TITRE PREMIER
STATUT CIVIL COUTUMIER ET PROPRIÉTÉ
COUTUMIÈRE
Reflet
de l'Accord de Nouméa dont le premier point du document d'orientation
est consacré à l'identité kanak et traite successivement
du statut civil particulier, du droit et des structures coutumières, du
patrimoine culturel et du lien à la terre, le projet de loi organique
place en tête du nouveau dispositif statutaire le régime
applicable en matière de statut des personnes et de
propriété coutumière.
Il s'agit là d'une innovation dont la portée symbolique est
forte, soulignant la reconnaissance du fait coutumier comme un des fondements
de la société calédonienne.
Si dès la seconde moitié du XIXème siècle des
textes ont pris en considération l'organisation spécifique de la
société mélanésienne, ils répondaient
à la préoccupation de sauvegarder les populations tout en
opérant un cantonnement territorial des tribus. A la suite de
l'arrêté du 24 décembre 1867 conférant une
existence légale à la tribu et lui reconnaissant des droits
fonciers sur le sol qu'elle occupait, un arrêté gubernatorial du
22 janvier 1868 a précisé les modalités de
délimitation des réserves. Son article premier dispose :
"
pour chaque tribu sur le territoire dont elle a la jouissance
traditionnelle... un terrain d'un seul tenant ou en parcelles,
proportionné à la qualité du sol et au nombre des membres
composant la tribu
". A partir du printemps 1876, plusieurs
arrêtés confirmeront le cantonnement des populations
indigènes.
Création de l'époque coloniale, la tribu ne correspond pas
à l'origine à une entité coutumière, la
société mélanésienne étant
traditionnellement hiérarchisée autour des clans qui rassemblent
plusieurs familles ou groupements familiaux.
Au sein de chaque tribu, dirigée par un " petit chef " existe
un conseil des anciens, sorte de conseil des sages. Les districts,
créés par un arrêté du 9 août 1898,
correspondent à des regroupements administratifs d'une ou plusieurs
tribus et constituent les grandes chefferies. L'organisation tribale,
initiée par l'administration coloniale, n'a cependant pas fait
disparaître la réalité clanique ; ainsi une
délibération de l'assemblée de la Nouvelle
Calédonie du 14 mai 1980 a-t-elle reconnu l'identité
juridique du clan : "
le clan est dirigé par un chef de
clan, assisté d'un conseil de clan composé de
représentants de chaque groupe familial constituant le clan
".
Dans les faits cependant, on constate une superposition structurelle entre
conseil de clan et conseil des anciens.
Traduisant pour la première fois en termes statutaires l'importance de
la coutume dans l'organisation institutionnelle, la loi
référendaire du 9 novembre 1988 consécutive aux
accords de Matignon-Oudinot du 26 juin 1988 prévoit le
découpage de la Nouvelle-Calédonie en huit aires
coutumières dirigées par des conseils coutumiers dont
soixante-huit représentants constituent le Conseil consultatif coutumier
(articles 60 à 62). En outre, conformément aux accords
précités et afin de "
permettre l'expression et
l'épanouissement sous toutes ses formes de la personnalité
mélanésienne
", l'article 93 de la loi du
9 novembre 1988 a créé l'Agence de développement de
la culture canaque, établissement public d'Etat.
En-dehors de l'organisation politique et du lien à la terre, l'existence
d'une spécificité mélanésienne a également
été reconnue, bien que tardivement, en matière
d'état des personnes. Bien que la jurisprudence ait admis à des
Canaques le bénéfice d'un statut personnel coutumier dès
1920
1(
*
)
, c'est la Constitution
de la IVème République qui a consacré l'existence d'un
statut civil particulier : son article 82 dispose que "
les
citoyens qui n'ont pas de statut civil français conservent leur statut
personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé. Ce statut ne peut en aucun
cas constituer un motif pour refuser ou limiter les droits et libertés
attachés à la qualité de citoyen
français
". Ce dispositif a été repris
à l'article 75 de la Constitution du
4 octobre 1958 : "
Les citoyens de la République
qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à
l'article 34, conservent leur statut personnel tant qu'il n'y ont pas
renoncé
". Un avis du Conseil d'Etat du
22 novembre 1955 avait fixé les conditions de mise en oeuvre
de ce dispositif : la personne qui renonce au statut local doit être
capable et se trouver dans une situation personnelle telle que le droit commun
puisse lui être appliqué ; la renonciation doit être
effectuée devant la juridiction civile de droit commun compétente
en matière d'état des personnes. Cette démarche engage non
seulement le demandeur mais également ses descendants, sans
possibilité de retour : la renonciation a été
conçue comme irréfragable bien que la lettre de l'article 75
n'exclut pas nécessairement la possibilité de retrouver le
bénéfice du statut civil particulier après y avoir
renoncé.
Tout en reconnaissant que ce statut pouvait être "
source
d'insécurité juridique
" et ne permettait "
pas
de répondre de manière satisfaisante à certaines
situations de la vie moderne
", les partenaires de l'Accord de
Nouméa ont prévu
la possibilité d'un retour au statut
coutumier
, par dérogation à l'article 75 de la
Constitution. L'article 3 de la loi
constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative
à la Nouvelle-Calédonie renvoie ainsi à la loi organique
le soin de déterminer, dans le respect des orientations définies
par cet accord, les règles relatives au statut civil coutumier :
tel est l'objet des articles 6 à 16 du projet de loi organique,
l'article 17 seul traitant du régime applicable aux terres
coutumières.
Article 6
Reconnaissance du statut civil
coutumier
Cet
article consacre dans la loi organique l'existence d'un statut civil coutumier
kanak qui constitue une des illustrations de la notion de " statut
personnel " inscrite à l'article 75 de la Constitution dont la
portée pratique s'est amenuisée au gré de l'accession
à l'indépendance des anciennes colonies.
Il reconnaît également la pluralité des coutumes
susceptibles de s'appliquer aux personnes relevant du statut coutumier.
Il prévoit que les règles définies aux articles suivants
régissent le seul statut civil coutumier mélanésien, non
d'autres statuts personnels s'appliquant à des personnes appartenant
à d'autres communautés telles que la communauté
wallisienne et futunienne implantée en Nouvelle-Calédonie qui
rassemble près de 17.000 âmes.
Observons au passage que l'expression " statut civil coutumier "
retenue par l'article 6 ne correspond pas exactement à celle qui
figure au point 1.1 du document d'orientation de l'Accord de
Nouméa : "
le statut civil particulier s'appellera
désormais statut coutumier
". Pour autant et dans la mesure
où l'expression en définitive retenue par le projet de loi
organique semble recueillir le consensus, votre commission ne vous proposera
pas de la modifier.
Aux termes de la rédaction initiale de l'article 6, le statut civil
coutumier a vocation à s'appliquer "
en matière
civile
". L'Assemblée nationale, sur proposition de sa
commission des Lois, a adopté un amendement tendant à
préciser que seul le droit civil est visé, à l'exclusion
de la procédure civile : il s'agit pour l'essentiel des
règles coutumières régissant le mariage
mélanésien, conçu comme l'alliance de deux clans, les
rapports entre parents et enfants, l'autorité parentale étant
traditionnellement exercée par l'oncle utérin, et l'adoption.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 6
sans
modification
.
Article 7
Inscription sur un registre d'état
civil coutumier
Cet
article prévoit la tenue d'un registre d'état civil
spécifique pour recenser les personnes relevant du statut civil
coutumier. Comme le registre d'état civil de droit commun, ce registre
coutumier sera tenu, dans chaque commune, par les officiers d'état civil.
En Nouvelle-Calédonie, les personnes de statut civil particulier
disposent d'un état civil spécifique depuis 1934, dont le
régime a été aménagé par une
délibération de l'assemblée territoriale du 3 avril
1967
2(
*
)
. Un recensement
permanent des Mélanésiens de statut civil local est
organisé : les maires doivent tenir, pour chaque tribu, un registre
de recensement.
Il s'agit de donner un fondement législatif à ces registres
coutumiers, sachant que l'état civil relève de la
compétence de l'Etat.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 7
sans
modification.
Article 8
Règles applicables aux conflits entre
statuts civils
différents
L'article 8 affirme la primauté du droit commun en
cas
de conflit dans les rapports juridiques entre parties relevant de statuts
civils différents, que le conflit résulte de la confrontation
entre droit commun et droit coutumier ou entre deux statuts personnels
différents. Dans cette dernière hypothèse, il peut s'agir
d'une contradiction entre deux coutumes mélanésiennes ou entre le
statut civil coutumier kanak et un autre statut personnel : le droit
commun s'appliquera alors, à moins que les parties concernées
n'en aient disposé autrement de façon expresse.
Le dispositif proposé cristallise dans la loi organique les solutions
jurisprudentielles qui ont été dégagées pour
régler les conflits de statuts. Ainsi, en matière de mariage,
est-il fait application du droit civil lorsque l'un des conjoints
possède le statut de droit commun ou lorsque le juge rencontre un
conflit irréductible entre deux coutumes. Dans les rapports juridiques
mixtes, un autre mode de règlement des conflits usuel consiste dans
l'option de législation qui se concrétise par une renonciation
globale ou partielle au statut personnel en faveur du droit commun : ce
procédé est en particulier utilisé en matière
successorale et une délibération de l'assemblée
territoriale du 8 septembre 1980 a d'ailleurs ouvert aux personnes
bénéficiant du statut particulier la possibilité de
régler, par une " option spéciale de succession ", la
dévolution de leurs biens immobiliers selon les règles du droit
commun dès lors qu'ils ont été acquis en dehors de la
réserve selon le régime de droit commun.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 8
sans
modification
.
Articles 9 à 12
Modes d'acquisition du statut
civil coutumier
Les
articles 9 à 12 énoncent les différentes voies de
droit permettant d'accéder au statut civil coutumier.
•
L'article 9
prévoit l'acquisition de ce
statut à la naissance : la condition requise est que les deux
parents relèvent du statut civil coutumier. L'enfant, qu'il soit
légitime, naturel ou adopté, a alors de plein droit le statut
coutumier.
La rédaction initiale, concernant l'enfant adopté, ne visait que
celui faisant l'objet d'une adoption plénière. Or, cette notion
est dépourvue de signification dans la coutume
mélanésienne où l'adoption, de pratique courante et
liée au système clanique, n'entraîne
généralement pas une rupture des liens avec la famille
biologique. Elle correspond en effet fréquemment à un arrangement
à l'intérieur du clan ou à une marque de gratitude
à l'égard du clan de l'épouse lorsque l'enfant est
adopté par un oncle utérin. C'est donc à juste titre que
l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois, a
supprimé la référence à l'adoption
plénière. Elle a en outre adopté un amendement de
précision tendant à substituer à la notion de
"
parents
" celles de "
père
" et de
"
mère
".
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 9
sans
modification
.
•
L'article 10
prévoit la possibilité
pour un mineur d'accéder au statut coutumier sur demande faite au juge
par la personne exerçant l'autorité parentale.
Le juge dispose alors d'un pouvoir d'appréciation : il peut rejeter
la demande si le changement de statut civil risque de nuire au mineur
lui-même ou à des membres de sa famille, qu'il s'agisse
d'ascendants, de descendants ou de collatéraux. La rédaction
initiale de l'article 10 prévoyait en outre que le mineur
âgé de plus de treize ans devait être entendu par le juge.
L'Assemblée nationale a adopté sur cet article, suivant les
propositions de sa commission des Lois, deux amendements de précision.
Le premier tend à mettre en conformité le dispositif avec la
réalité coutumière en indiquant que la demande doit
émaner de la personne qui exerce effectivement, " dans les
faits ", l'autorité parentale. Il s'agit fréquemment, dans
la société mélanésienne, d'un oncle maternel.
"
Disposant d'une grande autorité sur l'enfant, il a la charge
de l'éduquer, de lui apprendre les règles coutumières, les
interdits et les préceptes moraux, de l'initier aux obligations dues
à la communauté. Ce rôle ne s'arrêtera pas avec la
majorité de l'enfant. L'oncle interviendra dans toutes les circonstances
de la vie de son neveu : études, carrière, mariage,
etc...
"
3(
*
)
. Le second
amendement tend à substituer à la référence
à l'âge de treize ans pour l'audition par le juge l'expression
figurant à l'article 388-1 du code civil, transcription de la
convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant,
qui prévoit que dans toute procédure le concernant le mineur
capable de discernement est entendu par le juge.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 10
sans
modification
.
•
L'article 11
offre aux jeunes majeurs, pendant un
laps de temps déterminé, la possibilité de demander le
bénéfice du statut civil coutumier. Le demandeur doit satisfaire
cumulativement les conditions suivantes : être âgé de
dix-huit à vingt-et-un ans, avoir au moins un parent relevant du statut
coutumier et avoir joui pendant au moins cinq ans de la possession
d'état de personne de statut civil coutumier.
En vertu de ce dispositif, l'option en faveur du statut coutumier ne peut
être exercée que pendant une période
déterminée de la vie du demandeur et tend à permettre une
mise en conformité du régime juridique applicable avec la
réalité vécue.
Sur cet article, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition
de sa commission des Lois, un amendement de coordination pour remplacer
l'expression "
au moins l'un des deux parents
" par
"
le père ou la mère
".
Votre commission des Lois vous soumet
un amendement
de
réécriture de l'article 11 pour, d'une part, préciser
que le demandeur doit être une personne majeure capable, la condition de
capacité étant exigée à l'article 12, et,
d'autre part, compléter le dispositif afin de permettre au juge de
vérifier que les intérêts des autres membres de la famille
ne risquent pas d'être gravement lésés.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 11
ainsi
modifié
.
•
L'article 12
vient compléter le dispositif
résultant des articles 10 et 11 en énonçant les
hypothèses dans lesquelles une personne peut renoncer au statut civil de
droit commun pour accéder au statut civil coutumier. Il prévoit
également, inversement, la possibilité de renoncer au statut
coutumier au profit du droit commun et fixe les modalités de la
procédure de renonciation.
La renonciation au statut de droit commun est possible dans deux cas de
figure :
- soit le demandeur a déjà eu le statut civil coutumier mais en a
perdu le bénéfice, que cette perte ait résulté ou
non d'un choix délibéré,
- soit le demandeur peut justifier qu'un de ses ascendants a eu le statut civil
coutumier : la requête ne peut alors être
présentée que dans un délai de cinq ans suivant la
promulgation de la présente loi.
Ce dispositif revient ainsi sur le principe du caractère
irrévocable de la renonciation au statut personnel de droit local
posé par l'article 75 de la Constitution.
En revanche, l'accès au statut civil de droit commun reste ouvert
à tout moment et n'est subordonné à aucune condition de
fond.
Le dernier alinéa de l'article 12 réserve en outre une marge
d'appréciation au juge lorsque le demandeur est déjà
passé, de façon délibérée, du statut de
droit commun au statut coutumier puis à nouveau au statut de droit
commun, et souhaite à nouveau relever du statut civil coutumier :
le juge doit alors vérifier que l'exercice renouvelé de la
faculté de renonciation au statut de droit commun ne porte pas atteinte
à l'ordre public, à la stabilité des situations juridiques
ou aux intérêts des membres de la famille et des tiers.
Sur cet article, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition
de sa commission des Lois, quatre amendements de précision ou de
coordination.
Votre commission des Lois vous soumet
deux amendements
tendant à
scinder l'article 12 pour distinguer les conditions de la renonciation des
modalités procédurales. Il est en outre proposé, comme aux
articles 10 et 11, de conférer au juge un pouvoir
d'appréciation en fonction des situations et des intérêts
en présence.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 12
ainsi
modifié
.
Article additionnel après
l'article 12
Procédure de
renonciation
Comme
cela est indiqué précédemment, cet
article
additionnel
résulte de la scission de l'article 12 afin de
présenter séparément les modalités de la
procédure de renonciation.
Votre commission des Lois vous propose un dispositif simplifié, les
mentions relatives à la double exigence que le requérant agisse
en pleine connaissance de cause et ne se trouve pas dans une situation
juridique faisant obstacle à son accession au statut demandé,
résultant d'un avis du Conseil d'Etat du 22 novembre 1955, n'ayant plus
de raison d'être dès lors que la requête est examinée
par le juge.
Article 13
Compétence de la juridiction civile de
droit commun
Cet
article a pour objet d'affirmer la compétence de la juridiction civile
de droit commun pour trancher les litiges relatifs au statut civil coutumier.
L'expression " juridiction civile de droit commun " désigne
à la fois la juridiction d'appel et la juridiction de première
instance qui, en Nouvelle-Calédonie, est le tribunal de première
instance de Nouméa dont deux sections ont été
créées en 1989, l'une à Koné pour la province nord,
l'autre à Lifou pour la province des îles Loyauté. Afin de
rapprocher la justice des justiciables, le tribunal de première instance
de Nouméa et les deux sections précitées peuvent tenir des
audiences foraines dans les communes de Bourail et dans l'île des Pins
pour le premier, dans les communes de Canala, Hienghiène, Koumac et
Poindimié pour la section de Koné, et dans les communes
d'Ouvéa et de Maré pour la section de Lifou. En matière
civile de droit local, les magistrats sont assistés par des assesseurs
coutumiers dans les conditions fixées par l'ordonnance n° 82-877 du
15 octobre 1982. Ces assesseurs coutumiers, qui ont voix
délibérative, sont tenus au serment de magistrat et aux
règles de récusation.
Le second alinéa de l'article 13 rappelle la présence de ces
assesseurs coutumiers et se réfère à la législation
en vigueur concernant les modalités d'organisation et de fonctionnement
de la juridiction.
Sur cet article, l'Assemblée nationale a adopté un amendement
tendant à corriger une erreur matérielle.
Votre commission des Lois vous propose quant à elle de déplacer
les dispositions figurant à l'article 13 après
l'article 17, soit à la fin du Titre premier, en en simplifiant la
rédaction.
Elle vous soumet en conséquence
un amendement de suppression de
l'article 13
.
Article 14
Action en déclaration du
statut
Cet
article ouvre à toute personne la possibilité de demander au juge
de déclarer qu'elle a ou n'a pas le statut civil coutumier.
Sa rédaction est calquée sur celle du premier alinéa de
l'article 29-3 du code civil permettant à toute personne d'agir
"
pour faire décider qu'elle a ou qu'elle n'a point la
qualité de Français ".
On peut s'interroger sur la nécessité de prévoir une telle
action déclaratoire en matière de statut civil coutumier dans la
mesure où les articles 7 et 12 organisent une inscription
systématique sur les registres d'état civil.
Selon les informations fournies à votre commission, une telle action
pourrait cependant se révéler utile dans des cas exceptionnels.
Aussi, vous propose-t-elle d'adopter l'article 14
sans
modification.
Article 15
Consultation de l'autorité
coutumière par le juge
Cet
article organise l'information du juge saisi d'une demande d'accession ou de
retour au statut civil coutumier.
La requête devra ainsi préciser les motifs justifiant la demande
ainsi que le registre d'état civil sur lequel l'inscription devra
être portée. Est en outre prévue l'obligation pour le juge
de consulter l'autorité coutumière.
Ce dispositif a vocation à permettre à la juridiction de
déterminer à quelle tribu la personne souhaite être
rattachée et de vérifier que le demandeur sera effectivement
accueilli par le clan concerné.
Votre commission des Lois vous soumet
un amendement
de précision
pour indiquer que le registre visé par la requête est le registre
d'état civil coutumier.
Elle vous propose d'adopter l'article 15
ainsi
modifié.
Article 16
Effets à l'égard des
tiers
Comme
pour l'action déclaratoire, l'article 16 transpose aux litiges
relatifs au statut civil coutumier des dispositions en vigueur en
matière de contentieux de la nationalité, figurant à
l'article 29-5 du code civil.
L'article 16 prévoit ainsi que les jugements et arrêts rendus
sur des litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier sont
opposables aux tiers, lesquels peuvent les contester par la procédure de
la tierce opposition sous réserve de
" mettre en cause le
procureur de la République "
.
Conformément à l'article 586 du code civil, cette voie de
recours est ainsi ouverte pendant trente ans aux tiers qui n'ont
été ni partie ni représentés au jugement.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 16
sans
modification.
Article 17
Les terres
coutumières
Cet
article est le seul article du Titre premier à traiter du régime
des terres coutumières bien que le lien à la terre soit au coeur
de la coutume mélanésienne. L'Accord de Nouméa rappelle en
effet que "
L'identité de chaque Kanak se définit d'abord
en référence à une terre ".
Le premier alinéa reproduit la définition des terres
coutumières figurant au point 1.4 de l'Accord. Elles sont
constituées des réserves, qui ont été
instituées par l'arrêt gubernatorial du 22 janvier 1868,
des terres attribuées aux groupements de droit particulier local (GDPL)
dans le cadre de la réforme foncière mise en oeuvre depuis une
quinzaine d'années et des terres attribuées par les
collectivités territoriales ou par l'Agence de développement
rural et d'aménagement foncier (ADRAF), instituée en
établissement public foncier par l'article 94 de la loi
référendaire du 9 novembre 1988, pour répondre
aux demandes exprimées au titre du lien à la terre.
L'ensemble de ces terres et des biens qui y sont situés sont soumis au
droit coutumier.
Le second alinéa rappelle les principes d'inaliénabilité,
d'incessibilité, d'incommutabilité et d'insaisissabilité
énoncés par l'article 2 de l'arrêté de 1868
précité : "
les terrains ainsi délimités
(c'est à dire affectés à la jouissance traditionnelle de
chaque tribu) seront la propriété incommutable des tribus. Ils ne
seront susceptibles d'aucune propriété privé : en
conséquence nul n'en disposera à un titre quelconque en faveur de
qui que ce soit. Il ne pourront être grevés, du fait de l'homme,
d'aucune servitude ou service foncier, d'aucun droit d'habitation d'usage ou
d'usufruit, d'aucun privilège, hypothèque ou antichrèse.
Ils seront insaisissables pour dettes contractées par les
indigènes de la tribu (...). Ils ne pourront faire l'objet d'aucun
contrat de location ou autre pouvant en transporter, même à temps,
la location à un tiers quelconque. Toutefois, le chef de la tribu
pourra, par ordre et sous la surveillance de l'autorité, répartir
les terres entre les indigènes ou les familles de la tribu, ainsi que le
commanderait l'intérêt du bon ordre et d'une sage
administration ".
Une délibération de l'assemblée territoriale du
10 mars 1959 a confirmé que "
Les réserves
autochtones sont la propriété incommutable, insaisissable et
inaliénable des tribus auxquelles elles ont été
affectées ".
Ainsi, les terres coutumières ne font pas l'objet d'une appropriation
par les individus.
Elles sont, comme le rappelle une délibération territoriale du
14 mai 1980,
" la propriété commune des groupes
familiaux qui composent le clan "
, le conseil de clan réglant
l'usage et la répartition des terres entre les membres du clan selon le
droit coutumier.
La politique d'aménagement foncier et de développement rural
conduite sous l'égide de l'ADRAF en application des accords de Matignon
tend à faciliter l'acquisition de terres par les communautés
mélanésiennes. L'ADRAF peut ainsi se porter acquéreur de
terres à vocation agricole, pastorale ou forestière qui,
après leur mise en valeur, sont rétrocédées
à titre onéreux ou gratuit ou données en jouissance
à des attributaires, personnes physiques ou morales, ces
dernières étant le plus souvent constituées en groupements
de droit particulier local (GDPL). Selon le rapport annuel de l'Institut
d'émission d'outre-mer pour 1997, les attributions cumulées
depuis 1989 ont concerné plus de 87.000 hectares
transférés par 656 actes, les Mélanésiens
représentant les principaux bénéficiaires avec 71.400
hectares. Rappelons que ces attributions foncières ne concernent que la
province nord et la province sud car la province des îles Loyauté
est régie par le statut de réserve intégrale.
D'après une enquête effectuée en 1997, l'ADRAF a
recensé 243 GDPL attributaires de 71.421 hectares. Selon le
schéma de répartition des terres, 16 % des GDPL sont
parvenus à élaborer un véritable aménagement des
terres acquises contre 9 % en 1995. La proportion de terres louées
est de 16,5 % alors qu'elle n'était que de 13 % en 1995. Les
pratiques coutumières restent cependant largement
prépondérantes.
A l'article 17, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa
commission des Lois, a adopté un amendement de coordination
rédactionnelle.
Sur cet article, votre commission des Lois vous soumet à son tour
un
amendement
de nature rédactionnelle tendant à
réécrire la première phrase du premier alinéa.
Elle vous propose d'adopter l'article 17
ainsi
modifié.
Article additionnel après
l'article 17
Juridiction
compétente
L'insertion de ce nouvel article correspond au transfert
à la
fin du Titre premier des dispositions qui figurent, dans le texte adopté
par l'Assemblée nationale, sous l'article 13.
Il s'agit d'affirmer la compétence de la juridiction civile de droit
commun pour connaître non seulement des litiges relatifs au statut civil
coutumier mais également des litiges relatifs aux terres
coutumières, comme cela est d'ailleurs expressément prévu
au point 1.4 de l'Accord de Nouméa.
Votre commission vous soumet donc
un amendement
insérant un
article additionnel
à cet effet.