Article 9 -
Désignation au niveau national des sites
intégrés dans le réseau écologique
européen
L'article 7 de la proposition de loi précise les
modalités de transmission des propositions de sites entre
l'échelon local et le niveau national, en indiquant qu'un
arrêté du ministre chargé de l'environnement classe le site
inscrit sur la liste des propositions nationales et porte publication du
document d'objectifs attaché à ce site. Il précise en
outre qu'en cas de désaccord du Conseil régional du patrimoine
naturel, le classement ne peut être prononcé que par décret
en Conseil d'Etat.
Votre rapporteur
ne juge pas opportun de faire classer par voie
d'arrêté
tous les sites inscrits sur la liste des propositions
nationales, car certains de ces sites ne seront pas retenus, après les
travaux de mise en commun et de cohérence menés par les
séminaires biogéographiques au niveau européen.
De plus, compte tenu du retard pris dans la rédaction des documents
d'objectifs, ces derniers ne peuvent être finalisés au moment de
la transmission de la liste des propositions nationales.
S'agissant de l'articulation entre l'échelon local et le niveau
national, il convient d'en rester aux dispositions des articles 6 et 7 du
décret n° 95-631 du 5 mai 1995 ; mais il faut
préciser que la publication des sites nationaux d'importance
communautaire
prévue par l'article 9 du décret
précité,
fait l'objet d'un arrêté
ministériel
. De plus,
à ce stade final de la
procédure de désignation, il est indispensable, pour des raisons
de sécurité juridique, que l'arrêté
ministériel porte publication du document d'objectifs.
Article 10 -
Indemnisation des servitudes
résultant de Natura 2000
Cet
article indique que le classement d'un site dans le réseau
écologique européen peut donner lieu à indemnisation au
profit des propriétaires, des gestionnaires et des usagers du site
concerné.
Cet article pose, à l'occasion de la mise en oeuvre du réseau
Natura 2000, le problème plus général de
l'indemnisation des " servitudes environnementales ", qui constituent
des sujétions d'ordre législatif ou réglementaire
imposées par la puissance publique à la propriété
privée pour des motifs d'intérêt général.
Comme le souligne un rapport élaboré sous la direction
scientifique du professeur René Hostiou et du doyen Jean-Claude
Hélin
4(
*
)
, le
problème de l'indemnisation de ces servitudes est abordé le plus
souvent sous l'angle des " servitudes d'urbanisme " qui n'ouvrent
jamais droit à indemnisation.
Or les servitudes environnementales, par leurs caractéristiques propres,
devraient pouvoir être traitées différemment. Elles ont en
effet un caractère durable pour assurer une protection efficace, sur le
long terme, et le plus souvent, elles ne se bornent pas à une
interdiction de faire, mais elles impliquent une participation active à
la protection de l'environnement concerné. Cette participation est
génératrice de coûts supplémentaires, d'où la
tentation, parfois, de chercher à faire disparaître
l'élément faisant l'objet de la protection. Dans ces conditions,
il apparaîtrait normal que la collectivité prenne en charge la
moins-value subie par le bien, du fait de l'interdiction de faire, ou le
surplus du coût de gestion imposé au nom de l'intérêt
général.
Comme le suggère le rapport précité, " afin de
prendre en compte les contraintes que la puissance publique fait peser, au nom
de la protection de l'environnement, sur la propriété
privée, ne peut-on pas envisager ainsi l'adoption, parallèlement
à celle du principe " pollueur-payeur ", d'un principe
" protecteur-payeur " ?
Selon ce principe, la puissance publique, à l'origine des mesures de
protection de l'environnement, est tenue de prendre à sa charge le
coût afférent à ces mesures et de veiller ainsi à ce
que celui-ci n'incombe pas au seul propriétaire, incité de la
sorte à faire disparaître la source de la moins-value affectant
son patrimoine ? ".
Ces considérations trouvent pleinement à s'appliquer dans le cas
des sites d'intérêt communautaire incorporés dans le
réseau écologique européen. L'article 8 de la
directive 92/43/CEE Habitats naturels a d'ailleurs expressément
prévu le principe d'un cofinancement pour prendre en charge le
coût des mesures de gestion indispensables au maintien ou au
rétablissement dans un état de conservation favorable des
habitats naturels ou espèces prioritaires sur les sites
désignés.
La prise en compte des servitudes éventuellement imposées du fait
de l'intégration d'un site dans le réseau écologique
européen semble également être une préoccupation du
Gouvernement ; dans la circulaire du 2 avril 1998 adressée aux
préfets de départements, Mme Dominique Voynet, ministre
de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement indique que
" la mise en oeuvre réussie au niveau national du réseau
Natura 2000 nécessite l'obtention de moyens financiers
d'accompagnement suffisamment incitatifs ", et s'engage à mettre
" tout en oeuvre pour l'adoption de mesures propres à
rémunérer les prestations envisagées dans les documents
d'objectifs ainsi qu'une exonération de la taxe sur le foncier non
bâti ".
En conséquence, votre rapporteur vous propose
d'inscrire dans la loi
le principe de l'indemnisation des servitudes environnementales nées de
la mise en oeuvre du réseau écologique européen
, en
prévoyant deux types de compensations :
- premièrement dans les cas -sans doute rares- où les
prescriptions imposées entraîneront un préjudice direct,
matériel et certain, il y aura lieu d'indemniser les
propriétaires concernés en prenant en compte la perte de valeur
du fond.
- deuxièmement, le troisième alinéa de cet article
prévoit la rémunération des prestations ou des mesures de
gestion que la puissance publique imposera en application des documents
d'objectifs définis pour le site concerné.
La rémunération de ces services nouveaux devra être
définie par voie contractuelle, ce qui présente de nombreux
avantages : le propriétaire, le gestionnaire, ou l'usager d'un site
inscrit dans le réseau Natura 2000 est reconnu en tant que
gestionnaire d'un espace naturel, et le concept de protection de la nature
acquiert ainsi une véritable dimension économique.
Avec la mise en place d'un tel dispositif, on ferait ainsi des progrès
importants dans la prise en compte de l'espace naturel au niveau des politiques
publiques.
Enfin, le dernier alinéa reprend les dispositions du gage fiscal qui
faisaient l'objet du dernier article de la proposition de loi. Il ajoute,
conformément à l'article 8 de la directive Habitats naturels
que ces mesures pourront faire l'objet d'un cofinancement européen.