EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Accès aux soins palliatifs pour tous les malades
dont le pronostic vital est en jeu

L'article premier de la proposition de loi propose d'inscrire, dans la loi, une définition des soins palliatifs. Son inspiration procède à la fois de la circulaire du 26 août 1986 relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale, du préambule des statuts de la Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs et de l'arrêté royal belge du 19 août 1991.

Elle se caractérise notamment par le fait qu'elle affirme explicitement que les soins palliatifs ne concernent pas uniquement les malades en phase terminale, mais tous ceux qui sont atteints par une maladie mettant en jeu le pronostic vital, quelque soit l'issue de cette maladie.

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent ce faisant se démarquer d'une approche segmentée de la médecine juxtaposant une médecine à ambition thérapeutique pour tous les malades qui peuvent guérir et une médecine exclusivement « palliative », ne s'adressant qu'aux symptômes, une sorte de « sous-médecine » pour les mourants.

Ils considèrent en effet que c'est la même médecine, une médecine dont le caractère ambitieux n'altère pas l'humanité, qui doit être mise en oeuvre pour tous dès que le pronostic vital est en jeu. Fort heureusement, beaucoup de patients atteints d'une maladie menaçant le pronostic vital guériront : devraient-ils pour autant être exclus du bénéfice d'une médecine palliative, c'est à dire de l'attention portée aux symptômes et notamment à la douleur physique et morale ? Les auteurs de la proposition de loi ne le pensent pas.

La définition des soins palliatifs contenue dans le présent article contribuera, et c'est nécessaire, à une reconnaissance officielle des soins palliatifs. Elle ne saurait pour autant s'y limiter. Elle constitue en effet une base législative indispensable à l'application de tous les autres articles de la proposition de loi ( article 2 sur la prise en compte des soins palliatifs dans la carte sanitaire, article 3 sur les structures de soins palliatifs dans les centres hospitaliers et universitaires, article 4 sur la prise en charge des dépenses de formation des bénévoles qui assurent l'accompagnement dans le cadre de soins palliatifs, article 5 sur le développement de l'hospitalisation à domicile, article 6 sur l'élaboration d'un forfait de soins palliatifs à domicile et article 7 sur la prise en considération des soins palliatifs par le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI)).

Votre commission a retenu cet article dans la rédaction de la proposition de loi. Elle vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 2
(Art. L. 712-3-1-1 nouveau du code de la santé publique)
Développement des soins palliatifs dans les hôpitaux et les cliniques
grâce à la réforme de la planification hospitalière

La proposition de loi, en son article 2, propose de lever les obstacles législatifs qui s'opposent au développement des soins palliatifs dans les hôpitaux et les cliniques sur l'ensemble du territoire.

En effet, les textes qui régissent la planification sanitaire ne prévoient pas, dans le droit en vigueur, une individualisation des soins palliatifs qui conduirait les autorités sanitaires à déterminer les besoins en soins palliatifs et à autoriser les équipements et activités correspondants.

Ainsi, l'article R. 712-2 du code de la santé publique dispose que la carte sanitaire comporte :

-d'une part les installations correspondant aux disciplines suivantes :

1. médecine ;

2. chirurgie ;

3. obstétrique

4. soins de suite ou de réadaptation ;

5. soins de longue durée

-d'autre part, outre les équipements lourds, les activités de soins suivantes :

1. transplantation d'organes et greffes de moëlle osseuse ;

2. traitement des grands brûlés ;

3. chirurgie cardiaque ;

4. neurochirurgie

5. accueil et traitement des urgences ;

6. réanimation ;

7. utilisation diagnostique et thérapeutique de radioéléments en sources non scellées ;

8. traitement des affections cancéreuses par rayonnements ionisants de haute énergie ;

9. néonatologie et réanimation néonatale ;

10. traitement de l'insuffisance rénale chronique ;

11. activités d'assistance médicale à la procréation, activités de recueil, traitement, conservation de gamètes et cession de gamètes issues de don, activités de diagnostic prénatal ;

12. réadaptation fonctionnelle

Les soins palliatifs ne sont pas individualisés en tant que tels, et ne correspondent donc pas à une activité susceptible de faire l'objet d'autorisation. Des projets intéressants peuvent ainsi être bloqués et ne pas voir le jour parce que, par exemple, ils sont présentés en médecine et que les cartes sanitaires sont saturées pour ce type d'activité alors même que les besoins en soins palliatifs ne sont évidemment pas satisfaits.

Il importe donc que la loi prévoie explicitement la reconnaissance autonome des soins palliatifs dans la planification hospitalière : celle-ci permettra d'autoriser autant de structures nouvelles, dans le public ou le privé, tant que tous les besoins en soins palliatifs ne seront pas satisfaits sur l'ensemble du territoire.

Votre commission a retenu cet article dans la rédaction de la proposition de loi. Elle vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 3
Mise en place de structures de soins, d'enseignement
et de recherche dans les centres hospitaliers et universitaires

L'avis adopté par le Conseil économique et social, comme le rapport d'information établi par votre commission, ont mis en évidence les raisons de l'insuffisant développement des soins palliatifs sur le territoire. Ils ont en particulier souligné les carences de la formation des médecins et les difficultés que rencontrent les équipes de recherche en soins palliatifs.

C'est pourquoi la proposition de loi propose que, dans chaque centre hospitalier et universitaire soient mises en place les structures nécessaires pour dispenser des soins aux malades, favoriser le développement de la recherche et de la formation des équipes soignantes.

L'avis rendu par le Conseil économique et social confirme cette nécessité et demande l'extension à tous les centres hospitaliers et universitaires d'un « modèle normalisé d'équipes mobiles de soins palliatifs ».

Cet article est étroitement complémentaire d'autres articles de la proposition de loi qui permettront le développement des soins palliatifs dans les autres établissements de santé publics et privés ( article 2 relatif à la planification hospitalière, article 5 sur le développement de l'hospitalisation à domicile et article 7 relatif au PMSI).

Votre commission a retenu cet article dans la rédaction de la proposition de loi. Elle vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 4
(Art. L. 174-10 du code de la sécurité sociale)
Prise en charge des frais de formation et d'encadrement
des bénévoles par l'assurance maladie

Conformément aux conclusions du rapport d'information de votre commission, la proposition de loi propose que le code de la sécurité sociale prévoit que l'assurance maladie prend en charge de manière forfaitaire les dépenses engagées par les associations pour la formation des bénévoles. Cette prise en charge est subordonnée à un agrément des caisses d'assurance maladie.

D'une part cependant, il importe de lever l'ambiguïté de la rédaction du texte de la proposition de loi en précisant clairement que cette prise en charge est automatique pour les associations agréées.

D'autre part, l'avis rendu par le Conseil économique et social a toutefois souligné la nécessité d'une extension de cette prise en charge aux dépenses engagées pour l'encadrement des bénévoles : leur action ne peut en effet se développer que si elle est coordonnée.

C'est pourquoi votre commission vous propose, dans ses conclusions, que les dépenses des associations prises en charge par l'assurance maladie soient « les dépenses engagées pour la formation et la coordination de l'action des bénévoles ». Elle vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 5
(Art. L. 712-10 du code de la santé publique)
Libéralisation de la législation sur l'hospitalisation à domicile
pour favoriser le développement des soins palliatifs

Le rapport d'information de votre commission a souligné les effets pervers de la législation hospitalière pour le développement des structures d'hospitalisation à domicile en soins palliatifs.

L'article L. 712-10 du code de la santé publique prévoit en effet que « les projets de structures alternatives à l'hospitalisation situés dans une zone sanitaire dont les moyens sont excédentaires dans la ou les disciplines en cause peuvent être autorisées à condition d'être assortis d'une réduction des moyens d'hospitalisation relevant de cette ou de ces disciplines dans la zone considérée » .

Ce système de troc se révèle très préjudiciable au développement de structures d'hospitalisation à domicile pour les soins palliatifs, qui ne sont pas considérés comme une « discipline ». De fait, ils supportent toutes les conséquences de l'excédent global de l'offre hospitalière.

C'est pourquoi la proposition de loi modifie l'article L. 712-10 du code de la santé publique en précisant que, pour son application, les soins palliatifs sont considérés comme une discipline : les projets de création de structures d'hospitalisation à domicile en soins palliatifs ne pourront plus être refusés, du point de vue de la planification hospitalière, que si l'offre en soins palliatifs est excédentaire.

Votre commission a retenu cet article dans la rédaction de la proposition de loi. Elle vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 6
Institution d'une prise en charge forfaitaire
pour les soins palliatifs à domicile

Le rapport d'information de votre commission, comme l'avis du Conseil économique et social, ont dénoncé l'inadaptation du paiement à l'acte pour favoriser, dans tous les cas, le développement des soins palliatifs à domicile.

Le Conseil économique et social recommande ainsi de « s'inspirer de ce qui a été fait au bénéfice des malades du SIDA ou encore en Aveyron pour les soins palliatifs en élaborant un prix de journée forfaitaire soins palliatifs et accompagnement à domicile incluant l'ensemble des dépenses relatives à la coordination et à la prise en charge dans ses trois dimensions, médicale, psychologique et sociale (soins médicaux et paramédicaux, soutien psychologique et accompagnement, aides à la vie quotidienne, matériel médical et petit équipement de soin et d'hygiène...). »

Cette recommandation du Conseil économique et social correspond parfaitement à la rédaction de la proposition de loi, dans le présent article comme dans l'article 4 sur la prise en charge forfaitaire des dépenses de formation et de coordination des bénévoles.

Votre commission vous propose de compléter le texte de la proposition de loi initiale en incluant, non seulement les professionnels de santé exerçant en libéral, mais aussi ceux qui sont salariés dans les centres de santé. Elle vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 7
Prise en compte des soins palliatifs dans le Programme de
médicalisation des systèmes d'information (PMSI)

Prenant la mesure de l'inadaptation du Programme de médicalisation des systèmes d'information pour mesurer et valoriser l'activité de soins palliatifs, le présent article demande qu'un rapport du Gouvernement fasse le point sur cette question et propose des améliorations.

Votre commission a retenu cet article dans la rédaction de la proposition de loi. Elle vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 8
(Art. L. 711-2-2 nouveau du code de la santé publique)
Elargissement à l'ensemble des établissements de santé publics et privés de la mission de délivrer des soins palliatifs

Dans sa rédaction initiale, l'article 8 s'expliquait par des raisons tenant à la procédure de dépôt des propositions de loi.

Dans ses conclusions sur le présent article, votre commission a, en revanche, souhaité étendre à l'ensemble des établissements de santé publics et privés la mission de dispenser des soins palliatifs.

Cette obligation, inscrite dans un article L. 711-2-2 nouveau du code de la santé publique, n'est aujourd'hui prévue par la législation hospitalière que pour les établissements assurant le service public hospitalier.

Elle a pour objet d'affirmer que tous les établissements de santé, et pas seulement les hôpitaux publics ou participant au service public, doivent se donner les moyens de prendre en charge l'ensemble des besoins de leurs malades. Elle est conforme à l'idée de la nécessité de la continuité des soins délivrés aux patients, qui ne doit pas être remise en cause, mais bien au contraire renforcée quand le pronostic vital est en jeu.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 9
(Art. L. 791-2 du code de la santé publique)
Elaboration de normes de bonnes pratique et de méthodes d'évaluation par l'Agence nationale d'évaluation et d'accréditation en santé (ANAES)

Votre commission souhaite, dans ses conclusions, élargir les mission de l'ANAES à l'élaboration de normes de qualité et d'évaluation des pratiques dans le domaine des soins palliatifs.

Cette nécessité a été abondamment soulignée par l'avis du Conseil économique et social qui a estimé « qu'un développement cohérent et maîtrisé des soins palliatifs et d'accompagnement en France doit se faire, comme cela a été prévu et réalisé dans les pays qui ont ouvert la voie en la matière, sur la base de normes de qualité impératives. »

Il est donc proposé de modifier l'article L. 791-2 du code de la santé publique en prévoyant que l'agence est chargée :

- d'élaborer avec des professionnels, selon des méthodes scientifiquement reconnues, de valider et de diffuser les méthodes nécessaires à l'évaluation des soins, y compris palliatifs, et des pratiques professionnelles ;

- d'élaborer et de valider des recommandations de bonnes pratiques cliniques et des références médicales et professionnelles en matière de prévention, de diagnostic, de thérapeutique et de soins palliatifs.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 10
(Art. L. 225-14-1 à L. 225-14-7 nouveaux du code du travail)
Création d'un congé d'accompagnement

Dans l'attente de l'adoption de l'avis du Conseil économique et social, les auteurs de la proposition de loi n'avaient pas souhaité y inscrire la création d'un congé d'accompagnement à laquelle ils étaient cependant favorables. L'avis du Conseil économique et social recommandant cette création ayant été adopté à l'unanimité, votre commission estime utile que la loi en prévoie le principe, des décrets d'application en définissant plus précisément les modalités.

C'est pourquoi le présent article crée des articles L. 225-14-1 à L. 225-14-7 nouveaux dans le code du travail, qui prévoient que tout salarié dont un ascendant ou une personne partageant son domicile, fait l'objet de soins palliatifs a le droit de bénéficier, soit d'un congé d'accompagnement, soit de réduire sa durée du travail pour une durée maximale de deux mois. Ce congé est accordé au vu de la production d'un certificat médical.

Il n'est pas rémunéré par l'entreprise :aussi faudra-t-il instituer une prestation de sécurité sociale ou de solidarité nationale, dont le coût ne sera pas très élevé : l'institution d'un congé d'accompagnement permettra en effet de réaliser des économies substantielles en évitant des hospitalisations qui ne seraient, ni utiles, ni souhaitées.

Bien entendu, compte tenu de la définition constitutionnelle des pouvoirs respectifs du Parlement et du Gouvernement, une proposition de loi, ne peut créer cette prestation. Il appartiendra au Gouvernement d'en prendre l'initiative, conformément aux voeux du Conseil économique et social.

Cette prestation pourrait s'accompagner de compléments. Le Conseil économique et social a ainsi émis le voeu que le niveau et les modalités de ces compléments « seraient à définir, soit par le biais d'une mutualisation sur des bases professionnelles, par exemple, pour les non salariés, soit, pour les salariés, dans le cadre de la négociation collective » .

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

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Votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions, tel qu'il est inclus dans le présent rapport.

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