Projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes
CABANEL (Guy)
RAPPORT 247 (98-99) - commission des lois
Tableau comparatif au format Acrobat .Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
- EXAMEN DES ARTICLES
- TABLEAU COMPARATIF
N°
247
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mars 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi constitutionnelle, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, relatif à l' égalité entre les femmes et les hommes ,
Par M.
Guy CABANEL,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier,
Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques
Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex
Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.
)
: Première lecture :
985
,
1240
et T.A.
224
.
Deuxième lecture :
1354
,
1377
et T.A.
250
.
Sénat :
Première lecture :
130
,
156
et
T.A.
58
(1998-1999).
Deuxième lecture :
228
(1998-1999).
Femmes. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
La
commission des Lois, réunie le mercredi 3 mars 1999 sous la
présidence de
M. Jacques Larché,
président
, a examiné, sur le rapport de
M. Guy Cabanel
, le projet de loi constitutionnelle,
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, relatif à l'égalité entre les
femmes et les hommes.
La commission des Lois a tout d'abord constaté que la position prise par
le Sénat en première lecture sur sa proposition avait permis
l'ouverture d'un débat nécessaire et a déploré la
présentation caricaturale faite par certains organes de presse des
décisions de la Haute assemblée.
Elle a regretté que l'Assemblée nationale n'ait pas saisi
l'occasion pour approfondir cette réflexion et qu'elle ait
préféré revenir à son texte de première
lecture, modifiant ainsi le projet initial accepté par le
président de la République.
La commission des Lois a confirmé son souhait exprimé en
première lecture que des mesures législatives puissent être
prises pour faciliter l'égal accès des femmes et des hommes aux
mandats et fonctions.
Attachée à l'aboutissement de la révision, sans pour
autant renoncer à ses interrogations légitimes, elle propose de
compléter sa rédaction de première lecture.
A cet effet, la commission des Lois propose deux dispositions :
•
En premier lieu, la reprise du texte du projet de loi
constitutionnelle initial, avec la précision que les mandats et
fonctions dont il s'agit sont " électoraux " et
" électifs ".
Ainsi l'article 3 de la Constitution permettrait à la loi de
favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives.
Les termes retenus par le texte initial paraissent en effet laisser au
Parlement un plus grand choix des mesures appropriées, que ceux
adoptés par l'Assemblée nationale. Ils permettraient l'adoption
de dispositions contraignantes et de dispositions incitatives.
•
En second lieu, afin de clairement marquer la responsabilité
des partis politiques en la matière, la commission des Lois propose
à nouveau de compléter l'article 4 de la Constitution les
concernant.
Il serait prévu, comme le Sénat l'avait décidé en
première lecture sur proposition de la commission des Lois, que le
financement public des partis politiques, contribue à l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.
L'article 4 de la Constitution renverrait explicitement à la loi
pour la modulation de ce financement public.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi, en deuxième lecture, du projet de loi
constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et
les hommes, dans une rédaction strictement identique à celle
qu'il a examinée en première lecture, puisque les
députés ont repris intégralement la position qu'ils
avaient adoptée en première lecture.
Il convient de souligner que le texte soumis au Sénat n'est pas celui
qui a été approuvé par le président de la
République. Le Chef de l'État a donné son accord sur la
rédaction retenue par le Conseil des ministres du
17 juin 1998. L'Assemblée nationale a ensuite modifié
ce texte.
On rappellera que le projet de loi constitutionnelle initial tendait à
compléter l'article 3 de la Constitution, pour permettre à
la loi de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux
mandats et fonctions.
Le projet adopté par l'Assemblée nationale, en deuxième
lecture comme en première lecture, tend à compléter le
même article de la Constitution afin de prévoir que
" la
loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives "
.
Le Sénat, pour sa part, a opté, en première lecture, pour
une révision de l'article 4 de la Constitution. D'une part, il a
confirmé le rôle des partis politiques, dont la
responsabilité principale en la matière n'est pas
contestée, de favoriser l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. D'autre
part, il a prévu que les lois relatives au financement public des
formations politiques puissent contribuer à la mise en oeuvre du
principe d'égal accès.
Les deux assemblées, en accord sur la nécessité de
parvenir à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes
dans les assemblées élues, divergent donc sur les solutions
à trouver au cours de la navette parlementaire.
I. LA POSITION DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE : SITUER LE VRAI DÉBAT ET PROPOSER UNE RÉPONSE ADAPTÉE AUX PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA DÉMOCRATIE
A. EVALUER LES PRINCIPES EN CAUSE ET LES CONSÉQUENCES DE LA RÉVISION
Nul ne
conteste que la présence des femmes au sein des institutions politiques,
très insuffisante, se situe nettement en deçà de celle
constatée dans la plupart des pays démocratiques, sans que ces
derniers aient modifié leur Constitution ou leur législation pour
obtenir un meilleur résultat.
Les progrès enregistrés ces dernières années en
France, insuffisants certes mais significatifs, ne résultent pas d'une
modification des lois électorales mais d'un changement de comportement
des partis politiques. En effet, leur intervention est décisive pour la
désignation de la plupart des candidats.
La volonté d'encourager le mouvement amorcé pour une
participation plus équilibrée des femmes et des hommes à
la vie publique, partagée par le Sénat et par l'Assemblée
nationale, a conduit chacune des deux assemblées à accepter le
principe d'une révision de la Constitution, même si les solutions
proposées par l'une et l'autre sont, en l'état,
différentes.
A cet égard, la présentation caricaturale qui a été
faite par certains médias de la position prise par le Sénat ne
saurait être acceptée puisque, contrairement à ce qui a
été parfois avancé,
notre assemblée n'a ni
bloqué, ni rejeté le texte mais en a simplement modifié la
rédaction
.
Il n'y a pas lieu de revenir sur les arguments philosophiques ou juridiques
échangés. Ils sont tous aussi respectables. On rappellera que
Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, a convenu devant votre
commission des Lois que le projet de loi constitutionnelle reposait sur un
choix philosophique consistant à considérer que les femmes ne
constituaient pas une catégorie, mais la moitié de
l'humanité.
En modifiant le texte adopté par l'Assemblée nationale -comme
cette dernière avait modifié le projet initial-, le Sénat
a rempli son rôle de Constituant, auquel on chercherait vainement
à le faire renoncer.
Les dispositions adoptées par le Sénat -au terme d'une
réflexion approfondie, alimentée par l'audition de personnes
qualifiées et de sensibilités diverses- auraient
mérité, elles aussi, d'être étudiées
minutieusement au lieu d'être considérées
a priori
comme irrecevables.
Pour parvenir à une solution conciliant l'objectif d'une participation
plus équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique
avec la sauvegarde des principes de base de notre démocratie, ce
à quoi le Sénat s'est efforcé dès la
première lecture,
il convient au préalable de poser certaines
questions, qui ne portent pas sur l'objectif lui-même mais sur les moyens
pour l'atteindre
.
Le texte proposé ne porte pas sur l'égale admissibilité
des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions -acquise en droit depuis
l'ordonnance du 21 avril 1944 et inscrite à l'article 3
de la Constitution- mais sur les moyens de mieux traduire dans les faits cette
égalité.
Faut-il pour cela autoriser dès maintenant le législateur
à prendre des
dispositions contraignantes,
ce qu'aucun pays n'a
retenu jusqu'à présent, ou ne convient-il pas mieux de
s'orienter, au moins dans un premier temps, vers des
mesures
incitatives
, susceptibles de faciliter une évolution sans pour
autant provoquer des ruptures brutales ?
Quelles que soient les circonstances pouvant motiver le souhait de
réviser la Constitution,
il convient d'en mesurer toutes les
conséquences possibles sur les principes fondamentaux de notre
démocratie
.
Pareille interrogation peut-elle paraître absolument
inconcevable ? Le débat ouvert publiquement grâce au vote du
Sénat a montré l'absence d'unanimité sur les moyens
à retenir pour atteindre l'objectif commun.
Le Sénat n'a pas été le seul à s'inquiéter
d'une possible remise en cause du principe essentiel de l'universalité
du suffrage qui serait susceptible d'être encouragé par le texte
proposé et à la faveur de revendications de représentation
communautariste de la part de certaines catégories de la population. Les
interrogations dépassent les clivages partisans comme l'avaient
déjà illustré nos auditions et nos débats
1(
*
)
.
Enfin, il apparaît nécessaire de
connaître
précisément les solutions qui seront retenues pour la mise en
oeuvre
législative de la révision constitutionnelle
,
alors que le Gouvernement n'a toujours pas donné toutes les
précisions souhaitables à ce sujet.
Certes, Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice a apporté un
certain nombres d'indications à ce propos.
Ainsi, a-t-elle précisé, devant l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, que "
Pour les élections au scrutin
uninominal, il est évident, comme l'a rappelé le Premier
ministre, que cette révision constitutionnelle n'est, aux yeux du
Gouvernement, en aucune façon conçue comme un moyen ou comme un
prétexte pour modifier dans l'avenir des modes de scrutin et tout
particulièrement le mode de scrutin législatif.
" Le Premier ministre l'a exprimé avec la plus grande
fermeté : " Le Gouvernement à cet égard n'a pas
de projet".
" Nous discutons aujourd'hui de la parité et de l'égalité
sans arrière-pensée. Nous n'utilisons pas la parité comme
prétexte pour élargir le champ des scrutins proportionnels,
même s'il est vrai que ceux-ci permettent plus facilement l'exercice de
la parité.
" En revanche, pour les scrutins uninominaux, le législateur pourra
inciter à la réalisation de la parité par la modulation du
financement public des partis politiques. "
.
On ne peut imaginer que la révision constitutionnelle en cours demeure
sans effet sur la législation électorale.
Cependant, la mise en application de cette révision s'avérera
délicate. C'est sans doute pourquoi, Mme Dominique Gillot,
député du Val d'Oise, rapporteur général de
l'Observatoire de la parité a été chargée par le
Gouvernement d'un rapport à remettre au mois de juin sur les
modalités concrètes d'application de la révision
constitutionnelle
2(
*
)
.
Certains questions méritent d'être soulevées :
-
Quelles seraient les fonctions électives
concernées et
qu'en serait-il, par exemple, de celles exercées au sein de
structures intercommunales
?
-
Quelles modalités concrètes
pourrait-on retenir lorsque
les
élections à ces fonctions
se déroulent par
scrutins successifs
(élection du maire puis des adjoints au
maire...) ?
- Comment le Gouvernement envisagerait-il une
réforme du financement
public des partis
et quelle serait l'importance de la part du financement
sanctionnant le non respect du principe d'égal accès ?
- Les candidatures non présentées par les partis
bénéficieraient-elles de mesures incitatives si elles se
conformaient au principe de l'égal accès ?
- Une réforme du
statut de l'élu
pourrait-elle inclure des
discriminations positives pour les femmes en vue de favoriser l'égal
accès, et selon quelles modalités ?
A l'évidence, et malgré l'engagement du Gouvernement, il n'existe
pas d'assurance qu'une majorité à l'Assemblée nationale
n'imposerait pas, en dehors d'une initiative formelle du Gouvernement, la
généralisation du scrutin proportionnel
, au
prétexte de faciliter l'instauration de la parité.
On observera que M. Gérard Gouzes a souligné, lors de
l'examen du texte par la commission des Lois de l'Assemblée nationale,
que, quels que soient les engagements du Gouvernement en la matière,
l'Assemblée nationale restait souveraine, les députés
ayant la faculté de présenter des propositions, s'ils le
jugeaient bon.
Dans son rapport sur le présent texte, Mme Catherine Tasca a
fait valoir qu'il n'appartenait pas au Constituant de fixer, dans le
détail, les modalités de mise en oeuvre des principes
constitutionnels.
Cela ne fait cependant pas obstacle au souhait légitime du Constituant
de connaître ces modalités afin de mieux mesurer la portée
de la révision proposée.
Le Constituant devrait, en tout état de cause, disposer de
réponses précises à ces interrogations avant de prendre
une décision définitive.
Votre commission des Lois demande donc avec insistance au Gouvernement de
répondre clairement et sans ambiguïté à ces
questions.
B. LA PREMIÈRE CONTRIBUTION DU SÉNAT AU DÉBAT
Sans
qu'il soit nécessaire de revenir en détail sur la position prise
par le Sénat en première lecture, votre rapporteur vous en
rappellera les points essentiels.
D'une part, le Sénat a constaté la responsabilité
essentielle des partis politiques pour parvenir à l'égal
accès des femmes et des hommes aux assemblées parlementaires et
locales, puisqu'ils désignent la plupart des candidats.
D'autre part, il a relevé une évolution positive dans ce domaine,
obtenue à législation électorale constante, ainsi que
l'absence de mesures contraignantes en la matière dans les grandes
démocraties comparables à la nôtre, en particulier dans les
pays scandinaves souvent cités en exemple.
Prenant en compte le souhait émis par la plupart des responsables
politiques, le Sénat a voulu que des dispositions juridiques puissent
être prises pour encadrer les efforts engagés par les partis
politiques afin de favoriser l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats et fonctions.
Pour autant, le Sénat s'est interrogé sur l'opportunité
d'ouvrir la voie à des dispositions contraignantes.
Il a préféré que l'objectif non contesté d'une
participation équilibrée des femmes et des hommes à la vie
publique soit atteint
progressivement plutôt que brutalement
. En
conséquence, le Sénat a opté, en première lecture,
pour des mesures incitatives, à la différence de
l'Assemblée nationale.
La divergence entre les deux assemblées à l'issue de cette
première lecture ne portait donc pas sur l'objectif lui-même mais
sur les meilleurs moyens de l'atteindre.
Le Sénat, pour sa part, a souhaité
affirmer
de la
manière la plus claire
dans la Constitution la mission des partis
politiques
de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes
aux mandats électoraux et aux fonctions électives, afin
d'encourager une évolution déjà amorcée.
Il a aussi prévu que la
loi puisse moduler les règles de
financement public des partis politiques
en fonction de la proportion de
candidates qu'ils présentent.
De la sorte, et contrairement à ce qui a pu être soutenu, le
Sénat ne s'est pas limité à renvoyer purement et
simplement la solution aux partis politiques mais il a aussi entendu que le
Parlement prenne ses propres responsabilités, la révision
constitutionnelle ouvrant la possibilité d'adopter des dispositions
législatives susceptibles de permettre une évolution
significative.
Comme le texte adopté par l'Assemblée nationale, celui du
Sénat est perfectible à l'occasion de la navette
parlementaire.
II. EN DEUXIÈME LECTURE, L'ASSEMBLÉE NATIONALE A RÉFUTÉ LES INTERROGATIONS SOULEVÉES À L'OCCASION DU DÉBAT SÉNATORIAL
La
position prise par l'Assemblée nationale en deuxième lecture est
simple à exposer, puisque
les députés ont purement et
simplement repris le texte qu'ils avaient adopté en première
lecture,
en votant un amendement de leur commission des Lois,
approuvé par le Gouvernement.
Il n'apparaît donc pas utile à votre rapporteur de reprendre dans
le détail les explications, déjà données lors de la
première lecture au Sénat, sur la portée de ce texte.
On rappellera simplement que le texte soumis au Sénat en deuxième
lecture -comme en première lecture- tend à compléter
l'article 3 de la Constitution afin de permettre à la loi de
déterminer les conditions dans lesquelles est organisé
l'égal accès aux mandats électoraux et fonctions
électives.
La rédaction retenue par l'Assemblée nationale permettrait
l'instauration de
quotas
. Mme Elisabeth Guigou, ministre de la
Justice, avait certes considéré, devant votre commission des
Lois, que la parité lui paraissait constituer un meilleur instrument que
les quotas, ceux-ci n'étant toutefois pas exclus.
Au cours de la séance publique, un sous-amendement de
Mme Marie-Josée Zimmermann tendant à rétablir la
rédaction du projet initial, a été rejeté par
l'Assemblée nationale, la commission et le Gouvernement ayant
émis un avis défavorable.
Il reste à s'interroger sur la
signification du vote de
l'Assemblée nationale en deuxième lecture
, consistant
à maintenir sa position initiale, sans prendre apparemment en
considération celle du Sénat, bien que l'accord des deux
assemblées soit nécessaire à l'aboutissement d'une
révision constitutionnelle.
Dans son rapport sur le présent projet de loi constitutionnelle,
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a estimé que le texte
adopté par le Sénat
" remet en cause radicalement le sens
de cette réforme "
et qu'elle
" a été
ainsi largement vidée de sa substance ".
Elle a affirmé, en séance publique, que le Sénat
" permet, de fait, le maintien du
statu quo
, car les
partis ont eu des décennies pour changer les choses "
,
sous-estimant ainsi la démarche volontariste désormais
adoptée par la plupart d'entre eux et les premiers résultats
positifs de ces efforts, que le texte du Sénat entend encourager.
Mme Catherine Tasca a aussi indiqué qu'il était
fondamental à ses yeux que
" le Constituant habilite
explicitement le législateur à intervenir pour remédier
à une situation choquante "
.
Or, le Sénat a, précisément, habilité le
législateur à intervenir en prévoyant que les
règles de financement public des partis politiques -fixées par la
loi- puissent contribuer à la mise en oeuvre du principe d'égal
accès.
On peut s'interroger sur l'analyse de l'Assemblée nationale sur la
portée des solutions retenues par le Sénat en première
lecture.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, a exposé une
nouvelle fois devant l'Assemblée nationale les raisons pour lesquelles
le Gouvernement approuvait la rédaction proposée par la
Commission des Lois et adoptée par l'Assemblée nationale, mais,
pas plus que précédemment, elle n'a exposé les
intentions précises du Gouvernement sur la plupart des modalités
de mise en oeuvre de la révision.
Devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale,
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a considéré que la
nature des arguments de fond opposés par le Sénat au projet de
loi constitutionnelle ne permettait pas, en l'état, aux deux
assemblées de se rejoindre.
Il est permis de regretter que n'ait pas été
considérée à sa juste valeur la pertinence des
interrogations du Sénat en première lecture.
Certes, Mme Catherine Tasca, rapporteur, a affirmé, en
séance publique, que l'Assemblée nationale avait
" l'habitude de chercher un accord avec le Sénat, chaque fois
que cela paraît souhaitable et possible "
, ajoutant toutefois
qu'il "
n'appartient pas à l'Assemblée nationale de faire
à sa place la démarche du Sénat ".
Elle s'est
référée à l'exemple récent de l'adoption par
les deux assemblées des textes élaborés par les
commissions mixtes paritaires sur les projets de loi organique et ordinaire
relatifs à la Nouvelle-Calédonie.
L'Assemblée nationale n'a certes pas encore effectué un geste
pour permettre l'aboutissement de la révision constitutionnelle.
En revanche, votre commission des Lois, attachée à cet
aboutissement, a donc examiné le projet de loi constitutionnelle avec le
souci de parvenir à un texte acceptable par tous.
III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
Votre
commission des Lois a tout d'abord constaté que la position prise par le
Sénat en première lecture sur sa proposition avait permis
l'ouverture d'un débat nécessaire et a déploré la
présentation caricaturale faite par certains organes de presse des
décisions de la Haute assemblée.
Elle a regretté que l'Assemblée nationale n'ait pas saisi
l'occasion pour approfondir cette réflexion et qu'elle ait
préféré revenir à son texte de première
lecture, modifiant ainsi le projet initial accepté par le
président de la République.
Votre commission des Lois a confirmé son souhait exprimé en
première lecture que des mesures législatives puissent être
prises pour faciliter l'égal accès des femmes et des hommes aux
mandats et fonctions.
Attachée à l'aboutissement de la révision, sans pour
autant renoncer à ses interrogations légitimes, elle propose de
compléter sa rédaction de première lecture.
A cet effet, votre commission des Lois vous propose deux dispositions :
•
En premier lieu, la reprise du texte du projet de loi
constitutionnelle initial avec la précision que les mandats et fonctions
dont il s'agit sont " électoraux " et
" électifs ".
Ainsi l'article 3 de la Constitution permettrait à la loi de
favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives.
Les termes retenus par le texte initial paraissent en effet laisser au
Parlement un plus grand choix des mesures appropriées, que ceux
adoptés par l'Assemblée nationale. Ils permettraient l'adoption
de dispositions contraignantes et de dispositions incitatives.
•
En second lieu, afin de clairement marquer la responsabilité
des partis politiques en la matière, votre commission des Lois vous
propose à nouveau de compléter l'article 4 de la
Constitution les concernant.
Il serait prévu, comme le Sénat l'avait décidé en
première lecture sur proposition de votre commission des Lois, que le
financement public des partis politiques, contribue à l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.
L'article 4 de la Constitution renverrait explicitement à la loi
pour la modulation de ce financement public.
EXAMEN DES ARTICLES
Article unique
(article 3 de la
Constitution)
L'égal accès des femmes et des hommes
aux
mandats et fonctions
L'article unique du projet de loi constitutionnelle
3(
*
)
, en tendant à l'adjonction
in fine
d'un
nouvel alinéa à l'article 3 de la Constitution relatif
à la souveraineté nationale, concernerait l'accès aux
mandats électoraux et fonctions électives, la rédaction
ayant été précisée en ce sens par
l'Assemblée nationale.
Comme cela a déjà été exposé en
première lecture
4(
*
)
, il reste un doute
sur la définition des fonctions concernées et, en particulier,
sur l'application de la révision aux fonctions exercées au sein
des structures de coopération entre collectivités territoriales.
Le texte proposé ne comporte en lui-même aucune mesure de
discrimination positive dans le domaine électoral, mais il habiliterait
le législateur à prendre des dispositions de cette nature.
Si le législateur ne les prenait pas, les conditions d'accès aux
mandats et fonctions demeureraient inchangées.
En tout état de cause, la mise en oeuvre de l'égal accès
aux fonctions électives par des mesures contraignantes se heurterait
à des difficultés pratiques importantes, en particulier lorsque
l'élection à ces fonctions s'effectue par votes successifs
(élection du maire, puis de ses adjoints, par exemple).
Seules des mesures de caractère incitatif (par exemple,
aménagement du statut de l'élu) paraissent envisageables pour
l'accès à ces fonctions.
Encore faudrait-il connaître les intentions du Gouvernement à cet
égard.
Comme votre rapporteur l'a précédemment indiqué,
Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice a déclaré
devant l'Assemblée nationale, que l'habilitation conférée
au législateur permettrait à ce dernier de prendre des
dispositions qui revêtiraient soit un caractère contraignant, soit
un caractère incitatif.
En indiquant que "
la loi détermine les conditions dans
lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et fonctions électives
",
le texte adopté par l'Assemblée nationale paraît, comme
votre rapporteur l'a exposé, laisser au Parlement un choix plus
réduit des mesures appropriées et conduire plus
nécessairement à l'adoption de dispositions contraignantes.
En revanche, la rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle,
selon laquelle "
la loi favorise l'égal accès des femmes
et des hommes aux mandats et fonctions
" définirait de
manière moins figée le contour exact des dispositions
législatives possibles. Elles n'exclurait cependant pas l'adoption de
mesures contraignantes, y compris des quotas.
Votre commission des Lois vous propose de retenir la rédaction
initiale du présent projet, proposée par le président de
la République et par le Premier ministre, en précisant toutefois
que les mandats sont "
électoraux
" et les fonctions
"
électives
".
Elle vous propose d'
adopter l'article unique
du projet de loi
constitutionnelle
ainsi modifié
.
Article additionnel après l'article
unique
(article
4 de la Constitution)
Contribution du financement public des partis
politiques à l'égal accès
Comme en
première lecture, votre commission des Lois estime nécessaire
d'affirmer clairement la responsabilité des partis politiques pour
parvenir à une participation plus équilibrée des femmes et
des hommes à la vie publique.
Elle vous propose donc à cet effet de compléter l'article 4
de la Constitution, puisqu'il porte sur le statut des partis politiques.
En outre, une révision de l'article 3 de la Constitution relatif au
suffrage ne serait peut-être pas suffisante pour autoriser de
manière juridiquement incontestable le législateur à
moduler le financement public des partis politiques en fonction de la
proportion de candidates qu'ils présentent.
En effet, cette modulation pourrait être interprétée comme
limitant la liberté des partis et groupements politiques reconnue par
l'article 4 de la Constitution.
Il convient donc de compléter cet article 4, afin de prévoir
que le financement public des partis politiques contribue à
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions,
comme le Sénat l'avait décidé en première lecture,
sur proposition de votre commission des Lois.
La rédaction proposée renvoie explicitement à la loi pour
la modulation de ce financement public, ce qui était implicite dans la
rédaction proposée en première lecture.
En conséquence, votre commission des Lois vous propose un amendement
tendant à insérer un article additionnel après l'article
unique du projet de loi constitutionnelle pour compléter
l'article 4 de la Constitution
.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi constitutionnelle .
TABLEAU COMPARATIF
1
Cf. rapport première lecture
n° 156 (1998-1999)
2
Voir en particulier " le Nouvel Observateur " du 25
février 1999.
3
Texte initial :
" La loi favorise l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ".
Texte adopté par l'Assemblée nationale :
" La loi
détermine les conditions dans lesquelles est organisé
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives ".
4
Cf. rapport n° 156 (1998-1999).