N° 30
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 octobre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la réduction négociée du temps de travail ,
Par M.
Louis SOUVET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.) :
1786
rect.,
1826
et T.A.
366
Sénat
:
22
(1999-2000).
Travail. |
LISTE DES TABLEAUX ET ENCADRÉS
PREMIÈRE PARTIE |
|
Chronologie 35 heures |
100 |
" Selon vous, quelle est parmi les raisons suivantes celle qui constitue le plus aujourd'hui un frein à l'embauche ? " |
|
La mesure qui paraît la plus efficace pour réduire le chômage - Evolution 1996-1999 de la première réponse |
|
" Pour lutter contre le chômage, le Gouvernement propose de ramener à 35 heures la durée hebdomadaire du travail. Vous, personnellement, pensez-vous qu'une telle mesure créera effectivement des emplois ? " |
|
DEUXIÈME PARTIE |
|
" Le pari des 35 heures est en bonne voie mais il
n'est pas
gagné "
|
|
Accords d'entreprise signés dans le cadre de la loi
du 13
juin 1998
|
|
Les différentes définitions de la durée du travail |
113 |
Les salariés à 35 heures dans le champ de la loi de juin 1998 |
115 |
Les différents délais |
115 |
L'évolution comparée de l'emploi dans les établissements ayant et n'ayant pas réduit la durée du travail |
|
Les embauches prévues par catégorie socioprofessionnelle |
119 |
Population active par groupe socioprofessionnel |
119 |
Evolution des plans sociaux et des licenciements économiques |
120 |
Les modalités du temps de travail dans les conventions, selon le secteur d'activité des entreprises |
|
Taux
de recours à la modulation par secteur
|
|
La réorganisation du travail |
123 |
Le nouveau temps de travail des salariés à temps plein |
124 |
La durée hebdomadaire maximale prévue par l'accord |
125 |
Le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises (CJD) estime que la loi Aubry II ne permet pas les conditions du succès de la réduction du temps de travail (RTT) |
|
Le syndicat des indépendants considère que le projet de loi est inapplicable pour les toutes petites entreprises (TPE) |
|
La Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) souhaite que le taux de rémunération des heures supplémentaires soit fixé à 10 % de manière pérenne . |
|
TROISIÈME PARTIE |
|
Les recommandations de l'OCDE pour l'emploi |
139 |
Estimation du nombre d'emplois ayant bénéficié d'un effet d'aubaine |
141 |
Perception du passage aux 35 heures |
144 |
Réduction du temps de travail et création d'emplois |
146 |
L'OFCE estime les effets possibles sur l'emploi du projet de loi entre 0 et 640.000 emplois |
|
Taux de chômage standardisé |
150 |
Durée " légale " du travail |
152 |
Le temps de travail en Europe |
153 |
Travailler moins ne sert pas l'emploi |
153 |
Des résultats passables sur le front de l'emploi - Taux de chômage comparé entre la France et l'Europe des 15 |
|
Productivité comparée du travail |
155 |
QUATRIÈME PARTIE |
|
Détermination des organisations appelées à la discussion et à la négociation des conventions collectives de travail |
|
Elections prud'homales du 10 décembre 1997 - Résultats (métropole) - Collège Salariés en % exprimés |
|
Position par rapport au référendum tel qu'il est prévu par le projet de loi |
165 |
Le
mandatement prévu par les partenaires sociaux selon l'article 6
|
|
Le
mandatement " AUBRY " selon paragraphe III de l'article 3
|
|
Les accords de réduction du temps de travail |
169 |
Les accords avec mandatement par taille et secteur d'activité |
170 |
CINQUIÈME PARTIE |
|
Nature juridique et application de la convention collective |
174 |
Nombre de salariés concernés par la réduction du temps de travail dans le cadre de la loi de Robien |
|
L'accord du 28 juillet 1998 dans le secteur de la métallurgie |
181 |
Principales réserves et exclusions prononcées lors de la procédure d'extension des accords et avenants |
|
SIXIÈME PARTIE |
|
Les effectifs de la fonction publique |
193 |
Temps de travail hebdomadaire dans la fonction publique de l'Etat |
198 |
Temps de travail hebdomadaire dans la fonction publique territoriale |
199 |
SEPTIÈME PARTIE |
|
Le SNAPEI considère que le projet de loi ne prend pas en compte la situation particulière des établissements spécialisés |
|
Temps de travail hebdomadaire dans la fonction publique hospitalière |
209 |
HUITIÈME PARTIE |
|
Les entreprises de transport souhaitent obtenir des aménagements du projet de loi qui prennent en compte les spécificités de leur profession |
|
Le temps de travail des cadres en Europe |
228 |
M. Bernard Brunhes doute que la loi puisse être applicable par les entreprises dès le 1 er janvier 2000 |
|
M. Jean-Emmanuel Ray considère que la nouvelle loi pourrait être difficilement applicable par les entreprises dès le 1 er janvier 2000 |
|
Régime des heures supplémentaires |
236 |
NEUVIÈME PARTIE |
|
L'historique des allégements de charges sur les bas salaires (1993 - 1997) |
238 |
La part des exonérations de cotisations dans le budget emploi |
239 |
Exonérations de cotisations prises en charge par l'Etat, compensées au régime général |
|
Les exonérations non compensées |
240 |
Les propositions du Sénat en matière d'allégement de charges sociales |
242 |
Les
déclarations de Mme Nicole Péry au Sénat le 29 juin
1998
|
|
Les crédits destinés à la réduction du temps de travail |
244 |
Loi Aubry - Coût d'un emploi créé |
246 |
Nouveau barème d'exonérations applicable à un salarié à temps complet dans une entreprise à 35 heures (en remplacement de la ristourne dégressive actuelle) |
|
Accès aux allégements de charges |
249 |
Comparaison entre la " ristourne Juppé " et de la " ristourne Aubry " |
250 |
La " ristourne Juppé " : coût salarial pris en charge |
250 |
La " ristourne Aubry " : coût salarial pris en charge |
251 |
Extrait du rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire de juin 1999, p. 47-48 |
|
Clef de répartition des " retours " pour les finances publiques |
254 |
Le financement du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales en 2000 |
|
La taxation des heures supplémentaires : des évaluations différentes |
257 |
Le financement " à terme " |
258 |
Pertes de recettes en 2000 des administrations publiques |
259 |
Impact sur les entreprises en 2000 des mesures prises dans le cadre de la RTT |
261 |
Les prêts de l'Unedic |
265 |
L'Etat et les régimes complémentaires d'assurance vieillesse |
266 |
Nouveau plan de financement du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales en 2000 |
|
Le nouveau plan de financement " à terme " |
269 |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE MME MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ
Le
jeudi 21 octobre 1999, sous la
présidence de M. Jean Delaneau,
président
, la commission a procédé à
l'audition de Mme Martine Aubry
,
ministre de l'emploi et de
la solidarité
, sur le
projet de loi n° 1786
(rectifié)
(AN) relatif à la
réduction
négociée du temps de travail
.
Dans son propos liminaire,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité,
a souligné que l'objectif de la réduction
du temps de travail était de favoriser l'emploi et que la
démarche du Gouvernement était fondée sur le recours
à la négociation collective. Elle a rappelé que la loi du
13 juin 1998 avait fixé un cap, l'abaissement de la durée
légale de travail, en renvoyant aux partenaires sociaux le soin d'en
négocier les modalités de son anticipation.
Evoquant le bilan de la loi du 13 juin 1998, elle a observé que
109 accords de branche, couvrant 8 millions de salariés, avaient
été signés, 66 de ces accords ayant été
étendus. Elle a considéré que, seuls, deux accords ne
feraient pas l'objet d'une extension, l'accord de la métallurgie,
l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) n'ayant
pas demandé l'extension avant l'an 2000, et l'accord signé par le
secteur " carrières et matériaux " qui comprenait des
clauses illégales. Elle a déclaré que 16.500 accords
d'entreprises avaient été signés concernant 2,3 millions
de salariés.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
déclaré que ces accords avaient permis 130.000 engagements de
créations ou de préservations d'emplois, 85 %
représentant des embauches. Elle a estimé que ces engagements
équivalaient à la baisse du chômage constatée en
1998. Elle a observé que ces engagements étaient encore à
réaliser compte tenu des délais nécessaires aux embauches.
Mme Martine Aubry
a souligné que 115.000 des
130.000 engagements de créations ou de préservations
d'emplois correspondaient à des embauches qui n'auraient pas eu lieu en
l'absence de mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. Elle a
considéré que le dispositif de suivi des accords avait permis
d'établir que seuls 10 % des engagements concernaient des embauches
qui auraient eu lieu en tout état de cause. Elle a déclaré
que l'amélioration de l'emploi consécutive à la
réduction du temps de travail devrait être de 100.000 emplois par
an pendant les années de négociation.
Mme Martine Aubry
a observé que les accords signés se
plaçaient dans les hypothèses les plus favorables établies
par les modèles économétriques en 1998, le financement de
la compensation salariale étant assuré par des gains de
productivité de 3 à 3,5 %, une modération salariale
de 2 à 2,5 % et les aides de l'Etat.
Elle a observé que la souplesse permettait de répondre à
la fois aux besoins des entreprises et à ceux des salariés. Elle
a remarqué que plus de la moitié des accords de modulation
comprenait une amplitude horaire comprise entre 30 et 39 heures. Elle a
souligné que, seuls, 9 % des accords prévoyait une
durée maximale du travail de 42 heures et plus. Elle a
évoqué les progrès concernant les délais de
prévenance et la meilleure prise en compte des souhaits des
salariés concernant l'organisation du travail. Elle a cité
l'exemple d'une entreprise de l'Est de la France, où les salariés
avaient demandé à travailler 6 jours sur 7 afin de pouvoir
disposer de temps libre l'après-midi, alors que dans une autre
entreprise, proche d'Orléans, les salariés avaient demandé
à regrouper le travail sur 4 jours afin de limiter les temps de
transport.
Mme Martine Aubry
a déclaré que 91 % des accords
avaient été conclus par tous les syndicats présents dans
l'entreprise signataire, et que deux tiers des salariés avaient pu
choisir la forme de la réduction du temps de travail appliquée
par leur entreprise.
Elle a observé que la négociation avait permis des
avancées sur des sujets comme la réduction du temps de travail
appliquée aux cadres. Elle a rappelé que le projet de loi
prévoyait la distinction entre trois catégories de cadres, les
dirigeants, les cadres travaillant en équipe et les cadres
rémunérés sur la base d'un forfait de jours
travaillés par an.
Mme Martine Aubry
a estimé que le projet de loi s'inspirait
largement des accords conclus par les partenaires sociaux. Elle a
considéré que les accords de branche étaient tous pris en
compte dans ce second texte à l'exception des clauses illégales
comme le travail le dimanche, la formation prévue uniquement en dehors
du temps de travail ou les forfaits horaires pour toutes les catégories
de cadres. Elle a observé que la majeure partie des accords de
modulation sur l'année prévoyait un plafond aux alentours de
1.600 heures par an.
Mme Martine Aubry
a considéré que le projet de loi
confortait la négociation collective à travers notamment un
délai supplémentaire d'un an pendant lequel s'appliquerait un
régime transitoire.
Elle a évoqué deux amendements adoptés à
l'Assemblée nationale qui avaient prévu pour l'un que la mise en
place d'un plan social devait être précédée d'une
négociation sur la réduction du temps de travail et, pour
l'autre, un dispositif particulier permettant aux entreprises de moins de
20 salariés qui négocieraient la réduction du temps
de travail par étape, avant l'an 2000, de bénéficier
d'allégements de cotisations de sécurité sociale.
Après avoir souligné que l'objectif de l'emploi restait
essentiel,
Mme Martine Aubry
a déclaré que le projet
de loi n'était pas dirigé contre les entreprises. Elle a
rappelé qu'il associait une baisse des charges à un engagement
d'embauche et a précisé que le Gouvernement réaliserait
chaque année un bilan des emplois créés du fait de la
baisse des charges après avis de la commission nationale de la
négociation collective.
Mme Martine Aubry
a considéré que le projet de loi se
bornait à fixer un calendrier pour la réduction du temps de
travail et les garanties dont pourraient bénéficier les
salariés. Elle a évoqué les dispositions relatives au
nouveau régime du travail à temps partiel qui permettaient, dans
certains cas, au salarié de refuser une modification de ses horaires de
travail.
Elle a indiqué que les salariés payés au salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC) bénéficieraient d'une
garantie mensuelle de leur rémunération dans le cadre de la
réduction du temps de travail, de même que les salariés
nouvellement embauchés. Elle a rappelé qu'un amendement
adopté par l'Assemblée nationale avait prévu que les
entreprises créées postérieurement à la loi
pourraient bénéficier des aides incitatives à la
réduction du temps de travail, si elles respectaient le principe de la
garantie de la rémunération mensuelle des salariés
payés au SMIC.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
observé que la durée maximale du travail sur douze semaines avait
été ramenée à 44 heures hebdomadaires et qu'un
régime transitoire avait été établi concernant la
rémunération des heures supplémentaires qui permettrait
aux entreprises de limiter le surcoût des quatre premières heures
du travail à 10 % au lieu de 25 %. Elle a rappelé que
ces 10 % seraient versés au salarié dans le cas où
l'entreprise aurait signé un accord de réduction du temps de
travail ou au fonds de financement des allégements de charges dans le
cas contraire.
Elle a considéré que le projet de loi se limitait à fixer
les clauses d'un ordre public social en évoquant, par exemple, le
principe adopté à l'Assemblée nationale d'un repos continu
hebdomadaire de 35 heures, composé du repos hebdomadaire de 24 heures et
du repos quotidien de 11 heures prévu par une directive
européenne.
Elle a souligné que la simplification des dispositifs de modulation
avait été accompagnée de la fixation d'un délai de
prévenance de 7 jours en cas de modification des horaires. Elle a
observé que le projet de loi avait accepté le principe qu'une
partie de la formation pourrait être réalisée en dehors du
temps de travail pour autant qu'elle correspond à un projet personnel ou
à une démarche du salarié.
Mme Martine Aubry
a estimé que la réforme des cotisations
sociales, organisée par l'article 12 du projet de loi, poursuivait deux
objectifs : un abaissement structurel du coût du travail de 5 %
à destination notamment de l'artisanat et des petites et moyennes
entreprises (PME) et une compensation du coût de la mise en oeuvre de la
réduction du temps de travail.
Elle a estimé qu'il n'était pas possible de chiffrer les
créations d'emplois auxquelles devraient procéder les entreprises
en échange des allégements de cotisations sociales. Citant
l'exemple d'un côté de la téléphonie ou de la
pharmacie et de l'autre celui de l'habillement, elle a souligné
l'hétérogénéité des situations des
différents secteurs d'activités au regard de leur capacité
à créer des emplois.
Elle a déclaré qu'elle avait souhaité privilégier
la négociation pour définir le niveau de création
d'emplois correspondant à chaque catégorie d'entreprises. A cet
égard, elle a justifié le recours à un accord majoritaire
qui constituait une garantie concernant la prise en compte de l'objectif de
création d'emploi au cours de la négociation.
Mme Martine Aubry
a estimé à terme le coût global du
dispositif financier à 105 milliards de francs, dont
65 milliards de francs consacrés à la baisse des charges
sous la forme d'une réforme de la ristourne dégressive et
40 milliards de francs à l'aide structurelle à la
réduction du temps de travail. Elle a considéré que les
40 milliards de francs équivalaient à un abattement de
charges sociales de 4.500 francs par salarié pour chaque entreprise
ayant signé un accord de réduction du temps de travail. Elle a
observé que le coût d'un emploi lié à la
réduction du temps de travail, dans le cadre de la deuxième loi,
serait de 55.000 francs annuels, soit un coût bien inférieur
à tous les autres dispositifs.
Mme Martine Aubry
a déclaré que les modalités de
financement de la baisse de charges différeraient de celles de l'aide
structurelle à la réduction du temps de travail. Elle a
considéré que les 25 milliards de francs
d'allégements de charges supplémentaires seraient financés
pour moitié par une contribution sociale sur les bénéfices
des sociétés (CSB), et pour moitié par la taxe
générale sur les activités polluantes (TGAP).
Concernant les 40 milliards de francs restants, elle a rappelé que
le Gouvernement avait envisagé une contribution de l'Etat, de l'Union
nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et des
régimes de la sécurité sociale à la hauteur des
" retours " dont chacun d'entre eux pourrait bénéficier
du fait de la réduction du chômage. Pour 2000, la contribution de
l'UNEDIC était estimée entre 7 et 7,5 milliards de francs
contre 5,6 milliards de francs pour les organismes de
sécurité sociale et 4,3 milliards de francs pour le budget
de l'Etat, soit 17,5 milliards de francs en tout.
M. Louis Souvet, rapporteur,
s'est interrogé sur la
conformité des accords signés au regard des dispositions
adoptées dans le cadre du second projet de loi et sur le dispositif du
financement du projet de loi compte tenu du désaccord existant entre le
Gouvernement et les partenaires sociaux.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé que le Sénat avait
examiné, le 29 juin 1998, la proposition de loi " Poncelet "
tendant à alléger les charges sur les bas salaires et qu'à
cette occasion, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la
formation professionnelle, avait déclaré que le Gouvernement
n'avait pas fait de la poursuite des allégements de charges une
priorité pour trois raisons : le niveau des charges patronales ne
lui semblait pas un obstacle majeur à l'emploi, l'efficacité des
allégements de charges lui semblait relative et le financement d'une
telle mesure lui semblait difficile.
Il a observé que le Gouvernement prévoyait aujourd'hui
25 milliards de francs d'allégement de charges
supplémentaires qui s'ajoutaient aux 40 milliards de francs de la
ristourne Juppé. Il a demandé à Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, comment elle expliquait
l'évolution de la position du Gouvernement depuis un an.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a par ailleurs déclaré
que les établissements du secteur sanitaire, social et
médico-social considéraient que le délai d'agrément
des accords d'établissements ayant été porté
à 6 mois, le conventionnement nécessitant 1 à
2 mois et la mise en oeuvre de l'accord 2 à 3 mois
supplémentaires, ils ne pourraient bénéficier des aides,
ni mettre en place le dispositif de réduction du temps de travail entre
le 1
er
janvier et le 1
er
juin 2000, alors
même que des accords avaient été signés.
M. Louis Souvet, rapporteur
, s'est interrogé sur la situation de
ces établissements dans cet intervalle de 6 mois ; il a
souhaité savoir si le Gouvernement envisageait des dispositions pour
neutraliser la contrainte juridique supplémentaire que rencontraient les
établissements du secteur sanitaire, social et médico-social
compte tenu de la procédure d'agrément. Il a demandé si un
report, au 1er juillet 2000, de l'application des 35 heures à
ces établissements était envisageable.
M. Charles Descours,
après avoir indiqué qu'il avait cru
comprendre que l'UNEDIC pourrait ne pas avoir à verser la contribution
évoquée de 5 à 7 milliards de francs pour 2000 a
souhaité savoir où en était dans ces conditions le
financement du projet de loi relatif à la réduction
négociée du temps de travail.
M. Charles Descours
s'est interrogé sur les conséquences
politiques et sociales d'une contribution du régime
général évaluée à 5,5 milliards de
francs, observant que cette contribution était censée faire
l'objet d'une négociation et était simultanément
chiffrée sous la forme d'une " provision " inscrite dans les
comptes pour 2000 par la commission des comptes de la sécurité
sociale, dont le montant avait été confirmé par les
déclarations du Gouvernement à l'Assemblée nationale. Il a
souhaité connaître les modalités de la consultation de la
commission des comptes de la sécurité sociale prévue
à l'article 11, paragraphe XVI du projet de loi relatif à la
réduction négociée du temps de travail pour définir
les règles de calcul du montant et de l'évolution de la
contribution des régimes sociaux. Il s'est interrogé sur la
position du Conseil d'Etat quant au mode de fixation de cette contribution. Il
a demandé, en outre, quels étaient les régimes de
protection sociale concernés.
En réponse à M. Louis Souvet, rapporteur,
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité,
a déclaré
que les accords signés étaient directement applicables avant
d'observer que les heures travaillées au-delà du plafond de 1.600
heures prévu dans le cadre des accords de modulation entreraient
simplement dans le régime des heures supplémentaires.
Mme Martine Aubry
a déclaré que le Gouvernement
s'était opposé aux propositions de loi déposées par
MM. Jacques Barrot à l'Assemblée nationale et Christian
Poncelet au Sénat parce qu'elles n'étaient pas financées,
sinon par les salariés et les ménages, qu'en revanche, ses
propres déclarations depuis 1993 étaient claires quant à
la baisse des charges sur les bas salaires.
Evoquant la question relative à la situation des établissements
du secteur sanitaire, social et médico-social,
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité,
a reconnu que face au
problème posé, un décret publié en juin 1999 avait
prévu un délai de trois mois après l'agrément des
accords pendant lequel les établissements, qui procèdent à
l'application directe de l'accord, pourront bénéficier de l'aide
incitative au barème du premier semestre 1999.
En réponse à
M. Charles Descours,
elle a noté que
l'Etat avait versé 35 milliards de francs à l'UNEDIC depuis
1993, alors même que la situation financière de ce régime
s'était redressée dès 1994. Elle a expliqué que
l'Etat respecterait en tout état de cause l'engagement pris par les
précédents gouvernements de rembourser le prêt de
10 milliards de francs contracté en 1993 par l'UNEDIC. Elle a
reconnu que la contribution demandée à l'UNEDIC, dans le cadre du
financement de la réduction du temps de travail, était
contestée. Elle a rappelé que le Gouvernement s'était,
dès le 7 septembre devant la commission des affaires culturelles de
l'Assemblée nationale, déclaré prêt à trouver
une solution négociée. Elle a indiqué qu'il était
nécessaire que l'Etat et l'UNEDIC trouvent un accord réglant
l'ensemble des contentieux existants. Elle a mentionné à cet
égard le contentieux relatif à la prise en charge des cotisations
des contrats emplois-solidarité, des emplois-jeunes et la prise en
charge par l'UNEDIC des cotisations retraite de base des chômeurs et a
estimé que le travail avait avancé et que l'UNEDIC et le
Gouvernement étaient d'accord sur l'état des problèmes et
sur les chiffres.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
déclaré que le financement des 35 heures était, de toute
façon, assuré pour 2000, grâce à la taxation des
heures supplémentaires dont il était jusque-là
prévu qu'elle serait affectée à la réserve de
trésorerie du fonds de financement. Elle a indiqué qu'elle
présenterait une solution à l'Assemblée nationale le mardi
26 octobre. Elle a précisé qu'elle comprenait la demande de
rigueur dans les finances publiques, mais que ni la ristourne bas salaires, ni
la loi famille du 25 juillet 1994 n'avaient été financées
par le précédent Gouvernement.
Concernant la provision de 5,6 milliards de francs inscrite dans les comptes du
régime général pour 2000, elle a indiqué que la
commission des comptes de la sécurité sociale était bien
consultée sur l'affectation des excédents de la
sécurité sociale, et avait clairement fait apparaître un
excédent prévisionnel de 7,5 milliards de francs
ramené à 2 milliards de francs par l'inscription d'une
provision de 5,6 milliards de francs destinée au financement des
35 heures. Elle a confirmé que la commission des comptes serait
à nouveau consultée pour l'examen du décret en Conseil
d'Etat prévu à l'article 11 paragraphe XVI.
Elle a par ailleurs confirmé que le Conseil d'Etat, dans son avis sur le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000,
n'avait émis aucune objection de principe à l'égard d'une
contribution des organismes de protection sociale au financement des
35 heures. Il avait seulement observé qu'une telle contribution,
dès lors qu'elle ne résultait pas d'un accord avec les
intéressés, était un impôt dont le Parlement devait
fixer l'assiette et le taux.
Elle a indiqué que la contribution demandée aux organismes de
protection sociale concernait les régimes complémentaires ARRCO
et AGIRC, mais qu'il existait un problème, en raison des dettes
anciennes de l'Etat vis-à-vis de ces deux régimes (prise en
compte des cotisations FNE).
M. Jean Chérioux
a remarqué que l'évolution de la
jurisprudence de la Cour de cassation sur la prise en compte des heures de
surveillance dans la définition du travail effectif avait posé un
problème aux associations du secteur sanitaire, social et
médico-social que l'amendement voté par l'Assemblée
nationale ne suffisait pas à régler, notamment au regard de
l'apurement du passé.
Il a estimé que l'ensemble des procédures pourrait coûter
7 milliards de francs aux associations, ce qui représentait
30 % de leur budget annuel. Il a considéré qu'une solution
pourrait consister à valider les conventions collectives non
étendues, ce qui permettrait d'éviter le développement
prévisible d'un fort contentieux.
M. Alain Gournac
a observé que plusieurs branches
professionnelles, dont les représentants de commerce et le secteur du
nettoyage, étaient toujours inquiètes quant à la
légalité de leur accord au regard du projet de loi.
Il a souhaité savoir quels seraient les délais et les
modalités de mise en oeuvre du système d'assurance chômage
subsidiaire, prévu par l'article L. 351-22 du code du travail, dans
l'hypothèse où la convention entre l'UNEDIC et les partenaires
sociaux ne serait pas renouvelée.
M. André Jourdain
a fait part de l'inquiétude du secteur
de l'artisanat sur la compatibilité de l'accord de branche avec le
projet de loi. Il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles le
projet de loi ne prévoyait aucune disposition relative au multisalariat.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a considéré que le projet
de loi s'inscrivait dans le prolongement de la loi du 13 juin 1998, et qu'il
répondait bien aux attentes tant en termes de lutte contre le
chômage que de projet de société. Elle a remarqué
qu'il apportait des solutions au problème des cadres, du double SMIC, du
délai de prévenance et du temps partiel choisi. Néanmoins,
elle a souhaité que la question de la formation fasse l'objet d'un
réexamen complet et que la question du travail précaire soit
mieux prise en compte.
M. Guy Fischer
a constaté que cette deuxième loi
répondait à une demande de l'ensemble du corps social. Il a
déclaré que son groupe proposerait d'enrichir le texte, notamment
sur les questions relatives aux heures supplémentaires, aux cadres, au
SMIC et au licenciement individuel du fait de la mise en oeuvre d'un accord de
réduction du temps de travail. Il s'est interrogé sur les
perspectives de réduction du temps de travail dans la fonction publique.
M. Serge Franchis
, après avoir déclaré, à
titre personnel, qu'il avait toujours été favorable au partage du
temps de travail, a regretté que la question des travaux pénibles
n'ait pas été prise en compte par le projet de loi. Il s'est
étonné que la taxe générale sur les
activités polluantes soit amenée à financer les
allégements de charges, alors qu'il existait des besoins immenses dans
le domaine de l'environnement. Il a souligné les problèmes que
posait la nouvelle définition du travail effectif, notamment au regard
de la question du temps d'habillage pour les entreprises d'abattage.
M. Jean Delaneau, président,
a estimé qu'il existait une
contradiction entre le souhait affiché par le Gouvernement de
réserver une place importante à la négociation collective
et l'article premier du projet de loi, qui prévoyait le principe d'un
abaissement autoritaire de la durée légale du travail. Il a
considéré que le texte, tel qu'il avait été
amendé par l'Assemblée nationale, réduisait encore le
champ d'intervention des partenaires sociaux. Il s'est interrogé sur le
contenu du paritarisme, compte tenu, notamment, des dispositions
envisagées relatives au financement des 35 heures.
En réponse aux différents intervenants,
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité,
a estimé qu'il
faudrait effectivement trouver une solution qui permette de préserver la
situation financière des associations du secteur sanitaire, social et
médico-social. Elle a toutefois remarqué que la validation
rétroactive des accords signés ne devait pas remettre en cause
des situations qui correspondaient à un temps de travail effectif.
Elle a considéré que l'ensemble des accords de branche
était applicable, notamment ceux des secteurs des transports, du
nettoyage et de l'artisanat.
Mme Martine Aubry
a déclaré qu'elle ne souhaitait pas que
la convention entre l'Etat et les partenaires sociaux sur l'UNEDIC soit remise
en cause, mais que, le cas échéant, le Gouvernement pourrait
proroger par décret le système d'indemnisation du chômage.
Elle s'est déclarée favorable au multisalariat en soulignant
néanmoins que sa mise en oeuvre posait des difficultés relatives
notamment au régime des cotisations sociales et au principe de la
déclaration par le salarié de ses activités à tout
employeur.
Mme Martine Aubry
a observé que le Gouvernement avait
travaillé avec l'UPA afin de définir les dispositions propres
à adapter la loi aux besoins des PME. Elle a fait part d'un souci commun
de modernisation des conditions de travail dans le secteur de l'artisanat qui
permette de résorber la pénurie de vocation constatée
aujourd'hui, notamment dans les métiers de bouche et d'hôtellerie.
Mme Martine Aubry
a estimé qu'il était temps de revoir la
loi de 1971 en réorientant les fonds vers la formation et la
préparation des salariés à l'avenir.
Elle a rappelé que le Premier ministre avait annoncé, le
27 septembre dernier, un projet de loi destiné à lutter
contre la précarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
déclaré que, dans la fonction publique hospitalière, la
nécessité de réduire le temps de travail devrait
probablement s'accompagner de créations d'emplois.
Evoquant la question des travaux pénibles, elle a observé qu'un
amendement adopté à l'Assemblée nationale avait
traité la question du travail en cycle continu.
Mme Martine Aubry
a considéré que la modification de la
définition du travail effectif prenait en compte l'évolution de
la jurisprudence. Elle a observé que les problèmes que pouvaient
rencontrer les secteurs de l'agro-alimentaire et du commerce de viande
étaient sans doute dus au fait qu'ils n'avaient pas pris en compte
l'évolution de la jurisprudence sur cette question.
En réponse à M. Jean Delaneau, président,
Mme Martine
Aubry
a déclaré qu'elle aurait, elle aussi,
préféré ne pas avoir à recourir à la loi
pour favoriser la réduction du temps de travail, mais que l'intervention
législative trouvait sa raison d'être dans les faibles
résultats de l'accord interprofessionnel de 1995 et de la loi du 11 juin
1996. Elle a observé que la loi se limitait à définir les
clauses d'ordre public social relatives à la durée légale,
à la durée maximale du travail et à la définition
des modulations. Elle a considéré que le projet de loi avait
cherché à conserver un équilibre entre les garanties
apportées par la loi aux salariés et les modalités
d'application de la réduction du temps de travail renvoyées
à la négociation collective.