N° 66
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès verbal de la séance du 19 novembre 1998.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M.
Philippe MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 23
ÉQUIPEMENT, TRANSPORTS ET LOGEMENT :
III. - TRANSPORTS : TRANSPORTS TERRESTRES
Rapporteur spécial
: M. Auguste CAZALET
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
(1998-1999).
Lois de finances. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS
Première observation
Les crédits affectés à la section transports terrestres du
ministère de l'équipement, des transports et du logement
évoluent modérément : + 0,6 % en moyens de
paiement, à 45,2 milliards de francs.
En réalité, ces crédits ne retracent pas l'ensemble de
l'effort de l'Etat en faveur des transports terrestres. Il faut en effet leur
ajouter 2,5 milliards de francs en provenance du Fonds d'investissement
des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) et du Fonds
d'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF), qui sont des
comptes spéciaux du Trésor, ainsi que la dotation en capital de
13 milliards de francs à Réseau ferré de France
(RFF), prélevée sur les recettes de privatisation.
Au total,
l'effort de l'Etat
en faveur des transports terrestres
s'élève ainsi à
60,7 milliards de francs
pour
1999, soit une hausse de 5,8 % par rapport à 1998, cette hausse
étant pour l'essentiel imputable à l'augmentation de la dotation
en capital à RFF (+ 3 milliards de francs).
Effort total de l'Etat en faveur des transports terrestres
(En millions de francs)
|
PLF 98 |
PLF 99 |
Evolution en % |
Budget général |
44.919 |
45.181 |
+ 0,6 |
FITTVN
, dont
|
2.065
|
2.340
|
+ 13,3 |
FARIF
, dont :
|
310
|
130
|
- 58 |
Dotation en capital RFF |
10.000 |
13.000 |
+ 30 |
Total |
57.294 |
60.651 |
+ 5,8 |
Votre
rapporteur déplore toutefois que l'essentiel de cet effort soit
absorbé par l'apurement des investissements passés, les
coûts de fonctionnement et les interventions sociales (retraites SNCF,
préretraites des chauffeurs routiers), au détriment des
investissements de modernisation des réseaux de transport qui seraient
nécessaires.
Deuxième observation
Votre rapporteur déplore également que près des
trois-quarts (71,7 % exactement) des investissements et subventions
d'investissements de l'Etat en matière de transport terrestre soient
désormais
débudgétisés
, au travers du FITTVN
et du FARIF, ce qui brouille le débat relatif aux investissements
d'infrastructures dont notre pays a le plus besoin.
En particulier, le bilan de la création du
FITTVN
s'avère
à ce jour décevant. En effet, le FITTVN a alourdi les
prélèvements sur les sociétés concessionnaires
d'autoroutes au risque d'en fragiliser l'équilibre financier, sans pour
autant financer des politiques spécifiques, puisque les crédits
en sont "saupoudrés", ni améliorer réellement la
transparence des choix publics en matière d'infrastructure, puisque le
FITTVN est encore insuffisamment ouvert aux élus.
Troisième observation
Votre rapporteur se félicite du
succès de la réforme
de la SNCF
.
Le désendettement de la SNCF et la clarification de ses relations avec
les autorités publiques lui ont en effet permis de se mobiliser
efficacement sur la reconquête de sa clientèle et sur
l'amélioration de la qualité de ses services (accueil,
information, accessibilité, régularité notamment) :
- l'image de la SNCF s'améliore et le
trafic voyageurs
s'est
inscrit en progression de 3,4 % en 1997, et de 9 % sur les six
premiers mois de 1998 par rapport aux six premiers mois de 1997 ;
- s'agissant du fret, le
transport ferroviaire
regagne enfin des parts
de marché au détriment de la route ;
- les premiers résultats de l'expérience de
régionalisation
des services régionaux de voyageurs
engagée le 1er janvier 1997 sont prometteurs, puisque le trafic
régional a progressé en 1997 de 4,6 % dans les six
régions volontaires (Alsace, Centre, Nord-Pas de Calais, Pays de la
Loire, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes), contre 1,6 %
dans les autres régions. Le Limousin a ainsi rejoint
l'expérimentation le 1er octobre 1998 et cinq autres régions
ont signé avec la SNCF des conventions d'exploitation de transition vers
la régionalisation.
Les
pertes courantes
de la SNCF se sont réduites de
16,2 milliards de francs en 1996, à
0,8 milliard en
1997
et à 0,5 milliard prévus pour 1998. Cette
amélioration de 14,4 milliards de francs entre 1996 et 1997 va
au-delà des seuls effets mécaniques de la réforme sur les
comptes de la SNCF, que l'on peut estimer à 12 milliards de
francs
1(
*
)
et de l'impact de la
réalisation de plus-values latentes de change pour 0,6 milliard de
francs.
Le
redressement de la SNCF
est toutefois fragile et
inachevé
:
- la progression du trafic voyageurs s'explique pour une large part par le
développement du TGV Nord et par l'accélération
conjoncturelle du revenu des ménages ;
- la progression du trafic fret résulte pour partie d'un transfert
temporaire lié aux mouvements sociaux ayant affecté le transport
routier en novembre 1997. En outre, cette progression a fait
apparaître des points d'engorgement du réseau, ce qui s'est
traduit par une dégradation sensible de la fiabilité du service.
La commission d'enquête du Sénat sur les infrastructures de
transport a montré que le développement du transport ferroviaire
de marchandises passait ainsi par l'adoption de
conditions
d'exploitation plus favorables
au fret, en particulier par l'abandon de
la priorité systématique accordée aux trains de voyageurs,
fussent-ils quasi-vides, sur les trains de marchandises ;
- le déficit lié à l'exploitation
d'Eurostar
se
réduit, mais il représente encore à lui seul les 2/3 du
résultat négatif de la SNCF .
- l'ensemble des
filiales
hors télécommunications a
opéré un redressement de près d'un demi-milliard de
francs, avec un résultat positif de 0,2 milliard en 1997 contre une
perte de 0,3 milliard en 1996. La
rentabilité
sur fonds
propres de la plupart de ces filiales est toutefois très faible,
lorsqu'elle n'est pas négative ;
- les perspectives de profit de la filiale Telecom Développement
demeurent aléatoires. Il est par ailleurs paradoxal de voir la SNCF, qui
refuse le développement de la concurrence entre opérateurs sur le
réseau ferré français, développer une offre de
téléphonie fixe concurrente de celle de France Telecom ;
- enfin, l'amélioration des comptes de la SNCF résulte aussi de
la faiblesse du niveau des redevances acquittées à RFF. Au total,
le résultat cumulé de l'ensemble RFF + SNCF, demeure
ainsi négatif de 13,7 milliards de francs en 1997, contre
15,2 milliards de francs en 1996, soit une amélioration de
1,5 milliard de francs seulement, en dépit de l'allégement
de 1,9 milliard de charges financières résultant de la
reprise de dette opérée par l'Etat.
Il appartient donc aux cheminots de poursuivre leurs efforts de maîtrise
de leurs coûts et de reconquête de leur clientèle, en ligne
avec
l'effort
consenti par la
collectivité
pour les
transports ferroviaires, qui est aujourd'hui le plus important jamais
réalisé, à
66 milliards de francs
2(
*
)
. Votre rapporteur s'inquiète
à cet égard de la dégradation du climat social à la
SNCF.
Quatrième observation
Les besoins en capital de
Réseau ferré en France
(13 milliards de francs en 1999), trouvent pour partie leur origine dans
la modestie des redevances acquittées par la SNCF pour l'utilisation du
réseau : en 1998, RFF percevra ainsi 6,2 milliards de francs
de péages de la SNCF - utilisatrice du réseau, tout en acquittant
16,6 milliards de francs à la SNCF au titre de la gestion et de
l'entretien du réseau.
Au total, la propriété du réseau ferré coûte
ainsi plus de 10 milliards de francs à RFF, auxquelles s'ajoutent
les charges de la dette relative aux infrastructures, transférée
à RFF.
Cela se traduit par une
perte
très importante pour
RFF
: 14,1 milliards de francs en 1997 ; 14,5 milliards
de francs prévus en 1998.
Ceci réduit les capacités d'autofinancement de RFF,
déjà pour moitié consacrées à
l'achèvement du TGV Méditerranée, et ralentit la
modernisation
du
réseau
existant, ainsi que les travaux
visant à remédier à la saturation des infrastructures sur
certains noeuds ferroviaires stratégiques pour le fret, dont la
commission d'enquête du Sénat sur les infrastructures de
transports a pourtant montré le caractère prioritaire.
Dans un contexte où de nouveaux opérateurs seront
potentiellement autorisés à réserver des sillons sur le
réseau français, maintenir les péages à un niveau
trop bas reviendrait par ailleurs à subventionner artificiellement le
transit ferroviaire sur un réseau français déjà
saturé, au profit des concurrents étrangers de la SNCF.
Il conviendrait donc pour le moins de permettre à RFF de rapprocher
progressivement ses péages du coût d'usage réel des
infrastructures, quitte à réduire les dotations à RFF au
profit d'une subvention équivalente à la SNCF.
Cinquième observation
La contribution de l'Etat à l'équilibre financier de la
RATP
augmente de 2,8 %, à 4,5 milliards de francs,
alors même que la contribution des entreprises au titre du versement
transport est particulièrement dynamique, que la croissance du trafic
s'est inscrite en 1997 et sur les six premiers mois de 1998 sur une tendance de
l'ordre de + 2 % par an, et que les voyageurs eux-mêmes paient
de plus en plus cher (+ 2,7 % en 1997 en francs constants).
Ce
paradoxe
s'explique pour partie par l'augmentation quantitative de
l'offre (amélioration des services de nuit, mise en service de la
ligne 14 - Meteor), et par les hausses préoccupantes de
la fraude dans les bus et des agressions commises à l'encontre du
personnel de la RATP. La multiplication des actes violents à l'encontre
des conducteurs de métro, de tramway, et surtout de bus, qui n'est
malheureusement pas spécifique à l'Ile-de-France, a notamment
conduit la RATP à annoncer l'accélération des programmes
de radiolocalisation des bus AIGLE et d'embauche de 1.000 emplois jeunes,
sans que ces mesures puissent avoir d'autre ambition que de repousser la
violence urbaine en-dehors des transports en commun. Le développement
d'emplois jeunes visant à renforcer la présence humaine dans les
bus et les stations de métro ne constitue sans doute d'ailleurs pas,
à coût égal, la réponse la plus appropriée
à la déliquescence de la sécurité dans certains
quartiers.
Néanmoins, ce paradoxe trouve aussi son origine dans la
dérive des
coûts
d'exploitation de la RATP
, en
particulier de la masse salariale, sans que cette dérive ne se traduise
par une amélioration significative de la qualité du service
offert aux voyageurs, en moyenne, un escalier mécanique sur sept
était ainsi hors service dans le métro sur la période
1995-1997. La Cour des comptes a notamment critiqué l'insuffisance du
contrôle de gestion et de nombreux dysfonctionnements en matière
de marchés pour les exercices 1993-1996. Cela se traduirait
notamment par de fortes présomptions d'entente sur les marchés de
nettoyage, alors même que la propreté des véhicules et des
stations participe au sentiment de sécurité des voyageurs et
contribue à leur respect pour le transporteur.
Ce paradoxe résulte enfin d'une
mauvaise allocation
des
investissements d'infrastructures en Ile-de-France, concentrés sur Paris
intra-muros, alors même que les besoins de déplacements des
franciliens sont de plus en plus de banlieue à banlieue. Eole et Meteor
auront ainsi mobilisé durant huit ans les deux-tiers des
capacités d'investissement disponibles, quand bien même ces
projets sont largement redondants.
La nouvelle ligne de métro
Meteor
est une incontestable
réussite technologique, mais le rôle de la RATP était-il de
construire une "vitrine technologique" onéreuse "7 milliards de
francs pour sept stations" qui n'apporte qu'une réponse très
limitée à la saturation de la ligne A du RER ?
Cette mauvaise allocation des ressources trouve sa source dans une double
déresponsabilisation
: d'une part, c'est l'Etat qui
décide des investissements, mais la Région Ile-de-France qui en
finance la majeure partie et, d'autre part, les pertes d'exploitation des
opérateurs sont systématiquement compensées par la
collectivité.
Au total, la
clarification
des responsabilités et des relations
financières entre l'Etat, la RATP et les collectivités locales
franciliennes, apparaît une priorité dont la réforme de la
SNCF a montré les conséquences positives. Cette clarification
passe notamment par l'ouverture du Syndicat des transports parisiens (instance
décisionnaire en matière d'infrastructures) à la
Région
, et pourquoi pas aux
usagers
.
Sixième observation
Les subventions d'investissement aux
transports collectifs
de
province
connaissent une forte augmentation, à 720 millions de
francs d'autorisations de programme (+ 11 %).
Cette dotation permettra d'apporter une aide financière au
développement des métros ou VAL de Lille, Lyon ou Rennes, aux
tramways de Grenoble, Lyon, Orléans, Montpellier, Nantes, Strasbourg et
Valenciennes, ainsi qu'aux bus en site propre de Maubeuge, Rennes et
Saint-Denis de la Réunion. La réussite des travaux
déjà réalisés, notamment le tramway de Strasbourg,
invite à poursuivre dans cette voie.
L'impact favorable de cette dotation pour les opérateurs de transports
en commun sera toutefois partiellement neutralisé, à hauteur de
45 millions de francs selon le GART, par le relèvement de la Taxe
Intérieure sur les Produits Pétroliers sur le gazole. Afin que le
rééquilibrage progressif de la fiscalité des carburants ne
freine pas les investissements de modernisation et de capacité des
transports en commun, ce qui serait contreproductif en terme de pollution, il
pourrait être souhaitable d'en compenser partiellement les effets en
instituant des aides à l'équipement de bus propres.
Septième observation
L'action opiniâtre des élus membres du Comité de
gestion du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies
navigables a permis d'augmenter la dotation destinée aux
voies
fluviales
pour 1999. Toutefois, avec 450 millions de francs, celle-ci
reste très inférieure au produit attendu de la taxe sur les
ouvrages hydroélectriques concédés, et surtout
inférieure aux
besoins de réhabilitation du réseau
existant tels qu'ils ressortent des conclusions de la commission
d'enquête du Sénat sur les infrastructures de transport.
En matière de
grands projets
, la priorité est
désormais clairement donnée au projet Seine-Nord, qui a pour but
de relier la Seine et l'Oise aux réseaux de canaux du Nord de la France
et du Bénélux par un canal à grand gabarit permettant
l'acheminement régulier de chargements pouvant atteindre
4.400 tonnes. Ce projet, estimé à 15 milliards de
francs, présente une pertinence économique incontestable en
reliant, sur une distance relativement brève, deux zones très
denses en population et en activités.
Huitième observation
Le montant des dotations affectées au
transport routier
est
en augmentation rapide : 295 millions de francs en 1999, contre
195 millions de francs en 1998.
Cette évolution résulte des accords tripartites
Etat-conducteurs-entreprises signés en novembre 1996 pour les
transports de marchandises et en avril 1998 pour les transports de
personnes : afin de subventionner la cessation d'activité à
55 ans des chauffeurs routiers et des conducteurs d'autocars, l'Etat
versera ainsi 180 millions de francs en 1999 au FONGEFCA-transports et
à l'AGEFCA-voyageurs.