II. LES PROBLÈMES À MOYEN TERME
Dans
la course audiovisuelle, le secteur public part avec un certain nombre de
handicaps
: insuffisance de l'assiette - et éventuellement du
taux, les débats en commission ayant montré que votre commission
des finances est partagée sur ce point - de la redevance, manque de
prévisibilité des fonds publics affectés aux
chaînes, encore que ce problème semble ne plus en être un
avec le tarissement des crédits budgétaires.
Sur le plan commercial, le secteur public souffre de handicaps structurels dans
sa concurrence avec le privé . A l'évidence, à audience
égale il ne parvient pas à tirer aussi bien parti de ses
performances que le secteur privé TF1, au contraire réussit avec
seulement 37% de l'audience à capter plus de 50% du marché
publicitaire.
A. LA REDEVANCE
La
redevance représente les deux tiers des ressources de l'audiovisuel
public. Régulièrement critiquée dans ses modalités
de recouvrement, la redevance persiste dans son être, aucun gouvernement,
n'ayant, pour l'instant, songé sérieusement à changer de
système de recouvrement, qui ne coûte qu'un peu plus de 4% des
sommes encaissées.
Sans prendre vraiment parti sur le fond, c'est à dire aussi bien sur le
taux que sur les modalités de recouvrement de cette taxe parafiscale,
votre rapporteur veut se contenter pour l'instant de rappeler certains
éléments importants du dossier dans la perspective du projet de
loi sur l'audiovisuel qui doit, en principe, être soumis au
Parlement.
1. L'évolution du régime de la redevance
Une des
caractéristiques importantes du régime français est la
faiblesse de l'assiette due à la fois au grand nombre des
exonérations et à l'importance non négligeable de
" l'évasion "
Les exonérations
Il faut, en effet, rappeler que, si le principe des exonérations est
confirmé par l'ordonnance du 14 février 1959, leur champ
d'application s'est trouvé considérablement étendu par le
décret n° 92-971 du 17 novembre 1982
10(
*
)
.
Évolution du nombre des comptes
Le
nombre des comptes de redevance exonérés est ainsi passé
de 1 054 000 en 1983 à 4 335 000 en 1992. Ce
quadruplement, qui aboutit à ne pas faire payer la redevance par presque
un Français sur cinq
, résulte des critères,
essentiellement d'âge et de revenus, à partir desquels sont
définies les conditions d'exonération
Or une telle définition est lourde de conséquences pour le
rendement de la redevance en raison du vieillissement de la population et de
l'augmentation du nombre des personnes non imposables.
Certes, on s'est efforcé de réagir mais de façon trop
timide.
Le décret, n° 93-1314 du 20 décembre
1993, a prévu de faire passer progressivement l'âge requis pour
pouvoir bénéficier de l'exonération de la redevance de
60 à 65 ans.
Mais, après les deux premières années de mise en oeuvre,
il s'avère que l'effet de cette mesure sur l'évolution du nombre
de comptes exonérés n'a pas été celui
escompté. En effet, les comptes exonérés n'ont
diminué que de 8 483 unités en 1994 et
28 660 unités en 1995. Une étude réalisée
par le service de la redevance au premier semestre 1996 a montré que ce
nouveau régime avait permis d'éviter jusqu'en 1995 une
réduction du produit de la redevance liée à
l'exonération, mais n'a pas apporté véritablement de
ressources nouvelles.
Ce n'est qu'à partir de l'année 1996 qu'elle a
véritablement commencé à avoir des effets significatifs
sur l'évolution du nombre de comptes exonérés : au 31
décembre 1996, celui-ci a baissé de 116 000 par rapport
à la fin 1995 et si l'on compare le niveau des comptes
exonérés au 30 juin 1997 par rapport à celui au
30 juin 1996, la baisse est encore plus nette sur ces 12 derniers
mois, puisqu'elle est voisine de 168 000 unités.
En fait, la dynamique des exonérations n'a été
enrayée que par le décret n° 96-1220 du
30 décembre 1996.
A partir de 1998, pour être
exonéré de la redevance, il convient
, pour les personnes
remplissant la condition d'âge (avoir 65 ans au 1er janvier 1998),
d'être titulaire de l'allocation supplémentaire définie
aux articles L 815-2 et suivants du code de la sécurité
sociale
. Les conditions de revenus resteront toutefois inchangées
pour les invalides
11(
*
)
.
Le
montant annuel des pertes de recettes dues aux exonérations de redevance
est estimé à
2, 69 milliards de francs en 1998
.
La lutte contre l'évasion
L'évasion reste un phénomène considérable, de
l'ordre de 7 à 8 % des ménages équipés.
L'évaluation de ce qu'il est convenu d'appeler la fraude à la
redevance recouvre en fait plusieurs situations :
- la non déclaration d'appareils récepteurs,
- la non déclaration de la détention d'un appareil
" couleur ", pour un ménage titulaire d'un compte " noir
et blanc ", situation qui devient marginale,
- la non déclaration d'une modification dans la situation d'un
ménage, pouvant conduire à suspendre le bénéfice de
l'exonération et à remettre le compte exonéré en
catégorie payante,
- la non déclaration d'un changement d'adresse qui, temporairement ou
définitivement, peut conduire à l'arrêt du fonctionnement
du compte.
Les cas de non déclaration de détention d'appareils
récepteurs correspondent eux-mêmes à diverses situations,
dont la fraude véritable ne représente qu'une partie :
réelle volonté d'échapper à la redevance, ou
à l'opposé, méconnaissance de la réglementation ou
bien encore négligence.
Ainsi, la dernière évaluation effectuée en juin 1997 a
fait apparaître un nombre de comptes manquants égal à
1,7 million correspondant à un taux d'évasion de 7,7 %.
Ce calcul
12(
*
)
permet
d'approcher assez précisément (avec une fourchette de 1 %)
le taux d'évasion à la taxe, apprécié en importance
et en pourcentage du nombre de comptes manquants. Ce taux représente,
bien entendu, la valeur de référence moyenne pour l'ensemble du
territoire, avec des variations selon les secteurs géographiques.
Dans les 1,7 million de comptes manquants, existe une part
d'évasion incompressible en raison de son constant renouvellement
dû aux mouvements de population, à l'arrivée de nouveaux
détenteurs et au renouvellement permanent du fichier.
Cette
évasion incompressible est estimée par le service de la redevance
à 4 % du nombre de détenteurs d'appareils.
L'enjeu des contrôles porte donc sur 3 à 4 % des
ménages équipés, soit près de
800 000 comptes à ouvrir, correspondant à environ
500 millions de recettes supplémentaires.
Il ne faut pas fonder d'espoirs excessifs dans la lutte contre l'évasion
pour accroître le produit de la redevance.
On peut rappeler que grâce au vote à l'initiative du Sénat
de l'article 46 de la loi n°96-314 du 12 avril 1996, il a
été possible au service de la redevance d'effectuer des
rapprochements avec le fichier de la taxe d'habitation, ce qui a largement
facilité les contrôles et la lutte contre l'évasion.
Pour mémoire, il faut signaler qu'un article de la loi de finances pour
1992 avait prévu de donner accès aux agents de la redevance aux
livres de compte des diffuseurs de services de télévision mais
que cet article avait été invalidé par le Conseil
constitutionnel pour des raisons de forme.
Une bonne part du " dynamisme " des recettes de redevance est
dû à la croissance du nombre de comptes consécutif à
la multiplication des contrôles.