II. LES PROPOSITIONS RÉSULTANT DE CETTE MISSION

A. LES MESURES POUR AMÉLIORER L'OUTIL STATISTIQUE ET INFORMATIQUE

- Créer un outil statistique performant permettant de connaître, pour chaque juridiction, la nature des affaires dont sont saisis les Parquets, l'origine des saisines, les motifs de classement et les délais de traitement des affaires ;

- Informatiser les mains courantes afin de pouvoir faire des recoupements sur les agissements de certains délinquants ;

- Informatiser les enregistrements par le bureau d'ordre des procès-verbaux et plaintes dont il est saisi pour faciliter leur gestion et éviter la perte de dossiers ;

- Mettre en place dans les départements des outils informatiques nécessaires pour créer un réseau entre les différentes administrations chargées de lutter contre la délinquance et les autorités judiciaires ;

- Mettre à la disposition des magistrats du Parquet un outil statistique précis et décentralisé sur le phénomène de la délinquance ;

- Développer un outil statistique pour identifier les causes structurelles des mouvements collectifs de violence  et connaître la réalité de l'organisation, de la préméditation, de la récupération et de la manipulation de ces formes de la délinquance ;

- Créer une mission parlementaire afin d'évaluer au niveau local et national d'une part les pratiques de la troisième voie (médiation, administration, classement sous conditions) et, d'autre part, le traitement en temps réel des infractions ;

B. LES MESURES POUR RENFORCER LA COOPÉRATION ENTRE LES SERVICES ET AUGMENTER LA FLUIDITÉ DE L'INFORMATION

- Informer les services de police et de gendarmerie des suites données aux enquêtes par les Parquets, notamment en instituant un représentant désigné par le Parquet en lien avec les commissariats et pouvant répondre en temps réel aux demandes de renseignements des policiers. Le cas échéant, envoyer une copie de la date d'audience ;

- Instituer des séances de travail entre les procureurs, les directeurs de la sécurité publique et les commandements de groupements de gendarmerie nationale pour définir les grandes orientations de la politique pénale et assurer sa lisibilité auprès des services chargés de l'appliquer ;

- Mieux impliquer les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie dans la lutte contre la délinquance en multipliant les contacts avec les magistrats du Parquet afin que se crée un esprit d'équipe ;

- Etablir des bilans à intervalles réguliers sur le traitement en temps réel pour évaluer les méthodes de travail et régler les éventuels dysfonctionnements, notamment en ce qui concerne l'application des articles 12, 13, 41 et D1er du code de procédure pénale qui disposent que la police judiciaire est exercée " sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre d'accusation " ;

- Renforcer les relations de travail entre le Parquet et le Siège afin de connaître précisément les capacités de jugement du Siège et de négocier avec lui l'aménagement des audiencements pour éviter l'enlisement des affaires traitées selon la procédure du traitement en temps réel ;

- Mettre en place un secrétariat permanent au sein du Parquet chargé des relations avec les élus locaux et organiser des relations à intervalles réguliers entre le Parquet et les maires sur la stratégie à adopter en matière de lutte contre la délinquance ;

- Mettre en oeuvre la politique pénale du gouvernement par des circulaires et directives interministérielles. Trop souvent les Préfets ne s'estiment pas liés dans ce domaine par une circulaire du seul ministre de la justice, de même que les procureurs généraux et les procureurs ne s'estiment pas liés par une circulaire du seul ministre de l'Intérieur. Il en est de même pour les autres services de l'état associés à la lutte contre la délinquance ;

C. LES MESURES POUR RENFORCER LE RÔLE ACTIF DU PARQUET DANS LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE

- S'assurer, de la part du procureur général, que la politique pénale définie par la Chancellerie est bien appliquée par tous les procureurs de la République du ressort de la Cour d'appel ;

- S'assurer, de la part du procureur de la République, que la politique pénale affichée ne fait pas l'objet d'interprétations divergentes de la part de ses substituts ;

- Accompagner toute nomination de procureur d'une lettre de mission précisant les objectifs à atteindre ;

- Utiliser de manière plus systématique les services d'inspection du ministère de la Justice pour s'assurer que les grandes orientations et les instructions du Garde des Sceaux sont prises en compte par l'ensemble des juridictions ;

- Elargir le champ d'application de la procédure simplifiée ;

- Systématiser le recours à la troisième voie chaque fois que son utilisation est possible ;

- Instaurer l'ordonnance pénale pour le traitement de toutes les contraventions et de certains délits ;

- Créer dans chaque Parquet des bureaux d'enquête pour gérer les affaires (enregistrement, classement des éléments fournis au magistrat et des instructions qu'il a données...) et suivre le déroulement de l'enquête (faire procéder à tous examens techniques utiles à la manifestations de la vérité, faire vérifier la situation sociale et matérielle du mis en cause...) ;

D. LES MESURES POUR RENDRE L'EXÉCUTION DES PEINES PLUS EFFECTIVE

- Etendre le recours au traitement en temps réel jusqu'au recouvrement des peines d'amendes ;

- Rationaliser le système de l'exécution des peines, notamment en ayant un suivi des disponibilités du Comité de Probation et d'Assistance aux Libérés (CPAL) en travaux d'intérêt général ; organiser avec le concours du comité précité des permanences à la sortie de l'audience pour permettre la prise en charge immédiate des condamnés ; saisir systématiquement le juge d'application des peines des situations des condamnés ayant à purger une ou plusieurs peines d'emprisonnement dont le total est inférieur ou égal à un an afin d'envisager des possibilités d'aménagement ; communiquer, dans les meilleurs délais les décisions pénales au service du casier judiciaire; transmettre à l'établissement pénitentiaire où est écroué le condamné les informations permettant une meilleure orientation du détenu ; accélérer la transmission des pièces d'un dossier à la Cour d'appel dès lors qu'un appel a été interjeté ;

- Développer la procédure du jour-amende pour renforcer l'exécution des peines d'amende ;

- Instaurer des relations régulières et concrètes entre le Parquet et le juge d'application des peines de façon à assurer l'exécution, dans les meilleurs délais, des sanctions prononcées ;

- Supprimer la pratique des seuils à partir desquels les amendes ne sont plus recouvrées ;

- Insérer dans l'article 133-4 du code pénal une disposition tendant à ne faire courir le délai de prescription pour les peines d'amende qu'à compter du premier acte de recouvrement.

E. LES MESURES POUR LUTTER CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

- Développer une politique pénale spécifique en direction de la primo-délinquance afin d'apporter une réponse judiciaire à toute infraction commise par une mineur ;

- Aménager le principe de l'irresponsabilité des mineurs pour pouvoir lutter efficacement contre l'explosion de la délinquance juvénile ;

- Mettre en place dans les écoles, collèges, lycées une formation civique sur la nécessité de règles communes pour le bon fonctionnement de la vie sociale ;

- Mettre fin à la banalisation du premier acte de délinquance ou à la banalisation de certaines formes de vols ou d'agressions ;

F. LE DÉVELOPPEMENT D'UNE NOUVELLE POLITIQUE PÉNALE

- Définir et mettre en oeuvre une politique globale de lutte contre la délinquance ;

- Prévoir chaque année devant l'Assemblée nationale et le Sénat un débat d'orientation sur la politique pénale du gouvernement, ce débat devant impliquer le ministre de l'Intérieur et celui de la Défense ;

- Introduire dans le code de procédure pénale la notion de " politique d'action publique " ;

- Etablir une politique pénale lisible pour les autres partenaires de la chaîne pénale ;

- Instaurer une loi de programmation de lutte contre la délinquance commune aux différents ministres concernés, notamment ceux de la justice, de l'Intérieur et de la Défense... ;

- Donner des directives interministérielles impératives (circulaires du Premier ministre) d'application des dispositions de l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale par toutes les administrations ;

- Rendre publiques les directives et circulaires concernant la politique pénale et la conduite de l'action publique. La plupart en effet sont confidentielles ;

- Mettre en place des outils d'évaluation systématiques des politiques pénales ;

G. AUTRES MESURES

- Reconsidérer l'organisation de la justice sur le territoire national et expérimenter la départementalisation des Parquets dans certaines juridictions " pilotes " ;

- Lancer une réflexion sur le renforcement de chaque maillon de la chaîne du traitement de la délinquance à partir de trois principes : une meilleure organisation, des moyens supplémentaires et des méthodes rénovées puis expérimenter cette réforme dans quelques départements en donnant aux différents services de l'Etat les moyens financiers et humains nécessaires pour sa réussite ;

- En période de crise (violence dans les banlieues, prises d'otages,...), mettre sur pied une cellule de crise afin de suivre en temps réel l'évolution des situations, définir les responsabilités de chacun et prévenir ou régler les éventuels conflits entre autorités administratives et autorités judiciaires. Faire ensuite un bilan des réponses apportées au traitement de la situation de crise ;

- Instaurer dans chaque juridiction un service d'information destiné à présenter et commenter la nature, l'ampleur et la portée des jugements ou arrêts pénaux ;

- Procéder à un toilettage de tous les textes législatifs et réglementaires comprenant une disposition pénale par le biais de la création d'une commission ad hoc du type commission de codification ;

- Restaurer la paix sociale par la reconquête de certains quartiers qualifiés pudiquement de " territoires de moindre droit " en s'inspirant de l'expérience menée en Seine Saint-Denis sous l'égide du procureur de la République de Bobigny, grâce aux Groupes Locaux de Traitement de la Délinquance, réunissant justice, police, maires et associations de quartier autour de projets de sécurisation et de prévention de la délinquance ;

- Etendre l'utilisation de la procédure de traitement en temps réel à toutes les juridictions et élargir son champ d'application à de nouvelles affaires (droit du travail, urbanisme, droit de l'environnement...) ;

- Confier l'audiencement des affaires pénales au Président de la juridiction, principalement dans les grandes juridictions. Dans le système en vigueur, l'une des parties, en l'occurrence le Parquet, peut choisir la formation qui jugera l'affaire ;

- Faciliter et rendre plus effective l'action des contrôleurs dans les transports publics en les autorisant à retenir les contrevenants qui refusent de décliner leur identité afin de pouvoir en rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire qui pourra alors se faire présenter sur le champ le contrevenant ;

- Développer une véritable politique de communication au sein du ministère de la justice afin de privilégier l'information objective et complète du public et de lutter contre la tendance au sensationnalisme de certains médias ;

- Simplifier et renforcer la coopération entre les autorités judiciaires des Etats membres de l'Union Européenne ;

- Créer, au niveau de l'Union Européenne, une catégorie d'infractions identiques permettant d'appréhender dans les mêmes termes les auteurs d'infractions économiques et financières, idem pour le domaine du trafic de drogues, etc.

ANNEXE

MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONCERNANT LA JUSTICE

I. MODIFICATION DES CRÉDITS : VOTE DE CRÉDITS NON RECONDUCTIBLES

Les majorations de crédits non reconductibles relatives au budget de la justice concernent le titre IV pour 100.000 francs et le titre V pour 6 millions de francs en autorisations de programme et 6 millions de francs en crédits de paiement
.

Les chapitres concernés sont :

- le chapitre 46-01 (subventions et interventions diverses) article 10 pour 100.000 francs ;

- le chapitre 57-51 (conseil d'Etat, cours administratives d'appel et tribunaux administratifs, travaux de modernisation) article 10 pour 6 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.

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