisation
s'était déclarée favorable à une loi qui
permettrait de créer des emplois, ceci d'autant plus qu'il avait
été dit que la deuxième loi reprendrait le contenu des
accords signés par les partenaires sociaux, notamment pour les
dispositions relatives aux cadres.
Revenant sur le projet de loi,
M. Jean-Marc Icard
a
considéré qu'il ne donnait pas satisfaction à la CFE-CGC,
notamment pour ce qui était des dispositions relatives aux cadres. Il a
estimé que le forfait journalier restaurait " le servage des
cadres ", il a considéré par ailleurs que la
définition des cadres dirigeants était trop imprécise.
Il a déclaré que la catégorie des cadres-dirigeants devait
se limiter aux mandataires sociaux, non régis par la convention
collective de leur branche d'activité et ayant des
responsabilités qui les amenaient à définir les
stratégies politiques, économiques et financières de
l'entreprise.
M. Jean-Marc Icard
a estimé que les employeurs avaient tendance
à considérer que les cadres du comité de direction voire
certains directeurs de magasins pouvaient être considérés
comme des cadres-dirigeants, ce qui ne lui semblait pas acceptable.
Il s'est déclaré d'accord avec la notion de cadre
intégré dans les équipes de travail et soumis au droit
commun. Il a estimé que les forfaits avec référence
mensuelle ou annuelle présentaient un intérêt, mais il
s'est élevé contre la formule du forfait-jour, sans limitation
d'horaire, qui pourrait amener un cadre à travailler 13 heures de suite.
Il s'est déclaré très inquiet sur le renvoi à la
négociation de branche de la définition des limites horaires pour
le forfait-jour.
Il a rappelé qu'un cadre travaillait actuellement jusqu'à 46
heures en moyenne par semaine, soit 2.100 heures par an, et que la formule du
forfait pourrait théoriquement permettre une durée annuelle du
travail des cadres proche des 2.800 heures par an.
Ce faisant, il s'est interrogé sur la réalité de la mise
en oeuvre de la réduction du temps de travail pour les cadres.
M. Jean-Marc Icard
a souligné qu'un cadre qui refuserait les
conséquences d'un accord de réduction du temps de travail
pourrait faire l'objet d'une procédure de licenciement pour cause
réelle et sérieuse.
Il a insisté sur la situation particulière des femmes
exerçant des fonctions de cadre qui se voyaient souvent interdire
l'accès aux plus hautes responsabilités pour des raisons
liées à une insuffisante disponibilité.
Il a fait part du risque que plusieurs catégories de salariés
fassent l'objet d'un basculement dans la catégorie des cadres
payés au forfait, citant l'exemple des agents de maîtrise, et que
le chef d'entreprise puisse ainsi détourner la législation sur la
durée du travail.
M. Jean-Marc Icard
a estimé que le conditionnement des aides
financières à la signature d'un accord majoritaire porterait un
rude coût à la négociation contractuelle. Il a fait
observer le risque de chantage de la part des chefs d'entreprise et la
possibilité que les salariés refusent l'accord soumis à
référendum. Il a considéré qu'il fallait laisser
les organisations syndicales prendre leurs responsabilités.
Il a considéré que la CFE-CGC acceptait de discuter de la
question de la représentativité, mais pas au détour d'une
loi sur la réduction du temps de travail.
M. Jean-Marc Icard
a déclaré que son organisation
syndicale était tout à fait opposée au principe d'un
financement des allégements de cotisations sociales par les organismes
de sécurité sociale. Il a estimé que cela revenait
à demander au salarié de payer la " baisse des
charges ".
Il a qualifié d'" usine à gaz " le dispositif relatif
aux heures supplémentaires prévu par le projet de loi, estimant
qu'il était très difficile à mettre en oeuvre pour les
petites et moyennes entreprises (PME).
Il a souligné le risque que les employeurs saisissent le prétexte
de la nouvelle définition du travail à temps partiel pour
demander à leurs salariés de travailler 34 heures par semaine
payées sur la base de 34 heures.
Il a regretté l'absence de la référence à la
création d'emplois dans le projet de loi en observant que, sans ces
créations, les cadres seraient encore plus sollicités. Il a
considéré que les allégements de cotisations sociales ne
créeraient pas d'emploi et s'est déclaré favorable au
principe d'un allégement des charges pour le premier cadre.
Il a estimé que la formation, qui fait l'objet d'un article 10 dans le
projet de loi, relevait du domaine de la négociation collective.
Enfin,
M. Jean-Marc Icard
a estimé que le projet de loi aurait
pour conséquence une remise en cause des conventions collectives et des
classifications.
Il a souhaité que la négociation collective détermine
quelles étaient les catégories de cadres qui pourraient
bénéficier du forfait et de la formation, en suggérant
qu'en cas d'absence d'accord, tous les cadres se voient appliquer le droit
commun en matière de durée du travail.
M. Jean Delaneau, président,
a fait observer qu'il lui semblait
que la CFE-CGC souhaitait que certaines matières soient laissées
à la négociation collective.
M. Jean-Marc Icard
a confirmé que la loi devait être un
cadre incitant à la négociation. Il a regretté que le
projet de loi " ouvre une porte et la referme aussitôt ".
En réponse à une question de
M. Louis Souvet, rapporteur,
qui l'interrogeait sur la compatibilité du projet de loi avec les
accords signés,
M. Jean-Marc Icard
a estimé que
certains accords devraient être modifiés notamment sur le nombre
de jours de travail des cadres au forfait.
En réponse à
M. Louis Souvet, rapporteur,
M. Jean-Marc
Icard
s'est déclaré opposé au principe de l'exclusion
du bénéfice des aides financières des cadres
rémunérés au forfait.
M. Louis Souvet, rapporteur
, l'ayant interrogé sur la question de
la représentativité des syndicats,
M. Jean-Marc Icard
a
déclaré que son organisation syndicale n'était pas
opposée à une discussion sur le décret de 1966, mais il a
souligné que cette question n'avait pas à être
traitée dans le cadre de ce projet de loi.
Il a souhaité, à cet égard, que la CFE-CGC puisse
être considérée comme représentative de l'ensemble
des salariés et non seulement des cadres.
M. André Jourdain
a observé que la CFE-CGC n'était
pas opposée à la définition de plusieurs catégories
de cadres. Il s'est interrogé sur la possibilité que plusieurs
entreprises puissent recruter des cadres en commun à travers la formule
du multisalariat.
M. Guy Fischer
a considéré que les cadres souhaitaient se
voir appliquer les 35 heures et s'est interrogé sur la
possibilité d'un abaissement sur plusieurs années de la
durée du travail pour cette catégorie de salariés.
En réponse aux intervenants,
M. Jean-Marc Icard
a estimé
que la négociation collective devait déterminer la
répartition des cadres entre les différentes catégories,
la loi ne constituant en la matière qu'un recours en cas d'échec.
Il a reconnu que le projet de loi ne comportait aucune disposition relative au
multisalariat et s'est déclaré favorable au développement
du groupement d'employeurs pour les cadres.
Il a estimé que si l'on diminuait l'horaire de travail des cadres sans
diminuer la charge de travail, il n'y aurait aucun changement. Il s'est
déclaré favorable à une baisse du temps de travail des
cadres par palier.