B. EN TEMPS DE PAIX HORS DU TERRITOIRE DE LA RÉPUBLIQUE

Depuis la loi de 1982, les infractions commises par des militaires sur le territoire de la République sont instruites et jugées en vertu de règles inscrites dans le code de procédure pénale. En revanche, les infractions commises hors du territoire de la République restent soumises au code de justice militaire. Dans ces conditions, les justiciables du code de procédure pénale ont progressivement vu leurs droits étendus par les réformes de la procédure pénale intervenues depuis 1982, cependant que les justiciables du code de justice militaire ne bénéficiaient pas de ces évolutions.

1. Compétence

En principe, des tribunaux aux armées établis hors du territoire de la République sont compétents pour le jugement des infractions commises par les militaires et assimilés lorsque des forces stationnent ou opèrent hors du territoire (article 3 du code de justice militaire). La création de ces tribunaux est laissée à l'appréciation du gouvernement.

Les tribunaux aux armées sont compétents pour l'ensemble des infractions commises par les militaires et assimilés hors du territoire de la République. Aux termes des articles 59 à 66 du code de justice militaire, sont justiciables de ces tribunaux non seulement les militaires mais également les personnels civils employés à titre statutaire ou contractuel par les forces armées, ainsi que les personnes à leur charge, lorsqu'elles accompagnent le chef de famille hors du territoire de la République. En outre, la compétence des tribunaux aux armées s'étend à tous auteurs ou complices lorsque l'un d'eux est justiciable de ces juridictions. Tous les auteurs ou complices d'infractions contre les forces armées françaises ou contre leurs établissements ou matériels sont justiciables des tribunaux aux armées. Enfin, ces tribunaux ont compétence à l'égard des mineurs lorsque ceux-ci sont membres des forces armées ou lorsqu'aucune juridiction n'a compétence à leur égard.

La compétence ratione loci des tribunaux aux armées est définie par l'article 67 du code de justice militaire qui prévoit la compétence des tribunaux aux armées du lieu de l'infraction, du lieu de l'affectation ou du débarquement ou de l'arrestation de tout auteur ou complice, enfin du lieu le plus proche de la résidence.

En pratique, un seul tribunal aux armées existe aujourd'hui, le tribunal aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne , dont le siège est à Baden-Baden, autrefois tribunal de Landau (l'appellation et le siège de cette juridiction ont été modifiés par un décret n° 95-662 du 9 mai 1995). La création de cette juridiction résulte de la convention de Londres du 19 juin 1951 et de l'accord complémentaire du 3 août 1959, en vertu desquels les ressortissants français bénéficient du privilège de juridictions en Allemagne.

Des juridictions prévôtales, compétentes pour les jugements des contraventions des quatre premières classes ont également été établies auprès du tribunal aux armées. Le tableau suivant récapitule l'activité du tribunal de Baden-Baden pour l'année 1997.

Tribunal aux armées des forces françaises stationnées
en Allemagne et juridictions prévôtales (année 1997)

Procédures reçues

Nombre de jugements rendus
et communiqués par le tribunal aux armées

Nombre de jugements rendus par les juridictions prévôtales

 

751

729

 

En matière
criminelle

En matière
délictuelle

En matière
contraventionnelle
(5 è Classe)

Contravention des quatre
premières classes

2724

1

629

121

729

Lorsqu'aucun tribunal aux armées n'a été établi auprès d'une force stationnant à l'étranger, les juridictions spécialisées de droit commun sont en principe compétentes pour connaître des infractions commises par des militaires hors du territoire de la République. Dans ce cas, la compétence territoriale est déterminée selon les règles du code de procédure pénale. L'article 697-3 de ce code prévoit que " sont également compétentes les juridictions du lieu de l'affectation ou du débarquement. En outre, la juridiction territorialement compétente à l'égard des personnels de marins convoyés est celle à laquelle seraient déférées les personnels du navire convoyeur ".

Ces règles de compétence sont toutefois rendues plus complexes par l'existence d'un tribunal des forces armées à Paris . Celui-ci connaît des infractions commises sur un territoire étranger par des militaires français si des accords internationaux prévoient une attribution expresse de compétence au profit des juridictions militaires françaises et si aucune juridiction militaire n'a été établie sur ce territoire. De tels accords ont été conclu avec plusieurs Etats d'Afrique, à savoir le Burkina Faso, la Centrafrique, la Côte d'Ivoire, Madagascar, le Gabon, le Sénégal, le Togo et Djibouti. Le tableau suivant résume l'activité du tribunal des forces armées de Paris au cours de l'année 1997.

Tribunal des forces armées de Paris (année 1997)

Procédures reçues

Nombre de jugements rendus
et communiqués par le tribunal aux armées

 

166

 

En matière
criminelle

En matière
délictuelle

En matière
contraventionnelle

1030

0

142

24

2. Procédure

Depuis 1982, la procédure applicable devant les juridictions militaires comporte des points communs importants avec la procédure de droit commun. Ainsi, les formations de jugement ne sont composées que de juges civils . En outre, la mise en mouvement de l'action civile appartient à un commissaire du Gouvernement exerçant les attributions et prérogatives reconnues au procureur de la République. Comme devant les juridictions de droit commun spécialisées, les victimes peuvent exercer l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction et mettre en mouvement l'action publique en cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente.

Toutefois, la procédure applicable pour les infractions commises en temps de paix hors du territoire de la République est très dérogatoire du droit commun. En particulier, les dispositions introduites dans le code de procédure pénale par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale ne sont pas applicables dans ce cadre. Dans ces conditions, le code de justice militaire fait toujours référence à l'inculpation et le régime de la garde à vue applicable en matière militaire est sensiblement différent du régime de droit commun.

Les règles relatives à la mise en mouvement de l'action publique comportent des particularités encore plus étendues que devant les juridictions de droit commun spécialisées, dans la mesure où la dénonciation de l'infraction par l'autorité militaire impose au commissaire du Gouvernement l'engagement de poursuites. En l'absence de dénonciation, l'avis du ministre de la défense doit être sollicité, sauf en cas de flagrance.

En matière de détention provisoire, il convient de noter que, pour les militaires, la privation de liberté peut résulter de pièces autres que les mandats. Ainsi, les justiciables des tribunaux aux armées peuvent être détenus pendant cinq jours ou plus sur ordre d'incarcération provisoire du commissaire du Gouvernement, jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur la suite à donner à la procédure.

Par ailleurs, la détention provisoire peut être ordonnée " lorsqu'elle est rendue nécessaire par la discipline des armées ".

De nombreuses dispositions spécifiques caractérisent également la procédure d'instruction et de jugement devant les tribunaux aux armées. L'une des spécificités les plus importantes de la justice militaire est incontestablement l'absence d'appel en matière délictuelle et contraventionnelle . En revanche, l'ensemble des décisions des juridictions militaires peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

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