PRINCIPALES OBSERVATIONS

1ère observation : une amélioration de la conjoncture et un net redressement de la situation financière des ports maritimes

En 1997, le commerce international a accéléré sa progression , la fraction transportée par voie maritime augmentant de 4,4%, pour dépasser pour la première fois les 5 milliards de tonnes. La progression a été particulièrement marquée pour la demande énergétique.

Dans ce contexte, le trafic des ports de commerce français a atteint 323,9 millions de tonnes de marchandises, en progression de 8,6 % par rapport à 1996 . Le trafic des ports autonomes (245 millions de tonnes) progresse de 5%, celui des ports d'intérêt national (74,4 millions de tonnes) augmente de 22,6% 1( * ) . La progression des ports maritimes français s'inscrit dans une progression globale du trafic maritime, si bien que la part de marché des ports français dans le trafic portuaire européen a baissé de 1% en tonnage et progressé seulement de 1% en valeur en 1997.

Le résultat des six premiers mois de 1998 montre encore que le trafic progresse de 2,5% sous l'effet conjugué d'une baisse des sorties (-1%) et d'une hausse des entrées (+4%). Cependant, cette progression peut être fragile.

L'impact de la crise asiatique sur l'activité des ports français est encore difficile à évaluer , même s'il semble que, pour l'instant, elle engendre des mouvements en sens contraire qui se compensent en partie. Pour les deux ports français essentiellement concernés, Le Havre et Marseille, les résultats du premier semestre 1998 montrent que la dévaluation des monnaies asiatiques a dopé les exportations de ces pays vers l'Europe (+23,2% pour l'Asie du Sud-Est), alors que les exportations européennes chutent (-12,1%). A terme, un infléchissement de la croissance mondiale, et surtout européenne, pourrait avoir des répercussions importantes sur l'activité.

La principale novation des années 1997 et 1998 est la nette amélioration de la situation financière des ports français .

La marge brute d'autofinancement a progressé de 17,3% dans les ports autonomes, et de 7,3% dans les ports d'intérêt national. Globalement, l'endettement diminue sensiblement en raison de l'amélioration du contexte économique, mais surtout des efforts d'une politique volontariste de désendettement (notamment à Dunkerque, Le Havre et Rouen).

L'enveloppe annuelle de recours à l'emprunt pour la couverture des dépenses d'infrastructure et de superstructures, fixée par le Comité des investissements à caractère économique et social (CIES) a ainsi diminué pour atteindre 87 millions de francs en 1997 puis 85 millions de francs en 1998, alors qu'elle s'élevait encore à 212 millions de francs en 1996.

2ème observation : un budget de continuité

Dans un contexte économique relativement favorable mais fragile, le budget des ports maritimes ne fait pas partie des budgets désignés comme "prioritaires" par le gouvernement.

En matière de dépenses de fonctionnement
, l'an passé, les dépenses d'entretien pour les ports d'intérêt national avaient progressé de 14% : en 1999, elles sont seulement consolidées.

Pour les ports autonomes , la dotation est stable depuis deux ans, ce qui traduit une diminution en termes réels. Une revalorisation serait donc indispensable pour simplement maintenir la dotation en termes réels. La France consacre 400 millions de francs à l'entretien de 5 ports maritimes, alors qu'à titre de comparaison, la Belgique consacre 600 millions de francs pour 3 ports maritimes (dont Anvers pour 260 millions de francs).

En matière d'investissement , l'augmentation des autorisations de programme en 1998 pour les investissements exécutés par l'Etat (22 millions de francs) laissait espérer la préparation d'un nouveau programme d'investissement. La loi de finances pour 1999 en tire d'ailleurs les conséquences, puisque les crédits de paiement pour les investissements réalisés par l'Etat progressent de 10 millions de francs.

Cependant cet accroissement des dotations, pour réel qu'il soit, apparaît comme trop timide pour qu'une rénovation du patrimoine des ports autonomes et des ports d'intérêt national puisse être entreprise, notamment parce que les crédits d'engagement stagnent.

Depuis 1995, les crédits d'équipement des ports maritimes ont connu une diminution constante, renforcée par de régulières mesures d'annulation . Les moyens d'engagement pour les investissements des ports maritimes sont passés de 257 millions de francs en 1992 à 161 millions de francs en 1997, "point bas " du budget des ports.

Le lancement de programmes d'investissement sur plusieurs années doit s'accompagner d'une revalorisation des moyens d'engagement.

En réalité, la revalorisation risquera d'être brutale avec le lancement du projet "port 2000" au Havre 2( * ) , qui est prévu pour la fin de l'année 1999. Il s'agit d'un projet ambitieux, mais indispensable, tant au plan national que régional, qui va nécessiter un important engagement financier de l'Etat.

Votre rapporteur se réjouit toutefois d'une plus grande "sincérité" dans la présentation des crédits dévolus aux ports maritimes

Les annulations ont été moins importantes en 1998 que les années précédentes
, tant pour les crédits de fonctionnement que d'investissement.

En 1998, seulement 0,5% des crédits attribués à l'entretien des ports maritimes ont été annulés, contre 3,6% en 1996. En investissement, seulement 0,8% des crédits de paiement et 2,2% des autorisations de programme ont été annulés (respectivement 4,6 % et 9,7% en 1997).

3ème observation : les mesures décidées en comité interministériel de la mer doivent encore être mises en oeuvre

Un comité interministériel de la mer s'est tenu le 1er avril 1998 : il a annoncé des mesures visant principalement, en matière portuaire, à une simplification des réglementations et à un abaissement des coûts de gestion des ports.

De nombreuses mesures ont été annoncées : ne seront abordées ici que celles ayant un impact financier.

En premier lieu, les procédures d'adhésion des ports autonomes à des groupements ou associations, comportant une participation financière, qui sont soumises à autorisation ministérielle, seront simplifiées .

On constate en effet que les ports prennent peu de participations (hormis la participation au GIE dragages-ports et la SOFREMER) et que celles-ci sont limitées en termes financiers : en 1998, deux projets seulement ont été soumis à autorisation interministérielle.

Des mesures de simplification devront donc être mises en oeuvre , notamment, en dessous d'un certain seuil de participation, la déconcentration de la procédure d'autorisation, l'introduction d'un régime d'autorisation tacite, et la possibilité pour les ports de détenir des filiales, prendre et céder des participations.

D'autres mesures de déconcentration et de simplification devraient également être prises, particulièrement en matière de comptes financiers, avec la mise en place d'un régime d'autorisation tacite pour l'approbation des états prévisionnels des dépenses et des recettes des ports.

Votre rapporteur estime que toutes ces mesures sont bienvenues, car elles permettront plus de souplesse dans la gestion des ports, à condition que les règles de prudence et de contrôle soient respectées . Ainsi, la possibilité de détenir des participations ne sera mise en oeuvre qu'à la condition que l'obligation de complémentarité de l'objet social soit remplie.

En second lieu, des mesures seront prises afin de réduire le coût du passage portuaire , élément essentiel de la compétitivité des ports.

Deux circulaires ont été diffusées en octobre 1997 et avril 1998 relative à la compétitivité des professions portuaires, demandant des cadres pluriannuels négociés entre clients et prestataires.

Votre rapporteur se félicite de ces dispositions : il rappelle que lors d'une précédente communication, il s'était élevé contre la solution radicale de l'abandon du monopole des professions réglementées en prônant une amélioration de la productivité des services portuaires, obtenue de manière pragmatique, notamment par une révision des modes de fixation des tarifs dans le sens de la transparence.

En troisième lieu, un nouvel avantage fiscal est annoncé, mais dont l'entrée en vigueur n'est pas encore décidée.

Le Gouvernement a annoncé qu'il permettrait aux collectivités locales d'exonérer de la taxe professionnelle les grues et portiques, ainsi que les équipements spécifiques des entreprises de manutention portuaire. Cette mesure n'a toutefois pas été présentée dans le projet de loi de finances.

4ème observation : la politique menée par l'union européenne aura des effets décisifs sur l'avenir de la filière portuaire française

Le livre vert de l'Union européenne est une vision intéressante mais qui présente quelques risques pour l'avenir des financements publics nationaux

La commission européenne a publié le 10 décembre dernier un "livre vert relatif aux ports et aux infrastructures maritimes".

Ce document, très attendu, bien que n'ayant pas de caractère normatif, définit les axes de réflexion de la commission en matière de politique portuaire et devrait servir de base à de futures actions, et notamment des directives.

La commission européenne déclare assigner deux objectifs à la définition d'une politique portuaire européenne : intégrer les ports dans des réseaux transeuropéens et assurer le respect d'une concurrence libre et loyale dans l'Union européenne.

Le 8 avril dernier, votre rapporteur a présenté une communication, adoptée en commission, qui approuvait d'une manière générale les objectifs définis par le livre vert, tout en faisant quelques observations de "réserve" qu'il rappelle ici :

- la commission propose de "recenser les ports susceptibles d'améliorer l'intégration du maillon portuaire dans la chaîne multimodale"
: il parait difficile d'accepter un classement des ports suivant des critères figés car il pourrait privilégier les grands ports du nord de l'Europe en proposant une intégration selon le seul axe nord-sud 3( * ) .

Il est en effet rappelé que l'inscription des ports dans les schémas transeuropéens de transports est un préalable au soutien financier de l'Union européenne , dans la mesure où les orientations fixées dans ces schémas doivent servir de base à d'éventuelles décisions prises dans le cadre des fonds structurels. Il convient d'autant plus d'être vigilant sur les critères retenus pour cette inscription, afin que certains grands ports ne soient pas favorisés.

- l'introduction d'une concurrence transparente entre les ports ne peut qu'être approuvée, mais sous certaines conditions.

Votre rapporteur estime légitime d'introduire dans la comptabilité des ports une distinction entre les missions d'intérêt général et les fonctions commerciales.

Cependant, la commission européenne propose également un recensement des financements publics, qui permettra d'établir certaines comparaisons. L'aide publique au financement des infrastructures ne devra pas être contrainte par un cadre trop strict, chaque Etat devant garder la possibilité d'apprécier le montant de son aide. Ainsi, le recensement des financements publics dans les ports maritimes ne devra pas entraver des projets de développement que les ports mettent actuellement en place, tel le projet port 2000 au Havre.

Suivant le principe de subsidiarité, il ne semble pas que la commission européenne soit en effet la mieux à même de définir un cadre rigide pour les redevances et investissements portuaires des différents Etats-membres.

En revanche, dès lors que des mécanismes de séparation comptable existeront, il lui sera possible de contrôler toute aide publique à une entreprise portuaire, s'assimilant à une aide d'Etat.

L'harmonisation européenne s'accélère

En dehors des strictes dotations budgétaires, l'Etat a un rôle essentiel à jouer pour faciliter les procédures de passage dans les ports maritimes français.

Un certain nombre d'actions ont été menées, qui seront poursuivies :
ainsi le plan "Douanes-ports" est largement mis en oeuvre (80% des soixante mesures ont été engagées). Cependant, le comité interministériel de la mer a décidé de le poursuivre, concernant les liaisons télématiques, le conseil aux entreprises ou encore les taxes parafiscales. Par ailleurs, des mesures ont été prises en termes de communication : une plaquette d'information dénommée "choisissez les ports français" a été largement diffusée auprès des opérateurs économiques.

L'an dernier, votre rapporteur estimait qu'à l'instar des avancées réalisées en matière de simplification et d'harmonisation douanière, une réforme des contrôles vétérinaires et phytosanitaires était indispensable, dans le respect des exigences de contrôle sanitaire.

Un certain nombre d'éléments nouveaux sont apparus, initiant une harmonisation communautaire.

La directive 97/78 modifiant la directive 90/675 devrait s'appliquer à compter du 1er juillet 1999 : elle prévoit une réelle harmonisation des règles de contrôle vétérinaire. Par ailleurs, la directive 98/22 du 15 avril 1998 a fixé les conditions minimales pour la réalisation de contrôles phytosanitaires dans la communauté (harmonisation des mesures d'équipements et d'infrastructure des postes de contrôle, niveau de compétence des agents).

En conclusion, votre rapporteur tient à souligner que la volonté d'engager les ports français dans le système européen de réseaux de transport doit se traduire par des actions concrètes, notamment au plan national.

Lors du dernier comité interministériel de la mer, le gouvernement s'est engagé à prendre des mesures pour accroître la compétitivité de la filière portuaire et la qualité des services, mais aussi pour améliorer la desserte terrestre des ports maritimes.

Votre rapporteur estime donc indispensable que les futurs schémas de service de transport , prévus dans le cadre du projet de loi d'aménagement durable du territoire , présenté en conseil des ministres le 29 juillet dernier, prennent en compte les ports dans une approche intégrée avec les autres modes de transport.

Le projet de loi semble aller dans ce sens, puisqu'il substitue aux cinq schémas sectoriels de transport de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, deux schémas multimodaux de services collectifs de transport concernant l'un les personnes, l'autre les marchandises. Encore faudra-t-il préciser expressément la fonction centrale des ports dans ce schéma multimodal et traduire cette situation dans les schémas de transport européens.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page