C. APERÇU DE LA POLITIQUE AUTOROUTIÈRE DES AUTRES PAYS ET DE L'UNION EUROPÉENNE
1. Les divers modes de financement utilisés par les différents pays européens
Il n'existe que deux sources de financement possibles pour les infrastructures autoroutières : le contribuable et l'usager. En revanche, l'organisation du financement varie d'un pays à l'autre. Trois modèles coexistent en Europe :
a) Le régime de la concession
Deux
types de concession sont possibles :
La concession " classique " avec péage
C'est le système français. Il a également
été choisi par l'Espagne, l'Italie et le Portugal. Certains pays
ne l'utilisent que pour le financement de la construction d'ouvrages d'art,
tels que les tunnels et les ponts.
L'Espagne a opté pour la concession dans les années 60, lors de
l'apparition de besoins importants en infrastructures autoroutières, en
raison de son décollage économique. Le choix espagnol
résulte de trois considérations :
- un financement par le budget de l'Etat aurait été trop lent ;
- les différences de population et de niveau de développement
entre les régions auraient conduit certaines à être plus en
mesure que d'autres de participer au financement des projets, accentuant ainsi
les déséquilibres territoriaux ;
- le péage permet de faire participer les usagers étrangers,
touristes notamment, au financement des infrastructures.
Au milieu des années 80, la situation financière difficile du
secteur concédé a contraint l'Espagne à freiner son
expansion au profit de voies gratuites à caractéristiques
autoroutières. Le financement public est devenu majoritaire, et des
taxes spéciales, sur les carburants ou les infrastructures, ont
été instaurées.
Aujourd'hui, le réseau espagnol " à haute
capacité " s'étend sur environ 8.000 kilomètres, dont
2.000 d'autoroutes à péage, 5.000 d'autoroutes gratuites, et
1.000 kilomètres de deux fois deux voies.
Le modèle autoroutier italien est très proche du modèle
français. Le choix de la concession de réseau, comparable
à l'adossement, permet une péréquation entre autoroutes
rentables et autoroutes d'aménagement du territoire. Il est
présenté comme transformant de fait la concession
autoroutière en service public de haute qualité.
S'agissant des sections au coût très élevé et au
faible niveau de trafic, l'Etat a anticipé d'éventuelles
difficultés financières des concessionnaires en créant un
fonds de garantie, partiellement financé par le revenu des
péages. Le fonds est massivement intervenu dans les années 70, et
ces interventions ont été inscrites au débit des
sociétés, qui les remboursent progressivement.
La bienveillance de l'Etat à l'égard des concessionnaires est
attribuée au fait que c'est lui qui deviendra propriétaire des
autoroutes au terme des concessions.
L'argument le plus répandu en Europe en faveur du
péage
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)
est qu'il
permet de réaliser plus d'investissements que le seul budget de l'Etat.
De plus, le recours à la péréquation rend possible la
desserte des zones à faible trafic.
Le péage est également associé à une organisation
routière plus efficace, notamment à orienter le trafic sur le
réseau routier. Il permet également le financement des
infrastructures par l'ensemble des usagers indépendamment de leur
nationalité.
La difficulté du péage réside en son acceptabilité
sociale. S'il est aujourd'hui entré dans les moeurs sur les axes
interurbains neufs, il est encore difficile de la faire admettre sur des
liaisons actuellement gratuites, ainsi que dans les zones urbaines. Toutefois,
des études réalisées en Autriche tendraient à
montrer que la mise à péage de l'ensemble du réseau
interurbain serait réalisable.
La concession avec péage " fictif "
Ce système est principalement développé en Grande
Bretagne, sous le nom de DFBO ("
design, finance, build,
operate
"). Le principe est celui d'une concession à une
entreprise privée, qui construit et finance l'infrastructure, mais ne
perçoit pas de péage auprès des usagers, qui utilisent
l'infrastructure gratuitement. L'Etat, par l'intermédiaire de la
Highways Agency créée en 1994, rémunère le
concessionnaire pendant toute la durée de la concession en fonction du
trafic recensé et du gabarit des véhicules.
Ce système présente l'avantage d'être indolore pour
l'usager et de supprimer les coûts de perception des péages (qui
sont estimés entre 10 et 15 % des recettes). En revanche, il
maintient le principe d'un financement de l'infrastructure par la puissance
publique.
L'efficacité de ce système n'a pas convaincu le Gouvernement
britannique issu des élections de 1997, qui a annoncé son
intention de ne pas réaliser d'infrastructure autoroutière
nouvelle dans un proche avenir.
b) La création d'un fonds routier
Cette
solution a été retenue par les Pays-Bas, le Luxembourg et la
Flandre, en Belgique.
Le fonds luxembourgeois est entièrement alimenté par des
crédits budgétaires. Le fonds néerlandais perçoit
le produit de plusieurs taxes, dont la taxe sur les carburants.
L'avantage de l'affectation permet, en période d'austérité
budgétaire, de ne pas sacrifier les dépenses prévues dans
les secteurs protégés, comme les dépenses d'entretien des
routes. Toutefois, les directeurs des routes des pays
européens
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)
considèrent que la création d'un fonds routier ne peut être
utile que pour venir en aide à une administration routière
déjà efficace.
c) Le financement par le budget de l'Etat
Ce mode
de financement est retenu, de manière quasi-exclusive, par la
majorité des pays du nord de l'Europe, tels le Danemark, la
Suède, la Finlande, l'Autriche et l'Allemagne, qui a entièrement
financé son réseau de 11 000 kilomètres par des
crédits budgétaires.
L'avantage du financement budgétaire est de permettre à l'Etat
d'assumer ses missions de solidarité et d'assurer les conditions
d'interventions d'autres sources de financement, notamment lors de la phase de
lancement de projets d'infrastructures ou en cas de risques excessifs et de
rentabilité insuffisante du financement privé. Il est donc
largement incontournable, même dans les pays qui ont majoritairement fait
le choix de la concession.
Les inconvénients du financement budgétaire sont, d'une part, la
soumission aux fluctuations des recettes fiscales et, d'autre part, la
difficulté d'une programmation rigoureuse des investissements. Ce
dernier problème se pose de manière particulièrement
aiguë au Danemark.