7. Audition de M. Philippe Brayer, Président de la Fédération nationale de la propriété agricole (FNPA)
La
commission a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe
Brayer, Président de la fédération nationale de la
propriété agricole, et de MM. Bruno Ronssin, directeur
général et Philippe Porteu de la Morandière,
secrétaire général.
M. Philippe Brayer a tout d'abord évoqué les inquiétudes
suscitées par le projet de loi d'orientation agricole chez les
propriétaires fonciers, même si le texte actuel ne reprenait pas
la proposition de son prédécesseur d'instaurer une
cessibilité du bail rural qui, même limitée aux cas
d'installation des jeunes agriculteurs, constituait à son sens une
atteinte au droit de la propriété.
Il a indiqué que le futur contrat territorial d'exploitation (CTE)
concernait non seulement la fonction productive de l'agriculture, mais encore
ses fonctions environnementale et d'aménagement du territoire, comme le
montraient les premiers exemples de " CTE types "
élaborés par les départements. Il a estimé que les
propriétaires fonciers étaient concernés au premier chef
par la signature des CTE et qu'ils ne devaient donc pas être exclus,
comme cela était pourtant proposé, de leur conclusion. Evoquant
le souhait des propriétaires fonciers, qui n'avait malheureusement pas
été exaucé par le Gouvernement, d'être
associés à la signature des CTE, il a convenu qu'une telle
solution pourrait présenter certains inconvénients, dans le cas
où l'un des propriétaires fonciers d'une exploitation agricole ne
serait pas favorable à la conclusion d'un CTE pour cette
dernière, même si le régime de multipropriété
foncière qui caractérise de nombreuses exploitations
n'était pas en soi, à son sens, une cause suffisante pour
justifier l'exclusion envisagée des propriétaires fonciers.
M. Philippe Brayer a souhaité que les propriétaires puissent au
moins être informés de la conclusion de tels contrats.
Illustrant son propos d'exemples concrets d'élaboration actuelle par les
départements de projets de " CTE types ", il s'est
inquiété du financement de cette mesure.
Abordant la question de la définition -dans une version
élargie- de l'activité agricole par le projet de loi, M. Philippe
Brayer a estimé qu'elle avait des conséquences sur la destination
des bâtiments agricoles, et donc sur leur régime d'imposition, qui
touche directement les propriétaires. Il a évoqué les
reclassifications fiscales d'ores et déjà effectuées par
certaines communes à la suite de la transformation de granges en
gîtes ruraux, alourdissant ainsi la charge de l'impôt pour le
propriétaire. Il a jugé souhaitable l'instauration d'une
possibilité de location des bâtiments, dont il a estimé
qu'elle serait la suite logique d'une réforme du fermage
déjà engagée en 1986, par l'individualisation des maisons
d'habitation, et en 1995, par la " mise en argent " des locations.
Abordant le thème du renforcement, proposé par le projet de loi,
du contrôle des structures agricoles, M. Philippe Brayer a estimé
que les dispositions envisagées pourraient avoir des conséquences
négatives pour la transmission familiale des exploitations. Il a
notamment pris l'exemple d'un propriétaire exploitant qui
décéderait, après avoir cédé une partie de
son exploitation à son fils, indiquant que ce dernier serait alors dans
l'obligation d'avoir à demander l'autorisation de la commission
départementale d'orientation agricole (CDOA) pour reprendre
l'exploitation de la totalité de la propriété. Il s'est
également inquiété des conséquences que pourrait
avoir le projet de loi sur la reprise des parts des groupements agricoles
d'exploitation en commun (GAEC). Jugeant nécessaire le renforcement du
contrôle des structures, il a souhaité qu'il s'accompagne
toutefois des mesures facilitant les transmissions d'exploitations familiales.
M. Philippe Brayer a déploré que la mise aux normes des
bâtiments d'élevage d'une exploitation puisse se faire sans l'avis
du propriétaire foncier, celui-ci étant pourtant tenu de verser
" l'indemnité au preneur sortant ".
Après avoir regretté que le projet de loi ne propose pas de
représentation des propriétaires agricoles au conseil
supérieur d'orientation de l'agriculture, il s'est
inquiété des propositions d'élargissement du droit de
préemption des sociétés d'aménagement foncier et
régional (SAFER) à des fins environnementales risquant, selon
lui, de priver l'espace agricole de l'accès aux bordures des cours d'eau.
M. Michel Souplet, rapporteur, a tout d'abord interrogé l'intervenant
sur les trois derniers alinéas de l'article 10 ter du projet de loi
d'orientation agricole, relatifs au droit de reprise en cas de vente des
maisons d'habitation. Après la réponse de M. Philippe
Brayer, il a considéré que le bail rural de demain pourrait
utilement dissocier le bâti du non-bâti et instaurer sur le
bâti un droit de reprise du propriétaire.
M. Philippe Brayer a estimé que l'agriculture avait besoin de
bâtiments modernes et que certaines granges anciennes, si elles
présentaient un intérêt architectural et paysager
indéniable, n'étaient pourtant pas adaptées à ces
besoins. Il a souhaité que ce type de bâtiment puisse être
dissocié du reste du bail rural, afin d'être mieux valorisé.
M. Michel Souplet, rapporteur, a souhaité que le projet de loi dispose
que les propriétaires soient informés de la signature d'un CTE
sur leur propriété. Il a également appelé de ses
voeux une information des propriétaires fonciers, et non seulement de
l'administration, comme cela est prévu dans le projet de loi, deux ans
avant le départ à la retraite des exploitants.
M. Philippe Brayer a jugé ces propositions tout à fait positives,
indiquant qu'elles permettraient aux propriétaires fonciers de favoriser
davantage l'installation des jeunes agriculteurs.
M. Michel Souplet, rapporteur, a ensuite estimé nécessaire que
les représentants de la propriété foncière
siègent au conseil supérieur d'orientation de l'agriculture.
En réponse à une question sur ce sujet de M. Michel Souplet,
rapporteur, M. Philippe Brayer a estimé que la question de
l'épandage, sur les sols agricoles, des boues de stations
d'épuration était l'une des questions les plus
préoccupantes du moment. Souhaitant transmettre aux
générations futures des sols à même de produire
l'alimentation de demain, il a redouté que l'épandage des boues
d'épuration ne puisse, à terme, les contaminer. Il a
estimé que l'avancée des connaissances pourrait, peut-être,
identifier, à l'avenir, un tel risque. Il a souhaité qu'un vaste
débat s'engage sur cette question, autour d'une expertise scientifique.
Indiquant que l'épandage d'une tonne de boue sur les terres agricoles
coûtait 200 F, contre 600 F pour son incinération, il a
redouté que la logique économique de court terme, tendant
à privilégier la première solution, ne prive notre pays de
solutions alternatives pourtant plus satisfaisantes sur le long terme.
M. Bruno Ronssin a indiqué que le ministère de l'agriculture
proposait actuellement de mettre en place une information du
propriétaire sur l'épandage de boues d'épuration sur sa
propriété foncière. Il a jugé cette proposition
très défavorable, en l'absence d'une réelle marge d'action
pour le propriétaire, puisqu'une récente jurisprudence de la cour
de cassation conduirait dans ce cas à rendre ce dernier responsable
d'éventuelles pollutions auxquelles il n'aurait pourtant pas eu les
moyens de s'opposer.
M. Jean-Pierre Plancade a jugé cette question très
préoccupante, considérant en outre que les besoins allaient
croissant avec la taille des agglomérations concernées.
M. Philippe Brayer a estimé qu'une éducation environnementale de
la population était encore à mener en la matière,
l'expérience indiquant que les stations d'épuration recueillent
des déchets -comme les hydrocarbures- qui ne seraient pas
présents si les comportements de nos concitoyens étaient plus
civiques. Il a précisé que l'épandage des boues
d'épuration concernait 3 % du territoire national.
M. Philippe Porteu de la Morandière, secrétaire
général, a jugé indispensable d'accroître en la
matière la transparence des pratiques agricoles, sans pour autant
s'ingérer outre mesure dans le mode de gestion des exploitations
agricoles.