CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA TRANSPARENCE
FINANCIÈRE
Article 10
Consultation par le public des comptes
des autorités administratives et organismes aidés ou
subventionnés
Cet
article, dans un objectif de transparence financière, vise à ce
que les autorités administratives dotées de la
personnalité morale tiennent leurs comptes à disposition du
public. Il vise aussi à étendre cette obligation aux organismes
ayant un budget significatif et bénéficiant d'aides ou de
subventions publiques.
Sous couvert d'une formulation très générale, cet
article impose une obligation dont les effets ne semblent pas avoir
été mesurés et dont le contenu n'est pas
précisé.
Encore une fois, ni le dispositif du projet de loi,
ni l'exposé des motifs, ni l'étude d'impact ne précisent
la portée et le champ d'application concret de cette obligation.
Par son imprécision même, cet article s'appliquerait en fait
à l'ensemble des entreprises privées ou publiques et des
associations " loi de 1901 " ayant un budget annuel supérieur
à un montant fixé par décret en Conseil d'Etat et recevant
des subventions publiques. Nulle part ne figure la définition des
" comptes " devant faire l'objet d'une publicité ; la
notion de " budget " n'est pas plus claire, s'agissant d'entreprises
ou d'associations. Enfin, les " aides " attribuées à
ces entreprises ou associations, qui ne sont pas non plus définies,
pourraient inclure les aides en nature, dont l'évaluation du montant est
difficile. L'origine de ces aides ou subventions n'est pas
précisée : il peut s'agir d'une initiative d'une
collectivité locale, de l'Etat ou encore de l'Union européenne.
En outre, l'utilisation du singulier concernant le " seuil " qui doit
être fixé par décret témoigne du caractère
approximatif du dispositif proposé : comment un seul et même seuil
pourrait-il régir des situations par nature aussi différentes ?
Votre commission des Lois vous propose donc de délimiter clairement le
champ d'application de cet article. La publicité des comptes n'est
qu'une reprise du droit existant concernant la plupart des autorités
visées par cet article :
- concernant l'Etat, l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959
portant loi organique relative aux lois de finances détaille la liste
des documents présentés au Parlement en application de
l'article 47 de la Constitution.
- s'agissant des collectivités locales, les budgets et comptes font
déjà l'objet d'une publication et d'une mise à disposition
du public (articles L. 2313-1, L. 2341-1 et L. 3313-1
du code général des collectivités territoriales).
- quant aux organismes de Sécurité sociale, il convient de
s'interroger sur la nécessité de la mise à disposition du
public des comptes des caisses locales de Sécurité sociale. En
revanche, il est permis de penser que les documents qui intéressent les
citoyens ne sont pas les comptes financiers des caisses locales mais bien les
comptes de la Sécurité sociale, qui, réunis dans le projet
de loi de financement de la sécurité sociale,
sont
déjà accessibles au public.
- enfin les entreprises privées sont en grande partie assujetties
à l'obligation de publication de leurs comptes. En effet, l'article 54
du décret n° 84-406 du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce
et des sociétés indique que
les sociétés
commerciales sont tenues de déposer les documents comptables
prévus aux articles 13-1, 44-1et 293 du décret
n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés
commerciales,
afin qu'ils figurent en annexe au registre du commerce et des
sociétés
. L'article 13-1 du décret du
23 mars 1967 dispose que les sociétés en nom collectif
dont tous les associés indéfiniment responsables sont des
sociétés à responsabilité limitée ou des
sociétés par actions sont tenues de déposer les comptes
annuels, le rapport de gestion, et, le cas échéant, les comptes
consolidés. L'article 44-1 dispose de même pour les
sociétés à responsabilité limitée et
l'article 293 pour les sociétés par actions.
Ne sont donc pas concernées par l'obligation de publication des
comptes les rares sociétés qui ne sont pas
immatriculées au registre du commerce et des sociétés (les
sociétés civiles créées avant 1978
3(
*
)
et qui ne se sont pas affiliées
depuis, et les sociétés en participation, qui n'ont pas la
personnalité morale) et les sociétés immatriculées
dont le décret du 30 mai 1984 ne prévoit pas qu'elles
publient leurs comptes à ce registre (par exemple les
sociétés en nom collectif dont les associés ne sont pas
tous constitués en SARL).
La publication des comptes en annexe du registre du commerce ou la mise
à disposition du public de ces comptes au siège social de
l'entreprise pourrait se révéler très contraignante,
s'agissant d'entreprises qui sont actuellement exemptées de cette
obligation de publication des comptes en raison de leur taille modeste.
D'un point de vue formel, concernant des sociétés commerciales,
la publicité des comptes devrait faire l'objet d'une insertion
appropriée dans les textes de référence, en particulier le
décret du 30 mai 1984, si l'option de la mise à disposition du
public au moyen du registre du commerce est retenue. Si l'objectif de
publication des comptes peut être utile à la transparence
financière,
il ne paraît pas justifié de créer
une obligation nouvelle pour les sociétés commerciales dans le
cadre d'un projet de loi consacré aux relations entre les
administrations et les citoyens.
Restent donc, dans le champ de cet article 10, les associations soumises
à la loi du 1
er
juillet 1901 relative au contrat
d'association. L'expertise technique sur ce point existe déjà
puisque le comité central d'enquête sur le coût et le
rendement des services publics a remis en mars 1998 ses conclusions sur
"
Le contrôle par l'Etat des associations
subventionnées
". Ce rapport, qui constate l'insuffisance
actuelle de transparence de certaines associations subventionnées sur
fonds publics, formule vingt-deux propositions, dont cinq relèvent du
domaine de la loi.
Votre commission des Lois vous propose de mettre en oeuvre une de ces
propositions. Elle vous soumet
un
amendement
à cet effet,
qui modifie l'article 29 bis de la loi n° 84-148 du
1
er
mars 1984 relative à la prévention et au
règlement amiable des difficultés des entreprises et tend
à ce
que les comptes des associations subventionnées au-dessus
d'un certain seuil
soient déposés à la
préfecture du département où se situe le siège de
l'association pour pouvoir y être consultés
.
L'article 29 bis de la loi du 1
er
mars 1984
résulte de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993
relative à la prévention de la corruption et à la
transparence de la vie économique et des procédures publiques. Il
dispose que "
toute association ayant reçu annuellement de
l'Etat ou de ses établissements ou des collectivités locales une
subvention dont le montant est fixé par décret doit
établir chaque année un bilan, un compte de résultat et
une annexe dont les modalités d'établissement sont
précisées par décret
".
Une obligation comparable existe déjà, mais uniquement pour les
associations faisant appel à la générosité
publique, qui prescrit la mise à disposition de tout adhérent ou
donateur de l'association le compte d'emploi annuel des ressources
collectées auprès du public (article 4 de la
loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au
contrôle des comptes des organismes faisant appel à la
générosité publique). A titre indicatif, le
décret n° 93-568 du 27 mars 1993 a fixé
à un million de francs le montant des subventions à partir duquel
les associations sont soumises aux obligations de la loi du
1
er
mars 1984.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter
l'article 10
ainsi modifié
.
Article 11
(Article L. 111-7 du code des juridictions
financières)
Contrôle de la Cour des comptes sur les
organismes habilités
à recevoir des taxes parafiscales, ou
à percevoir
des versements libératoires d'une obligation
légale de faire
Cet
article vise à étendre le contrôle de la Cour des comptes
sur les organismes habilités à recevoir des taxes parafiscales et
des cotisations légalement obligatoires, ainsi que sur les organismes
chargés d'une mission de service public habilités à
percevoir des versements libératoires d'une obligation légale de
faire.
Il complète l'article L. 111-7 du code des juridictions
financières selon lequel "
la Cour des comptes peut exercer,
dans des conditions fixées par voie réglementaire, un
contrôle sur les organismes qui bénéficient du concours
financier de l'Etat, d'une autre personne soumise à son contrôle
ainsi que de la Communauté européenne
".
La première partie de cet article reprend le droit existant mais lui
donne valeur législative. En effet, l'article 38 du
décret n° 85-189 du 11 février 1985
relatif à la Cour des comptes indique déjà que la Cour
contrôle les organismes qui bénéficient de taxes
parafiscales et de cotisations légalement obligatoires. Cette
compétence de la Cour, qui n'a pas été
insérée dans la partie législative du code des
juridictions financières lors de la codification effectuée en
1994, relève bien du domaine de la loi.
La deuxième partie de cet article vise les
organismes
habilités à percevoir des versements libératoires d'une
obligation légale de faire
.
Plusieurs lois ont créé, souvent à la charge des
entreprises, une obligation de financement de certains organismes dont
celles-ci peuvent s'acquitter par des dépenses libératoires ou
par des versements à des organismes spécialement habilités
à les recevoir et qui ont pour mission de les affecter à des
usages d'intérêt collectif dont les redevables ne sont pas
nécessairement les bénéficiaires directs.
Il s'agit par exemple de la participation des employeurs au
développement de la formation continue ; la participation des
employeurs à l'effort de construction, communément
surnommée " 1 % logement " ; l'assujettissement des
entreprises à la taxe d'apprentissage ; l'obligation d'emploi de
travailleurs handicapés.
L'intervention de la Cour des comptes se justifie pour assurer un
contrôle sur des organismes qui sont essentiellement redistributeurs de
fonds qui leur sont versés en vertu d'une obligation légale et au
titre de la mission de service public dont ils sont chargés. En
l'état actuel du droit, un examen de la Cour des comptes sur les
opérations des organismes collecteurs pourrait prêter à
contestation dans le cas où les versements sont effectués en
remplacement de l'exécution directe de l'obligation légale de
faire et où ils ne seraient pas assimilés à une cotisation
légalement obligatoire.
Le présent article améliore donc le contrôle sur des sommes
parfois considérables : à titre d'exemple, les collectes
effectuées en 1996 par les fonds d'assurance formation, les organismes
collecteurs agréés, les organismes paritaires
agréés du congé individuel de formation et les organismes
mutualisateurs agréés, au titre du développement de la
formation professionnelle continue, se sont élevés à
16 milliards de francs.
Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter l'article 11
sans
modification
.
Article 12
(Articles L. 140-10, L. 241-2-1 et L.
314-18
du code des juridictions financières)
Echanges d'informations
entre
les juridictions judiciaires et financières
Cet
article organise l'échange d'informations entre le parquet des
juridictions financières et celui des juridictions judiciaires.
I. -
Le premier paragraphe de cet article
permet au Procureur de la
République de transmettre au Procureur général près
la Cour des comptes,
d'office ou à la demande de ce dernier,
la
copie de toute pièce d'une procédure judiciaire
relative
à des faits de nature à constituer des
irrégularités dans les comptes ou dans la gestion de l'Etat, des
établissements publics ou des organismes relevant de la
compétence de la Cour des comptes.
Il s'agit de permettre une meilleure cohérence entre le contrôle
de gestion et l'enquête judiciaire, sachant que les mêmes
pièces peuvent intéresser les deux ordres de juridiction. En
effet, des fautes de gestion peuvent être révélées
dans le cadre d'une instruction judiciaire. Or, si les besoins de
l'enquête justifient la mise sous scellés des pièces, il
convient de ménager la faculté d'en donner copie à la
juridiction financière afin qu'elle soit en mesure d'exercer le
contrôle de gestion.
Actuellement, les juridictions financières sont tenues de fournir
à la juridiction judiciaire les pièces qui pourraient donner lieu
à une enquête judiciaire. Le présent article vise donc
à donner une base légale à la procédure
réciproque, qui correspond à la pratique actuelle, en
dépit du secret de l'instruction (article 11 du code de procédure
pénale). Pour mémoire, dans le domaine du contentieux fiscal,
"
A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou
criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à
l'administration des impôts
" (article L. 82 C du
livre des procédures fiscales). De plus, "
l'autorité
judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute
indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer
une fraude commise en matière fiscale
... "
(article L. 101 du livre des procédures fiscales).
Votre commission des Lois vous propose
un
amendement
formel qui
modifie la place de ce nouvel article, afin de le faire figurer juste
après l'article L. 140-1 du code des juridictions
financières, qui pose le principe général selon lequel la
Cour des comptes est habilitée à se faire communiquer tous
documents, de quelque nature que ce soit, relatifs à la gestion des
services et organismes soumis à son contrôle.
II. -
Le deuxième paragraphe de cet article prévoit la
même procédure concernant les
chambres régionales des
comptes
. Votre commission des Lois vous soumet
un
amendement
rédactionnel visant les subdivisions appropriées du code des
juridictions financières.
III. -
Les mêmes dispositions s'appliquent à la
Cour de
discipline budgétaire et financière
. Votre commission des
Lois vous soumet
un amendement
rédactionnel.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 12
ainsi
modifié
.
Article 13
(articles L. 262-45-1, L. 272-43-1 et L.
250-1
du code des juridictions financières)
Extension de certaines
dispositions
aux territoires d'outre-mer et à Mayotte
Cet
article rend applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie
française et à Mayotte les dispositions de l'article 12.
Votre commission des Lois vous soumet
trois amendements
rédactionnels visant les subdivisions appropriées du code des
juridictions financières.
I. -
Concernant la
Nouvelle-Calédonie
, seule la loi
organique aurait pu rendre les dispositions de l'article 12 applicables au
contrôle de gestion et au contrôle des comptes de la
Nouvelle-Calédonie, des provinces, et de leurs établissements
publics. La loi ordinaire ne peut étendre que les règles de
procédure touchant au contrôle des communes, de leurs
établissements publics et des autres organismes contrôlés
par les communes. Afin d'éviter une confusion, votre commission des Lois
vous soumet
un
amendement
précisant que ces dispositions
de procédure ne s'appliquent pas à l'ensemble des
collectivités ou organismes soumis au contrôle de la chambre
territoriale des comptes.
II. -
Les mêmes commentaires s'appliquent à la
Polynésie
française
; votre commission des
Lois vous soumet
un
amendement
ayant le même effet.
III. -
Pour mémoire, à
Mayotte
, le contrôle
des comptes et de la gestion de la collectivité territoriale, des
communes et de leurs établissements publics relève de la chambre
régionale des comptes de La Réunion. L'extension de
l'article 12 ne soulève pas de problème particulier.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 13
ainsi
modifié
.