TITRE PREMIER BIS
DE LA JUSTICE EN NOUVELLE-CALÉDONIE
Articles 17 bis à 17
quater
Généralisation de la présence d'assesseurs
-
Limitation à cinq ans des fonctions de magistrat
en
Nouvelle-Calédonie
Sur
proposition de sa commission des Lois et de
M. François Colcombet, l'Assemblée nationale a
inséré après le titre premier trois nouveaux articles
regroupés sous un nouveau titre, consacrés à la justice en
Nouvelle-Calédonie.
•
l'article 17 bis
prévoit que la juridiction de
droit commun statuant sur des litiges ne relevant pas du statut civil coutumier
doit être complétée par des assesseurs dans les conditions
prévues aux articles L. 933-1 et suivants du code de
l'organisation judiciaire.
L'insertion de cette disposition nouvelle aurait, selon son auteur, pour effet
de rapprocher les justiciables de la justice et de favoriser l'exécution
des décisions de justice.
Le Gouvernement s'est cependant déclaré défavorable
à son adoption, faisant valoir qu'une telle disposition n'était
pas comprise dans les matières limitativement
énumérées par l'article 77 de la Constitution
renvoyant à la loi organique pour fixer les règles propres
à
" assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie
dans le respect des orientations définies par [l'Accord de
Nouméa] et selon les modalités nécessaires à sa
mise en oeuvre ".
Le ministre a précisé que la généralisation de la
présence d'assesseurs autres que coutumiers dans les juridictions de
droit commun devrait être inscrite dans le code de l'organisation
judiciaire, lequel ne contient pas de partie organique.
Au-delà de ces objections de procédure, on peut s'interroger sur
la pertinence d'un tel dispositif.
En effet, si la présence d'assesseurs coutumiers dans les formations de
jugement répond à la nécessité de garantir, eu
égard à la nature du litige, une stricte application des
règles régissant le statut civil coutumier ou les terres
coutumières, la présence généralisée
d'assesseurs non professionnels pour l'ensemble des contentieux ne peut se
justifier et risquerait d'alourdir le fonctionnement de la justice, en
créant de surcroît un précédent peu opportun. En
outre, il convient de souligner l'imprécision du dispositif qui reste
muet sur le mode de recrutement desdits assesseurs, sur leur nombre dans les
formations de jugement ou sur le régime des incompatibilités qui
leur serait applicable.
L'ensemble de ces observations conduit votre commission des Lois à vous
proposer
un amendement de suppression
de l'article 17 bis, un
sujet de cette importance nécessitant en outre une réflexion
approfondie.
•
L'article 17 ter
semble devoir compléter
le dispositif proposé à l'article 17 bis pour
prévoir que la juridiction d'appel,
" lorsqu'elle statue sur les
autres affaires "
, comporte en son sein un assesseur
désigné dans les conditions prévues par le code de
l'organisation judiciaire.
Cette disposition soulève plusieurs difficultés. Tout d'abord,
elle paraît faire double emploi avec l'article précédent
qui vise
" la juridiction de droit commun "
, expression
générique qui désigne à la fois la juridiction de
première instance et la juridiction d'appel.
Par ailleurs, l'expression
" les autres affaires "
paraît faire référence aux autres contentieux que ceux
visés à l'article 17 bis qui concerne les
"
affaires ne relevant pas du statut civil coutumier "
. Il
s'agirait donc logiquement des affaires relevant du statut coutumier... ce qui
n'a pas de sens puisqu'aux termes de l'article 13, la juridiction civile
de droit commun est alors complétée par des assesseurs coutumiers.
Pour toutes ces raisons, et par coordination avec sa proposition de supprimer
l'article 17 bis, votre commission des Lois vous soumet
un
amendement de suppression
de l'article 17 ter.
•
L'article 17 quater
tend à limiter
à cinq ans la durée d'exercice des fonctions de magistrat en
Nouvelle-Calédonie.
Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale concerne
indistinctement les magistrats du siège et du parquet. Or, pour les
premiers, une telle limitation paraît contraire au principe
d'inamovibilité dès lors qu'aucune
" garantie de nature
à concilier les conséquences découlant du caractère
temporaire des fonctions avec le principe d'inamovibilité "
n'est prévue
4(
*
)
.
En effet, l'article 64 de la Constitution dispose que
" les
magistrats sont inamovibles "
. Le statut de la magistrature, rappelant
ce principe, précise qu'
" en conséquence, le magistrat du
siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle,
même en avancement "
.
Le Conseil constitutionnel, par deux fois, a été conduit à
préciser la portée et le contenu de ce principe. Il a
estimé, dès 1967, que la faculté offerte au Gouvernement
de pourvoir d'office à l'affectation des conseillers
référendaires à la Cour de cassation à l'issue
d'une période maximale de dix ans était contraire au principe
constitutionnel d'inamovibilité résultant de l'article 64 de
la Constitution et de l'article 4 de l'ordonnance organique du
22 décembre 1958 portant statut de la magistrature. Il a en
outre souligné qu'un règlement d'administration publique ne
pouvait fixer les conditions d'affectation des conseillers
référendaires sans que la loi organique ait
déterminé elle-même les garanties de nature à
concilier les conséquences découlant du caractère
temporaire desdites fonctions avec le principe d'inamovibilité.
L'exigence selon laquelle les garanties doivent être fixées par la
loi organique elle-même est réitérée dans la
décision n° 80-123 DC du 24 octobre 1980 :
le Conseil constitutionnel a en effet déclaré contraires à
la Constitution des dispositions prévoyant que lorsque le magistrat
titulaire d'un poste était en congé de longue maladie, un
changement d'affectation du magistrat chargé d'assurer son remplacement
pouvait intervenir à l'expiration d'un délai de six mois, au
motif "
que ce changement facultatif d'affectation qui n'est
subordonné ni au consentement du magistrat concerné, ni à
aucune condition légale autre que l'expiration d'un
délai
" n'offrait "
pas de garanties suffisantes au
regard de l'article 64 de la Constitution
".
Aucune garantie ne résultant de l'article 17 quater, votre commission
des Lois estime que le dispositif proposé est entaché
d'inconstitutionnalité.
Elle vous soumet en conséquence
un amendement de suppression de
l'article 17 quater
ainsi qu'
un
amendement de
suppression du titre premier bis et de son intitulé
.