Projet de loi de finances pour 1999
MARINI (Philippe), Rapporteur général ; HAENEL (Hubert), Rapporteur spécial
RAPPORT GENERAL 66 (98-99), Tome III, Annexe 33 - COMMISSION DES FINANCES
Table des matières
- PRINCIPALES OBSERVATIONS
-
CHAPITRE PREMIER
PRÉSENTATION DES CRÉDITS -
FICHE D'IMPACT BUDGÉTAIRE
RÉALISÉE PAR LA CHANCELLERIE -
CHAPITRE II
LES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA JUSTICE- I. LES DYSFONCTIONNEMENTS LIES A L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS
- II. LES DYSFONCTIONNEMENTS LIÉS À LA GESTION DU PERSONNEL
-
CHAPITRE III
LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS : LES SPÉCIFICITÉS ET LES BESOINS D'UNE JURIDICTION HORS DU COMMUN -
CHAPITRE IV
LA RÉFORME DES TRIBUNAUX DE COMMERCE -
CHAPITRE V
LES MAIRES ET LA JUSTICE : LA NÉCESSITÉ D'UNE PLUS GRANDE COLLABORATION -
CHAPITRE VI
LES INFRACTIONS SANS SUITE OU LA DÉLINQUANCE MAL TRAITÉE- I. PRÉSENTATION DE LA MISSION DE CONTRÔLE
-
II. LES PROPOSITIONS RÉSULTANT DE CETTE MISSION
- A. LES MESURES POUR AMÉLIORER L'OUTIL STATISTIQUE ET INFORMATIQUE
- B. LES MESURES POUR RENFORCER LA COOPÉRATION ENTRE LES SERVICES ET AUGMENTER LA FLUIDITÉ DE L'INFORMATION
- C. LES MESURES POUR RENFORCER LE RÔLE ACTIF DU PARQUET DANS LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE
- D. LES MESURES POUR RENDRE L'EXÉCUTION DES PEINES PLUS EFFECTIVE
- E. LES MESURES POUR LUTTER CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS
- F. LE DÉVELOPPEMENT D'UNE NOUVELLE POLITIQUE PÉNALE
- G. AUTRES MESURES
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 66
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès verbal de la séance du 19 novembre 1998.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M.
Philippe MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 33
JUSTICE
Rapporteur spécial
: M. Hubert HAENEL
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
(1998-1999).
Lois de finances. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS
1. Un
effort budgétaire réel dont l'efficacité risque
d'être amoindrie par la multiplication des réformes
Le projet de budget 1999 poursuit l'effort budgétaire entrepris depuis
le vote de la loi de programme relative à la justice en 1995 et
accentué par le gouvernement actuel. Ainsi, le budget de la justice voit
ses crédits augmenter de 5,6 % par rapport à l'année
dernière et atteindre 26,3 milliards de francs. Les augmentations
précédentes s'élèvent à 4,04 % en 1998,
1,84 % en 1997 et 6,06 % en 1996.
Toutefois, votre rapporteur tient à relativiser cette hausse
par
trois remarques.
D'une part,
l'augmentation des crédits ne sera efficace que si elle
s'inscrit dans la durée
. Votre rapporteur estime que le service
public de la justice ne pourra fonctionner correctement que s'il dispose d'un
budget d'environ 35 milliards de francs, ce qui nécessiterait,
au-delà de la loi de programme, une augmentation annuelle de
2 milliards du budget de la justice pendant 5 ans.
D'autre part,
cette hausse des crédits risque d'être en partie
absorbée par la multiplication des réformes proposées par
la Chancellerie
. Ainsi, la réforme des tribunaux de commerce
mobiliserait 350 postes de magistrats tandis que 150 à 200
magistrats seraient nécessaires pour la réforme de la
détention provisoire. L'effort réalisé depuis 1995 pour
augmenter les effectifs des magistrats se trouverait non seulement
réduit à peu de choses, mais si ces réformes
étaient adoptées, elles risqueraient de ne pas pouvoir entrer en
application faute de magistrats en nombre suffisant. A cet égard, votre
rapporteur rappelle que l'actuel Garde des Sceaux avait abandonné fort
justement la réforme des cours d'assises entreprise par son
prédécesseur parce qu'elle estimait ne pas disposer des
crédits pour la financer. La même objection pourrait être
soulevée pour les réformes en cours si elles ne devaient pas
s'accompagner des moyens nécessaires à leur application.
Enfin, votre rapporteur tient à rappeler que le Garde des Sceaux
s'était engagé à ce que le budget de la justice ne soit
affecté par des annulations de crédits. Or, par
arrêté du 16 janvier 1998, dans le cadre de l'aide
apportée aux chômeurs,
la Chancellerie a supporté une
annulation de crédits d'un montant de 63,28 millions de francs en
autorisations de programme et de 16 millions de francs en crédits
de paiement
.
2. Un effort budgétaire qui doit s'accompagner de réformes de
structure
Votre rapporteur tient à rappeler que même si des moyens
supplémentaires sont indispensables pour assurer un fonctionnement
normal de la justice, cette dernière ne répondra aux défis
auxquels elle est confrontée que par la mise en oeuvre de
réformes structurelles. La réforme de la carte judiciaire
constitue, avec celles des méthodes, des procédures civiles,
pénales et commerciales l'une des plus urgentes.
Votre rapporteur attend donc avec impatience les propositions de la mission
interministérielle mise en place par le Garde des Sceaux chargée
de la réforme de la carte judiciaire et dont la mission prioritaire
concerne la rationalisation de la carte des tribunaux de commerce. A cet
égard, il tient à souligner
sa préférence pour
une expérimentation dans trois ressorts de cours d'appel d'une meilleure
implantation judiciaire accompagnée des moyens financiers
nécessaires pour en assurer le succès
. D'autres
réformes sont également nécessaires, concernant notamment
les modes de recrutement des magistrats qui doivent être élargis
afin de "décloisonner" cette profession.
3. Un décalage trop grand entre emplois budgétaires et emplois
réels
L'étude de l'Union syndicale des magistrats d'octobre 1997 a permis
d'appréhender le nombre réel d'emplois vacants. 482 emplois de
magistrats ne seraient pas occupés sur 6.117 postes budgétaires,
dont 298 emplois vacants, 57 mises à disposition, 18 décharges
d'activité pour activité syndicale et 59 congés divers.
Or, cette distorsion entre l'effectif budgétaire et l'effectif
réel entraîne d'importantes difficultés de gestion pour les
chefs de juridiction et entrave le bon fonctionnement du service public de la
justice. Au Tribunal d'instance de Paris, sur les 337 emplois
budgétaires dont il dispose en théorie, seuls 302 sont
réellement occupés par leurs titulaires, 35 postes étant
soit vacants soit de facto inoccupés du fait des mises à
disposition de magistrats dans d'autres services du ministère de la
justice, voire dans d'autre administrations de l'Etat. De même, alors que
109 magistrats sont budgétairement affectés au Parquet du
Tribunal de grande instance de Paris, seuls 94 y exercent effectivement leurs
fonctions.
Votre rapporteur plaide donc pour une plus grande transparence
réclamée également par la Cour des comptes, qui, dans son
rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1997,
écrivait : "
il est difficile de présenter
l'utilisation de ses emplois par le ministère de la justice au regard
des seuls emplois inscrits chaque année au titre de la loi de programme.
[...] L'approche en termes d'emplois budgétaires ne coïncide pas
avec celle d'emplois réellement ouverts en raison des pratiques de mises
en réserves d'emplois et de l'existence de surnombres de
gestion
".
En outre, il apparaît indispensable de prendre en compte de
manière plus réaliste les besoins de certains services. Ainsi,
les effectifs prévus pour assister les chefs de cours sont
systématiquement sous-évalués. Ils sont dont amenés
à faire appel à des magistrats ou des greffiers
supplémentaires travaillant dans les juridictions, ce qui tend à
désorganiser le fonctionnement de ces dernières. De même,
la Chancellerie, au-delà des effectifs qui lui sont affectés
budgétairement, attire un grand nombre de magistrats, greffiers et
fonctionnaires. Il est donc grand temps de répertorier le nombre
d'emplois assurés par des mises à disposition et
nécessaires au bon fonctionnement des services
bénéficiaires et de les créer budgétairement.
4. Des réformes intéressantes mais qui ne s'attaquent pas aux
dysfonctionnements de la Justice les plus choquants pour les citoyens
L'actuel Garde des Sceaux a lancé toute une série de
réformes qui sont certes importantes, mais qui ne correspondent pas aux
attentes des citoyens français. En effet, les préoccupations de
ces derniers sont très concrètes et visent la diminution du taux
de classement sans suite, le raccourcissement des délais de jugement ou
encore la réduction de la surpopulation carcérale. A cet
égard, votre rapporteur doute que la réforme du Conseil
supérieur de la magistrature ou encore la réforme des relations
entre le Garde des Sceaux et le Parquet constitue pour les Français une
véritable priorité.
5. Le bilan de l'exécution de la loi de programme pour la justice
La loi de programme relative à la justice votée en 1995 visait
à augmenter les moyens des juridictions de 8,1 milliards de francs
sur cinq ans et à créer 5.760 emplois budgétaires pendant
la période 1995-1999. En 1997, l'exécution de cette loi avait
été étalée sur six ans. Toutefois, le rattrapage
opéré depuis 1998 permet de dresser un bilan dès cette
année.
Votre rapporteur se félicite de l'exécution très
satisfaisante de la loi de programme pour les services judiciaires, pour la
protection judiciaire de la jeunesse et pour les juridictions administratives.
En revanche, il tient à faire remarquer qu'en ce qui concerne
l'administration pénitentiaire, si les objectifs fixés en
matière d'équipement ont été atteints, seuls
46 % des emplois prévus ont été créés.
En outre, votre rapporteur estime que l'effort en faveur du service public
de la justice doit être poursuivi et se déclare donc favorable
à l'adoption d'une nouvelle loi de programme visant à adapter les
moyens de la justice aux besoins réels de cette institution.
6. La prise en compte des observations de votre rapporteur par le Garde des
Sceaux
Votre rapporteur se félicite de voir que nombre de ses
préoccupations sont partagées par le Garde des Sceaux et ont en
conséquence reçu une suite favorable. Ainsi, tout une
série de mesures ont été prises pour lutter contre
l'explosion des frais de justice. De même, la réforme des
tribunaux de commerce semble désormais être amorcée, tandis
qu'une mission interministérielle chargée de la
réforme de la carte judiciaire devrait annoncer les premières
mesures sur la réorganisation du réseau des tribunaux de commerce
avant la fin de l'année. Par ailleurs, le Sénat a adopté
le 4 novembre 1998 un projet de loi relatif à l'accès au
droit et à la résolution amiable des conflits qui répond
au souci de votre rapporteur exprimé dans son rapport l'année
précédent de distinguer accès au droit et accès
à la justice et de favoriser les voies de médiation et de
transaction. Enfin, votre rapporteur tient à souligner que le
renforcement de la troisième voie proposé dans son rapport sur le
classement sans suite a fait l'objet d'un projet de loi relatif aux
alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la
procédure pénale adopté par le Sénat le
18 juin 1997.
7. Le renouveau attendu de l'Ecole nationale de la magistrature
La nomination de M. Claude Hanoteau comme directeur de l'Ecole nationale
de la magistrature apparaît comme une volonté de renouveau des
méthodes et des pratiques de cette école et votre rapporteur s'en
félicite. Cette école devrait devenir à brève
échéance le lieu de formation de l'ensemble des magistrats
professionnels ou occasionnels comme les magistrats consulaires ou les
conseillers des prud'hommes. En effet, la qualité des magistrats
dépend en grande partie de la qualité du recrutement et de la
formation qu'ils ont reçoivent. Une attention toute particulière
doit donc être portée sur le contenu de cette dernière et
sur le niveau des maîtres de conférences, qui doivent disposer
d'une forte expérience professionnelle.
Actuellement, les maîtres de conférence appartiennent soit au
2ème grade, soit sont passés au 1er grade du 1er groupe au
cours de leur séjour à l'Ecole nationale de la magistrature.
Votre rapporteur estime que le corps de maîtres de conférences
devrait être repyramidé, de telle manière qu'il soit
constitué par tiers de magistrats appartenant au second grade, de
magistrats du 1er grade du 1er groupe et de magistrats de 1er grade du
2ème groupe. Cette mesure pourrait en outre être
réalisée dès l'année prochaine puisque le projet de
budget pour 1999 prévoit 18 millions de francs pour la
réforme du statut de la magistrature et que, jusqu'à
présent, aucune décision concrète sur l'affectation
précise de ces sommes n'a été arrêtée. Il
conviendrait également de prévoir dans un nouveau décret
que des magistrats inscrits au tableau d'avancement pourraient réaliser
leur tableau, par voie d'affectation à un poste de maître de
conférences du 1er grade du 1er groupe. Enfin, l'Ecole nationale de la
magistrature attirera d'autant plus de maîtres de conférence de
talent qu'elle servira de tremplin à leurs carrières. C'est
pourquoi votre rapporteur est favorable à l'instauration d'un dispositif
qui prévoit très en amont l'affectation du maître de
conférence après son passage à l'Ecole nationale de la
magistrature, qu'on pourrait appeler " contrat de carrière ".
8. Le développement d'études d'impact
Tout projet de loi devrait s'accompagner d'une étude de l'impact
financier de cette réforme. Le Garde des Sceaux actuel devrait se sentir
d'autant plus lié par cette obligation qu'il a abandonné la
réforme des cours d'assises en l'absence des moyens financiers
nécessaires pour la mettre en oeuvre. Or, votre rapporteur constate que
les études d'impact menées par les services de la chancellerie
sur les projets de loi ne sont pas très réalistes et n'associent
pas les cours et les tribunaux à ces travaux d'avaluation.
C'est
pourquoi il propose qu'à chaque fois que le Sénat est saisi d'un
texte important dans le domaine de la justice, la commission des finances
confie à son rapporteur spécial soit l'examen attentif de
l'étude d'impact s'il en existe une, soit l'élaboration d'une
étude d'impact qui puisse éclairer le Sénat sur les effets
financiers de la réforme proposée.
Cette pratique pourrait
d'ailleurs être étendue à tous les textes d'importance dans
la mesure où la Chancellerie est loin d'être le seul
ministère à considérer les études d'impact comme
une obligation formelle.
9. Le lancement d'une mission de contrôle sur l'administration
pénitentiaire
Les services pénitentiaires sont soumis à de nombreuses
difficultés. D'une part, ils doivent gérer une surpopulation
carcérale importante. D'autre part, faute d'un entretien régulier
des bâtiments, ils sont confrontés à un délabrement
inquiétant du parc immobilier auquel l'insuffisance de crédits ne
permet pas de remédier dans des délais rapides. Enfin, alors que
des mesures récentes ont été prises en faveur du personnel
de l'administration pénitentiaire, les contestations persistent. Face
à ce constat, votre rapporteur a décidé d'engager une
mission de contrôle sur les crédits affectés aux services
pénitentiaires en liaison avec le rapporteur pour avis de la commission
des lois, M. Georges Othily. Cette mission aura pour objectif, d'une
part, de vérifier l'affectation des crédits et de contrôler
la pertinence des priorités affichées et, d'autre part, de
constater les besoins, relever les insuffisances et contribuer à
l'amélioration du fonctionnement de ce service public.
CHAPITRE PREMIER
PRÉSENTATION DES
CRÉDITS
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS
1. Un budget en augmentation
Les
crédits demandés pour la justice en 1999 progressent de
1,39 milliard de francs et atteignent 26,26 milliards de francs
(5,59 %)
. Cette hausse intervient après une augmentation de
4 % du budget en 1998 qui mérite d'être soulignée.
Votre rapporteur constate cependant que près de la moitié de
cette augmentation résulte de la progression de trois postes : les
rémunérations (319 millions de francs) dont
265 millions de francs liés à l'application de l'accord
salarial dans la fonction publique et 54 millions de francs pour financer
des mesures statutaires et indemnitaires ; l'aide juridictionnelle
(215 millions de francs) et les frais de justice (121 millions de
francs).
En outre, la part du budget de la justice dans le budget de l'Etat ne progresse
que lentement, passant de 1,56 % en 1998 à 1,61 % en 1999.
2. Un budget qui révèle de très nombreuses priorités
Le
tableau ci-dessous retrace l'évolution des crédits de 1998
à 1999 :
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ces priorités
peuvent se résumer ainsi :
- une justice au service des citoyens à travers le
développement de l'accès au droit et des règlements
alternatifs des différends, la simplification des procédures
civiles et le renforcement de l'efficacité dans la lutte contre la
délinquance ;
- une justice au service des libertés avec le renforcement de la
présomption d'innocence et de la protection des atteintes à la
vie privée ;
- une justice indépendante et impartiale grâce à la
suppression des instructions aux parquets dans les affaires individuelles,
l'accroissement du rôle d'un Conseil supérieur de la magistrature
rénové et le renforcement de la responsabilité des
magistrats.
En outre, l'exécution de la loi de programme se poursuit.
Votre rapporteur
, tout en se félicitant de la volonté du
gouvernement d'améliorer le fonctionnement de la justice,
s'inquiète de la multiplication des réformes sans que des
moyens financiers suffisants les accompagnent
. A cet égard, il
rappelle que l'actuel Garde des Sceaux avait abandonné la réforme
des cours d'assise, qui faisait pourtant l'objet d'un très large
consensus, faute des moyens financiers nécessaires pour la faire entrer
en vigueur. Or, votre rapporteur estime que les réformes visant les
tribunaux de commerce et la détention provisoire exigeront une
augmentation significative du nombre des magistrats que la Chancellerie a
tendance à sous-estimer. Il ne faudrait pas que la multiplication des
réformes contrarie l'effort engagé depuis plusieurs années
d'augmenter les effectifs des magistrats, des greffiers et des
fonctionnaires du service public de la justice à tâche
constante
.
FICHE D'IMPACT
BUDGÉTAIRE
RÉALISÉE PAR LA CHANCELLERIE
1 -
Article 1er du projet de loi modifiant les articles 10 et 39 de la loi du
10 juillet 1991
La nouvelle rédaction de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991
prévoyant la rétribution au titre de l'aide juridictionnelle de
la transaction conclue avant toute introduction d'instance contentieuse ne
devrait pas entraîner de charge budgétaire supplémentaire
par rapport au droit actuel puisque toute affaire réglée par
transaction est en principe une affaire contentieuse en moins. Il y a donc
transfert de charge du contentieux vers le transactionnel.
Les second et troisième alinéas nouveaux de l'article 39
posent le principe que les pourparlers qui n'ont pas pu aboutir à la
conclusion d'une transaction méritent rémunération au
titre de l'aide juridictionnelle, le niveau de cette rémunération
étant fixé par décret en Conseil dEtat.
Pour la commodité du raisonnement, il a été
considéré dans la suite de la présente fiche que cette
rémunération ferait l'objet d'un abattement de 50 % par
rapport à celle versée au terme d'une procédure
contentieuse, par référence aux dispositions du troisième
alinéa de l'article 111 du décret du 19 décembre
1991 portant application de la loi actuelle et traitant de la transaction en
cours d'instance.
A périmètre d'affaires constant
, les nouvelles
dispositions ne devraient pas générer de charges
budgétaires nouvelles. Deux hypothèses sont en effet possibles :
- la tentative de transaction débouche sur une action contentieuse
et la rétribution versée par l'Etat au titre de la tentative
s'impute sur la rétribution versée au terme du procès dans
des conditions qui seront définies par décret en Conseil dEtat ;
- la tentative de transaction n'est pas suivie d'une action contentieuse
et le coût pour l'Etat est inférieur de moitié à
celui de la procédure contentieuse à laquelle la tentative de
transaction s'est substituée.
La seule question qui doit être posée est donc celle de savoir si
ces dispositions nouvelles vont avoir un
effet "d'attrait"
,
c'est-à-dire si elles vont conduire des personnes concernées par
un litige, à s'engager dans la voie de la transaction, puis le cas
échéant dans celle du procès, alors qu'elles ne l'auraient
pas fait à droit constant.
Pour tenter d'apprécier ce "risque" budgétaire, il faut dans un
premier temps déterminer l'importance du domaine juridique
concerné en utilisant les données contentieuses disponibles les
plus récentes, à savoir celles de l'année 1996.
Il y a eu, au cours de cette année,
1.102.848
affaires
nouvelles devant les tribunaux d'instance et de grande instance qui sont les
juridictions les plus consommatrices d'aide juridictionnelle.
1(
*
)
Le contentieux de la famille et de l'état des personnes ainsi que celui
de l'exécution peuvent être écartés de cette base,
le premier parce qu'en droit il ne peut donner lieu à transaction hors
saisine du juge que dans un nombre très limité de cas, le second
parce qu'il est nécessairement contentieux s'agissant de demander au
juge d'aménager les modalités d'exécution d'une
décision de Justice ou d'en faciliter l'exécution. Ces deux
contentieux représentaient en 1996,
649.746
affaires.
Le contentieux patrimonial général qui est donc celui qui peut
donner lieu à transaction extra-judiciaire a représenté en
1996,
453.102
affaires.
Si l'on applique à cette base, les taux de couverture AJ observés
au cours du même exercice dans ces deux catégories de juridiction
(26,33 % devant les TGI, 13 % devant les TI) on obtient les
résultats suivants :
Contentieux patrimonial général ayant donné lieu à aide juridictionnelle :
TGI
37.723 affaires
TI
40.380 affaires
78.103 affaires
Ce
premier chiffre montre que le domaine susceptible de donner lieu à
tentative de transaction rémunérée au titre de l'aide
juridictionnelle reste un domaine relativement limité, le contentieux de
l'aide juridictionnelle étant, en effet, un contentieux majoritairement
familial (divorce, post-divorce, contentieux de la famille naturelle...).
L'hypothèse de travail retenue ici est que l'effet d'"attrait"
n'excédera pas 10 % de ce volume, soit 7.800 affaires.
Un certain nombre de ces dossiers donneront lieu à la conclusion d'une
transaction et donc à un paiement de l'AJ à taux plein, un
certain nombre d'entre eux déboucheront sur une procédure
contentieuse et donneront lieu également au paiement de l'AJ à
taux plein, enfin un certain nombre se limiteront à la tentative de
transaction et donneront donc lieu au paiement de PAJ au taux réduit de
50 %.
Il est proposé de considérer que la moitié de ces affaires
nouvelles donnera lieu à paiement d'une AJ à taux plein et
l'autre moitié au taux réduit.
Si l'on applique à l'hypothèse de 7.800 affaires
supplémentaires les coûts moyens de rétribution au titre de
l'aide juridictionnelle observé dans ces deux catégories de
juridiction, les résultats suivants sont observés :
(compte non
tenu de l'économie résultant de la substitution de la simple
tentative de transaction à une action contentieuse).
Il -
Chapitre Il du projet de loi
Les
principales dispositions de ce second chapitre précisent le contenu de
l'accès au droit et modifient les règles de constitution et de
composition des actuels conseils départementaux de l'aide juridique
créés par la loi du 10 juillet 1991 qu'il est proposé
de transformer en conseils départementaux de l'accès au droit et
de la résolution amiable des litiges.
Ces dispositions qui ont pour but de favoriser et d'accélérer la
mise en place de ces conseils sur l'ensemble du territoire, n'ont pas vocation
à générer un surcoût budgétaire
spécifique par rapport à la mise en oeuvre du dispositif des CDAJ
organisé par la loi de 1991 relative à l'aide juridique.
Le projet de loi de finances pour 1999 contient deux mesures nouvelles
destinées à accompagner la mise en oeuvre du volet "accès
au droit" du présent projet de loi :
- la première de 5,5 MF sur le chapitre 46.01 permettant
d'accroître fortement l'enveloppe de crédit d'intervention
attribuée aux conseils départementaux ;
- la seconde de 6 MF sur le chapitre 37-92 permettant aux tribunaux
de grande instance des chefs-lieux de département de disposer de moyens
supplémentaires pour assurer le fonctionnement courant des conseils
départementaux.
III - Articles 12, 13 et 14 du projet de loi (chapitre III)
Ces trois articles prévoient la rétribution au titre de l'aide juridictionnelle de l'avocat intervenant en matière de médiation pénale (mesure alternative aux poursuites devant la juridiction de jugement créée par l'article 41, 7ème alinéa du code de procédure pénale). L'avocat peut intervenir soit pour assister la personne mise en cause soit pour représenter la victime.
Le
chiffrage ci-dessous a été établi sur les bases suivantes
- nombre de médiation pénales en 1996 : 38.918.
- proposition de mise en cause satisfaisant aux conditions de ressources
de la loi de juillet 1991 et sollicitant l'assistance d'un conseil : 25 %
- proposition de victimes satisfaisant aux conditions de ressources de la
loi de juillet 1991 et sollicitant l'assistance d'un conseil : 5 %
- rétribution de l'avocat : 2 unités de valeur
Calcul :
- mise en cause : 25 % de 38.918 = 9.729
arrondis à 10.000 x
285 F =
2.850.000 F
- victimes : 5 % de 38.918 = 1.945
arrondis à 2.000 x 285 F
=
570.000 F
TOTAL = 3.420.000 F
TOTAL général (1 + 11) = 18.420.000 F
arrondis à 18,5 MF
IV -
Titre II, article 17
Cet article a pour objectif de donner un fondement juridique à l'existence des maisons de la justice et du droit, dont les créations ont été, jusqu'à présent, purement prétoriennes. Il existe actuellement 30 maisons de la justice et du droit auxquelles s'ajoutent à Marseille 13 antennes (1 par arrondissement) et sur l'île de la Réunion, 20 antennes.
Le
coût unitaire de création d'une MJID se décompose de la
sorte :
- 0,6 emploi de magistrat 202.000F
- 1 emploi de greffier : 160.000F
- 1 emploi d'éducateur 165.000F
- crédit de fonctionnement lié à l'activité
de
l'éducateur 35.000F
- 1 emploi-jeune
85.000F
6(
*
)
TOTAL
647.000F/an
auxquels
s'ajoutent les crédits de premier équipement en matériel
informatique (50.000F).
L'ouverture d'une MJD ne nécessite pas nécessairement de
créations d'emploi dans tous les cas : les besoins ci-dessus
énumérés peuvent être satisfaits, sur certains
sites, par redéploiement.
V - Réduction de charges
Le
rôle nouveau donné aux conseils départementaux de
l'accès au droit de développement des modes non judiciaires de
résolution des litiges ainsi que l'incitation financière
résultant pour les avocats de l'octroi de l'aide juridictionnelle en
matière de transaction avant contentieux permettent d'envisager une
réduction de certaines catégories de contentieux. Cette
réduction des flux d'entrée dégagera des
équivalents temps pleins de magistrat et de fonctionnaire de greffe qui
pourront être redéployés sur des activités de
résorption des stocks entrainani une accélération des
délais de jugement des affaires contentieuses et participant ainsi
à la réalisation de l'un des objectifs principaux du plan de
réforme pour la Justice, présenté le 29 octobre 1997
: mettre la justice au service des citoyens en la rendant plus accessible pour
tous et plus rapide.
En outre, devant les dysfonctionnements persistants les plus choquants pour les
citoyens (fort taux de classement, délais de jugement très
longs), votre rapporteur insiste sur la nécessité de donner la
priorité à l'amélioration du service offert aux
justiciables avant de lancer toute autre réforme, sans préjuger
de leur utilité.
I. L'EXÉCUTION DU PROGRAMME PLURIANNUEL POUR LA JUSTICE
Le
6 janvier 1995, la loi de programme n ° 95-9 relative
à la justice a été publiée, qui visait à
augmenter les moyens des juridictions de 8,1 milliards de francs sur cinq
ans, répartis de la manière suivante :
- services judiciaires 4,5 milliards de francs
- administration judiciaire 3 milliards de francs
- protection judiciaire de la jeunesse 0,4 milliard de francs
- juridictions administratives 0,2 milliard de francs
Cette loi avait également prévu la création de
5.760 emplois budgétaires pendant la période 1995-1999 et
devait permettre d'augmenter de 6.100 les effectifs disponibles :
- services judiciaires 1.400
dont :
• magistrats
300
• fonctionnaires
1.020
• magistrats exerçant à titre
temporaire (en équivalent temps plein)
80
-
Conseil d'Etat et juridictions administratives 380
dont :
• magistrats
180
• fonctionnaires
200
- Administration pénitentiaire 3.920
- Protection judiciaire de la jeunesse 400
En 1997, le Gouvernement a décidé d'étaler sur une
année supplémentaire l'exécution de cette loi de programme.
Pourtant, le rattrapage opéré à partir de 1998 permet
dès aujourd'hui de dresser un bilan de l'exécution de la loi de
programme.
1. Les créations d'emplois
A la fin
de l'année 1999, les quatre grands secteurs de la Justice auront connu,
au titre du programme, 3.947créations d'emplois nets, soit 64,7 %
de l'ensemble.
Cette moyenne cache cependant de fortes disparités par secteur.
- En ce qui concerne les services judiciaires, 1384 emplois ont
été créés au titre de la loi de programme sur les
1.400 prévues au total, soit un taux de réalisation de
98,9 % ;
- La protection judiciaire de la jeunesse a bénéficié
de la création de 400 emplois sur les 400 prévus au
total, soit un taux de réalisation de 100 % ;
- Dans les juridictions administratives, 361 emplois sur les
380 prévus ont été créés, ce qui
représente le taux de réalisation à 95 % ;
-
En revanche, l'administration pénitentiaire a connu un taux de
réalisation très bas
, puisque seulement 1.802 emplois
sur 3.920 ont été créés, soit 46 %. Ce
résultat s'explique par les retards observés dans la mise en
oeuvre du programme de construction "4.000" et des 1.200 places nouvelles
en centres de semi-liberté.
2. Les équipements
S'agissant des équipements, la loi de programme a
prévu une enveloppe de 8.100 millions de francs en autorisations de
programme.
Entre 1995 et 1999, 7.961 millions de francs ont été inscrits
dans les lois de finances successives, soit 98,3 % de l'ensemble des
autorisations de programmes prévues initialement.
Les services ont été dotés de la manière suivante :
- services judiciaires : 4.500 millions de francs sur 4.500 millions
prévus, soit une taux d'inscription de 100 % ;
- services pénitentiaires : 2.848 millions de francs sur
3.000 millions prévus, soit un taux d'inscription de 94,9 % ;
- protection judiciaire de la jeunesse : 400 millions de francs sur
400 millions prévus, soit un taux d'inscription de 100 % ;
- juridictions administratives : 213 millions de francs sur
200 millions prévus, soit une taux d'inscription de 106,5 %.
Votre rapporteur se félicite de la bonne exécution globale
de la loi de programme pour la justice votée en 1994. Toutefois, il
estime que si les crédits votés à cette époque ont
permis de lancer le programme de réhabilitation du service public de la
justice, l'effort financier doit être poursuivi pour permettre à
la justice de répondre de manière satisfaisante aux attentes des
justiciables. C'est pourquoi votre rapporteur plaide en faveur d'une nouvelle
loi de programmation en pour la justice.
II. LES GRANDS SECTEURS
A. LES SERVICES DE L'ADMINISTRATION CENTRALE
Cet
agrégat regroupe les moyens :
- de l'administration centrale du ministère, y compris les
unités délocalisées à Nantes (Casier judiciaire
national, bureau des pensions, centre d'exploitation statistique) ;
- des services communs destinés à soutenir, au plan local,
l'action des services déconcentrés dans des domaines tels que
l'informatique (centres de prestations régionaux), l'équipement
(antennes régionales d'équipement) et les services sociaux ;
- de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;
- de la commission nationale des comptes de campagne et des financements
politiques ;
- pour les subventions aux ordres de la Légion d'Honneur et de la
Libération ainsi que la recherche dans le domaine de la justice (budget
civil de recherche et de développement technologique).
En 1999, les crédits de paiement alloués à
l'administration générale progressent de 3,4% pour atteindre
3,59 milliards de francs
. Toutefois, cette augmentation est
proportionnellement plus faible que la hausse générale des
crédits du budget de la justice. C'est pourquoi leur part relative
diminue par rapport à 1998 et passe de 14 % à 13,7 % de
l'ensemble.
1. Une très légère hausse des effectifs
Les
effectifs budgétaires de l'administration centrale
s'élèvent à 1770 pour 1999. Le projet de budget pour 1999
prévoit la création de 5 emplois d'inspecteurs des services
judiciaires et le pyramidage de 75 emplois. En outre, 2 emplois de professeurs
techniques de la protection judiciaire de la jeunesse sont
transférés à l'administration centrale.
Votre rapporteur tient cependant à faire remarquer qu'au
31 décembre 1997, les effectifs réels en fonction
à l'administration centrale s'élevaient à
2.271 agents, dont 42 agents de services déconcentrés
en poste à l'administration centrale, alors que le nombre d'emplois
budgétaires pour l'année 1997 s'élevait à 1.763.
Or, ce phénomène est très dommageable pour les autres
services, et notamment pour le bon fonctionnement des juridictions qui voient
leur effectif réel amputé d'autant.
Une dotation de 3 millions de francs est inscrite pour revaloriser les
primes des agents de catégorie A.
Au total, les moyens en personnel augmentent de 1 % pour s'élever
à 3,04 milliards de francs.
2. Des moyens matériels en augmentation
Les
moyens de fonctionnement sont en augmentation de 3,7 % par rapport
à 1998 et s'élèvent à 278,3 millions de
francs. Toutefois, cette diminution cache des évolutions
contrastées.
Les crédits " informatique " sont en hausse de 7,8 %
et s'élèvent à 134,2 millions de francs,
essentiellement du fait de l'augmentation des moyens mis à la
disposition des services communs.
En revanche, les crédits de fonctionnement sont en baisse,
même si la subvention de fonctionnement à l'Ordre de la
Libération et la Légion d'honneur progresse.
3. Des crédits d'équipement en hausse
Sont inscrits dans le projet de loi de budget pour 1999 5 millions de francs en autorisations de programme et 9 millions de francs en crédits de paiement destinés à diverses opérations de réfection et de réhabilitation.
B. LES SERVICES JUDICIAIRES
Cet
agrégat regroupe les moyens des juridictions de l'ordre judiciaire, du
conseil supérieur de la magistrature, de l'école nationale de la
magistrature et de l'école des greffes.
Les dotations de crédits couvrent non seulement les crédits en
personnel et de fonctionnement, mais également les subventions aux
associations oeuvrant dans le domaine judiciaire et au système de
formation professionnelle des avocats, les subventions correspondant aux
remboursements aux collectivités locales d'annuités d'emprunts
pour des opérations d'équipement, les crédits relatifs
à l'aide juridictionnelle, les crédits liés aux frais de
justice et les crédits d'équipement consacrés à la
modernisation et à l'extension du parc immobilier judiciaire.
Les crédits des services judiciaires progressent de 5,7 % et
s'élèvent à 11,67 milliards de francs. Leur part relative
dans le budget de la justice reste stable à 44,4 %. Votre
rapporteur tient à faire remarquer que la part de l'aide juridique et
des frais de justice reste élevée puisque ces crédits
représentent 27,6 % des crédits des services judiciaires et
12,3 % de ceux du ministère de la justice.
1. La poursuite de la hausse des effectifs
En 1998,
300 emplois avaient été créés dont 70 postes
de magistrats et 230 emplois de fonctionnaires de justice.
Le projet de budget pour 1999 prévoit la création de
emplois de magistrats et 230 emplois de fonctionnaires et de
contractuels, à savoir 10 greffiers en chef, 112 greffiers,
72 agents de catégorie C, 35 techniciens informatiques et 1
technicien spécialisé en équipement immobilier.
La loi de programme sera donc dès 1999 pratiquement
exécutée puisque les 300 emplois de magistrats et les 1020
emplois de fonctionnaires ont été créés. Sur les
80 emplois de magistrats à titre temporaire, 64 ont en outre
déjà été créés.
Votre rapporteur tient cependant à tempérer l'optimisme qui
pourrait résulter de ces chiffres en rappelant l'étude
menée par l'Union syndicale des magistrats en octobre 1997 qui chiffrait
à 482 le nombre d'emplois de magistrats non occupés
. La
Chancellerie a par la suite reconnu de chiffre qui se décompose
ainsi :
- 298 emplois vacants ;
- 57 mises à dispositions et 18 décharges d'activité pour
activité syndicale ;
-59 congés divers.
Or, cette distorsion entre l'effectif budgétaire et l'effectif
réel entraîne d'importantes difficultés de gestion pour les
chefs de juridiction et entrave le bon fonctionnement du service public de la
justice.
Liste des mises à disposition
|
Organismes d'accueil |
Provenance |
11 |
Sénat |
Administration centrale |
2 |
Magistrat de liaison avec l'Espagne |
Créteil |
3 |
Magistrat de liaison avec l'Italie |
Paris |
4 |
Magistrat de liaison avec Washington |
Paris |
5 |
Ministère de la justice à Banja Luba |
Strasbourg |
6 |
Ministère de la justice fédéral en Allemagne |
Nanterre |
7 |
Institut des Hautes Etudes sur la justice |
Paris |
8 |
Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne |
Bobigny |
9 |
Mission permanente de la France auprès des Nations unies |
Paris |
10 |
Commission européenne |
Orléans |
11 |
Conseil de l'Union européenne |
Lyon |
12 |
Mission d'étude sur la spoliation des juifs de France |
Administration centrale |
13 |
Mission de recherche droit et justice |
Administration centrale |
14 |
Mission interministérielle de la lutte contre la drogue et la toxicomanie |
Nanterre |
15 |
Mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics |
Paris |
16 |
MissiMission interministérielle d'enquête sur les marchés |
Administration centrale |
17 |
Mission de liaison interministérielle pour la lutte contre le travail clandestin et les trafics de mains d'oeuvre |
Marseille |
18 |
Institut des Hautes Etudes de la sécurité intérieure |
Versailles |
|
|
|
19 |
Conseil de l'Europe |
Créteil |
20 |
Institut du Monde arabe |
Paris |
21 |
Ecole nationale de la magistrature |
Paris |
22 |
Ecole nationale de la magistrature |
Paris |
23 |
Conseil national des villes |
Administration centrale |
24 |
Cour des comptes |
Administration centrale |
25 |
Cour des comptes |
Paris |
26 |
Secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économiques et européennes |
Versailles |
27 |
Conseiller technique du ministère délégué à la ville |
Bobigny |
28 |
Délégué adjoint à la mission interministérielle aux professions libérales |
Paris |
29 |
Directeur de l'antenne luxembourgeoise à l'institut européen d'administration publique |
Strasbourg |
30 |
Groupement d'intérêt public chargé de l'informatisation du livre foncier Alsace-Moselle |
Illkirch-Graffenstaden |
31 |
Cour de cassation (2 au siège, 2 au parquet) |
Paris |
32 |
Cour d'appel (4 au siège, 1 au parquet) |
Paris |
33 |
Tribunal de grande instance (1 au siège, 1 au parquet) |
Paris |
34 |
Ministère de la justice (cabinet du garde des sceaux |
5
à Paris
|
35 |
Ministère de l'emploi et de la solidarité |
1
à Paris
|
36 |
Ministère de l'intérieur |
Pontoise |
37 |
Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement |
Administration centrale |
38 |
Ministère de l'éducation nationale |
Versailles |
Par ailleurs, sur les 264,3 millions de francs supplémentaires mis à la disposition du chapitre 31-90 (rémunérations des personnels), une provision de 18 millions de francs est inscrite au titre de la réforme du statut de la magistrature.
2. Des moyens de fonctionnement en forte progression
Le
chapitre 37-92 (moyens de fonctionnement et de formation) regroupe les moyens
de fonctionnement de l'ensemble des catégories de juridictions ainsi que
des crédits affectés à des dépenses de nature
diverse (fonctionnement, travaux courants d'entretien immobilier,
véhicules, modernisation, informatique déconcentrée, frais
de déplacement).
Pour 1999, ces crédits augmentent de 5,2% par rapport à ceux pour
1998 (soit 64,4 millions de francs) et s'élèvent à
1,31 milliard de francs.
Cette hausse des crédits est destinée à financer
principalement :
- le développement des conseils départementaux d'aide juridique
et la poursuite du programme de maisons de Justice et du Droit (6 millions
de francs) ;
- la modernisation des juridictions et la mise en service des nouveaux
bâtiments (32,1 millions de francs) ;
- la constitution des pôles de lutte contre la délinquance
économique et financière à Paris, Marseille, Lyon et en
Corse (15 millions de francs) ;
- l'accompagnement de la réforme de la carte judiciaire (5 millions
de francs).
La subvention de fonctionnement à l'Ecole Nationale de la Magistrature
(chapitre 36-10, article 21) augmente de 9,9 % pour s'élever
à 172 millions de francs. Les 15,4 millions de francs
supplémentaires sont destinés à financer les ajustements
salariaux ainsi que le recrutement, par concours, de 40 auditeurs
supplémentaires.
Les frais de justice
(chapitre 37-11) recouvrent principalement, au
profit du traitement individuel de chaque affaire, les prestations
demandées par les magistrats ou requises par les procédures.
Ils représenteront en 1999 1.776,5 millions de francs, soit une
progression de 7,3 %
après une augmentation de 8,4 % en
1998, de 7,8 % en 1997 et de 7,6 % en 1996.
Toutefois, cette augmentation globale de 120,5 millions de francs masque des
évolutions contraires :
- 129,5 millions de francs sont liés à l'ajustement des
crédits de frais de justice à l'évolution des
dépenses de cette nature ;
- les mesures nouvelles s'élèvent à 42 millions de
francs et visent à financer l'impact de la loi relative à la
prévention et la répression des infractions sexuelles et à
la protection des mineurs ;
- en revanche, 51 millions de francs de crédits ne sont pas reconduits
suite aux mesures de maîtrise de la dépense mises en oeuvre en
1998 et 1999.
Le Garde des Sceaux a fait procéder à une enquête sur les
causes de la forte augmentation des dépenses de frais de justice. Une
grande partie de ces dépenses apparaît inéluctable du fait
de la technicité croissante des affaires et du recours beaucoup plus
systématique aux expertises et contre-expertises. Toutefois, une liste
de dysfonctionnements a également été dressée, qui
concerne principalement les dépenses de fourrière et de
scellés ainsi que les réquisitions aux opérateurs de
télécommunication.
Pour y remédier, la Chancellerie a élaboré un avant-projet
de décret modifiant le code de procédure pénale et relatif
aux frais de justice, qui vise à renforcer les moyens de maîtrise
de la dépense en dotant les juridictions d'une outil
réglementaire plus complet. Désormais, les frais de garde des
véhicules placés sous scellés ou immobilisés, les
frais de recherche de documents et de délivrance de copies, les
réquisitions aux opérateurs de télécommunication,
les frais de mise en oeuvre au profit de l'autorité judiciaire seront
tarifés par le code de procédure pénale.
En outre, le contrôle préalable du Parquet sur les devis
d'expertises supérieurs à 3.000 francs est rendu obligatoire.
Par ailleurs, les frais de garde des véhicules immobilisés
pourront être recouvrés par l'Etat contre les condamnés.
Ce projet fait actuellement l'objet d'une concertation
interministérielle avant sa transmission au Conseil d'Etat. Il transcrit
également dans la réglementation les revalorisations tarifaires
obtenues en loi de finances pour 1998 (tarif des experts psychiatriques et des
interprètes traducteurs).
Quant au projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et
renforçant l'efficacité de la procédure pénale, il
réforme le régime de conservation des objets placés sous
main de justice et généralise l'utilisation de la
télécopie pour les notifications faites à un avocat en
matière pénale.
Votre rapporteur se félicite de ces mesures qui devraient permettre
de mieux contrôler l'évolution des dépenses liées
aux frais de justice. A cet égard, il souhaite rappeler qu'il avait
dénoncé l'année dernière dans son rapport sur les
crédits de la justice l'explosion desdites dépenses qui absorbent
une grande partie de l'effort budgétaire consenti en faveur du budget de
la justice.
Ses remarques avaient été confirmées par la Cour des
comptes qui, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour
l'année 1997, avait également constaté l'importante
progression des dépenses de frais de justice et s'était
étonnée de la progression inexpliquée "
des
dépenses relatives aux scellés, aux interprètes, aux
examens toxicologiques, biologiques ou radiologiques ou encore aux locations de
matériels d'interception
. "
3. L'augmentation des crédits d'intervention
A
l'intérieur du chapitre 46-01 (subventions et interventions diverses),
le projet de budget pour 1999 prévoit 15 millions de francs en
faveur de l'aide à l'accès au droit, de la médiation
familiale, des associations d'aide aux victimes et de contrôle
judiciaire. En outre, la subvention de l'Etat à la formation des avocats
augmente de 2 millions de francs.
Les crédits en faveur de l'aide juridique (chapitre 46-12) sont
également en forte augmentation (+7,5 %, soit 215,2 millions
de francs).
Cette hausse est cependant le résultat de mouvements
contrastés.
Ainsi, le projet de budget prévoit une mesure d'économie de
31 millions de francs concernant le fonctionnement des bureaux d'aide
juridictionnelle et la maîtrise des coûts des expertises civiles,
des enquête sociales et des missions de médiation.
En revanche, 149 millions de francs supplémentaires sont mis
à la disposition de l'aide juridique afin d'adapter ces crédits
à l'évolution des admissions.
Par ailleurs, 97,4 millions de francs sont prévus en mesure
nouvelle afin d'anticiper la hausse des demandes d'aide juridique
résultant des diverses réformes engagées (réforme
de la saisie immobilière, présence d'un avocat dès la
première heure de garde à vue...).
Votre rapporteur approuve les mesures prises par la Chancellerie afin de mieux
contrôler les dépenses en matière d'aide juridique dont il
avait critiqué le fort développement l'année
précédente. Toutefois, il est plus réservé sur les
conséquences de la réforme des modalités de la garde
à vue.
En effet, il estime que l'augmentation des crédits affectés au
budget de la justice contribuera à une amélioration du service
public de la justice que si ces derniers sont consacrés aux
difficultés déjà importantes que ce ministère doit
affronter, aussi bien en matière de manque de personnels que de
vétusté des locaux ou d'insuffisance des moyens de
fonctionnement, notamment dans le domaine de l'informatique.
Or, la multiplication des réformes ampute d'autant les
crédits qui devraient être consacrés aux priorités
énoncées ci-dessus. La réforme de la garde à vue en
est un exemple manifeste puisqu'elle augmente la dépense en aide
juridique de près de 100 millions de francs alors que cet argent
aurait pu financer des dépenses plus urgentes visant, par exemple,
à accélérer les délais de jugement.
4. La poursuite du renforcement des moyens en faveur de l'équipement
Les
crédits de paiement pour l'équipement (chapitre 57-60)
s'élèvent à 961,6 millions de francs en 1999, alors
qu'ils atteignaient 976 millions de francs en 1998.
Les autorisations de programme atteignent 673 millions de francs (contre
567 millions de francs en 1998) et se répartissent en deux grandes
enveloppes :
- 348 millions de francs seront affectés à la poursuite du
programme pluriannuel d'équipement des services judiciaires et
permettront d'engager les marchés de travaux de Besançon
(137 millions de francs) et Toulouse (290 millions de francs), le
solde de 2 millions de francs étant réservé au
parachèvement des opérations de Béthune et Rennes.
- 325 millions de francs gérés de manière
déconcentrée dont plus du tiers sera consacré aux
opérations de sécurité urgentes à Roanne,
Versailles, Lisieux, Nanterre, Saint-Etienne, Rouen, Belfort et Rodez. De
même, la mise en sécurité du palais de justice de Paris
restera un objectif prioritaire puisque 50 des 83 millions de francs
attribués à cette juridiction financeront les 14 points de
mise en sécurité d'urgence identifiés à l'issue des
études de schémas directeurs. 190 millions de francs
serviront à compléter le financement d'opérations de
rénovation et de restructuration du parc immobilier.
C. LES SERVICES PÉNITENTIAIRES
Cet
agrégat regroupe l'ensemble des moyens permettant à
l'administration pénitentiaire d'assurer l'exécution des
décisions pénales, à savoir :
- la prise en charge, au sein des établissements pénitentiaires,
des personnes en détention provisoire ou condamnées à une
peine privative de liberté ;
- la prise ne charge, par les comités de probation et d'assistance aux
libérés, des personnes relevant des actions de surveillance et
d'assistance en milieu ouvert.
Les crédits des services pénitentiaires devraient atteindre en
1999 7,42 milliards de francs, en progression de 5,8 % par rapport
à l'année dernière.
1. Une augmentation des crédits de personnel
Les
crédits de personnel progressent de 4,4 % pour atteindre
4,329 milliards de francs.
En 1999,
344 nouveaux emplois sont créés répartis
ainsi :
- 78 pour la réforme des services pénitentiaires d'insertion
et de probation ;
- 58 pour l'ouverture de nouveaux établissements ;
- 180 pour l'amélioration de la prise en charge des
détenus ;
- 28 pour la restructuration des métiers de la formation.
En outre, 44 emplois sont transférés des services
judiciaires vers les services pénitentiaires pour les
secrétariats des services d'insertion et de probation.
De plus, 18 emplois sont transformés pour répondre aux besoins
des services.
Au total, les effectifs budgétaires des services pénitentiaires
augmentent de 388 pour s'élever à 25.086 personnes, dont
19.987 personnels de surveillance.
Par ailleurs, une autorisation de 400 surnombres temporaires
d'élèves surveillants en 1998 a permis de mettre en place une
gestion plus dynamique des effectifs et de réduire les vacances
d'emplois. Cette autorisation s'ajoute à celle de 150 emplois de
personnels de surveillance en surnombre existant depuis 1984.
Votre rapporteur tient cependant à faire remarquer que la Cour des
comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour
1997, a critiqué la pratique des surnombres, peu conforme à
l'orthodoxie budgétaire.
En outre, c'est en matière de créations d'emplois dans
l'administration pénitentiaire que la loi de programmation a
été le moins bien exécutée
: alors que la
loi précitée avait prévu la création de
3920 emplois sur 5 ans, soit 784 emplois par an, seuls 1802 ont
été créés, soit 45,9 %. En conséquence,
votre rapporteur demandera des explications à ce sujet au Garde des
Sceaux lors de l'examen des crédits du budget de la justice en
séance publique.
12 millions de francs sont également consacrés à
des mesures en faveur du personnel de l'administration pénitentiaire et
sont ainsi répartis :
- 2 millions de francs à la création d'emplois
fonctionnels de directeur de service d'insertion et de probation ;
- 3 millions de francs pour la réforme des personnels
techniques et de l'enseignement professionnel ;
- 3,4 millions de francs pour la revalorisation de l'indemnité
pour charge pénitentiaire ;
- 0,24 million de francs pour la revalorisation de l'indemnité
allouée aux comptables pénitentiaires et 0,1 million de
francs pour celle des régisseurs des services d'insertion et de
probation ;
- 0,5 million de francs pour la revalorisation de la prime de
surveillance de nuit ;
- 0,65 million de francs pour la revalorisation de la prime de
responsabilité du personnel de direction et de certains personnels de
surveillance ;
- 0,7 million de francs pour la revalorisation de la prime des
personnels d'insertion et de probation ;
- 0,48 million de francs pour l'augmentation du taux de la prime de
sujétion spéciale du personnel d'insertion et de probation,
à compter du 1
er
juillet 1999.
2. Une progression des moyens matériels qui reste insuffisante
Les
crédits de fonctionnement augmentent de 2,3 % (contre 5,7 % en
1998) et s'élèvent à
2,625 milliards de
francs
. Ils sont répartis sur trois chapitres :
- le chapitre 34-05 (Dépenses d'informatique et de
télématique), dont les crédits augmentent de 10,3 %
par rapport à 1998 et s'élèvent à
40,87 millions de francs. Ils doivent financer le déploiement du
système de gestion informatisée des détenus en
établissement (GIDE) qui fonctionnait jusqu'à présent sur
des sites pilotes.
- le chapitre 34-23 (Services pénitentiaires, dépenses
de santé des détenus), qui dispose de 460,7 millions de
francs de crédits pour 1999, contre 470,9 en 1998, soit une baisse de
10 % ;
- le chapitre 37-98 (Services pénitentiaires, moyens de
fonctionnement et de formation) qui a à sa disposition
2,11 milliards de francs, soit une augmentation de 3,2 % par rapport
à 1998.
Cette augmentation des crédits traduit la
volonté du Garde des Sceaux, exprimée dans sa communication en
conseil des ministres du 8 avril 1998, d'améliorer
significativement les conditions matérielles des personnes
détenues.
Ainsi, 22,8 millions de francs doivent être consacrés
à l'approvisionnement gratuit des prisonniers en produits
d'hygiène corporelle, à l'augmentation du nombre de douches
hebdomadaires et à la préparation d'un petit-déjeuner
chaud.
En outre, 10 millions de francs seront consacrés au renouvellement
du mobilier des cellules et 12 millions de francs à la mise aux
normes des équipements techniques.
6 millions de francs seront destinés à l'amélioration
des quartiers recevant les mineurs, 10 millions de francs aux actions de
réinsertion et 2 millions de francs à la mise à
niveau des aumôneries nationales.
Toutefois, votre rapporteur tient à souligner, comme l'année
précédente, l'insuffisance des crédits de fonctionnement
mis à la disposition des établissements pénitentiaires.
Faute de dotations suffisantes, les travaux de maintenance et de modernisation
du parc ne sont pas effectués (renforcement de la
sécurité, amélioration des conditions de détention
et de travail du personnel), ce qui oblige à effectuer de manière
beaucoup trop fréquente de gros travaux de réparation
financés sur le titre V.
A cet égard, la comparaison des moyens affectés à
l'entretien dans les sites à gestion déléguée et
dans le parc classique est éclairante : alors que les
dépenses d'entretien immobilier des établissements du
" programme 4000 " s'élevaient à 110 francs par
mètre carré en 1997, celles dans le parc pénitentiaire
classique se montaient à seulement 54 francs par mètre
carré.
3. La poursuite du programme immobilier pénitentiaire
Pour
1999, les autorisations de programme atteignent 912 millions de francs,
contre 1.032 millions de francs en 1998 et les crédits de paiement
s'élèvent à 438 millions de francs, contre
284 millions de francs l'année précédente.
Une dotation de 696 millions de francs permettra la préparation de
la construction d'au moins trois établissements du programme
" 4.000 places " dont la localisation n'est pas encore
définitivement arrêtée. Ces constructions doivent permettre
de fermer certains établissements particulièrement
vétustes et de décharger les maisons d'arrêt connaissant un
taux de surpopulation carcérale très élevé. Ces
établissements fonctionneront en gestion déléguée
pour la restauration, l'entretien, le travail et la formation professionnelle.
120 millions de francs seront par ailleurs consacrés à la
rénovation du parc classique, 50 millions de francs financeront le
programme de réhabilitation de Fresnes, Fleury-Mérogis, la
Santé et les Baumettes.
Enfin, 20 millions de francs serviront aux travaux de câblage pour
le déploiement du système de gestion informatisée des
détenus en établissement (GIDE), 10 millions de francs
permettront l'aménagement de quartiers de détention pour les
mineurs et 16 millions de francs financeront la construction de trois
centres pour peines aménagées (CPA). Ces derniers prendront en
charge les personnes soumises au régime de la semi-liberté ainsi
que des condamnés à de très courtes peines dans la
perspective de développer des aménagements de peine pour aider
à l'insertion en milieu libre.
D. LES SERVICES DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
Les crédits des services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le projet de budget 1999 enregistrent une augmentation de 6,4 % pour atteindre 2,77 milliards en crédits de paiement .
1. Des moyens en personnel renforcés
Les
crédits affectés aux dépenses en personnel progressent de
5,6 % et s'élèvent à 1,13 milliard de
francs.
Le projet de budget pour 1999 prévoit la création de
150 emplois
, dont 113 sont des emplois d'éducateurs et de
chefs de service éducatif. En outre, 52 emplois seront
transformés pour répondre aux besoins des services.
En outre, une dotation de 5,28 millions de francs est inscrite dans le
projet de budget afin de revaloriser :
- l'indemnité horaire pour travaux le dimanche et les jours
fériés et l'indemnité de surveillance de nuit
(1,05 million de francs) ;
- le régime indemnitaire des éducateurs et des chefs de service
éducatifs (3,73 millions de francs) ;
- l'indemnité de responsabilité des directeurs (0,5 million
de francs).
2. La hausse des dépenses de fonctionnement
Les
crédits affectés aux dépenses de fonctionnement
s'élèvent à 1,53 milliard de francs, en progression
de 5,5 %.
Ces crédits recouvrent l'entretien et la rééducation des
mineurs (chapitre 34-33, 1,23 milliards de francs), les moyens de
fonctionnement des services du secteur public (chapitre 34-34,
297 millions de francs) ainsi que les réparations civiles (chapitre
37-91, 1,6 millions de francs).
La progression enregistrée en 1999 résulte essentiellement de la
majoration de 60,8 millions de francs des crédits destinés
à la rémunération des prestations du secteur associatif
habilité et de l'augmentation de 15 millions de francs de la
dotation pour le renforcement des prises en charge par le secteur public aussi
bien en milieu ouvert qu'en hébergement ou encore pour l'accueil de jour.
Toutefois, pour mieux appréhender concrètement les
dépenses de fonctionnement du service public de la protection judiciaire
de la jeunesse, il faut inclure les crédits du chapitre 46-01 (soit
15,7 millions de francs) qui regroupe les subventions et interventions
diverses.
3. Les mesures en faveur de l'équipement
Le
projet de loi de finances prévoit 84 millions de francs d'autorisations
de programme (contre 76 millions de francs en 1998) et 97 millions de
francs de crédits de paiement (contre 71 millions de francs
l'année dernière).
Les autorisations de programme permettront notamment de financer :
- la création de 2 nouveaux foyers d'hébergement de 18
places à Melun-Sénart et à Mulhouse ;
- la rénovation et l'adaptation d'hébergements anciens
existants à Paris, dans le Nord, le Pas-de-Calais, le Rhône et les
Bouches-du-Rhône ;
- a poursuite des créations de places d'hébergement
engagées ultérieurement.
E. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
Le
budget des juridictions administratives (le Conseil d'Etat, cinq cours
administratives d'appel et trente-cinq tribunaux administratifs) devrait
atteindre, en 1999,
803 millions de francs
en dépenses
ordinaires et en crédits de paiement,
soit une progression de
9,21 %
par rapport à l'année dernière.
Toutefois, cette augmentation doit être relativisée car elle
inclut le transfert de crédits du ministère de l'économie,
des finances et de l'industrie jusqu'à présent financés
par fonds de concours. A structure constante, les crédits des
juridictions administratives n'augmentent que de 4,9 %.
1. La poursuite de l'augmentation des effectifs
Les
dépenses en personnel sont en hausse de 9 % et atteignent
603,2 millions de francs.
61 emplois supplémentaires
, dont 21 magistrats, sont
inscrits au projet de budget 1999 en application de la loi de programme pour la
justice. A ces créations d'emplois s'ajoute une autorisation de
recrutement en surnombre temporaire de 15 magistrats.
En outre, 32 millions de francs abondent les crédits du
chapitre 31-52 au titre du transfert sur le budget de la justice des
indemnités versées par le ministère de l'économie,
des finances et de l'industrie aux membres du Conseil d'Etat.
En revanche, les crédits de fonctionnement sont en diminution de
9,3 %. Plus de 90 % des crédits réservés
aux mesures nouvelles (chapitre 34-05) seront consacrés à la mise
en place d'un nouvel outil informatique.
2. Des crédits d'équipement également en augmentation
Les
crédits du titre V s'élèvent à
51 millions de francs en autorisations de programme (contre
40 millions de francs en 1998) et 51 millions de francs en
crédits de paiement (contre 44 millions de francs en 1998).
Ces crédits d'équipement permettront de restaurer et de
moderniser le Palais Royal, de financer la cour administrative d'appel de Douai
et les travaux dans les tribunaux administratifs de Lille, Rennes et Melun.
CHAPITRE II
LES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA
JUSTICE
I. LES DYSFONCTIONNEMENTS LIES A L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS
A. LA POURSUITE DE LA TENDANCE À LA HAUSSE DU NOMBRE D'AFFAIRES EN STOCK MALGRÉ LA BAISSE DU NOMBRE D'AFFAIRES NOUVELLES ENREGISTRÉES
Sauf
pour les conseils de prud'hommes, toutes les juridictions ont enregistré
une baisse du nombre d'affaires dont elles ont été saisies. Pour
autant, seule la Cour de cassation voit diminuer le stock d'affaires qu'elle
est amenée à juger.
A cet égard, votre rapporteur s'étonne que les seules
statistiques à la disposition de la Chancellerie concernent
l'activité des juridictions en 1997, alors que la discussion du budget
intervient en décembre 1998. Cela signifie que
l'outil informatique
ne permet pas d'élaborer des tableaux de bord mensuels sur
l'activité des juridictions et d'établir des comparaisons en
glissement annuel
.
1. la Cour de cassation
La Cour
de cassation a été saisie de 19.987 affaires nouvelles contre
20.275 en 1996, soit une baisse modérée de 1,4 %. En dix
ans, le nombre d'affaires nouvelles a augmenté de 8,2 %.
Malgré la diminution du nombre d'affaires terminées (20.103
contre 20.420 en 1996), la Cour de cassation parvient à poursuivre la
légère diminution du stock d'affaires entamée en
1995.
2. Les cours d'appel
Les
cours d'appel ont enregistré 213.766 affaires nouvelles, soit une
baisse de 2,5 % par rapport à 1996. Ceci confirme le
ralentissement observé dès 1996, qui faisait suite à une
croissance ininterrompue du
nombre d'affaires nouvelles pendant
10 ans de 49,5 %.
Le nombre d'affaires terminées a continué de croître mais
à un rythme plus lent que les cinq dernières années et ne
permet pas d'empêcher une nouvelle augmentation du stock d'affaires en
cours (315.522 contre 307.171 en 1996).
3. Les tribunaux de grande instance
Les
tribunaux de grande instance ont été saisis de
644.900 affaires nouvelles, soit une baisse de 4,6 % par rapport à
1996. Il s'agit d'une rupture puisqu'
en dix ans, le nombre d'affaires
civiles nouvelles dont ont été saisis les tribunaux de grande
instance a connu une hausse ininterrompue (+57,6 % de 1986 à 1996),
avec une accélération depuis 1993
. En effet, la
réforme relative au juge des affaires familiales a
transféré un nombre important de contentieux du tribunal
d'instance vers le tribunal de grande instance. En outre, la création du
juge de l'exécution a provoqué de nouveaux contentieux de
l'exécution.
La diminution de 39 % des procédures contentieuses de
l'exécution est en grande partie responsable de cette évolution.
Le nombre d'affaires terminées baisse de 2,8 % et
s'élève à 640.476. Cette diminution marque là aussi
une rupture même si elle s'inscrit dans une tendance à la
décélération observée depuis 1995.
Le stock d'affaires en cours progresse de moins de 1% mais il atteint son
niveau le plus haut depuis 10 ans.
4. Les tribunaux d'instance
Le
nombre d'affaires nouvelles devant les tribunaux d'instance est en baisse
continue depuis 1993 et s'élève, en 1997, à 469.444. Cette
diminution, modérée en 1996, se prolonge de façon plus
marquée en 1997 (-2,9 %) et s'explique en grande partie par
l'achèvement du transfert du contentieux du surendettement des
particuliers vers les commissions de surendettement.
Le nombre d'affaires terminées a chuté parallèlement de
2,3 %. Le nombre d'affaires terminées en 1997 étant
inférieur à celui des affaires nouvelles, il en résulte
une nouvelle augmentation de 6,2 % du stock d'affaire en cours, qui
atteint en fin d'année son niveau le plus élevé depuis dix
ans.
5. Les conseils de prud'hommes
Le
nombre d'affaires nouvelles enregistrées en 1997 devant les conseils de
prud'hommes s'élève à 170.758, soit une progression de
1,7 %. On se rapproche ainsi des niveaux d'activité de 1992 et
1993, après une période de baisse marquée par
différents événements comme les grèves de
décembre 1995.
Par ailleurs, le nombre d'affaires terminées a également
augmenté en 1997 de 4 %, renversant ainsi la tendance
observée ces deux dernières années. Toutefois, le flux
d'affaires terminées est encore inférieur à celui des
affaires nouvelles, le stock d'affaires en cours augmente donc sensiblement
(+2,6 %).
6. Les tribunaux de commerce
Les
statistiques fournies par la Chancellerie sur les activités des
tribunaux de commerce sont beaucoup moins précises. Ainsi, votre
rapporteur n'a pu se procurer que des informations sur le nombre des affaires
terminées. Ce dernier est en diminution de 7,6 % par rapport
à 1996 et s'établit à 248.988.
Votre rapporteur regrette la caractère partiel de ces renseignements
qui limite la mission d'information du Parlement et demandera des explications
au Garde des Sceaux sur l'absence de statistiques plus précises.
En outre, votre rapporteur tient à rappeler que dans son rapport sur la
gestion administrative et financière des cours et tribunaux
administratifs,
la Cour des comptes a critiqué la
médiocrité et le manque de fiabilité des statistiques sur
l'activité des juridictions.
Celle-ci a fait remarquer que
"
si les données propres à une juridiction pouvaient
être généralement être comparées d'une
année à l'autre, il n'en va pas de même entre plusieurs
juridictions. Cette critique s'applique à toutes les juridictions, mais
sont particulièrement visés les conseils de prud'hommes et les
tribunaux de commerce. Les notions retenues et leurs modalités de calcul
sont entachées de trop d'incertitude pour être
utilisables.
"
Votre rapporteur ne peut que confirmer les conclusions de la Cour des
comptes.
B. DES DÉLAIS EXCESSIFS POUR LE RÈGLEMENT DES AFFAIRES CIVILES
Pour
les cours d'appel, la durée des affaires terminées augmente en
1997 d'un demi mois après une hausse de près d'un mois en 1996 et
s'établit à 16,3 mois.
Ce chiffre s'éloigne de
plus en plus de l'objectif fixé par le programme pluriannuel pour la
Justice (12 mois).
Il faut remonter à 1988 pour retrouver un
délai aussi élevé de règlement des affaires.
Pour les tribunaux de grande instance, la durée moyenne de traitement
des affaires s'établit à 9,1 mois
, soit une durée
légèrement supérieure à celle observée sur
les trois dernières années. Elle reste assez
éloignée de l'objectif de 6 mois fixé par le
programme pluriannuel pour la Justice.
Pour les tribunaux d'instance, la durée moyenne de traitement des
affaires se maintient à 5 mois
. L'objectif de trois mois
fixé par le programme pluriannuel pour la Justice est donc loin
d'être atteint.
En revanche, pour les tribunaux de commerce, la durée de traitement des
affaires est plus courte qu'en 1996, elle s'établit à
5,8 mois comme en 1994.
De même, en ce qui concerne les affaires traitées par les
tribunaux des prud'hommes, la durée moyenne s'est plutôt
améliorée puisqu'elle est passée de 10,1 mois en
1995 à 9,4 mois en 1996.
Ces délais peuvent s'apparenter à de véritables
dénis de justice
, surtout pour les procédures qui, par leur
nature, requièrent un traitement rapide (appels en matière de
référé, affaires familiales, appels des décisions
du juge de l'exécution, affaires prud'homales, affaires de presse..).
Votre rapporteur tient à rappeler que le Garde des Sceaux s'est
engagé à réduire les délais de jugement des
affaires. Ainsi, la loi organique du 24 février 1998 a
autorisé l'organisation d'un concours de 100 postes de magistrats
en 1998 et 1999. En outre, des magistrats à titre temporaire
supplémentaires (16 en équivalent temps plein) devraient
renforcer les effectifs des juridictions.
Il surveillera donc l'impact de
l'augmentation des effectifs sur les délais de jugement.
C. L'ABSENCE D'INDICATEURS DE GESTION
Le
rapport précité de la Cour des comptes recommande la mise en
place d'instruments de mesure afin d'améliorer la gestion des
juridictions. En outre, ces indicateurs de gestion doivent se baser sur des
rapports significatifs. Ainsi, pour les conseils de prud'hommes, la Cour des
comptes estime que les indicateurs les plus significatifs sont d'une part le
nombre d'affaires terminées, d'autre part, le nombre d'heures
indemnisables déclarées pour l'année et non le nombre
d'heures effectivement indemnisées dans l'année, en raison des
décalages souvent importants notés dans les paiements.
Les indicateurs les plus utiles sont en conséquence le nombre d'heures
déclarées par affaire terminée, ou encore le nombre
d'affaires terminées par conseiller ou par fonctionnaire. Selon la Cour
des comptes, ils permettent de comparer le coût du service public de la
justice. Celle-ci a pu ainsi constater que le nombre d'heures
déclarées par affaire terminée variait en 1995 du simple
au double dans le ressort d'Aix-en-Provence entre les conseils de prud'hommes
de Fréjus et d'Arles. De même, le coût direct par affaire
terminée au conseil de prud'hommes de Créteil était, en
1996, supérieur de 75 % au coût du conseil de prud'hommes de
Boulogne-Billancourt.
Toutefois, votre rapporteur souhaite relativiser les remarques de la Cour des
comptes qui n'intègre aucun élément qualitatif dans ses
calculs. Or, selon la difficulté des affaires, le nombre d'heures par
affaire terminée peut varier considérablement.
En revanche, il partage les critiques de la Cour des comptes dans son
rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1997 concernant
l'explosion des dépenses de vacation, notamment celles afférentes
aux conseils des prud'hommes.
En effet, depuis plusieurs années, la Chancellerie est confrontée
à l'augmentation considérable des dépenses d'indemnisation
des conseillers prud'hommes (chapitre31-96, autres rémunérations
principales) que ne justifie pas la progression du contentieux traité
par ces juridictions qui reste fort modérée.
Certes, diverses actions ont été entreprises pour essayer de
maîtriser l'évolution des dépenses d'indemnisation des
conseillers prud'hommes : sensibilisation du Conseil supérieur de
la prud'homie ; suivi, par conseil de prud'hommes, des dépenses
d'indemnisations constatées et analyse de celles-ci au regard de
l'activité en termes d'affaires terminées...
Toutefois, il
semble que ces mesures aient montré leurs limites et votre rapporteur
partage le souci de la Cour des comptes de refondre le dispositif
d'indemnisation des conseillers prud'hommes.
Selon les informations obtenues par votre rapporteur, la Chancellerie envisage
une réforme du régime d'indemnisation des frais de
déplacement des conseillers prud'hommes qui devrait s'accompagner d'une
actualisation des taux d'indemnisation applicables ainsi que de l'adoption
d'une régime d'indemnisation forfaitaire de l'activité
prud'homale.
II. LES DYSFONCTIONNEMENTS LIÉS À LA GESTION DU PERSONNEL
A. DES RECRUTEMENTS EXTÉRIEURS EN NOMBRE INSUFFISANT
L'admission par concours à l'Ecole nationale de la
magistrature constitue la voie principale de recrutement des magistrats.
Toutefois, il existe d'autres modes de recrutement qui restent cependant trop
peu utilisés.
Ainsi en est-il du recrutement par intégration indirecte ouvert aux
personnes titulaires d'un diplôme du niveau de la maîtrise et
justifiant d'une certaine durée d'exercice professionnel les qualifiant
particulièrement pour exercer les fonctions de magistrats. Les
nominations interviennent après avis conforme de la commission
d'avancement. Or, depuis 1993, le nombre de candidats admis par
intégration directe a fortement chuté. Alors qu'ils
étaient 66 en 1997, leur nombre s'est réduit à 43 en 1993,
13 en 1994, 8 en 1995, 10 en 1996 et 15 en 1997.
De même, la loi organique du 19 janvier 1995 a introduit, sur proposition
du Sénat, des dispositions permettant le recrutement de magistrats
exerçant à titre temporaire. Ce mode de recrutement a
été instauré pour permettre l'exercice de certaines
fonctions judiciaires par des magistrats non professionnels, qui continuent
l'exercice d'une activité professionnelle concomitamment à
l'exercice de fonctions judiciaires, sous réserve de la
compatibilité de ces activités. Les magistrats recrutés
dans ce cadre sont nommés pour une durée de 7 ans non
renouvelable. Leur nomination intervient après avis conforme de la
commission d'avancement. Comme pour les personnes intégrées
directement, le nombre de magistrats temporaires est peu
élevé : 8 en 1993, 2 en 1994, 4 en 1995, 3 en 1996 et 2 en
1997.
De deux choses l'une :ou les candidats sont en nombre insuffisant ou ne
présentent pas les qualités exigées, ou les services
judiciaires s'ingénient à faire en sorte que la réforme
voulue par le législateur reste lettre morte.
En réalité, le recrutement parallèle semble freiné
par le " malthusianisme " de la commission d'avancement dont les
critères de sélection sont tellement sévères qu'ils
aboutissent à rejeter la plupart des candidats, alors même que
beaucoup sont de valeur.
Pourtant,
le recrutement de magistrats en dehors de la voie classique
représentée par l'Ecole nationale de la magistrature doit
être encouragé
afin d'" aérer " le corps
des magistrats
et d'éviter le développement d'un corporatisme
lié à un mode de recrutement exclusif. A cet égard, votre
rapporteur tient à souligner que
tous les grands corps de l'Etat ont
recours au recrutement au tour extérieur. Il propose donc
d'étendre cette procédure à la magistrature.
En revanche, votre rapporteur se félicite de l'instauration, à la
demande du Sénat, par la loi du 8 février 1995 relative à
l'organisation des juridictions, d'assistants de justice qui permettent aux
magistrats de se consacrer à leurs fonctions en les assistant dans leurs
recherches et en assurant les travaux préparatoires à la
décision. Le projet de loi pour 1999 prévoit le recrutement de
400 assistants de justice supplémentaires, soit une augmentation de
70 % du nombre d'assistants qui sera ainsi porté à 950.
Votre rapporteur tient à ajouter que les nombreux magistrats avec qui il
a pu s'entretenir sont unanimes pour reconnaître la qualité du
travail fourni par les assistants. Cette réforme est cependant
contestée par les organisations professionnelles des
greffiers.
B. LE MANQUE DE TRANSPARENCE DES EFFECTIFS
La seule
prise en compte des effectifs budgétaires ne permet pas
d'appréhender les effectifs réellement au service de la justice.
En effet, il faut tenir compte à la fois des vacances de postes et des
mises à disposition, mais également des surnombres.
Les vacances de postes
En octobre 1997, l'Union syndicale des magistrats publiait une étude sur
les postes vacants et parvenait à un chiffre de 432.
Plusieurs raisons expliquent le nombre élevé de vacances de
postes.
D'une part, les magistrats du siège sont inamovibles. En
conséquence, si un poste se libère mais qu'aucun candidat ne se
déclare pour l'occuper, le poste restera vacant. Le seul moyen rapide
pour le pourvoir est de le proposer aux auditeurs en fin de scolarité de
l'Ecole nationale de la magistrature ou aux magistrats qui viennent
d'être intégrés ou qui ressortent du concours exceptionnel.
D'autre part, les vacances de postes sont liées aux congés
divers, notamment de maternité, accordés aux magistrats qui
occupent cependant toujours leur emploi. 59 vacances de ce type
étaient recensées en octobre 1997.
Enfin, il faut tenir compte des 57 magistrats mis à disposition et
des 18 magistrats bénéficiant d'une décharge syndicale,
soit 75 personnes occupant des emplois mais ne remplissant pas en
réalité leurs fonctions.
Or, les vacances de postes peuvent entraver le bon fonctionnement des
juridictions dont les effectifs sont de facto réduits. Ainsi, la charge
de travail des magistrats est accrue et les permanences auxquels ils sont
soumis ont tendance à se multiplier.
Votre rapporteur tient à faire remarquer que les mises à
dispositions ne touchent pas seulement les magistrats, mais également
les greffiers et les fonctionnaires. Ainsi, selon les informations obtenues par
votre rapporteur auprès de la Chancellerie, 82 agents de
catégorie B et 239 agents de catégorie C des
services déconcentrés sont mis à la disposition de
l'administration centrale.
Votre rapporteur regrette le caractère permanent de certaines mises
à disposition qui a deux inconvénients :
- les mises à disposition cachent les réels besoins de
l'administration. En effet, il s'agit de répondre à des besoins
structurels. A cet égard, l'exemple des secrétaire
généraux est révélateur. Les premiers
présidents ont vu leurs tâches se multiplier suite à la
déconcentration des crédits et au transfert des charges qui en a
résulté. Pour pouvoir assumer les nouvelles fonctions, ils se
sont entourés d'un secrétaire général chargé
de les assister dans la gestion de leur juridiction. Or, la
référence au secrétaire général ne figure
dans aucun texte ou circulaire si ce n'est pour les juridictions parisiennes.
Votre rapporteur demande donc que cette pratique indispensable au bon
fonctionnement des juridictions soit officialisée et que des postes de
secrétaires généraux soient créés. De
manière plus générale, il estime indispensable de recenser
les postes remplis par des mises à disposition et de leur donner une
traduction budgétaire s'ils répondent à des besoins
permanents
;
- les mises à disposition donnent une vision tronquée de
l'activité des services qu'elles affectent. En effet, celles-ci reposent
sur le principe que la juridiction concernée peut se passer d'une partie
de son effectif pour exercer ses missions sans que la qualité de son
travail s'en ressente. Votre rapporteur refuse cette logique et estime que soit
ladite juridiction a réellement besoin des effectifs budgétaires
prévus et dans ce cas, il est anormal qu'elle soit privée d'une
partie de ses effectifs, soit ses effectifs peuvent être revus à
la baisse et alors il faut officiellement diminuer ses ressources en personnel.
L'existence de surnombres
Le manque de transparence des effectifs budgétaires de la justice est
encore aggravé par l'existence des surnombres .Dans son rapport sur
l'exécution des lois de finances pour l'année 1997, la Cour des
comptes distingue trois types de surnombres :
- les surnombres " légaux ", qui s'expliquent par le
maintien en activité de certains magistrats admis à faire valoir
leurs droits à la retraite, qui n'occupent pas d'emploi
budgétaire mais travaillent effectivement dans les juridictions. Au 30
juin 1998, il en existe 152 ;
- prévus par la loi de programme et gagés par des postes
vacants. En 1999, le Conseil d'Etat comptera 71 surnombres de magistrats
à titre temporaire ;
- les surnombres " autorisés ", non compris dans les
effectifs budgétaires, qui concerne l'administration
pénitentiaire. Ainsi, depuis 1993, celle-ci dispose de 150 emplois en
surnombre de surveillants. En outre, compte tenu de
l'accélération des départs du personnel
pénitentiaire de surveillance générée par
l'abaissement à 55 ans des limites d'âges, le
ministère de la justice a été autorisé, pour
prévenir une désorganisation des établissements, à
recruter en 1998 et 1999 des élèves surveillants au-delà
du nombre d'emplois budgétaires (150) réservés à
cette catégorie. Il en résultera, en 1999, une situation
d'élèves-surveillants en surnombre variables au cours de
l'année compte tenu de la succession des promotion pour la formation de
8 mois : 400 en début d'année, 500 en milieu
d'année et 300 en fin d'année. Ces surnombres, qui seront
résorbés au moment de la nomination des agents en qualité
de surveillant dans les établissements, permettront de pourvoir
l'intégralité des emplois vacants.
Votre rapporteur ne peut que critiquer la pratique de ces surnombres qui nuit
à la transparence du budget et sert à tourner les
rigidités liées au statut du personnel du service public de la
justice.
C. LES DIFFICULTÉS LIÉES AU RETOUR DE DÉTACHEMENT
Votre
rapporteur défend l'ouverture du corps de la magistrature sur le monde
extérieur, à la fois par le recours au tour extérieur mais
également par le développement des détachements de
magistrats dans d'autres administrations ou auprès d'organismes
nationaux ou internationaux.
Or, les initiatives dans ce sens sont freinées par les
difficultés que les magistrats peuvent rencontrer pour être de
nouveau affectés dans leur corps d'origine. En effet, ces magistrats
sont soumis aux mêmes règles de nominations que leurs
collègues. Avant d'être nommés dans un poste, il faut donc
qu'ils figurent sur le projet de nomination de la Chancellerie (ou du Conseil
supérieur de la magistrature, selon le poste), puis que la transparence
soit publiée. Après l'expiration du délai de recours
contre la proposition de nomination, celle-ci doit être examinée
par le Conseil supérieur de la magistrature. Un nouveau délai
intervient donc avant la nomination définitive. L'ensemble de la
procédure prend donc plusieurs mois. Or, tant que le magistrat en
détachement n'est pas nommé définitivement, il ne touche
aucune rémunération. Si le détachement s'est
terminé de manière anticipée ou sans préavis, le
magistrat peut ne pas avoir eu le temps d'organiser son retour et il se
retrouve alors sans poste ni salaire.
Une telle situation n'est pas acceptable et votre rapporteur plaide pour une
révision des textes de telle sorte que le magistrat puisse être
rémunéré en attendant sa nouvelle
nomination.
CHAPITRE III
LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE
PARIS : LES SPÉCIFICITÉS ET LES BESOINS D'UNE JURIDICTION
HORS DU COMMUN
Votre rapporteur a décidé cette année de consacrer son étude thématique au Tribunal de grande instance de Paris. Deux raisons expliquent ce choix. D'une part, certaines divergences entre la Chancellerie d'une part et le Président du tribunal ainsi que le Procureur de la République d'autre part étaient apparues sur l'évaluation de l'activité du Tribunal de grande instance de Paris. D'autre part, alors que chacun se félicite de l'augmentation des crédits du budget de la justice, il apparaît utile de voir quel est l'impact réel de cette hausse des crédits sur une juridiction donnée. C'est pourquoi votre rapporteur s'est attaché à examiner les caractéristiques du Tribunal de grande instance de Paris ainsi que ses besoins.
I. LES SPÉCIFICITÉS DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
La
Chancellerie avait publié, le 23 mars 1998, dans une note relative
à la localisation des emplois de magistrats, de fonctionnaires et
d'assistants de justice, les chiffres et les classements retenus comme
critères pour apprécier la charge des juridictions et
procéder à la répartition des emplois.
Pour évaluer la productivité des juridictions, tout le
contentieux était globalisé, quelle que soit la matière,
et étaient retenus comme critères :
- le nombre d'affaires civiles et correctionnelles nouvelles (flux),
- le nombre d'affaires civiles et correctionnelles terminées
(productivité),
- le nombre d'affaires civiles en cours (stock).
Il en résultait le tableau suivant.
Ainsi,
la productivité du Tribunal de grande instance de Paris apparaissait
inférieure de 40 % à la moyenne nationale et la comparaison
des stocks révélait une situation beaucoup plus difficile dans
les tribunaux de province qu'à Paris.
Cette analyse a été contestée par le Président et
le Procureur de la République du tribunal qui ont estimé que si
ces chiffres constituent des éléments d'appréciation du
fonctionnement d'une juridiction, en particulier sur la durée pour un
même tribunal, ils ne permettent pas de comparer des tribunaux lorsque la
structure de leurs contentieux est différente et que ces chiffres ne
fournissent aucun élément qualitatif sur le travail
effectué.
Votre rapporteur défend les arguments du Président et du
Procureur de la République du Tribunal de grande instance de paris et
entend démontrer que ce dernier se caractérise par de nombreuses
spécificités.
A. DES SPÉCIFICITÉS EN MATIÈRE DE COMPÉTENCE POUR LE TRAITEMENT ET LE JUGEMENT DES DOSSIERS
1. Une compétence quasi nationale du Tribunal de grande instance de Paris dans certains domaines
Au cours
des dernières années, la juridiction a progressivement acquis, en
droit ou en fait, une compétence quasi nationale dans de nombreux
domaines.
Ainsi, en matière de terrorisme
, la compétence nationale
du TGI de Paris a été reconnue par la loi du 9 septembre 1986. Ce
regroupement des procédures a nécessité l'organisation
d'audiences correctionnelles et d'audiences criminelles composées
exclusivement de magistrats professionnels.
En 1997, 17 affaires de terrorisme corse, basque, turc et islamiste ont
nécessité 87 audiences entières. En 1998, avec 8 dossiers,
dont l'affaire " Chalabi " regroupant 138 prévenus, ont
été tenues ou sont déjà prévues 65 audiences
entières.
De même,
les problèmes collectifs de santé publique
relèvent pour la plupart du TGI de Paris, qu'il s'agisse du sang
contaminé, avec les " audiences fleuves " de
l'été 1992 et les 100 tomes actuellement instruits, de
l'amiante, ou encore de la " vache folle ".
Paris est également le lieu privilégié
des affaires
à caractère politique ou médiatique,
comme celles des
écoutes de l'Elysée, des fichiers électoraux parisiens
etc. En 1997, 28 affaires de " presse " ont , à elles seules,
nécessité la tenue de 31 audiences entières.
Par ailleurs, c'est à Paris qu'est concentrée la majeure partie
de la
délinquance économique
, concernant le droit du
travail, la publicité mensongère, les contrefaçons. Au
cours de l'année 1997, 13 affaires ont nécessité 21
audiences complètes, tandis qu'en 1991 et 1992 le procès des
fausses factures d'Ile-de-France avait à lui seul occupé plus de
60 audiences.
Enfin, en matière financière, la juridiction parisienne a une
compétence quasi nationale, qu'il s'agisse de la bourse, des banques, de
corruption, d'abus de biens sociaux, d'infractions concernant les
marchés publics...
2. Un contentieux particulièrement complexe
En ce
qui concerne les affaires civiles, la spécificité du contentieux
parisien réside dans le fait que les affaires familiales
représente 19 % des affaires civiles du TGI de Paris, alors que la
moyenne nationale s'élève à 39 %. Le contentieux
général représente 36 % contre 24 % en moyenne
nationale. Enfin, le contentieux des référés
constitue 27 % du contentieux du TGI de Paris contre 15 % en moyenne
nationale.
Il apparaît donc que c'est la répartition des affaires par type de
contentieux et, partant, de complexités diverses, qui explique en partie
qu'à Paris moins d'affaires soient globalement traitées par
magistrat qu'en province.
En 1998, le TGI de Paris traite environ 80 % des affaires de brevets en
France
. Or, chaque litige relatif à un brevet d'invention, que ce
soit au fond ou en référé-interdiction, implique pour les
magistrat un travail extrêmement lourd. A l'évidence, un jugement
rendu en matière de brevet n'équivaut pas à un autre
jugement.
Il en va de même de la plupart des affaires de propriété
littéraire et artistique
en raison soit de la difficulté des
points de droit nationaux et internationaux qu'elles posent, soit de la
contestation élevée sur le caractère contrefait de
l'oeuvre invoquée, impliquant de lire ou de visionner non seulement les
oeuvres en cause pour une nécessaire comparaison, mais encore d'autres
oeuvres antérieures.
Le contentieux de la construction
, également fort complexe, se
déroule essentiellement devant le TGI de Paris, dans le ressort duquel
la plupart des compagnies d'assurance ont leur siège.
Les litiges qui sont soumis à la 9
ème
chambre civile,
spécialisée en droit bancaire, sont en général
d'une ampleur financière notable ou concernent des montages financiers
sophistiqués, organisés depuis la place financière de
Paris.
On pourrait encore citer le contentieux fiscal des droits d'enregistrement, le
contentieux successoral, le contentieux de l'immobilier etc... dont la
complexité n'est plus à démontrer.
B. DES SPÉCIFICITÉS EN MATIÈRE DES EFFECTIFS RÉELLEMENT CONSACRÉS À L'ACTIVITÉ JURIDICTIONNELLE
1. L'affectation d'une partie non négligeable des magistrats aux tâches d'administration
En
raison de la taille du Tribunal de Paris qui a 337 postes
budgétaires de magistrats du siège et 778 postes
budgétaires de fonctionnaires du greffe, le Président du Tribunal
doit être entouré d'une équipe de collaborateurs pour
administrer sa juridiction.
La Présidence doit consacrer d'importants moyens pour coordonner les
différents secteurs d'activité en liaison avec l'important
barreau parisien, l'ensemble des professions judiciaires et les nombreuses
instances administratives compte tenu du statut particulier de cette ville,
à la fois commune, département et capitale.
Aux côtés immédiats du Président se trouvent trois
magistrats : un secrétaire général, un secrétaire
général adjoint et un vice-président chargé de
mission, ce dernier s'occupant spécialement de la mise en place de la
chaîne civile en matière informatique et assistant le
Président tant au sein du tribunal que dans les relations du tribunal
avec l'extérieur et bénéficiant de l'aide d'un magistrat
affecté dans une chambre civile.
Le TGI est divisé en trois secteurs : civil, pénal,
administratif, ayant chacun à sa tête un Premier
vice-président chargé d'une mission d'organisation et
d'administration dans son secteur. Un vice-président est affecté
à mi-temps à la direction et au contrôle de la distribution
des affaires entre les 28 sections des 11 chambres civiles et
à l'organisation de la Chambre des Urgences. Par ailleurs, un juge
d'instruction travaille aux côtés du premier vice-président
chargé du service pénal afin de l'aider dans l'administration des
cabinets d'instruction.
Il convient de noter également le rôle administratif joué
par le vice-président responsable du tribunal pour enfants et par celui
qui a la charge des affaires familiales ; compte tenu de la taille de leur
service, ces vice-présidents ont des responsabilités assez
compatibles à celles d'un président de juridiction.
La taille du Tribunal de grande instance de Paris conduit également
à affecter des magistrats du parquet à des tâches
administratives et de gestion d'intérêt commun très
diverses.
La participation nécessairement active du secrétariat
général du parquet au fonctionnement de la juridiction a conduit,
de façon permanente, à renforcer le poste de secrétaire
général par un second magistrat prélevé sur
l'effectif des sections.
La montée en puissance des outils informatiques commande l'affectation
à temps plein de magistrats aux cellules informatiques. Ainsi, un
parquetier assure la responsabilité de la cellule informatique
pénale du tribunal.
Le volume du contentieux pénal traité par Paris conjugué
à l'insuffisante dotation du parquet en cadres A
expérimentés et formés à la gestion d'unités
importantes, impose de confier à des magistrats la direction de
services, qui dans d'autres juridictions, ne comprennent que des
fonctionnaires. Tel est le cas du service de la 13ème section du parquet
au sein de laquelle deux magistrats dirigent le service du bureau d'ordre et de
l'audiencement correctionnel qui compte 75 fonctionnaires. Cette
équipe doit faire face à l'enregistrement de quelques
300.000 procès-verbaux par an et à l'organisation de
90 audiences correctionnelles hebdomadaires.
La multiplication des investissements nouveaux demandés à
l'institution dans des domaines aussi divers que l'aide à l'accès
au droit, le développement des emplois de proximité, la mise en
place et le développement d'outils de communication institutionnels
amène également les magistrats du parquet à se consacrer
pour une part importante de leur activité à des tâches
administratives d'un nouveau genre.
Ainsi, si l'on tient compte en 1997 et 1998 du nombre de magistrats
nommés au parquet de Paris mais qui n'y consacrent pas leur
activité, c'est environ 18 % de l'effectif du parquet qui ne
concourt pas au traitement des procédures civiles, pénales et
commerciales.
Il convient en outre de rappeler que l'organisation du parquet de Paris en
sections très spécialisées, qui sont les correspondantes
attitrées de sections de l'instruction et de chambres correctionnelles
également spécialisées, conjuguée à
l'éclatement géographique de ces différentes unités
sur l'ensemble du site du palais de justice, limite considérablement les
possibilités de mouvements non préparés de magistrats
d'une section à une autre.
Enfin, il doit être rappelé que l'effectif budgétaire du
parquet de Paris a connu une baisse puisque de 112 magistrats en 1987, il n'est
plus que de 109 en 1998.
2. L'importance des mises à disposition
Comme
l'a fait remarquer votre rapporteur lors de l'examen des crédits
affectés aux services judiciaires, le Tribunal de grande instance de
Paris est particulièrement affecté par les mises à
disposition, que ce soit au niveau des magistrats du siège, du parquet
ou encore des greffiers. Ainsi, sur 337 postes budgétaires de magistrats
du siège, 19 sont en réalité ne sont pas occupés
suite à une mise en disposition.
En ce qui concerne le parquet, de nombreux magistrats sont mis à
disposition d'autres entités, et notamment à ce jour au
bénéfice :
- des secrétariats généraux de la Cour d'Appel de
Paris et de la Cour de Cassation : six magistrats du parquet sont dans cette
situation ;
- des juridictions ou administrations, les plus diverses : services du premier
ministre, ministère des affaires étrangères,
autorités administratives indépendantes, parquet
général de la Cour des Comptes...; six magistrats du parquet sont
à ce jour dans cette situation.
Cette pratique gèle de façon constante de dix à douze
postes de magistrats du parquet.
Cette ponction sur les effectifs du parquet de Paris est
particulièrement contestable en ce qu'elle se fait fréquemment
avec un préavis limité voire inexistant et sans que le
remplacement du magistrat affecté dans un autre service soit
préalablement assuré.
Lorsqu'ils concernent une section
très spécialisée ou un magistrat en charge de dossiers
sensibles et complexes, ces départs précipités perturbent
considérablement l'organisation du travail des sections et celle du
parquet dans son ensemble.
En outre, votre rapporteur rappelle que le parquet de Paris supporte en
permanence un équivalent plein temps de quatre postes de magistrats
bénéficiant de décharges d'activité pour des motifs
divers : élection au Conseil Supérieur de la Magistrature ou
à la commission d'avancement, mandats syndicaux, congé formation,
mi-temps familial...
Enfin, sur 385 greffiers, 50 sont en réalité mis à
disposition auprès de la Chancellerie.
II. DES BESOINS À SATISFAIRE
Alors
que le budget de la justice pour 1999 est en hausse de 5,6 %, les
ressources du TGI de Paris ne répondent qu'imparfaitement aux
spécificités de cette direction.
Suite aux entretiens avec le président et le procureur de la
République du Tribunal de grande instance de Paris, votre rapporteur a
essayé d'évaluer le montant du budget qui permettrait un meilleur
fonctionnement du TGI de Paris.
D'une part, il faudrait envisager un budget de base de 16 millions de
francs afin de couvrir les dépenses de fonctionnement courant de la
juridiction : menues réparations, marché
blanchisserie/sanitaires, frais de correspondance, fournitures...
D'autre part, le budget de programme devrait être augmenté de
5 millions de francs afin de pouvoir réaliser tous les travaux de
rénovation des locaux, des installations téléphoniques, du
matériel technique... A cet égard, votre rapporteur rappelle que
le TGI occupe une superficie de 45.000 m2 hors sous-sol, comprenant de nombreux
couloirs de circulation, de multiplies bureaux, mais également une
vingtaine de salles d'audience avec des dépendances dont la plupart
n'ont pas été refaites depuis plusieurs dizaines d'années.
Or, le coût moyen d'une réfection complète de salle
d'audience oscille entre 600.000 et 900.000 francs.
Face à ces besoins urgents, le budget du TGI de Paris diminue. Ainsi, il
s'élevait à 29,877 millions de francs en 1997 contre
26,113 millions de francs en 1998. Pour l'année 1999, une demande
de crédits de 30,808 millions de francs a été
déposée, mais aucun arbitrage n'a encore été rendu.
C'est pourquoi votre rapporteur souhaite insister sur les besoins en effectif,
en matériel informatique et en locaux.
A. LES BESOINS EN PERSONNEL
Alors
que l'effectif budgétaire des magistrats du siège
s'élève à 337, l'effectif réel se réduit
à 302, du fait des vacances de postes et des mises à disposition
(respectivement 109 et 94 pour les magistrats du parquet et 778 et 621 pour les
fonctionnaires du Greffe).
En outre, l'équilibre de la répartition des tâches est trop
souvent mis en danger par l'absence de concomitance entre les départs et
les arrivées des magistrats.
Enfin, le TGI de Paris contribue de manière disproportionnée aux
mises à disposition du fait de sa proximité géographique
avec la Chancellerie et l'ensemble des institutions politiques.
Votre rapporteur demande donc que soient mis à la disposition du
Président et du Procureur de la République les effectifs
correspondant aux effectifs budgétaires prévus.
B. LES BESOINS EN INFORMATIQUE
En 1998,
une demande globale de 3,3 millions de francs avait été
formulée pour couvrir les besoins en informatique civile
(évalués à 1,5 million de francs) et en informatique
pénale (estimés à 1,8 million de francs). Or, la
dotation mise à disposition du Tribunal de grande instance de Paris
s'est élevée à 1,323 million de francs,
entraînant le report de nombreuses opérations jugées
pourtant nécessaires.
En matière d'informatique pénale, 4 priorités
étaient recensées :
- l'équipement informatique du tribunal pour enfants. Celui-ci date de
1991, le matériel n'a fait l'objet d'aucun renouvellement tandis que le
logiciel n'a connu aucune évolution depuis l'origine ;
- l'informatisation du service de démarchage financier, qui s'occupe de
la délivrance des cartes professionnelles et des autorisations
sollicitées par les entreprises de recouvrement ;
- l'équipement informatique des magistrats du service pénal.
Seule cette dernière priorité a été
réalisée.
En matière d'informatique civile, 6 opérations à
caractère inéluctable (renouvellement du parc informatique de 11
magistrats, extension du réseau interne pour permettre une connexion de
tous les utilisateurs...) et 13 opérations prioritaires
étaient avancées. Faute de crédits, seules les
opérations à caractère inéluctable et une
opération prioritaire ont pu être financées.
Par ailleurs, votre rapporteur souhaite rappeler que les retard en informatique
sont également considérables au parquet. De plus, alors que la
présence d'un ingénieur informatique serait indispensable pour
gérer l'ensemble des applications et assurer le bon fonctionnement des
outils informatiques, cette mission est déléguée à
un magistrat qui dirige l'instance "informatique, moyen et
formation".
C. LES BESOINS EN LOCAUX
Les
études menées dans le cadre du schéma directeur immobilier
du palais de justice de Paris ont mis en évidence pour le Tribunal de
grande instance une surface utile totale (hors circulation et sous-sol) de
37.435 m², alors que 74.881 m² seraient nécessaires
pour satisfaire les besoins de cette juridiction, soit une surface double
à celle qui existe.
A cet égard et alors que de nombreux magistrats ne disposent pas de
bureaux et sont obligés d'emporter les dossiers sur lesquels ils
travaillent à leur domicile, avec tous les risques de perte ou de vol
que ces manipulations entraînent, votre rapporteur s'étonne de la
présence du barreau dans les locaux du palais.
Dans son rapport sur la gestion administrative et financière des cours
et tribunaux judiciaires présenté au Garde des Sceaux le 20 mai
1998, la Cour des comptes constate en effet : "
le palais de
justice de Paris, où l'espace est mesuré, est une illustration du
caractère non seulement irrégulier, mais surprenant de la
situation constatée dans les bâtiments judiciaires. Jusqu'à
une période récente en effet, le barreau n'avait pratiquement pas
d'autre implantation que le palais, où travaillaient tous ses
salariés, soit environ 150 agents dans trois emprises distinctes
totalisant plus de 3.000 m². La création d'un centre de
formation à l'extérieur du palais, puis l'ouverture d'une maison
de l'avocat, en face du palais, n'avaient entraîné, lors du
contrôle de la Cour, aucune restitution de locaux aux
juridictions.
"
Votre rapporteur ne manquera pas d'interroger le Garde des Sceaux sur cette
situation.
Outre l'exiguïté des locaux, votre rapporteur regrette leur mauvais
état. Trois constats transmis par le président du tribunal de
grande instance de Paris à votre rapporteur témoignent de la
situation :
- le constat fonctionnel : manque de surfaces ; dispersion des
services, imbrication des espaces, éclatement des fonctions ;
conditions de travail très difficiles, pertes de temps,
difficultés de communication ; impossibilité
d'évolution et coûts de fonctionnement élevés ;
difficulté d'accès pour les handicapés ;
- le constat de l'état technique du bâtiment : une
structure saine, mais des charpentes métalliques corrodées et
d'une tenue au feu insuffisante ; des installations de chauffage
vétustes ; une ventilation inadaptée ou inexistante ;
des réseaux électriques non conformes ; des réseaux
de distribution et d'évacuation des eaux vétustes et non
conformes ;
- le constat sécurité incendie : des risques de
départ de feu nombreux ; des risques de propagation
élevés ; des systèmes de détection et d'alarme
lacunaires ou inexistants ; des systèmes d'extinction
insuffisamment entretenus ; une évacuation insuffisamment
organisée. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, il
convient toutefois de nuancer ce constat établi lors de
l'élaboration du schéma directeur d'une part, un poste central de
sécurité dirigé par un colonel des pompiers et comprenant
un groupe de pompiers a été mis en place. D'autre part, une
étude mise en sécurité a été
effecutée par la Cour d'appel et les travaux devraient commencer en 1999.
Par ailleurs, le Tribunal de grande instance de Paris ne dispose pas d'une
salle d'audience susceptible d'accueillir plusieurs centaines de personnes. Or,
cette absence se fera gravement sentir dans la perspective des dossiers comme
l'affaire dite du Sentier ou encore l'affaire des syndics d'Ile de France que
le tribunal aura à juger prochainement.
Votre rapporteur plaide donc en faveur de la construction d'un nouveau
palais de justice
. Certes, le coût est élevé
(3 milliards de francs environ), mais cette dépense paraît
inévitable pour doter la capitale de la France d'un palais de justice
adapté à l'ampleur de ses activités. Il questionnera donc
le Garde des Sceaux sur l'état d'avancement de ce dossier.
En attendant, votre rapporteur tient à signaler que la
délocalisation d'une partie des services financiers et de l'instruction
va libérer 1.200 m² environ qui devraient être
partagés entre la cour de cassation, la cour d'appel et le tribunal de
grande instance, offrant l'opportunité d'une amélioration de
l'organisation des services sur le site du palais de justice.
Toutefois, pour éviter une occupation désordonnée de ces
locaux ou leur inoccupation prolongée, un programme de travaux
immédiats de rénovation s'impose. L'importance de cette
opération, qui peut être évaluée entre 8 et
10 millions de francs, interdit son financement sur les crédits de
fonctionnement du tribunal.
Votre rapporteur demandera au Garde des Sceaux lors de l'examen des
crédits du ministère de la justice en séance publique que
des moyens financiers soient prévus pour réaliser les travaux
nécessaires.
CHAPITRE IV
LA RÉFORME DES TRIBUNAUX DE
COMMERCE
Le
rapport de la commission d'enquête parlementaire et le rapport
d'inspection conjointe de l'inspection générale des services
judiciaires et de l'inspection générale des finances ont
révélé de nombreux dysfonctionnements dans l'organisation
de la justice commerciale. Les principaux constats de ces rapports sont les
suivants :
- une qualité très hétérogène des
décisions rendues ;
- une grande diversité dans la pratique des procédures,
notamment en ce qui concerne le principe du contradictoire et de la
collégialité ;
- des connaissances juridiques et une formation parfois insuffisantes de
certains juges consulaires ;
- une disponibilité insuffisante pour piloter les procédures et
contrôler les mandataires de justice. Les juges consulaires doivent en
effet concilier les contraintes de leur vie professionnelle et leur fonction au
sein de la juridiction ;
- des risques de conflits d'intérêt liés à la
proximité avec les justiciables.
Devant ce constat, le Garde des Sceaux a fort justement lancé une
réforme de structure de la justice commerciale, visant notamment
à revoir la carte judiciaire, à introduire la mixité dans
les tribunaux de commerce, à renforcer le contrôle des greffiers
et à revoir leurs tarifs
7(
*
)
.
I. LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE
Les
tribunaux de commerce, composés de juges élus et d'un greffe
privé, constituent la forme dominante mais non exclusive de
l'organisation de la justice commerciale en France. Dans les circonscriptions
où il n'existe pas de tribunal de commerce, c'est le Tribunal de grande
instance qui est responsable du contentieux commercial.
Aujourd'hui, il existe :
- 227 tribunaux de commerce ;
- 23 juridictions composées de magistrats professionnels statuant en
matière commerciale, au sein des Tribunaux de grande instance ;
- 14 juridictions échevinées, à savoir les 7 chambres des
tribunaux de grande instance d'Alsace Moselle et les 7 tribunaux mixtes de
commerce d'oure-mer.
Or, la carte judiciaire n'est manifestement plus adaptée à la
réalité économique et géographique des bassins
d'emplois : elle n'a pas été retouchée depuis la loi
du 16 octobre 1809. Elle néglige les techniques et les infrastructures
modernes de communication qui permettent des relations rapides,
régulières et sûres : les temps de trajet importent
désormais plus que les distances, ce qui oblige à repenser la
notion de proximité.
Par ailleurs, la carte des tribunaux de commerce est très
émiettée, ce qui conduit, dans un grand nombre de juridictions,
à un niveau d'activité trop faible pour garantir la
qualité des décisions rendues.
Le rapport Carrez avait dénombré, en février 1994, 71
tribunaux de commerce traitant à la fois moins de 200 affaires nouvelles
de contentieux général et moins de 100 procédures
collectives par an. Or, il rappelait qu' "
à l'occasion de
l'élaboration de la circulaire du 27 avril 1988 relative à
la détermination des effectifs des tribunaux de commerce, la
Chancellerie et la Conférence générale des tribunaux de
commerce s'étaient accordées pour considérer que le niveau
minimum permettant d'assurer un bon fonctionnement des juridictions
consulaires, se situait autour de 500 affaires par an, soit 10 affaires par
juge et par mois pendant 10 mois par an pour un tribunal de 5 juges
. "
En outre, l'implantation d'un tribunal dans un ressort de faible dimension ne
garantit pas la distance et d'indépendance que le juge, issu du milieu
économique local, doit avoir vis-à-vis des justiciables.
C'est pourquoi le gouvernement a fait de la réforme de la carte
judiciaire des tribunaux de commerce dans six cours une priorité
dès 1998. Il s'agit des cours comptant le plus grand nombre de
juridictions consulaires (Caen, Dijon, Montpellier, Riom, Rouen) et de la cour
de Poitiers qui présente plusieurs petits tribunaux commerciaux, des
tribunaux de grande instance faiblement actifs et mal répartis et une
urgence à régler des questions immobilières.
La situation des autres tribunaux de commerce devrait être
étudiée en 1999 de telle sorte que la situation des juridictions
consulaires soit entièrement traitée fin 1999.
Votre rapporteur se félicite de cette réforme, même
s'il doute qu'elle soit achevée avant la fin de l'année 1999
.
En effet, la Chancellerie, souhaite traiter ce sujet avec pragmatisme, et, en
conséquence, fait preuve d'une très grande prudence. Ainsi, afin
de justifier les propositions à venir, elle a demandé à ce
que soient prises en compte "
les données, sociales,
sociologiques, culturelles, géographiques, climatiques,
démographiques ainsi que l'état des voies de communication ou
l'existence d'un pays
" !
En outre, la Chancellerie estime que la prise en compte des données
locales nécessite une concertation approfondie, sur place, entre les
personnes chargées d'étudier la réforme de la carte
judiciaire et les parties directement concernées. Cette concertation est
organisée par les chefs de cour, pour toutes les relations avec les
autorités et les organisations représentatives des magistrats,
des fonctionnaires et des autres professions concernées par la
réforme. Les préfets sont chargés des relations avec les
élus locaux.
Votre rapporteur reconnaît l'importance de la concertation. Toutefois,
il rappelle que celle-ci ne doit pas paralyser la réforme de la carte
judiciaire et que la Chancellerie aura obligatoirement à passer outre
les protestations de certains intérêts catégoriels.
C'est pourquoi il préconise d'expérimenter dans trois ressorts de
cours d'appel une présence judiciaire améliorée qui
s'accompagnerait des moyens financiers nécessaires pour en assurer le
succès.
II. L'INTRODUCTION DE LA MIXITÉ DANS LES FORMATIONS DE JUGEMENT
La
justice consulaire est fondée sur le principe d'une " justice des
marchands rendue par les marchands " dont l'origine remonte aux foires du
Moyen-Age. Un édit royal rédigé en 1563 par Michel de
l'Hospital a institué en France des juridictions consulaires
composées de juges élus par leurs pairs. Consacré par la
loi des 16-24 août 1790 puis par le code du commerce de 1807,
l'organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce n'ont fait,
depuis lors, l'objet d'aucune réforme d'ampleur.
Les formations de jugement des tribunaux de commerce sont exclusivement
composées de juges consulaires élus. Ils sont en pratique, soit
des commerçants, soit des cadres d'entreprise. Ils participent
bénévolement au fonctionnement du service public de la justice.
La réforme proposée se fonde sur le principe de la mixité,
c'est-à-dire l'association de juges élus et professionnels dans
une même formation de jugement. Une loi relative à la composition
et au fonctionnement des tribunaux de commerce devrait être
présentée au cours du premier trimestre prochain. Elle a pour
objectif d'assurer une justice de qualité puisque se trouveront
réunies la connaissance des règles de fond et de procédure
des magistrats professionnels et la perception, pour chaque affaire, de sa
dimension économique par les juges consulaires.
Votre rapporteur estime que cette réforme ne va pas assez loin et que
le système de l'échevinage qui existe en Alsace Moselle et dont
l'efficacité est reconnue par tous aurait pu inspirer la réforme
des tribunaux de commerce
. En effet, la solution préconisée
par la Chancellerie ne règle pas tous les problèmes, notamment
celui de la présidence de la formation de jugement et celui du statut
des greffes.
En revanche, votre rapporteur approuve la décision du Gouvernement de
créer un véritable statut du juge consulaire afin de renforcer
son impartialité et la qualité de ses jugements.
De nouvelles règles d'incompatibilité devraient être
créées et les dispositions visant à empêcher toute
interférence entre les fonctions juridictionnelles et l'exercice d'une
activité professionnelle ou de mandats judiciaires devraient être
renforcées.
Par ailleurs, tous les juges devraient être soumis à l'obligation
de souscrire une déclaration de leurs intérêts
économiques. Les règles disciplinaires seraient renforcées
afin d'assurer l'effectivité des poursuites contre les juges et les
anciens juges consulaires.
En outre, une formation renforcée des juges consulaires serait
organisée par l'Ecole nationale de la magistrature.
Enfin, le régime électoral des juges consulaires serait
modifié en vue d'élargir le corps électoral et de
renforcer la transparence du processus d'élection.
III. LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE ET LA RÉVISION DE LEUR TARIF
Les
greffiers des tribunaux de commerce sont des professionnels libéraux
titulaires d'une charge d'officier public et ministériel. Le rapport de
la commission d 'enquête parlementaire et le rapport d'inspection
conjointe de l'inspection générale des services judiciaires et de
l'inspection générale des finances ont mis en valeur certains
dysfonctionnements concernant les tarifs pratiqués et les
contrôles existants.
Le décret du 29 avril 1980 précise que les émoluments
alloués aux greffiers sont constitués d'un droit prévu
pour chaque acte, formalité ou procédure, égal soit au
montant du taux de base, soit à un multiple ou sous-multiple de ce taux,
fixé à 6,6 francs.
Or, le taux de base des émoluments
n'a pas été modifié depuis 1986.
Toutefois, le développement de services de diffusion électronique
des informations du registre du commerce et des sociétés et
l'absence de tarifs réglementés a largement permis aux greffes de
compenser la faible rémunération des autres actes juridiques et
judiciaires du fait de la liberté des tarifs relatifs à ces actes
et du grand succès d'infogreffe.
En ce qui concerne le contrôle exercé sur les greffes, il est
à noter que contrairement aux autres professions d'officiers publics ou
ministériels, il n'existe pas d'instance professionnelle assurant la
discipline des greffiers des tribunaux de commerce.
Aussi, l'action
disciplinaire ne peut être exercée que par le procureur de la
République. Dans les faits, les inspections du greffe, qui s'effectuent
à un rythme quadriennal, ne se traduisent pas par un véritable
contrôle.
C'est pourquoi la Chancellerie a décidé de mieux organiser les
contrôles et de modifier les règles tarifaires.
Les contrôles se feront à deux niveaux.
Au premier degré, le contrôle se fera de manière
systématique et périodique à l'échelon local, sous
la direction du Procureur général. Il sera réalisé
par les professionnels, accompagnés d'un commissaire aux comptes,
à partir d'un cahier des charges validés par le Garde des Sceaux.
Au second degré, le contrôle sera mis en oeuvre par une mission
d'inspection rattachée à l'inspection générale des
services judiciaires. La Chancellerie dégagera à cette fin 6
emplois dès 1999 pour mettre en oeuvre de dispositif. Cette mission
procédera à l'analyse des dysfonctionnements constatés ou
suspectés grâce à l'intervention ponctuelle et rapide d'une
équipe pluridisciplinaire.
Par ailleurs, un décret devrait désormais fixer la
rémunération des greffiers pour les prestations fournies par le
réseau télématique : le tarif des consultations
d'infogreffe sur minitel devrait passer du palier 3629 (soit
9,21 francs par minute) au palier 3617 (soit 5,56 francs par minute),
soit une baisse de 41 %.
Cette réforme sera complétée par une révision
globale du tarif des greffes allant dans le sens d'une simplification et d'une
adaptation aux missions effectivement accomplies.
Votre rapporteur, tout en se félicitant de ces réformes,
aurait souhaité que la Chancellerie revienne sur le statut des
greffes.
Comme l'ont fait remarquer les rapports précités, les greffes des
tribunaux de commerce sont des entreprises privées très
rentables, qui réalisent des bénéfices importants. Ainsi,
7 des 11 greffes d'Ile de France affichent un résultat net annuel
supérieur à 10 millions de francs, au profit le plus souvent
d'un ou de deux associés. A lui seul, le greffe du tribunal de commerce
de Paris a dégagé un bénéfice de 54 millions
de francs en 1996, pour un chiffre d'affaires de 155 millions de francs.
Certes, la qualité des greffes de commerce est reconnue par tous et ces
derniers ont accompli d'importants efforts de productivité, grâce
notamment à l'informatisation et à l'informatisation et à
la diffusion des informations par voie électronique.
Toutefois, votre rapporteur estime que les bénéfices
réalisés par les greffes des tribunaux de commerce en
accomplissant une mission de service public sont trop élevés.
Alors que tous les greffes des tribunaux de droit commun ont été
nationalisés en 1965, il considère le maintien du statut
privé des greffes comme une anomalie et plaide pour leur
nationalisation.
CHAPITRE V
LES MAIRES ET LA JUSTICE : LA
NÉCESSITÉ D'UNE PLUS GRANDE COLLABORATION
L'IPSOS
et le Courrier des maires ont réalisé une enquête en
octobre 1998 sur la difficulté d'être maire.
Il apparaît
à travers ce sondage que la complexité des réglementations
et des normes constituent la principale difficulté rencontrée par
les maires dans l'exercice de leurs fonctions (52 %). Viennent ensuite les
responsabilités croissantes au niveau juridique (41 %) et le manque
de moyens humains et financiers (39 %).
Dans les communes de plus de 2.000 habitants, les responsabilités
au niveau juridique sont autant mises en avant que la complexité des
réglementations. Il semble donc que l'importance accordée aux
risques judiciaires constitue un élément nouveau par rapport
à il y a quelques années.
Le Congrès des maires de France qui s'est tenu le 18 novembre 1998 a
confirmé le malaise existant chez les quelques 36.000 maires et plus de
100.000 adjoints, tous officiers de police judiciaires, qui sont
confrontés à la complexité de la législation,
à son instabilité et à l'insécurité des
contrôles qui s'exerce sur eux.
En outre, le développement de la mise en cause pénale des
élus locaux rend l'incertitude juridique d'autant plus insupportable. Le
phénomène est loin d'être négligeable puisque 700
décideurs locaux, dont 64 élus sont actuellement mis en examen,
pour une grande part d'entre eux pour des faits non intentionnels.
Par ailleurs, les maires, ainsi que leurs adjoints, en tant qu'officiers de
police judiciaire en application de l'article 16-1
er
du code de
procédure pénale, sont directement concernés par le
développement de la délinquance puisque c'est en grande partie
sur leur capacité à l'enrayer que les citoyens les jugent. Ils
ont donc intérêt à travailler en concertation avec le
Parquet ainsi qu'avec les services de police et de gendarmerie. Pourtant, leur
attitude vis-à-vis des magistrats (et parfois vice-versa) est trop
souvent ambiguë, mélange d'attentes très fortes et de
méfiance.
C'est pourquoi votre rapporteur plaide pour une étroite
coopération entre les maires et les procureurs aussi bien en
matière de réglementation ou de responsabilité
pénale qu'en matière de lutte contre la délinquance. Elle
permettrait à la fois aux maires de faire part des difficultés
qu'ils peuvent rencontrer dans l'exercice de leurs missions, d'obtenir des
conseils et d'éviter certaines erreurs, notamment dans le domaine de
l'urbanisme. En outre, elle favoriserait le dialogue entre maires et
renforcerait l'efficacité de la lutte contre l'insécurité.
C'est pourquoi votre rapporteur exhorte le Garde de Sceaux, dans le cadre des
directives générales adressées aux procureurs
généraux et aux procureurs de la République, d'encourager
ces derniers à se rapprocher des associations de maires.
Les objections à cette proposition ne vont pas manquer. Seront
évoquées la séparation des pouvoirs, la confusion des
genres, la dépendance de la magistrature... Afin de bien identifier
l'ensemble des questions qui se posent et des obstacles légitimes qui
pourraient être invoqués à l'encontre de cette
coopération entre maires et procureurs, votre rapporteur vous propose
que le Garde des Sceaux confie à un parlementaire la mission de dresser
un état des lieux en liaison avec l'inspection générale
des services judiciaires et de faire des recommandations pour régler
cette importante question, source de bien des malentendus.
A cet égard, votre rapporteur tient à rappeler que dans son
rapport " les infractions sans suite ou la délinquance mal
traitée ", il avait montré qu'une meilleure
coopération entre les maires et les parquets et les forces de police et
de gendarmerie est, non seulement, possible, mais tout à fait positive.
En outre des initiatives locales qui mériteraient d'être mieux
connues le prouvent.
Ainsi, dans le Val d'Oise, à l'initiative du procureur de la
République de Pontoise, un secrétariat permanent chargé
des relations avec les élus locaux avait été mis en place.
Cinq zones de délinquance avaient été
délimitées et le procureur réunissait une fois par
trimestre les maires des communes les plus importantes pour examiner avec eux
la situation de la délinquance dans la zone considérée.
Cette initiative intéressante n'a pas été poursuivie
faute de moyens, alors qu'elle aurait dû susciter l'intérêt
de la Chancellerie.
Dans le Haut-Rhin, à la suite notamment des critiques formulées
par certains maires au cours de la campagne électorale
sénatoriale de 1995, le commandant du groupement de gendarmerie a
proposé au préfet un dispositif de concertation permanent. Ont
ainsi été expérimentées des structures de
prévention de la délinquance en zone gendarmerie à un
double niveau :
- la création de groupes de prévention dans chaque
circonscription de brigade de gendarmerie réunissant le conseiller
général, les maires, le commandant de compagnie et de la brigade
de gendarmerie territorialement compétent ;
- l'instauration de conseils de prévention compétents pour une
zone adaptée à l'organisation territoriale de la gendarmerie qui
réunissent autour du sous-préfet, le procureur, les
parlementaires, les conseillers généraux, etc...
PREFECTURE DU HAUT-RHIN
CABINET
DU PRÉFET
DB/OA
DÉCISION
portant création de structures de prévention
de la
délinquance en zone Gendarmerie
--=--
LE PRÉFET DU HAUT-RHIN
OFFICIER DE L'ORDRE NATIONAL DU MÉRITE
VU la
loi N° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et
libertés des communes, des départements et des régions,
VU le décret 82-389 du 10 mai 1982 modifié relatif aux
pouvoirs de Préfets et à l'action des services et organismes
publics de l'Etat dans les départements,
VU l'avis favorable du comité départemental de prévention
de la délinquance du 9 février 1995,
VU l'avis favorable du comité du plan départemental de
sécurité du 21 novembre 1995,
VU l'avis favorable de M. le Procureur général,
VU l'accord de MM. les Procureurs de la République,
CONSIDERANT qu'il est souhaitable de développer les actions de
prévention de la délinquance en zone Gendarmerie
DECIDE
Article 1er
: Il est créé, dans le
département du Haut-Rhin, des structures de prévention de la
délinquance en zone Gendarmerie associant les autorités
administratives et judiciaires, les élus et les associations aux
responsables de la Gendarmerie.
Article 2
: Dans chaque circonscription de brigade de Gendarmerie,
un groupe de prévention
réunit le ou les Conseiller(s)
Général(aux), les Maires, les Commandants de la compagnie et de
la brigade de Gendarmerie territorialement compétent.
Les travaux du groupe de prévention doivent permettre d'améliorer
la connaissance objective du phénomène de la délinquance
au plan local et permettre aux différentes parties de proposer des
actions conjointes dans le domaine de la prévention. Les services de
l'Etat concernés, et le cas échéant, les associations,
peuvent être invités à participer aux travaux.
Le secrétariat du groupe de prévention est assuré par la
Gendarmerie. Un compte rendu succinct de chaque réunion sera
adressé par le Commandant de la Compagnie aux deux coprésidents
du conseil de prévention concerné.
Article 3
:
Des conseils de prévention
sont
créés. Ils sont compétents pour une zone prenant en compte
l'organisation territoriale de la Gendarmerie et cohérente du point de
vue de la prévention de la délinquance.
Le découpage des zones, ci-joint, a été
réalisé selon ces principes. Il peut être adapté en
concertation entre les élus concernés par accord du
Sous-Préfet et du Procureur compétents.
Ils sont chargés
:
- d'analyser, dans un dialogue renforcé avec la Gendarmerie, le
phénomène de la délinquance dans leur circonscription
ainsi que sa perception dans la population en prenant notamment en compte les
études de la Gendarmerie et les travaux des groupes de prévention,
- de permettre l'échange entre les différents acteurs de la
prévention de la délinquance,
- de proposer des actions de prévention de la délinquance
aux autorités municipales, administratives et judiciaires
concernées, qui puissent être examinées, s'il y a lieu, en
conseil départemental de prévention de la délinquance.
Ils comprennent
:
- le sous-préfet d'arrondissement ou de Directeur de Cabinet pour
l'arrondissement chef-lieu, coprésident,
- le Procureur de la République territorialement compétent,
coprésident,
- le Commandant de la Compagnie de Gendarmerie et les Commandants des
brigades situées dans le ressort géographique du conseil de
prévention,
- le ou les Députés concernés,
- un Sénateur,
- les Conseillers Généraux concernés,
- des Maires désignés par chaque groupe de
prévention, selon la répartition suivante :
. deux Maires pour les groupes de prévention regroupant moins de
dix communes,
. trois Maires pour les groupes de prévention de dix à vingt
communes,
. quatre Maires pour es groupes de prévention regroupant plus de
vingt communes,
- les Chefs de Services de l'Etat dont l'action concerne la
prévention de la délinquance ou leurs représentants :
. le Directeur départemental du Contrôle de l'Immigration et de la
Lutte contre l'Emploi des Clandestins : dans les conseils de
prévention de la délinquance situés en zone
frontalière,
. le Directeur régional des Douanes et Impôts directs :
dans les conseils de prévention de la délinquance situés
en zone frontalière,
. le Directeur départemental des Affaires sanitaires et sociales,
. l'Inspecteur d'Académie,
. le Directeur départemental de la Protection de la
Jeunesse.
CHAPITRE VI
LES INFRACTIONS SANS SUITE OU LA
DÉLINQUANCE MAL TRAITÉE
I. PRÉSENTATION DE LA MISSION DE CONTRÔLE
La
commission des finances a demandé à votre rapporteur
spécial des crédits de la justice, d'effectuer un contrôle,
sur pièces et sur place, sur le classement des plaintes et des
procès-verbaux par les Parquets, ses causes et ses conséquences.
En effet, chaque année, à l'occasion de l'examen du projet de
loi de finances, la commission des finances du Sénat regrette
l'insuffisance des crédits mis à la disposition du
ministère de la justice. Ainsi, ils s'élèvent à
23,9 milliards de francs en 1998 alors qu'un budget de 35 milliards
de francs serait nécessaire pour que ce service public fonctionne
correctement. Cette mission de contrôle avait donc pour objectif de
constater les conséquences concrètes de l'insuffisance des moyens
sur l'activité des juridictions et, notamment, sur celle du Parquet.
La publicité donnée à cette enquête a eu pour
effet, alors que la question des classements apparaissait jusqu'à
présent comme un sujet tabou, d'inciter certains procureurs à
consacrer leur discours d'audience solennelle de la rentrée judiciaire
1998 à ce sujet.
Pour autant, le ton de ces discours a varié fortement d'une juridiction
à l'autre. Ainsi certains procureurs se sont-ils efforcés de
relativiser le classement sans suite et de prouver que le classement pour
opportunité intervenait uniquement en cas de réelle justification.
Or, le pourcentage élevé de classements pour raison
d'opportunité (entre 25 et 40%) et les disparités de taux
observées selon les juridictions, ainsi que le sentiment d'une partie
croissante de la population de l'absence de réponse judiciaire au
traitement de la délinquance, contredisent ces discours.
Cette distorsion entre le discours officiel et la réalité, telle
qu'elle est perçue par les justiciables, a conduit votre rapporteur
à examiner de manière approfondie tout le processus de la
" chaîne pénale ", du dépôt de la plainte
à l'exécution des peines, en passant par les phases
d'enquête, de poursuite et de jugement.
Il a ainsi pu constater que le classement, c'est à dire l'absence de
suite donnée à une infraction est loin de résulter de la
seule volonté du Parquet, mais peut également procéder de
l'attitude de la victime, des moyens des services de police et de gendarmerie,
voire des administrations tenues de dénoncer les infractions au Parquet,
conformément à l'article 40 alinéa 2 du code de
procédure pénale.
Votre rapporteur s'est également attaché à rechercher les
véritables motifs des classements sans suite et s'est donc penché
sur le principe de "
l'opportunité des poursuites
"
prévu par les dispositions de l'alinéa 1 de
l'article 40 du code de procédure pénale, aux termes duquel
le procureur de la République, lorsqu'une infraction à la loi
pénale est constituée, "
apprécie la suite
à lui donner
" et a donc le choix entre exercer l'action
publique et poursuivre l'auteur devant la juridiction compétente, ou
classer la procédure, même si l'auteur de l'infraction est connu.
Or, votre rapporteur a été obligé de constater que si le
classement sans suite résulte souvent d'une analyse au cas par cas de
chaque situation, il s'explique également par la
nécessité, faute de moyens suffisants à la disposition du
Parquet, du Siège, des services de constatations et d'enquête et
de ceux chargés de l'exécution de " gérer des stocks
et des flux ". Certains " parquetiers " nous ont en effet
indiqué qu'il n'y avait pas d'autres moyens de gérer les dossiers
qui s'accumulent. "
On fait ce que l'on peut quand l'armoire est
pleine
" nous a déclaré un procureur de la
République. La notion d'inopportunité des poursuites devient
alors très extensive et masque en réalité
le classement
sec
.
Pour l'essentiel, les causes des classements sans réelles justifications
en droit et en opportunité sont ainsi liées à un manque de
moyens. Toutefois, le classement sans suite résulte également
d'un manque de volonté provoqué par le découragement et la
lassitude des services concernés par le traitement de la
délinquance. De l'aveu même de certains magistrats, la psychologie
de certains d'entre eux n'est pas étrangère non plus à ce
phénomène qui disqualifie certains vols et autres atteintes aux
biens voire aux personnes en de simples " incivilités ".
D'aucuns hésiteraient même à trouver un
intérêt social ou thérapeutique à la poursuite et
à la condamnation. En outre, il faut également prendre en compte
les appréciations diverses, voire divergentes, que les uns et les
autres, pour de multiples raisons psychologiques, éthiques ou
politiques, ou simplement liées à l'âge ou à
l'origine sociale peuvent porter sur l'ordre public dans ses dimensions
économique, sociale, écologique.
Or, comme l'a fait remarquer le procureur général de la Cour
d'Appel de Colmar, M Olivier Dropet, lors de l'audience de rentrée
de janvier 1998 consacré au problème du taux élevé
de classements sans suite, "
une situation de cette sorte est perverse,
nuisible et dangereuse. La possibilité de passer à travers les
mailles du filet de la répression ne peut qu'encourager les auteurs
d'infractions à persévérer dans la voie
délictueuse, les personnes et les biens de nos concitoyens ne sont plus
suffisamment protégés, le sentiment d'insécurité se
développe en se nourrissant d'exemples concrets, les services de police
et de gendarmerie, constatant que leur action n'est pas vraiment relayée
par celle de la justice risquent de se démobiliser, enfin un terreau
favorable est fourni à des idéologies malsaines
. "
Votre rapporteur s'est donc attaché, à partir de l'observation
de certaines expériences locales à élaborer des pistes de
réflexion pour améliorer le fonctionnement de la chaîne de
traitement de la délinquance et réduire le taux de classement
sans suite.
Nos concitoyens sont en effet en droit, d'une part, d'exiger des institutions
qui assurent la paix publique, la sûreté des personnes et des
biens, qu'elles soient efficaces et remplissent leur mission et, d'autre part,
d'attendre que l'ordre républicain soit respecté, que l'Etat de
droit s'applique à toutes les personnes, à toutes les situations
et tous les territoires. " La sûreté est le premier droit de
l'Homme et le premier devoir de l'Etat ".
Le travail de votre rapporteur n'a pas toujours été
facilité du fait de la méconnaissance par certaines
administrations centrales des dispositions de l'ordonnance du 30
décembre 1958 sur les pouvoirs de contrôle des commissions du
Parlement.
Cependant, votre rapporteur tient à souligner la coopération
spontanée et très précieuse de tous les procureurs
généraux et de tous les procureurs de la République
sollicités par votre rapporteur (et particulièrement ceux de
Colmar, Lyon, Toulouse, Aix-en-Provence et Rouen), de la direction
générale de la gendarmerie nationale et des unités
visitées (notamment celles des Groupements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et
du Val d'Oise), ainsi que des services de la direction générale
de la police nationale et de la préfecture de police de Paris.
Au cours de ses investigations, votre rapporteur n'a pas pu, faute de moyens,
approfondir certains aspects du phénomène analysé qui
mériteraient des compléments d'enquête ou de
contrôle. Il souhaite qu'ils soient entrepris à l'initiative du
Sénat, mais aussi du gouvernement.
Votre rapporteur tient à rappeler qu'au-delà des discours
partisans et politiciens, l'objectif de ce rapport a été
d'apporter une contribution du Sénat au travail en profondeur accompli
depuis plusieurs années pour trouver les moyens et les méthodes
les plus appropriés pour prévenir et lutter contre la
délinquance.
Par ailleurs, il faut se demander ce qu'il adviendrait si, dotés de
moyens accrus et de méthodes renouvelées, les services de police
et de gendarmerie devenaient plus efficaces et réduisaient le taux de
classement sans suite des procès-verbaux dans lesquels les auteurs ne
sont pas identifiés (ou encore nommés couramment les plaintes
contre X). La justice serait-elle capable en l'état actuel de ses
moyens, de ses méthodes et de ses procédures de traiter cette
délinquance ? Votre rapporteur en doute fort.
La méconnaissance de la criminalité réelle, ce qu'il
convient
d'appeler le chiffre noir de la délinquance
, tient
d'abord à l'attitude de la victime qui découlera le plus souvent
de l'utilité ou de l'inutilité de porter plainte. La victime peut
avoir peur des représailles, ce qui est de plus en plus fréquent.
Elle peut aussi avoir connaissance de la banalisation des faits par les
services d'enquête ou le Parquet. Face à la délinquance
quotidienne, les justiciables adoptent une attitude de plus en plus
désabusée. Le bon déroulement de l'enquête se heurte
également au manque de civisme et à l'indifférence
ambiante qui se traduisent par le refus de témoigner, de se faire
connaître, etc...
Les conséquences de cet état de fait et de cet état
d'esprit sont graves et multiples
: tentation de se faire justice,
développement des milices privées, montée du
phénomène " loi du Talion ", multiplication des
sociétés de gardiennage, fichiers occultes tenus par les
victimes de vols à l'étalage dans les grands magasins, etc...
En outre, les dépôts de plaintes avec constitution de partie
civile tendent à se multiplier, de même que les lettres anonymes
adressées au Parquet.
Par ailleurs, le fort taux de classement sans suite est responsable de la
démoralisation et de la démobilisation des services
d'enquête de la police nationale et de la gendarmerie.
Enfin, et même si, aux dires des Parquets, le nombre de classements secs
est à la baisse, il témoigne du défaut de traitement de
la primo délinquance des mineurs puisque le fait que l'auteur de
l'infraction soit un mineur constitue précisément un motif
fréquent de classement.
De l'avis même de nombre des personnes interrogées par votre
rapporteur, la plupart des textes en vigueur permettraient de trouver les
solutions appropriées à de très nombreuses situations.
Selon un procureur général, un magistrat attentif, plein de bon
sens et disposant d'une certaine expérience, fait preuve du discernement
nécessaire pour mettre en oeuvre efficacement et de façon
adaptée l'action publique. Une telle remarque pose donc le
problème du recrutement, de la formation et de la carrière des
magistrats.
Votre rapporteur tient également à souligner que le débat
sur le classement des affaires se focalise à tort sur le Parquet, alors
que celui-ci ne constitue qu'un maillon de la chaîne de traitement de la
délinquance (appelée communément " chaîne
pénale "). En amont, les administrations, les services de police et
de gendarmerie jouent un rôle essentiel dans le classement des affaires
puisque ce sont eux qui transmettent les plaintes aux Parquets : c'est
donc à leur niveau que s'effectuent les premiers choix de classer ou, au
contraire, de poursuivre. En aval, la décision de poursuite du Parquet
ne sera suivie d'effet que si l'affaire est jugée dans des délais
raisonnables et si la peine est correctement exécutée. La
solidité de la chaîne se mesure donc à la résistance
du maillon le plus faible. Si un dysfonctionnement apparaît dans l'un des
services concernés, tout le traitement de la délinquance sera
perturbé. En outre, toute amélioration apportée au niveau
d'un maillon sans tenir compte de ses répercussions sur l'ensemble de la
chaîne pénale est vouée à l'échec.
L'enquête menée par votre rapporteur conduit à poser une
question grave : l'Etat français a t-il les moyens de traiter la
délinquance quels qu'en soient les formes, les lieux, les auteurs et
de faire respecter la loi pénale censée être
égale pour tous ? La loi est le premier facteur de cohésion
et d'intégration sociale. Pourtant, sommes-nous suffisamment bien
organisés et faisons-nous usage des bonnes méthodes pour
éradiquer ce fléau grandissant qui met à mal les
fondements mêmes de notre société ?
Nos concitoyens ont trop souvent le sentiment que la règle commune,
celle qui garantit la sécurité des personnes et des biens n'est
plus respectée, que notre société a perdu la notion de
" ligne jaune ", qu'une infraction dûment constatée,
alors même que l'auteur présumé a été
identifié , n'a pas de suite judiciaire. Un sentiment
d'inégalité, d'impunité et d'insécurité
s'ensuit inévitablement.
Pour simplifier et au risque de forcer le trait, trop de nos concitoyens ont le
sentiment que le fonctionnement de la justice pénale se résume
ainsi : il y a d'un côté ceux qui lui échappent parce
qu'ils sont puissants sur le plan politique, administratif, économique
ou social (membres du gouvernement, hauts fonctionnaires, élus, chefs
d'entreprise...) et de l'autre, ceux qui lui échappent également
parce qu'ils vivent en bande dans des quartiers difficiles, ou encore sont
mineurs, marginaux, étrangers, etc. Entre ces deux catégories, il
y a ceux qui " trinquent ", les victimes du système, ceux qui
vivent normalement et pour lesquels la loi pénale est implacable :
ceux qui ne peuvent se faire rendre justice parce que la justice est
débordée, sourde, inaccessible, déroutante, invisible,
illisible.
Votre rapporteur est conscient que le travail qu'il a effectué ne pourra
pas seul modifier le sentiment d'incompréhension et
d'exaspération croissante de l'opinion publique vis-à-vis de la
justice. Il espère toutefois que ce rapport apportera sa pierre au long
travail de réhabilitation de la justice et que les propositions qu'il
contient seront non seulement examinées attentivement par tous les
services concernés par le traitement de la délinquance, mais
également mises en oeuvre.
II. LES PROPOSITIONS RÉSULTANT DE CETTE MISSION
A. LES MESURES POUR AMÉLIORER L'OUTIL STATISTIQUE ET INFORMATIQUE
- Créer un outil statistique performant permettant de
connaître, pour chaque juridiction, la nature des affaires dont sont
saisis les Parquets, l'origine des saisines, les motifs de classement et les
délais de traitement des affaires ;
- Informatiser les mains courantes afin de pouvoir faire des recoupements
sur les agissements de certains délinquants ;
- Informatiser les enregistrements par le bureau d'ordre des
procès-verbaux et plaintes dont il est saisi pour faciliter leur gestion
et éviter la perte de dossiers ;
- Mettre en place dans les départements des outils informatiques
nécessaires pour créer un réseau entre les
différentes administrations chargées de lutter contre la
délinquance et les autorités judiciaires ;
- Mettre à la disposition des magistrats du Parquet un outil
statistique précis et décentralisé sur le
phénomène de la délinquance ;
- Développer un outil statistique pour identifier les causes
structurelles des mouvements collectifs de violence et connaître la
réalité de l'organisation, de la préméditation, de
la récupération et de la manipulation de ces formes de la
délinquance ;
- Créer une mission parlementaire afin d'évaluer au niveau
local et national d'une part les pratiques de la troisième voie
(médiation, administration, classement sous conditions) et, d'autre
part, le traitement en temps réel des infractions ;
B. LES MESURES POUR RENFORCER LA COOPÉRATION ENTRE LES SERVICES ET AUGMENTER LA FLUIDITÉ DE L'INFORMATION
- Informer les services de police et de gendarmerie des
suites
données aux enquêtes par les Parquets, notamment en instituant un
représentant désigné par le Parquet en lien avec les
commissariats et pouvant répondre en temps réel aux demandes de
renseignements des policiers. Le cas échéant, envoyer une copie
de la date d'audience ;
- Instituer des séances de travail entre les procureurs, les
directeurs de la sécurité publique et les commandements de
groupements de gendarmerie nationale pour définir les grandes
orientations de la politique pénale et assurer sa lisibilité
auprès des services chargés de l'appliquer ;
- Mieux impliquer les fonctionnaires de police et les militaires de la
gendarmerie dans la lutte contre la délinquance en multipliant les
contacts avec les magistrats du Parquet afin que se crée un esprit
d'équipe ;
- Etablir des bilans à intervalles réguliers sur le
traitement en temps réel pour évaluer les méthodes de
travail et régler les éventuels dysfonctionnements, notamment en
ce qui concerne l'application des articles 12, 13, 41 et D1er du code de
procédure pénale qui disposent que la police judiciaire est
exercée "
sous la direction du procureur de la
République, sous la surveillance du procureur général et
sous le contrôle de la chambre d'accusation
" ;
- Renforcer les relations de travail entre le Parquet et le Siège
afin de connaître précisément les capacités de
jugement du Siège et de négocier avec lui l'aménagement
des audiencements pour éviter l'enlisement des affaires traitées
selon la procédure du traitement en temps réel ;
- Mettre en place un secrétariat permanent au sein du Parquet
chargé des relations avec les élus locaux et organiser des
relations à intervalles réguliers entre le Parquet et les maires
sur la stratégie à adopter en matière de lutte contre la
délinquance ;
- Mettre en oeuvre la politique pénale du gouvernement par des
circulaires et directives interministérielles. Trop souvent les
Préfets ne s'estiment pas liés dans ce domaine par une circulaire
du seul ministre de la justice, de même que les procureurs
généraux et les procureurs ne s'estiment pas liés par une
circulaire du seul ministre de l'Intérieur. Il en est de même pour
les autres services de l'état associés à la lutte contre
la délinquance ;
C. LES MESURES POUR RENFORCER LE RÔLE ACTIF DU PARQUET DANS LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE
- S'assurer, de la part du procureur
général, que
la politique pénale définie par la Chancellerie est bien
appliquée par tous les procureurs de la République du ressort de
la Cour d'appel ;
- S'assurer, de la part du procureur de la République, que la
politique pénale affichée ne fait pas l'objet
d'interprétations divergentes de la part de ses substituts ;
- Accompagner toute nomination de procureur d'une lettre de mission
précisant les objectifs à atteindre ;
- Utiliser de manière plus systématique les services
d'inspection du ministère de la Justice pour s'assurer que les grandes
orientations et les instructions du Garde des Sceaux sont prises en compte par
l'ensemble des juridictions ;
- Elargir le champ d'application de la procédure
simplifiée ;
- Systématiser le recours à la troisième voie chaque
fois que son utilisation est possible ;
- Instaurer l'ordonnance pénale pour le traitement de toutes les
contraventions et de certains délits ;
- Créer dans chaque Parquet des bureaux d'enquête pour
gérer les affaires (enregistrement, classement des
éléments fournis au magistrat et des instructions qu'il a
données...) et suivre le déroulement de l'enquête (faire
procéder à tous examens techniques utiles à la
manifestations de la vérité, faire vérifier la situation
sociale et matérielle du mis en cause...) ;
D. LES MESURES POUR RENDRE L'EXÉCUTION DES PEINES PLUS EFFECTIVE
- Etendre le recours au traitement en temps réel
jusqu'au recouvrement des peines d'amendes ;
- Rationaliser le système de l'exécution des peines,
notamment en ayant un suivi des disponibilités du Comité de
Probation et d'Assistance aux Libérés (CPAL) en travaux
d'intérêt général ; organiser avec le concours du
comité précité des permanences à la sortie de
l'audience pour permettre la prise en charge immédiate des
condamnés ; saisir systématiquement le juge d'application
des peines des situations des condamnés ayant à purger une ou
plusieurs peines d'emprisonnement dont le total est inférieur ou
égal à un an afin d'envisager des possibilités
d'aménagement ; communiquer, dans les meilleurs délais les
décisions pénales au service du casier judiciaire;
transmettre à l'établissement pénitentiaire où est
écroué le condamné les informations permettant une
meilleure orientation du détenu ; accélérer la
transmission des pièces d'un dossier à la Cour d'appel dès
lors qu'un appel a été interjeté ;
- Développer la procédure du jour-amende pour renforcer
l'exécution des peines d'amende ;
- Instaurer des relations régulières et concrètes
entre le Parquet et le juge d'application des peines de façon à
assurer l'exécution, dans les meilleurs délais, des sanctions
prononcées ;
- Supprimer la pratique des seuils à partir desquels les amendes ne
sont plus recouvrées ;
- Insérer dans l'article 133-4 du code pénal une
disposition tendant à ne faire courir le délai de prescription
pour les peines d'amende qu'à compter du premier acte de
recouvrement.
E. LES MESURES POUR LUTTER CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS
- Développer une politique pénale
spécifique en direction de la primo-délinquance afin d'apporter
une réponse judiciaire à toute infraction commise par une
mineur ;
- Aménager le principe de l'irresponsabilité des mineurs
pour pouvoir lutter efficacement contre l'explosion de la délinquance
juvénile ;
- Mettre en place dans les écoles, collèges, lycées
une formation civique sur la nécessité de règles communes
pour le bon fonctionnement de la vie sociale ;
- Mettre fin à la banalisation du premier acte de
délinquance ou à la banalisation de certaines formes de vols ou
d'agressions ;
F. LE DÉVELOPPEMENT D'UNE NOUVELLE POLITIQUE PÉNALE
- Définir et mettre en oeuvre une politique
globale de
lutte contre la délinquance ;
- Prévoir chaque année devant l'Assemblée nationale
et le Sénat un débat d'orientation sur la politique pénale
du gouvernement, ce débat devant impliquer le ministre de
l'Intérieur et celui de la Défense ;
- Introduire dans le code de procédure pénale la notion de
" politique d'action publique " ;
- Etablir une politique pénale lisible pour les autres partenaires
de la chaîne pénale ;
- Instaurer une loi de programmation de lutte contre la délinquance
commune aux différents ministres concernés, notamment ceux de la
justice, de l'Intérieur et de la Défense... ;
- Donner des directives interministérielles impératives
(circulaires du Premier ministre) d'application des dispositions de
l'article 40 alinéa 2 du code de procédure
pénale par toutes les administrations ;
- Rendre publiques les directives et circulaires concernant la politique
pénale et la conduite de l'action publique. La plupart en effet sont
confidentielles ;
- Mettre en place des outils d'évaluation systématiques des
politiques pénales ;
G. AUTRES MESURES
- Reconsidérer l'organisation de la
justice sur le
territoire national et expérimenter la départementalisation des
Parquets dans certaines juridictions " pilotes " ;
- Lancer une réflexion sur le renforcement de chaque maillon de la
chaîne du traitement de la délinquance à partir de trois
principes : une meilleure organisation, des moyens supplémentaires
et des méthodes rénovées puis
expérimenter cette réforme dans quelques départements en
donnant aux différents services de l'Etat les moyens financiers et
humains nécessaires pour sa réussite ;
- En période de crise (violence dans les banlieues, prises
d'otages,...), mettre sur pied une cellule de crise afin de suivre en temps
réel l'évolution des situations, définir les
responsabilités de chacun et prévenir ou régler les
éventuels conflits entre autorités administratives et
autorités judiciaires. Faire ensuite un bilan des réponses
apportées au traitement de la situation de crise ;
- Instaurer dans chaque juridiction un service d'information
destiné à présenter et commenter la nature, l'ampleur et
la portée des jugements ou arrêts pénaux ;
- Procéder à un toilettage de tous les textes
législatifs et réglementaires comprenant une disposition
pénale par le biais de la création d'une commission ad hoc du
type commission de codification ;
- Restaurer la paix sociale par la reconquête de certains quartiers
qualifiés pudiquement de " territoires de moindre droit " en
s'inspirant de l'expérience menée en Seine Saint-Denis sous
l'égide du procureur de la République de Bobigny, grâce aux
Groupes Locaux de Traitement de la Délinquance, réunissant
justice, police, maires et associations de quartier autour de projets de
sécurisation et de prévention de la délinquance ;
- Etendre l'utilisation de la procédure de traitement en temps
réel à toutes les juridictions et élargir son champ
d'application à de nouvelles affaires (droit du travail, urbanisme,
droit de l'environnement...) ;
- Confier l'audiencement des affaires pénales au Président
de la juridiction, principalement dans les grandes juridictions. Dans le
système en vigueur, l'une des parties, en l'occurrence le Parquet, peut
choisir la formation qui jugera l'affaire ;
- Faciliter et rendre plus effective l'action des contrôleurs dans
les transports publics en les autorisant à retenir les contrevenants qui
refusent de décliner leur identité afin de pouvoir en rendre
compte immédiatement à tout officier de police judiciaire qui
pourra alors se faire présenter sur le champ le contrevenant ;
- Développer une véritable politique de communication au sein du
ministère de la justice afin de privilégier l'information
objective et complète du public et de lutter contre la tendance au
sensationnalisme de certains médias ;
- Simplifier et renforcer la coopération entre les autorités
judiciaires des Etats membres de l'Union Européenne ;
- Créer, au niveau de l'Union Européenne, une
catégorie d'infractions identiques permettant d'appréhender dans
les mêmes termes les auteurs d'infractions économiques et
financières, idem pour le domaine du trafic de drogues, etc.
ANNEXE
MODIFICATIONS APPORTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONCERNANT LA JUSTICE
I.
MODIFICATION DES CRÉDITS : VOTE DE CRÉDITS NON RECONDUCTIBLES
Les majorations de crédits non reconductibles relatives au budget de la
justice concernent le titre IV pour 100.000 francs et le titre V pour
6 millions de francs en autorisations de programme et 6 millions de
francs en crédits de paiement
.
Les chapitres concernés sont :
- le chapitre 46-01 (subventions et interventions diverses) article
10 pour 100.000 francs ;
- le chapitre 57-51 (conseil d'Etat, cours administratives d'appel et
tribunaux administratifs, travaux de modernisation) article 10 pour
6 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de
paiement.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 17 novembre 1998 sous la présidence de
M. Jacques Oudin, vice-président, la commission a
procédé, sur le
rapport
de
M. Hubert Haenel,
rapporteur spécial
, à
l'examen
des
crédits
de la
justice
pour
1999
.
Un large débat s'est alors engagé au cours duquel,
Mme Dinah
Dericke, rapporteur pour avis de la commission des lois
, a alors
rappelé que la commission des lois avait très récemment
entendu le garde des sceaux et n'avait donc pas encore examiné les
crédits du budget de la justice. Elle a toutefois fait remarquer que la
commission des lois avait émis un avis favorable l'année
dernière, alors même que la progression des crédits
était moindre que cette année.
Concernant la nécessité d'accompagner toute réforme de
moyens financiers suffisants, elle a constaté que les réformes
visant les tribunaux de commerce n'entreraient en vigueur qu'à partir de
l'an 2000 et n'affectaient donc pas les crédits du budget pour 1999. Par
ailleurs, elle a souhaité émettre les mêmes réserves
que l'année précédente concernant la longueur des
délais de jugement.
M. Roland du Luart, président,
a alors attiré
l'attention sur la situation pénitentiaire préoccupante du
département de la Sarthe, après avoir notamment rappelé
que la ville du Mans attendait la construction d'une nouvelle prison depuis
1952. Il a dénoncé la surpopulation carcérale et le
mélange des prévenus et des condamnés et a demandé
au rapporteur spécial d'évoquer ce sujet lors de l'examen en
séance publique des crédits du ministère de la justice.
La commission
a alors décidé, à l'unanimité,
d'adopter les crédits du budget de la justice inscrits dans le projet de
loi de finances pour 1999
.
Réunie le mardi 17 novembre 1998 sous la présidence de
M. Jacques Oudin, vice-président, la commission a
procédé, sur le
rapport
de
M. Hubert Haenel,
rapporteur spécial
, à
l'examen
des
crédits
de la
justice
pour
1999
.
La commission
a alors décidé,
à
l'unanimité,
de proposer au Sénat d'adopter les crédits
du budget de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour
1999
.
1
Les Cours d'appel ont
été
exclues : lorsqu'on fait appel, on est nécessairement dans la voie
contentieuse. Les conseils de prud'hommes également puisque la recherche
d'une transaction est une phase obligatoire de la procédure actuelle.
2
Coût actuel de l'unité de valeur
3
Nombre moyen d'UV dans les affaires contentieuses prvu par
l'article 90 du dcret n° 91-1266 du 19 décembre 1991
4
S'agissant de tentative de transaction, abattement de 50 %
5
Coefficient TVA
6
80 % du SMIC à la charge de l'Etat
7
La réforme envisagée prévoit également
de rénover le statut des administrateurs judiciaires et des mandataires
judiciaires à la liquidation des entreprises en vue d'une plus grande
ouverture de ces professions. En outre, leur contrôle sera
renforcé et leurs tarifs révisés. Toutefois, votre
rapporteur souhaite concentrer ses remarques sur les autres aspects de la
réforme.