C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Dans ce
cadre, votre commission des finances a souhaité proposer un effort
significatif de réduction
des dépenses civiles
46(
*
)
d'un montant de 26 milliards de
francs
environ, en répartissant cette baisse entre :
*
des économies ciblées
au refus de certains
dispositifs proposés par le gouvernement ou à la
nécessité de les financer par redéploiement ;
* des économies forfaitaires
à hauteur de 1 % des
dépenses des titres III et IV des budgets civils et de 5 % sur les
parties 4 à 7 du Titre III (" train de vie de l'Etat " :
subventions de fonctionnement, matériel, entretien et charges diverses
de fonctionnement ).
Ces dernières invitent le gouvernement à faire preuve de
volontarisme dans l'effort de réduction des dépenses, en les
diminuant de façon significative mais dans une proportion
réaliste.
1. Des économies ciblées
a) La suppression des crédits destinés aux 35 heures
Les
3,5 milliards de francs de crédits figurant dans le projet de loi
de finances pour 1999 n'apparaissent pas réalistes. Le gouvernement
n'indique pas en effet la manière dont ils ont été
calculés et ceux-ci apparaissent par ailleurs mal calibrés.
Non seulement la provision de 3 milliards de francs figurant dans la loi
de finances pour 1998 n'a pas été entièrement
consommée
47(
*
)
mais eu
égard au faible nombre d'accords signés et à la
difficulté d'obtenir des chiffres précis s'agissant des emplois
sauvés ou préservés, la dotation prévue pour 1999
apparaît inadaptée.
Votre commission tient également à rappeler son étonnement
devant la façon dont le montant de la dotation avait été
fixée en 1998. Elle avait été prélevée sur
les crédits relatifs à la ristourne dégressive
fusionnée rendant de ce fait nécessaire leur abondement en loi de
finances rectificative pour 1998, malgré les déclarations
initiales en sens contraire du gouvernement.
En outre, votre commission tient à relever que si ce dispositif devait
produire des effets à la hauteur de l'ambition du gouvernement, la
charge budgétaire en serait accrue de manière très
substantielle. La commission des affaires sociales en avait ainsi
évalué le coût sur la base de 450.000 emplois crées
à 13,5 milliards de francs la première année et
à 36 milliards de francs la deuxième année.
Au demeurant, la majorité du Sénat a montré son
hostilité au caractère contraignant de ce dispositif de
réduction du temps de travail.
b) La suppression d'un montant de crédit représentatif des mesures nouvelles concernant les emplois jeunes
Cette
mesure proche de celle préconisée l'année dernière
consisterait à gager la progression des crédits correspondant aux
nouveaux emplois-jeunes par un effort d'économie sur les titres
concernés (principalement le titre IV du budget du travail,
" interventions en faveur de l'emploi " ).
Si le gouvernement tient à financer les 100.000 nouveaux
emplois-jeunes,
qui figurent au sein du budget de l'emploi, mais
également des DOM-TOM ou de l'enseignement scolaire et
supérieur
48(
*
)
,
il
doit selon votre commission, réexaminer les dispositifs
préexistants et procéder par redéploiement au sein d'une
enveloppe globale des aides à l'emploi qui atteint 150 milliards de
francs.
Récapitulation des économies proposées au
titre
des emplois-jeunes
Budget et imputation |
Montant (en millions de francs) |
Observations |
Emploi (chapitre 44-01) |
5.114,5 |
100.000 nouveaux emplois jeunes |
Enseignement scolaire public (chapitres 36-71 et 36-10) |
|
|
Enseignement scolaire privé (chapitre 43-02) |
|
|
Enseignement supérieur (chapitre 36-11) |
|
|
c) Les mesures relatives à l'épargne logement et au logement
Il s'agit, d'une part, de reconduire la mesure de réduction à hauteur de 2,1 milliards de francs des primes d'épargne logement qui figurent au budget des charges communes pour protester, comme en 1998, contre le fait que ces primes ne servent plus à financer le logement mais à subventionner un produit d'épargne concurrent de l'épargne contractuelle de moyen terme (assurance-vie notamment). Il s'agit également de conduire une opération de révision des services votés au sein du budget de l'urbanisme et du logement sur les aides personnelles au logement à hauteur de 500 millions de francs, comme le gouvernement l'avait lui-même proposé pour 1998.
d) Les mesures relatives à la Santé et à la Solidarité
Ces
mesures visent à " recentrer " les crédits
destinés à l'Allocation de parent isolé qui viennent
d'être rebudgétisés à hauteur 4,2 milliards. En
effet, la Cour des Comptes
49(
*
)
et la Caisse nationale d'allocations familiales estiment que la notion
d'isolement est appréciée de façon trop extensive :
elle est versée en fait à de nombreux couples. Ce recentrage
pourrait se traduire par une économie estimée forfaitairement
à 5 % soit 210 millions de francs.
De même les crédits destinés au RMI (26,4 milliards de
francs soit + 4,2 %) seraient réduits forfaitairement de
5 %, soit un montant de 1,32 milliards de francs correspondant
à des économies de gestion, à la lutte contre la fraude et
à la prise en compte des effets bénéfiques de la
croissance dont se prévaut le gouvernement. Par ailleurs, le ministre de
l'Emploi a déclaré au cours de son audition par la commission des
finances du Sénat qu'il existait " marginalement " des fraudes
et que le nombre de bénéficiaires devrait se stabiliser en 1999.
Naturellement, ces économies doivent être
réalisées sans porter atteinte aux droits résultant de la
législation en vigueur.
e) La réduction des crédits d'action sociale figurant au budget des services généraux du premier ministre (SGPM)
255 millions de francs de crédits figurent au titre V de ce budget sans aucune explication ni justification : ils ont été transférés en provenance du titre III et étaient destinés à accompagner l'accord salarial dans la fonction publique, qui a été signé le 10 février 1998.
f) La suppression des mesures nouvelles concernant les dépenses accidentelles ou éventuelles
Les crédits inscrits au budget des charges communes passent de 545 millions de francs en 1998 à 1,2 milliard de francs en 1999 sans aucune justification. Dans le projet de loi de finances pour 1996 ils représentaient 295 millions de francs et 445 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1997. Cette dérive ne fait l'objet d'aucune explication crédible.
Exécution en lois de finances (en millions de francs)
|
PLF 1996 |
PLF 1997 |
PLF 1998 |
PLF 1999 |
Chapitre 37-94 |
|
|
|
|
Crédits initiaux |
85 |
245 |
285 |
600 |
Exécution |
141,5 |
244,4 |
31,6 1 |
- |
Chapitre 37-95 |
|
|
|
|
Crédits initiaux |
210 |
200 |
260 |
600 |
Exécution |
50,7 |
45,4 |
17 1 |
- |
1. Au 30 juin 1998
Source - Direction du budget
g) La suppression des mesures nouvelles au titre de l'indemnité compensatrice versée à la RATP
Les
crédits concernant cette indemnité compensatrice
s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 1999 à
4,56 milliards de francs en progression de 2 ,8% par rapport à
1998. Il importe de lui conserver son caractère d'indemnité
compensatrice et non de la transformer, de fait, en subvention
d'équilibre. La suppression ainsi opérée devrait permettre
à cette entreprise qui bénéficiera par ailleurs de la
croissance prévue pour 1999 du trafic en Ile de France de
réaliser des progrès de productivité. On peut
également considérer que les recettes commerciales de la RATP
seraient augmentées si le gouvernement concentrait ses efforts sur la
sécurité plutôt que sur des subventions à
l'entreprise publique.
A ce titre, votre rapporteur général tient à rappeler
le jugement porté sur ladite augmentation par le rapporteur
spécial des crédits des transports terrestres à
l'Assemblée nationale :
" Cette majoration est
malheureusement plus due à un laxisme budgétaire qu'à un
financement maîtrisé ".
2. Des économies forfaitaires
a) les modalités de calcul de ces économies forfaitaires
Ces
économies portent sur les seuls titres III et IV des budgets civils afin
de préserver les dépenses en capital.
Seuls seraient épargnés les ministères de
souveraineté, dits parfois "régaliens"
(outre la
Défense, il s'agit de l'Intérieur, des Affaires
étrangères et de la Coopération et de la Justice),
ainsi que ceux en diminution à structure constante,
soit six
budgets
:
l'agriculture, l'aménagement du territoire,
les anciens combattants, les routes, les transports aériens et les
services généraux du premier ministre.
Le taux de la réduction forfaitaire serait modulé :
*5 % pour le " train de vie de l'Etat
" soit les parties 4
à 7 du titre III (entretien, dépenses de fonctionnement quotidien
etc.);
*1 % pour les autres dépenses du titre III ainsi que pour
l'ensemble du titre IV.
S'agissant du titre III, cette diminution de 1 % correspond à la
volonté de votre commission d'inciter le gouvernement à
poursuivre plus avant la réforme de l'Etat et à donner plus de
souplesse à ses méthodes de gestion de la fonction publique.
En effet, par comparaison, on peut rappeler qu'une diminution de 1 % des
crédits de la masse salariale correspondrait à une
réduction pour les budgets civils de 16.816 emplois budgétaires,
soit un peu plus du quart des départs annuels à la retraite, qui
sont estimés à environ 50.000 à 60.000.
Votre commission souhaite par ailleurs que le gouvernement s'engage dans une
révision systématique des structures administratives
. Pour ne
prendre que cet exemple, faut-il faire éternellement coexister les
agences régionales de l'hospitalisation avec les directions
départementales mais aussi régionales des affaires sanitaires et
sociales, est-il nécessaire de maintenir des échelons
départementaux et régionaux de la jeunesse et des sports, est-il
utile de conserver des échelons déconcentrés de certains
ministères (comme le tourisme) dont les compétences ont
été largement transférées aux collectivités
territoriales ?
Une poursuite déterminée de la réforme de l'Etat devrait
permettre aux gestionnaires de l'administration de mieux utiliser les moyens
qui leur sont alloués, et de répartir aux échelons les
plus appropriés les crédits de rémunérations, par
un pilotage plus fin des embauches, le recours au travail à temps
partiel, etc..
Il faut entrer dans une autre logique et faire prévaloir une
véritable gestion des ressources humaines de l'Etat, comme l'a
demandé votre commission à plusieurs reprises au cours des
années passées.
Il s'agit enfin d'inciter à la réalisation d'une réforme
urgente : celle des retraites de la fonction publique.
b) Le montant des économies forfaitaires
(1) Les économies forfaitaires au taux de 5 % représenteront plus de 3 milliards de francs
La base taxable est constituée des dépenses de " train de vie " des titres III (c'est à dire hors dépenses de rémunération ou de pension ) soit les parties 4 à 7.
(2) Les économies forfaitaires au taux de 1 % s'élèveront à plus de 8 milliards de francs
La base
taxable comprend les dépenses de rémunération (titre III
hors " train de vie "), soit les parties 1 à 3, et l'ensemble
des dépenses du titre IV.
Il y a donc lieu d'amender les budgets concernés en faisant
prévaloir cette logique. Votre commission souligne que ce
procédé est le seul qui soit à sa disposition pour
manifester sa volonté de voir enfin s'engager une politique de
réformes structurelles au sein des administrations civiles.