EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est de nouveau saisi du projet de loi relatif aux polices
municipales, adopté en deuxième lecture par l'Assemblée
nationale, le 28 janvier dernier.
Le nouvel examen de ce texte intervient dans un contexte où les
problèmes posés par l'insécurité au plan local
-déjà soulignés par votre commission des Lois lors de la
première lecture- ont pris une acuité particulière et
constituent légitimement une préoccupation majeure pour nos
concitoyens.
Les statistiques les plus récentes mettent, en effet, en évidence
une progression très inquiétante de la délinquance, en
particulier de la délinquance des mineurs. Selon les indications
données par le ministre de l'Intérieur devant l'Assemblée
nationale, la délinquance a progressé de 2,06 % entre 1997
et 1998. 3,5 millions de crimes et délits ont été commis
en 1998. La violence urbaine a progressé de 5,65 % et -chiffre
très préoccupant- la délinquance des mineurs de plus de
11 %.
L'actualité est, par ailleurs, marquée par une multiplication des
faits de violence urbaine, notamment les incendies de voitures, qui
dégradent profondément les conditions de vie quotidienne et, un
exemple récent l'a montré, peuvent occasionner blessures graves
et décès.
La parution de ces statistiques se conjugue avec une polémique portant
sur les effectifs de police effectivement occupés à des
tâches de sécurité de proximité et avec le difficile
débat autour d'une nouvelle répartition des effectifs de police
et de gendarmerie sur le territoire.
Ces statistiques et ces débats soulignent -s'il en était besoin-
que la clarification du cadre juridique applicable aux polices municipales doit
être recherchée en évitant toute suspicion à leur
égard et avec le souci, au contraire, de mettre à la disposition
des maires un outil adapté et efficace.
Les maires sont, en effet, conduits à prendre des initiatives pour
répondre aux besoins de sécurité de plus en plus
diversifiés de nos concitoyens, aux phénomènes de
délinquance particulièrement sensibles dans certains quartiers,
à la montée préoccupante de la délinquance des
mineurs ou encore aux problèmes posés par le bruit ou la
protection de l'environnement.
Confrontés à ces nouveaux défis et légitimement
soucieux de répondre aux mises en cause de l'ordre public local, les
maires ont aussi dû prendre en compte le relatif désengagement de
l'Etat de ses missions essentielles.
Les polices municipales sont désormais bien ancrées dans le
paysage local :
3 030
communes en sont dotées pour des
effectifs de
13 098
agents (à comparer avec ceux de
113 000
policiers actifs et de
94 000
gendarmes).
Pour autant, ce développement des corps de police municipale s'est
inscrit dans un cadre juridique marqué d'une très forte
ambiguïté qui ne fait que souligner les réticences de l'Etat
à reconnaître le rôle de ces polices dans un domaine qui
relève de sa propre compétence.
Après de nombreuses réflexions menées sur ce sujet et les
différentes tentatives entreprises sous les précédentes
législatures qui n'ont pu aboutir en raison des échéances
électorales, le présent projet de loi constitue une nouvelle
étape de la démarche tendant à clarifier le cadre
juridique d'intervention des polices municipales.
Force est de constater que, dans sa rédaction issue des travaux de
l'Assemblée nationale en première lecture, il procédait
à une
reconnaissance ambiguë
du rôle de ces
dernières. Il comportait même des dispositions difficilement
conciliables avec le principe de libre administration des collectivités
locales.
I. LA POSITION DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
A
l'occasion de la première lecture, le Sénat avait cherché
à promouvoir des
solutions pragmatiques
assurant une meilleure
prise en compte du
rôle du maire, dans le cadre d'un partenariat
équilibré
, entre l'Etat et les communes.
Se fondant sur l'observation des pratiques actuelles, il avait substitué
au règlement de coordination -procédure prévue par le
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale pour assurer la
complémentarité des services de police- un
dispositif
conventionnel
qui pourrait s'inspirer d'un modèle type fixé
au niveau national. La conclusion d'une convention serait obligatoire à
compter d'un seuil de
cinq
agents de police municipale, seuil
retenu par le projet de loi initial mais réduit à trois agents
par l'Assemblée nationale en première lecture (
article 2
).
Cependant, contre l'avis de votre commission, le Sénat avait
prévu, qu'en l'absence de convention de coordination, les missions des
agents de police municipale ne seraient pas modifiées. Il a ainsi
écarté la solution retenue par le projet de loi initial et
confirmée par l'Assemblée nationale qui prohibait, dans ce cas,
le travail de nuit de ces agents.
Le Sénat avait également souhaité conférer au
président de la commission consultative -qui sera un maire- une voix
prépondérante en cas de partage des voix (
article 3
) et
rendre le maire dont les services de police municipale font l'objet d'une
vérification directement destinataire des conclusions de cette
dernière (
article 4
).
Il avait également habilité la commission consultative des
polices municipales à demander cette vérification (
article
4
).
Il avait, en outre, assuré la représentation des communes
employant des agents de police municipale au sein de cette commission
(
article 3
).
Le Sénat avait, par ailleurs élargi les possibilités de
mise en commun des moyens de police municipale (
article 5
).
Sur la question très débattue de l'armement, le Sénat,
contrairement à l'Assemblée nationale, n'avait pas
souhaité afficher un principe de non armement. Se fondant sur une
observation objective de la réalité, il avait prévu que
les policiers municipaux pourraient être armés selon la nature des
missions qui leur sont confiées ou des circonstances, dans des
conditions clairement définies. Votre commission des Lois avait
parallèlement appelé de ses voeux une modification de la
classification des armes -fixée par la voie réglementaire- qui
apparaît largement obsolète et en décalage avec la
réalité (
article 7
).
Le Sénat, tout en admettant l'extension du champ de compétences
des policiers municipaux, avait néanmoins supprimé certains
ajouts de l'Assemblée nationale qui, prévoyant la
délivrance d'un récépissé, semblaient de nature
à compliquer singulièrement la procédure de relevé
d'identité (
articles premier et 14
).
Soucieux de favoriser le développement de
polices municipales de
qualité
, le Sénat avait -tout en prévoyant la
consultation préalable de la commission consultative des polices
municipales- approuvé le principe de l'édiction d'un code de
déontologie (
article 9
) ainsi que la délivrance d'une
formation adaptée, tant avant la prise de fonctions que tout au long de
la carrière (
article 15
). Il avait néanmoins
considéré -conformément à la solution initialement
retenue par le projet de loi- qu'il était préférable de
faire supporter aux communes concernées, par l'intermédiaire
d'une redevance, le coût résultant de l'obligation de formation en
cours d'année, soit une dépense annuelle de 25 millions
de francs.
Si l'agrément des agents est également un gage de qualité,
en revanche, leur agrément par le préfet n'apporterait rien de
plus à l'agrément délivré à l'heure actuelle
par le procureur de la République pour garantir l'honorabilité
des agents. C'est pourquoi le Sénat avait jugé
préférable de s'en tenir à l'agrément par le seul
procureur de la République, procédure instituée en 1982 en
compensation de la suppression de la tutelle du préfet (
article
6
).
Tout en veillant à ce que les agents de police municipale
bénéficient de la
symbolique de l'autorité
par une
identification sans équivoque, le Sénat s'était
refusé à contraindre l'ensemble des communes à adopter des
tenues et équipements identiques (
article 8
). Il avait
parallèlement supprimé le prélèvement sur le
produit des amendes de police -lequel bénéficie à
l'ensemble des communes- prévu par l'Assemblée nationale pour la
prise en charge des dépenses induites par l'harmonisation des tenues et
équipements (
article 8 bis
).
Considérant que le
statut des agents de police municipale
participe à cet objectif de qualité, le Sénat -sur la
proposition de notre collègue Georges Othily- avait
complété le projet de loi afin de prévoir, pour le calcul
de la retraite, une bonification d'ancienneté à l'instar de celle
existant pour les sapeurs-pompiers professionnels ou les fonctionnaires actifs
de la police nationale (
article 16 bis
).
En outre, le Sénat avait adopté trois autres dispositions
additionnelles : la première, proposée par nos
collègues Bernard Seillier et François Trucy, ayant pour objet de
préciser les modalités de suspension et de révocation des
gardes champêtres communs à plusieurs communes
(
article 5 bis
) ; la deuxième, due à
l'initiative de notre collègue Jean Chérioux, tendant à
clarifier les pouvoirs de police de certains personnels de la ville de Paris
(
article 5 ter
) et la dernière, sur proposition de notre
collègue Georges Othily, concernant la domiciliation des policiers
municipaux concourant à une procédure
(
article 12 bis
). Le Sénat avait également -sur
la suggestion de notre collègue Daniel Hoeffel- jugé
préférable de maintenir les règles spécifiques
applicables en Alsace-Moselle (
articles 10 et 11
). Sur proposition de
M. Jean-Paul Amoudry, il avait refusé d'abroger
l'
article L. 412-49-1
du code des communes relatif à
l'agrément temporaire d'agents dans les communes touristiques
(
article 11
).
Enfin, s'agissant des
dispositions transitoires
, le Sénat -par
coordination avec ses choix antérieurs- avait supprimé les
restrictions d'activité imposées aux services de police
municipale qui ne sont pas liés par une convention de coordination
(
article 18
) ainsi que l'obligation faite aux agents de police
municipale en fonctions de solliciter un double agrément
(
article 20
).
Il avait par ailleurs porté de six à
dix-huit mois
le
délai imparti aux communes pour se mettre en conformité avec les
normes relatives aux tenues et à la signalétique
(
article 19
).