2. Un système qui souffre néanmoins de difficultés ponctuelles
Le secteur concédé ne se trouve toutefois pas dans une situation aussi confortable que dans les années 70 ou 80. Cette situation est sérieuse pour certaines sociétés.
a) Un incontestable tassement des marges
Les
autoroutes à péages souffrent depuis le début des
années 90 d'un phénomène de ciseaux : les coûts
augmentent plus rapidement, alors que la croissance des recettes ralentit.
L'augmentation des coûts est liée à deux
phénomènes : le durcissement de la législation de
protection de l'environnement, et le fait que les autoroutes récemment
construites, ou qui restent à construire, sont situés dans des
zones très difficiles, agglomération urbaine ou montagne.
Le tassement des recettes provient d'un net ralentissement dans la croissance
du trafic, qu'on observe depuis 1991
51(
*
)
. Ce ralentissement est lui-même
probablement lié en partie à une inversion de tendance dans la
politique tarifaire suivie par les pouvoirs publics : après avoir
augmenté moins vite que l'inflation jusqu'en 1991, les tarifs ont
augmenté ensuite plus vite qu'elle, par effet de rattrapage et aussi en
raison d'une augmentation des prélèvements sur les
sociétés. Votre rapporteur y reviendra.
Il est résulté de ce changement de circonstances que les
tronçons les plus récents, et aussi ceux qui restent à
construire sont fréquemment peu ou pas rentables.
Il en est ainsi, par exemple, de la section Angers-Vivy de l'A 85 (38 km),
ouverte à la circulation en 1997 et exploitée par Cofiroute, qui
peine à atteindre les 3.000 véhicules/jour, et qui souffre ainsi
d'une absence de rentabilité.
b) Trois sociétés en difficulté
Trois sociétés ont particulièrement souffert de cette détérioration des conditions de rentabilité. Escota (Esterel- côte d'Azur), SAPN (Autoroutes Paris-Normandie) et SFTRF (tunnel routier du Fréjus). La première est à la limite de l'équilibre au terme de sa concession, et ne supporterait pas une détérioration du trafic sur les sections aujourd'hui en service. Les deux autres souffrent de difficultés très graves, qui mettent effectivement leur programme en péril.
Principaux ratios financiers des sociétés concessionnaires 1997
|
Capacité
d'autofinancement/
|
Dettes/capacité d'autofinancement |
Frais financiers/excédent brut d'exploitation en % |
|||
|
mai |
octobre |
mai |
octobre |
mai |
octobre |
ASF |
44,47 |
51,19 |
13,31 |
11,97 |
42,21 |
41,27 |
ESCOTA |
55,08 |
64,62 |
24,47 |
23,37 |
56,82 |
56 |
SAPRR |
24,42 |
27,07 |
40,85 |
37,15 |
69,55 |
69,74 |
AREA |
49,60 |
71,74 |
32,08 |
23,70 |
67,00 |
62,42 |
SANEF |
57,05 |
65,67 |
17,12 |
16,50 |
50,78 |
48,12 |
SAPN |
- 2,52 |
- 3,90 |
- 299,28 |
- 207,25 |
104,01 |
106,91 |
ATMB |
62,50 |
69,22 |
4,57 |
4,34 |
18,26 |
18,16 |
SFTRF |
6,45 |
5,82 |
49,38 |
55,97 |
29,91 |
31,75 |
Moyenne |
33,7 |
38,07 |
23,18 |
21,4 |
55,4 |
54,17 |
Source : Direction du Trésor
Direction
des Routes
La SFTRF et la SAPN ont accumulé les handicaps liés au changement
de circonstances apparu dans les années 90, et qui ont été
absorbés sans trop de difficultés par l'ensemble du
système. L'une et l'autre sont de petites sociétés, ne
pouvant adosser leur programme de construction que sur un seul ouvrage
important en service : le tunnel du Fréjus pour la SFTRF et l'A 13
(Paris-Rouen-Caen) pour la SAPN.
D'un côté, elles ont souffert d'un trafic plus médiocre que
prévu sur leurs ouvrages. Ainsi, le trafic sur l'A 13 a diminué
de plus de 2 % en 1996, ce qui ne s'était jamais vu et qui
n'était pas anticipé en période de croissance
économique. De même, le trafic dans le tunnel du Fréjus a
été inférieur aux prévisions (- 2,23 % pour
les véhicules légers en 1996).
D'un autre côté, les deux sociétés ont eu à
faire face à la dérive sans précédent des
coûts de construction dans des zones très difficiles : l'autoroute
de la Maurienne (A43), en montagne (8,5 milliards de francs) et l'autoroute
A 14, la plus coûteuse autoroute urbaine jamais
réalisée (4,6 milliards de francs 1995, soit
290 millions de francs le kilomètre).