TITRE III :
MESURES DISCIPLINAIRES, DE REDRESSEMENT ET DE
LIQUIDATION JUDICIAIRES DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT, DES
ENTREPRISES D'INVESTISSEMENT ET DES ENTREPRISES D'ASSURANCE
CHAPITRE PREMIER :
DISPOSITIONS RELATIVES AUX
ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT ET AUX ENTREPRISES
D'INVESTISSEMENT
ARTICLE 54
Régime des cessions de
créances
Commentaire : Cet article a pour objet d'assouplir le
régime des cessions de créances en cas de liquidation d'un
établissement de crédit.
L'article 19-2
de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à
l'activité et au contrôle des établissements de
crédit prévoit que le Comité de la réglementation
bancaire et financière (CRBF) fixe les modalités selon lesquelles
"
la cession de créances résultant des opérations
de crédit (...) est opposable aux tiers par
l'accord écrit du
débiteur ou, à défaut, par décision de la
Commission bancaire
"
190(
*
)
. Une cession de créances peut
intervenir soit volontairement de la part de l'établissement de
crédit, soit à la suite d'un retrait d'agrément par le
Comité des établissements de crédit et des entreprises
d'investissement (CECEI), soit à la suite d'une mesure de radiation par
la Commission bancaire.
Il faut donc que chaque débiteur fasse une manifestation de
volonté acceptant la cession, la Commission bancaire n'intervenant qu'en
cas d'urgence, si l'accord écrit du débiteur est impossible.
Cette situation ne favorise pas toujours le bon déroulement de la
procédure de liquidation, par exemple lorsque les débiteurs sont
nombreux
191(
*
)
.
En proposant de
supprimer la locution " à
défaut ",
le Gouvernement assouplit le régime des
cessions de créances résultant des opérations de
crédit et de leur opposabilité aux tiers : cette
opposabilité serait donc acquise soit par accord écrit du
débiteur, soit par décision de la Commission bancaire.
Le nouveau régime sera donc plus efficace mais aussi plus autoritaire.
En effet, dans le cas d'une liquidation de banque, la Commission bancaire
n'aura plus besoin d'attendre que chaque débiteur ait personnellement
répondu : elle pourra, de sa propre décision, décider
d'une cession de créances en bloc.
L'Assemblée nationale, sous réserve d'un amendement
rédactionnel, a adopté cet article.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 55
Sanctions
Commentaire : Le présent article renforce le
pouvoir
disciplinaire de la Commission bancaire.
I. LA SITUATION ACTUELLE
L'article 45
de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à
l'activité et au contrôle des établissements de
crédit prévoit que la Commission bancaire peut prendre des
sanctions à l'égard d'un établissement de crédit ou
d'une entreprise d'investissement qui :
a. a enfreint une disposition législative ou réglementaire
afférente à son activité,
b. n'a pas déféré à une injonction,
c. n'a pas tenu compte d'une mise en garde.
Sous réserve des compétences du Conseil des marchés
financiers (CMF), la Commission bancaire peut prononcer une
sanction
disciplinaire
:
1- l'avertissement,
2- le blâme,
3- l'interdiction d'effectuer certaines opérations et toutes autres
limitations dans l'exercice de l'activité,
4- la suspension temporaire d'un ou plusieurs dirigeants
192(
*
)
, avec ou sans nomination
d'administrateur provisoire,
5- la démission d'office de l'un ou de plusieurs dirigeants, avec ou
sans nomination d'administrateur provisoire,
6- la radiation de l'établissement de crédit ou de l'entreprise
d'investissement de la liste des établissements de crédit ou des
entreprises d'investissement agréés.
A la place ou en sus de ces sanctions disciplinaires, la Commission bancaire
peut prononcer une
sanction pécuniaire
au plus égale au
capital minimum auquel est astreint l'établissement de crédit ou
l'entreprise d'investissement. Ces sommes sont recouvrées par le
Trésor public et versées au budget de l'Etat.
Dans le cas d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre
d'un prestataire de services d'investissement, la Commission bancaire en
informe le CMF.
II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT
Le présent article propose de modifier cet article 45 afin de renforcer
les pouvoirs de sanction de la Commission bancaire.
Les paragraphes I, II et III
prévoient que désormais, la
Commission bancaire peut prendre l'une des sanctions de l'article 45 lorsqu'un
établissement de crédit ou une entreprise d'investissement
1-
n'a pas respecté les engagements
pris à l'occasion
d'une demande d'agrément ou d'une autorisation ou dérogation
prévue par les dispositions législatives et réglementaires
applicables ; il s'agit de donner à la Commission bancaire une base
juridique solide pour prononcer une sanction dans ce cas ;
2- n'a pas répondu à une recommandation
. Cet ajout est en
liaison avec le nouveau pouvoir de recommandation créé au profit
de la Commission bancaire à l'article 34 du présent projet de loi
et qui vise à renforcer les pouvoirs préventifs de la
Commission
193(
*
)
.
Le paragraphe IV
propose de donner un nouveau pouvoir de sanction
à la Commission bancaire : celui de décider, à la
place ou en sus des sanctions existantes,
d'interdire ou de limiter la
distribution d'un dividende aux actionnaires ou d'une
rémunération des parts sociales aux sociétaires
de
l'établissement de crédit ou de l'entreprise d'investissement.
C'est sur ce modèle qu'a été prévue une disposition
de l'article 32 du présent projet de loi octroyant un
pouvoir
identique aux organes centraux
à l'égard des actionnaires et
sociétaires des établissements de crédit ou entreprises
d'investissement qui leur sont affiliés.
Le paragraphe V
prévoit que les sanctions prises au titre de cet
article 45 pourront faire l'objet d'une
publication
aux frais de
l'établissement de crédit ou de l'entreprise d'investissement
dans des journaux ou publications si la Commission bancaire le décide.
Ce dispositif aurait essentiellement un caractère vexatoire (par exemple
si les dirigeants sont suspendus).
Cette possibilité ne serait vraisemblablement que peu utilisée
à l'encontre d'un établissement de crédit qui aurait des
déposants afin de ne pas créer une crise de confiance parmi
ceux-ci et aggraver les éventuelles difficultés de
l'établissement.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre commission est favorable au renforcement des pouvoirs de la Commission
bancaire, notamment dans le domaine préventif avec l'instauration d'un
pouvoir de recommandation dont cet article prévoit que la sanction.
Toutefois elle souhaite observer que la possibilité laissée
à la Commission bancaire de limiter voire d'interdire la distribution de
dividendes est
un pouvoir ambigu
. En effet, c'est à la fois
a) un pouvoir de
prévention des risques bancaires
(il s'agit
d'obliger l'établissement concerné à constituer des
provisions plus importantes par exemple),
b) un pouvoir de
sanction
comme cela est expressément
prévu dans le texte,
c) et aussi un moyen de
pression morale à l'égard des
actionnaires
d'établissements de crédit en
difficultés ; en particulier, il est difficile de ne pas penser
à l'application de
l'article 52 premier alinéa
:
cette nouvelle possibilité ne permettrait-elle pas au
Gouverneur de
la Banque de France
, président de la Commission bancaire, de faire
pression sur les actionnaires pour les " inviter " à
recapitaliser l'établissement défaillant ?
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de rectification
d'une erreur de référence.
Votre commission des finances vous proposera également un tel
amendement.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé.
ARTICLE 56
Interventions de la Commission
bancaire
en cas de difficultés d'établissements de crédit ou
d'entreprises d'investissement
Commentaire : Cet article vise à accroître
les
pouvoirs de la Commission bancaire aussi bien dans le cadre de sa mission de
prévention des difficultés des établissements que dans le
cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation.
I. LE DISPOSITIF ACTUEL DE PRÉVENTION DES DIFFICULTÉS ET DE
REDRESSEMENT OU DE LIQUIDATION
La loi n °84-46 du 24 janvier 1984 relative à
l'activité et au contrôle des établissements de
crédit charge la Commission bancaire de contrôler le respect par
les établissements de crédit des dispositions législatives
et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les
manquements constatés.
Ainsi, en dehors de toute procédure judiciaire, elle peut nommer un
administrateur provisoire auquel sont transférés tous les
pouvoirs d'administration, de direction et de représentation de la
personne morale.
De même, lorsqu'un établissement de crédit a fait l'objet
d'une mesure de radiation ou lorsqu'une entreprise exerce
irrégulièrement son activité, la Commission bancaire peut
nommer un liquidateur, auquel sont transférés tous les pouvoirs
d'administration, de direction et de représentation de la personne
morale.
Par ailleurs, la loi n °85-98 du 25 janvier 1985 relative au
redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises s'applique
également aux établissements de crédit. Un administrateur
ou, le cas échéant, un liquidateur judiciaire peut être
nommé auprès d'un établissement de crédit pour
entreprendre soit le redressement, soit la liquidation judiciaire de ce dernier.
Toutefois, certains sinistres financiers récents ont
révélé les limites de certaines dispositions contenues
dans " la loi bancaire " et dans la loi relative au redressement et
à la liquidation judiciaires des entreprises.
Ainsi, il est apparu que les pouvoirs actuels de la Commission bancaire
étaient insuffisants pour faire face à des dirigeants
récalcitrants à toute mesure préventive au
bénéfice de l'établissement en difficulté.
Par ailleurs, la loi du 25 janvier 1985 s'est avérée en partie
inadaptée au cas spécifique des établissements de
crédit en ce qui concerne non seulement la détermination de la
date de la cessation des paiements des établissements de crédit,
mais aussi les relations entre d'une part l'administrateur provisoire et le
liquidateur nommés par la Commission bancaire et, d'autre part le
liquidateur judiciaire et le liquidateur nommé par la Commission
bancaire d'autre part.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article insère après l'article 46 de la loi
n ° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité
et au contrôle des établissements de crédit six articles
tendant à améliorer les règles applicables aux
établissements de crédit en difficulté. Cinq objectifs
peuvent être dégagés :
- faciliter les interventions préventives du fonds de garantie ;
- adapter l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire
à la spécificité des établissements de
crédit et des sociétés de caution ;
- renforcer l'information de la Commission bancaire avant l'ouverture d'une
procédure de redressement judiciaire et d'un règlement
amiable ;
- rationaliser la répartition des compétences entre les
administrateurs et liquidateurs nommés par la Commission bancaire et
ceux nommés dans le cadre des procédures de redressement et de
liquidation judiciaires ;
- enfin, exonérer les déposants de la déclaration de
créances lors de l'ouverture d'une procédure de redressement et
de liquidation judiciaires.
Faciliter les interventions préventives du fonds de
garantie
L'article 46-1 autorise la Commission bancaire, lorsque l'intérêt
des déposants le justifie et après avoir recueilli l'avis du
fonds de garantie à saisir le tribunal de grande instance afin que soit
ordonnée la cession des actions détenues par un ou plusieurs
dirigeants.
Cette procédure, qui s'apparente à une quasi expropriation, vise
à surmonter le pouvoir de blocage des dirigeants qui refuseraient les
mesures propres à assurer l'avenir de leur établissement.
Cette mesure vise tous les dirigeants, qu'ils soient de droit ou de fait,
rémunérés ou non. Elle précise également les
modalités de calcul du prix de cession. A cet égard, le
gouvernement a tenu compte des réserves d'interprétation
soulevées par le Conseil constitutionnel dans sa décision
n °86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 relative à la loi du 2
juillet 1986 autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures
d'ordre économique et social (loi sur les
privatisations)
194(
*
)
: il
est procédé à l'évaluation des actions selon les
pondérations appropriées à chaque cas, en fonction de la
valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de
l'existence de filiales et des perspectives d'activité.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision
et un amendement qui précise qu'il revient à la Commission
bancaire de déterminer si l'intérêt des déposants
justifie l'expropriation des dirigeants.
Dans le même objectif, le deuxième alinéa de l'article 46-1
permet à la Commission bancaire, après avis du fonds de garantie,
de demander au tribunal de grande instance que le droit de vote attaché
à des actions ou certificats de droit de vote détenus par un ou
plusieurs dirigeants soit exercé par un mandataire de justice
désigné à cet effet.
Le troisième alinéa autorise la cession de la totalité des
actions de l'établissement ou des actions et parts sociales qui n'ont
pas été cédées en application des dispositions
prévues au premier alinéa. Cette mesure a pour but de faciliter
la reprise de l'établissement en difficulté. Le prix de cession
est fixé par un expert indépendant, nommé par le tribunal
de grande instance.
L'article 46-1 est directement inspiré de l'article 23 de la loi du
25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation
judiciaires des entreprises qui dispose que "
lorsque la survie de
l'entreprise le requiert, le tribunal (...) peut (...) décider que le
droit de vote y attaché sera exercé, pour une durée qu'il
fixe, par un mandataire de justice désigné à cet effet. Il
peut encore ordonner la cession de ces actions ou parts sociales, le prix de
cession étant fixé à dire d'expert.
"
Adapter l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire
à la spécificité des établissements de
crédit et des sociétés de caution
L'article 46-2 fixe une nouvelle définition de la cessation de paiement.
En effet, la loi du 25 janvier 1985 précitée est apparue
inadaptée à la situation spécifique des banques. Cette
dernière dispose dans son article 3 que "
la procédure de
redressement judiciaire est ouverte à toute entreprise (...) qui est
dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif
disponible.
"
Or, l'application de cette définition aux établissements de
crédit conduirait à les soumettre très souvent à
une procédure de redressement puisque leur bilan financier, du fait de
leur activité de " transformation " peut se
caractériser par un passif court et un actif long.
Le premier alinéa de l'article 46-2 tient compte de la
spécificité des établissements de crédit et
subordonne l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire
à une crise de liquidité caractérisée par une
incapacité de l'établissement à assurer ses paiements,
immédiatement ou à terme rapproché.
Le deuxième alinéa adapte les conditions d'ouverture de la
liquidation judiciaire prévue par la loi du 25 janvier 1985
précitée aux établissements de crédit dont le
passif est essentiellement constitué d'engagements à long terme,
et notamment, les sociétés de cautionnement.
En effet, la gestion de certains d'entre eux peut s'être
dégradée au point que le montant de leurs engagements soit
supérieur au montant de leur actif net. Pour autant, ils ne sont pas en
cessation de paiement car ils disposent toujours d'une trésorerie
suffisante pour faire face à leur passif exigible. Si la Commission
bancaire les radie, ils font alors l'objet d'une liquidation sociale. A
défaut de l'ouverture d'une procédure judiciaire, les
créanciers dont les créances arrivent à terme à ce
moment là ou dans une période proche seraient remboursés.
En revanche, les créanciers dont les créances sont à plus
long terme seraient lésés puisque les établissements
concernés seraient incapables de faire face à l'ensemble de leurs
créances.
Pour éviter cette inégalité entre créanciers, il
est donc proposé qu'une procédure de liquidation judiciaire
puisse être ouverte à l'encontre d'un établissement de
crédit qui aura fait l'objet d'une mesure de radiation et dont le passif
dont il est tenu envers les tiers est supérieur à l'actif net.
Renforcer l'information de la Commission bancaire avant l'ouverture d'une
procédure de redressement judiciaire et d'un règlement
amiable
L'article 46-3 renforce l'information de la Commission bancaire puisque
désormais, les procédures de redressement et de liquidation
judiciaires ne peuvent être ouvertes qu'après avis de la
Commission bancaire. Certes, celui-ci n'est pas un avis conforme, mais en
pratique, le tribunal de commerce n'aurait qu'une marge de manoeuvre
très réduite.
En effet, dans le cas où la Commission bancaire a donné un avis
défavorable à l'ouverture d'une procédure de redressement,
estimant que la situation financière de l'établissement de
crédit ne permet qu'une liquidation, le tribunal pourra certes ne pas
suivre cet avis. Toutefois, la Commission peut alors décider la
radiation de l'établissement, ce qui conduira obligatoirement à
une liquidation judiciaire puisque ses actifs sont supérieurs à
son passif.
Le but de cette disposition est d'éviter au maximum les périodes
d'observation. En effet, en pratique, il n'y a jamais eu de redressement
d'établissements de crédit. Or, la période d'observation
peut durer jusqu'à 20 mois et entraîner des coûts
énormes.
En outre, la Commission bancaire doit également donner son avis avant
toute ouverture d'une procédure de règlement amiable
instituée par la loin °84-148 du 1
er
mars1984,
relative à la prévention et au règlement amiable des
difficultés des entreprises, à l'égard d'un
établissement de crédit ou d'une entreprise d'investissement.
Rationaliser la répartition des compétences entre les
administrateurs et liquidateurs nommés par la Commission bancaire et
ceux nommés dans le cadre des procédures de redressement et de
liquidation judiciaires
L'article 46-4 clarifie les compétences entre d'une part
l'administrateur provisoire nommé par la Commission bancaire
conformément à l'article 44 de la loi du 24 janvier 1984
précitée et, d'autre part, l'administrateur judiciaire
instauré par l'article 31 de la loi du 25 janvier 1985
précitée.
L'expérience des récents sinistres d'établissements de
crédit a révélé des tensions entre certains
administrateurs dues notamment à un chevauchement des compétences.
En effet, l'article 44 précité transfère à
l'administrateur provisoire
" tous les pouvoirs d'administration, de
direction et de représentation de la personne
. "
Par ailleurs, l'article 31 précité précise que
l'administrateur judiciaire est chargé "
ensemble ou
séparément : soit de surveiller les opérations de
gestion ; soit d'assister le débiteur pour tous les actes
concernant la gestion ou certains d'entre eux ; soir d'assurer seul,
entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise
".
Pour éviter ces conflits de compétence, l'article 46-4
réduit les pouvoirs de l'administrateur judiciaire à la
surveillance des opérations de gestion.
L'article 46-5 clarifie également les compétences entre le
liquidateur nommé par la Commission bancaire et le liquidateur
judiciaire.
L'article 148 de la loi du 25 janvier 1985 précitée dispose que
"
le liquidateur procède aux opérations de liquidation en
même temps qu'il achève
éventuellement la
vérification des créances et qu'il établit l'ordre des
créanciers. Il poursuit les actions introduites avant le jugement de
liquidation soit par l'administrateur, soit par le représentant des
créanciers et peut introduire les actions qui relèvent de la
compétence du représentant des créanciers.
" En
outre, il procède aux licenciements.
Or, lorsqu'ils sont confrontés à la liquidation d'une banque, les
liquidateurs s'avèrent incapables de réaliser l'ensemble de ces
tâches.
C'est pourquoi l'article 46-5 fixe la répartition des compétences
entre les deux liquidateurs.
Le liquidateur nommé par la Commission bancaire procède à
l'inventaire des actifs, aux opérations de liquidation ainsi qu'aux
licenciements.
Il appartient au liquidateur judiciaire de procéder à la
vérification des créances et d'introduire les actions relevant de
la compétence du représentant des créanciers.
Exonérer les déposants de la déclaration de
créances lors de l'ouverture d'une procédure de redressement et
de liquidation judiciaires
L'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 précitée dispose qu'
"
à partir de la publication du jugement, tous les
créanciers dont la créance a son origine antérieurement au
jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la
déclaration de leurs créances au représentant des
créanciers
. "
L'article 46-6 prévoit, dans une volonté de simplification de la
procédure, de dispenser les déposants de cette déclaration.
Votre rapporteur n'est pas favorable à cette suppression.
D'abord, il n'est pas convaincu de la pertinence de l'argument visant à
rendre la procédure de déclaration responsable de la lenteur des
remboursements. A cet égard, les chiffres fournis par l'Association
française de banques, responsable jusqu'à présent
d'actionner le fonds de garantie en cas de sinistre et d'organiser le
remboursement des déposants, sont révélateurs.
Ainsi, les retards observés dans le cas de la Banque Pallas Stern ont
été provoqués par une absence de comptabilité
(qu'il a fallu reconstituer avant de procéder au remboursement) et non
à l'obligation pour les déposants de déclarer leurs
créances.
Ensuite, les propos de M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des
finances de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi,
sont très réservés quant à la dispense de
déclaration de la créance. "
Si la rapidité de
cette indemnisation apparaît impérative, la sécurité
de la procédure ne l'est pas moins. La déclaration de
créances s'accompagne en effet d'une vérification de celles-ci
par le fonds de garantie des dépôts et par le représentant
des créanciers. La déclaration de créances répond
à un souci de sécurité juridique, qui évite des
contestations ultérieures. La vérification minutieuse des
déposants au travers des comptes peut remplir ce rôle, à
condition que les livres de l'établissement liquidé soient tenus
avec exactitude
. " La déclaration permet en outre d'identifier
plus aisément par défaut les déposants détenteurs
de fonds d'origine frauduleuse.
Enfin, la discrimination par les déposants entre les créances
éligibles au fonds de garantie, dispensées de déclaration,
et celles qui ne le sont pas, pour lesquelles cette déclaration est
maintenue, risque d'être difficile. Or, les créanciers
n'effectuant pas de déclaration au titre de leurs valeurs non couvertes
par le fonds de garantie perdraient leurs droits.
L'absence de déclaration risque donc de se retourner contre les
déposants. En effet, cette dispense ne vise pas toutes les
créances, mais seulement celles qui entrent dans le champ d'application
de l'article 52-1 de " la loi bancaire " du 24 janvier 1984. Celui-ci
renvoie à un règlement du comité de la
réglementation bancaire et financière le soin de préciser
la nature des fonds concernés, le montant minimum du plafond
d'indemnisation par déposant etc. Ce règlement sera d'un
maniement complexe pour la plupart des déposants.
C'est pourquoi votre rapporteur se déclare favorable au maintien de la
déclaration.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé.
ARTICLE 57
Procédure de garantie de la
liquidité et de la solvabilité des établissements de
crédit
Commentaire : Cet article prévoit que le
Gouverneur ne
fait appel aux actionnaires dans le cadre de l'article 52 premier alinéa
qu'après avoir pris l'avis de la Commission bancaire ; en outre,
cet article supprime l'appel à la solidarité de place (article 52
second alinéa).
I. LA SITUATION ACTUELLE
La loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et
au contrôle des établissements de crédit prévoit
trois dispositifs
pour assurer la liquidité et la
solvabilité des établissements de crédit et,
in
fine
, la protection des déposants :
- article 51 : les règles prudentielles obligatoires ;
- article 52 : l'appel en comblement de passif aux actionnaires et l'appel
à la solidarité de place ;
- article 52-1 : les systèmes de garantie des dépôts
(et les systèmes dits équivalents).
L'article 52 de la loi bancaire constitue l'un des piliers de la
prévention des risques systémiques et de la protection des
déposants en France. Il a deux composantes :
- l'appel en comblement de passif aux actionnaires (article 52 premier
alinéa) ;
- l'appel à la solidarité de place (article 52 second
alinéa).
A. L'APPEL EN COMBLEMENT DE PASSIF AUX ACTIONNAIRES DE
RÉFÉRENCE
L'alinéa premier
de cet article prévoit que le Gouverneur de
la Banque de France peut " inviter " les actionnaires ou
sociétaires d'un établissement de crédit à fournir
à celui-ci le soutien qui lui est nécessaire : c'est
l'appel en comblement de passif aux actionnaires de
référence
.
Le Gouverneur est tenu d'effectuer cet appel lorsque la situation de
l'établissement le justifie. En revanche, les actionnaires ne sont pas
obligés de répondre à cette " invitation " du
Gouverneur
195(
*
)
et une
récente décision de justice a confirmé cette
interprétation. Si les actionnaires acceptent d'apporter leur soutien,
ils peuvent renflouer l'établissement ou, dans la plupart des cas,
assurer sa liquidation en douceur en désintéressant les
créanciers.
Il faut remarquer que
l'application de ce dispositif est de plus en plus
difficile
: les actionnaires se montrant de plus en plus
réticents à apporter leur soutien. Tel a été le cas
lors des difficultés de la Banque commerciale privée (BCP), de la
Banque Pallas Stern et de la Compagnie du BTP. En outre, son application dans
le cas du Comptoir des entrepreneurs s'est révélée
très difficile. L'apparition dans le capital des banques :
- d'entreprises non financières (en particulier industrielles),
- d'actionnaires étrangers,
- et d'actionnariats morcelés (avec la dissolution des noyaux durs),
explique en partie les difficultés d'application de cet article.
Remarquons que cette disposition fait de
l'actionnaire bancaire un
actionnaire " pas comme les autres ".
En outre, le Comité
des établissements de crédit et des entreprises d'investissement
(CECEI) exige lors de l'agrément de nouveaux établissements de
crédit que les actionnaires confirment leurs engagements par
écrit, et qu'en particulier :
- l'actionnaire majoritaire s'engage dans une lettre dite " de
confort " à répondre favorablement à une invitation
du Gouverneur de la Banque de France au titre de l'article 52 alinéa
premier ;
- voire qu'un actionnaire minoritaire dit " parrain " s'engage de la
même façon dans une lettre dite " de parrainage ".
B. L'APPEL À LA SOLIDARITÉ DE LA PLACE
L'alinéa second
prévoit quant à lui, que le Gouverneur
peut également "
organiser le concours
" de l'ensemble
des établissements de crédit "
en vue de prendre les
mesures nécessaires à la protection des intérêts des
déposants et des tiers, au bon fonctionnement du système bancaire
ainsi qu'à la préservation du renom de la place
" :
c'est
l'appel à la solidarité de place
.
Cette solution n'intervient donc que dans des cas extrêmes. Le Gouverneur
est libre d'organiser ou non cet appel et la place d'accepter ou non d'apporter
son soutien.
La solidarité de place n'a été
mise en oeuvre
qu'à une seule occasion
, lors de la
faillite de la Al Saudi
Bank
: à la suite de pertes importantes, un plan de
restructuration avait été mis en place sous l'égide du
Gouverneur de la Banque de France qui a fait appel en octobre 1988 à la
solidarité de place.
Ce recours à l'article 52 second alinéa de la loi bancaire a
été très contesté à l'époque par la
place et n'a jamais été renouvelé.
II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT
Le présent article propose :
- de prévoir que le Gouverneur ne fait appel aux actionnaires dans le
cadre de l'article 52 premier alinéa qu'après avoir pris
l'avis de la Commission bancaire
(sauf cas d'urgence) ;
- de
supprimer le second alinéa de l'article 52
relatif à
l'appel à la solidarité de place.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
A. SUR LA MODIFICATION DE L'ARTICLE 52 ALINÉA PREMIER
Votre Commission est favorable à la modification proposée :
la Commission bancaire est aujourd'hui consultée lorsque le Gouverneur
fait usage de cette disposition mais la modification introduite dans la loi
donnerait
plus de solennité
à l'invitation du Gouverneur.
Rappelons toutefois que le rapport de la Commission des finances du
Sénat
196(
*
)
avait
suggéré de
ne plus appliquer systématiquement l'article
52 premier alinéa
et d'opérer ainsi un " changement de
doctrine " qui aboutirait :
- à accepter que le fait que les actionnaires bancaires puissent
être, ou au moins se considérer comme, des actionnaires comme les
autres,
- et à
n'utiliser cet appel que lorsque le Gouverneur de la banque de
France a la ferme conviction que l'établissement est viable
et qu'il
ne s'agit que d'un accident passager.
B. SUR LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE 52 SECOND ALINÉA
Un rapport de la Commission des finances de l'Assemblée
nationale
197(
*
)
avait
suggéré de ne pas supprimer le second alinéa de l'article
52 de la loi bancaire ; il considérait qu'il ne s'agissait pas
d'une disposition désuète et que sa non-application depuis le cas
de l'Al Saudi Bank s'expliquait simplement par le fait qu'aucun sinistre
important n'était intervenu en France, mis à part celui du
Crédit Lyonnais qui était un cas particulier.
Toutefois, étant donnée la création dans ce projet de loi
d'un fonds de garantie des dépôts
organisant une
solidarité de place permanente
, il ne semble plus nécessaire
d'affirmer dans l'article 52 alinéa 2 l'existence de la
solidarité de la communauté bancaire : elle trouve sa
concrétisation dans l'instauration du fonds de garantie des
dépôts.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 58
Procédure à l'encontre
d'un établissement teneur de comptes
Commentaire : le présent article modifie la
procédure de remboursement des avoirs des clients afin que les titres
soient rendus de manière prioritaire à leurs propriétaires.
I. LE DISPOSITIF ACTUEL
La dématérialisation des titres en France s'est
accompagnée de règles comptables imposant une comptabilité
double : les titres figurent dans les livres de l'intermédiaire
financier tandis que les avoirs correspondants sont ouverts dans les livres de
la SICOVAM au nom de l'intermédiaire teneur de compte.
L'article 30 de la loi n °83-1 du 3 janvier 1983 sur le
développement des investissements et la protection de l'épargne
fixe la procédure de restitution des valeurs mobilières à
leurs propriétaires en cas de règlement judiciaire ou de
liquidation des biens d'un intermédiaire financier teneur de compte
Ainsi, il dispose que "
les titulaires de valeurs mobilières
inscrites en compte font virer l'intégralité de leurs droits
à un compte tenu par un autre intermédiaire financier ou par la
personne morale émettrice ; le juge-commissaire est informé
de ce virement.
En cas d'insuffisance des inscriptions, ils produisent entre les mains du
syndic pour le complément de leurs droits.
"
Cette réglementation s'est avérée inadaptée car le
seul problème envisagé est celui d'un écart entre les
revendications des titulaires des titres et les inscriptions en compte figurant
dans les livres de l'établissement teneur de compte, écart
lié notamment au délai de règlement-livraison fixé
à J+3 ou encore à des erreurs.
Or, lors du sinistre de la société de bourse TRP, il est apparu
un décalage entre le nombre de titres figurant dans les livres de ladite
société et les avoirs correspondants ouverts dans les livres de
la SICOVAM. Il a alors fallu vérifier, avant d'accepter de
transférer les titres auprès d'un autre teneur de compte, la
différence existant entre la totalité des avoirs des clients et
l'encaisse en SICOVAM.
Par ailleurs, en l'absence de texte, il était légalement
impossible de restituer en priorité les titres restants aux clients car
une telle action aurait pénalisé les créanciers. Il a donc
fallu au préalable racheter les titres manquants afin de répartir
les titres entre les investisseurs et l'établissement
conformément aux montants fixés dans les livres de la TRP.
Cette opération s'est avérée très lourde
puisqu'elle impliquait une négociation entre les repreneurs, les
principaux créanciers de la société et le fonds de
garantie. En conséquence, les titres des clients ont été
immobilisés pendant un an.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à modifier la procédure de
remboursement des avoirs des clients afin que les titres soient rendus de
manière prioritaire à leurs propriétaires.
Désormais, lorsqu'un établissement teneur de comptes fait l'objet
d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les
valeurs mobilières inscrites sur son compte sont
transférées soit en compte courant chez un dépositaire
central, soit chez un autre intermédiaire au nom de
l'intermédiaire défaillant.
Par ailleurs, il est procédé à la vérification,
instrument financier par instrument financier, du nombre des titres afin de
constater s'ils sont en nombre suffisant pour que l'intermédiaire puisse
remplir ses obligations vis-à-vis des titulaires de droits sur les
instruments financiers inscrits en compte dans ses livres.
Cette vérification est effectuée par l'administrateur judiciaire
ou le liquidateur, conjointement avec l'administrateur provisoire ou, le cas
échéant, le liquidateur nommé par la Commission bancaire.
Les instruments financiers visés par la vérification sont,
conformément à l'article 1
er
de la loi n °96-597
du 2 juillet 1996 de modernisation des activités
financières :
- "
les actions et autre titres donnant ou pouvant donner accès,
directement ou indirectement, au capital ou aux droits de vote, transmissibles
par inscription en compte ou tradition ;
-
les titres de créance qui représentent chacun un droit de
créance sur la personne morale qui les émet, transmissibles par
inscription en compte ou tradition, à l'exclusion des
effets de
commerce et des bons de caisse ;
- les parts ou actions d'organismes de placements collectifs ;
- les instruments financiers à terme ;
- tous instruments équivalents à ceux mentionnés aux
précédents alinéas, émis sur le fondement de droits
étrangers.
"
En cas d'insuffisance du nombre de ces titres, il est procédé
à une répartition proportionnelle des titres entre les titulaires
de droits.
En outre, les titres rendus disponibles peuvent être virés par
leurs propriétaires sur un compte tenu par un autre intermédiaire
financier. Ces titres seraient à l'abri de toute revendication de la
part des autres créanciers.
Cette procédure renforce donc la sécurité des
investisseurs, mais ce au détriment des autres créanciers.
En revanche, la récupération des instruments financiers manquants
s'effectue selon la procédure fixée par la loi du 25 janvier 1985
relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises.
Toutefois, le deuxième alinéa dispense les clients de
l'établissement en difficulté de déclaration auprès
du représentant des créanciers de la créance correspondant
aux instruments financiers.
Enfin, le troisième alinéa prévoit que le juge commissaire
est informé du résultat de la vérification
opérée par l'administrateur judiciaire ou le liquidateur et, le
cas échéant, de la répartition proportionnelle des titres
ainsi que des virements de comptes effectués à la demande des
propriétaires.
L'Assemblée a adopté un amendement de précision.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.