B. LES PROJETS DE LIGNES NOUVELLES ANNONCÉS PAR LE GOUVERNEMENT : LES INCERTITUDES DEMEURENT
Bien
qu'il ait donné mission à RFF et à la SNCF de dresser un
état des besoins et de formuler des priorités pour les lignes
nouvelles à grande vitesse, le Gouvernement a, lors de la réunion
interministérielle du 4 février 1998, confirmé
l'engagement de réaliser une liaison à grande vitesse entre Paris
et Strasbourg et, d'autre part, annoncé son intention de poursuivre les
études et les concertations sur la liaison Rhin-Rhône.
Votre commission ne peut que s'étonner de la méthode suivie
par le Gouvernement qui " lance " deux nouveaux projets de lignes TGV
dont le coût s'avère extrêmement lourd pour les
collectivités publiques
avant même de disposer des
conclusions des études demandées à RFF et à la
SNCF.
Au-delà de cette constatation, il lui apparaît que les engagements
pris par le Gouvernement, confirmant des décisions déjà
acquises, ne permettent pas de considérer que la France dispose d'un
nouvel instrument de planification de ses infrastructures ferroviaires. En
effet, ils laissent subsister de nombreuses incertitudes et leurs implications
financières doivent être mesurées au regard des contraintes
budgétaires pesant sur la politique ferroviaire. Au rythme actuel de
construction des lignes nouvelles à grande vitesse si ces projets sont
effectivement réalisés, il y a fort à parier qu'il s'agira
des seules infrastructures ferroviaires nouvelles dont la France se dotera au
cours des quinze prochaines années.
1. Des décisions qui laissent subsister de nombreuses incertitudes sur la réalisation de nouvelles infrastructures ferroviaires
a) Le TGV Rhin-Rhône : un projet qui présente des avantages mais qui ne sera pas réalisé avant de nombreuses années
Un
projet encore assez peu avancé
L'état d'avancement des études et concertations concernant le TGV
Rhin-Rhône ne peut laisser à penser que les déclarations
faites par le Gouvernement le 4 février dernier signifient l'annonce de
sa réalisation.
En effet, à l'exception de la décision de lancer les
études préparatoires au lancement de l'enquête publique
dans le courant 1998 -la décision a été prise le
26 mai dernier-, votre commission souligne le caractère
déclaratif de l'annonce gouvernementale. Celle-ci précise que
l'Etat examinera avec l'ensemble de ses partenaires -collectivités
locales, RFF, SNCF- la faisabilité d'un phasage de la première
section et que le comité de pilotage s'attachera à
préparer un plan de financement et un calendrier de réalisation
technique à soumettre à l'Etat et aux collectivités
publiques.
Par ailleurs, il ne s'agit pas du lancement d'une nouvelle ligne TGV. Rappelons
que le lancement des études d'avant-projet sommaire avait
été décidé en décembre 1995, une convention
de financement ayant été signée le 16 février 1996
entre l'Etat, les régions concernées et la SNCF. Ces
études et les consultations qui les ont accompagnées ont
débouché sur une proposition de tracé au ministre de
l'Équipement, des transports et du logement.
Un projet intéressant
Le projet de TGV Rhin-Rhône est inscrit au schéma directeur
national des liaisons ferroviaires à grande vitesse de 1992, sauf pour
la branche sud de la deuxième phase du projet reliant Dijon à la
ligne TGV Sud-Est vers Lyon pour laquelle l'itinéraire n'était
pas arrêté lors de la publication du schéma. Cependant,
bien qu'il figure parmi les projets retenus par le schéma directeur
européen des lignes à grande vitesse de 1990, il ne fait pas
partie des projets prioritaires arrêtés par le sommet d'Essen en
1994.
Ce projet se présente sous la forme d'un " Y " et ferait de
Dijon un carrefour ferroviaire. La branche Est correspond à la
première phase du projet ; elle représente 190
kilomètres en ligne nouvelle entre Mulhouse et Dijon -via l'aire urbaine
de Belfort-Montbéliard et Besançon- qui pourraient être
reliés en 1 heure et 10 minutes, contre 2 heures et 50 minutes
aujourd'hui, soit un gain de temps d'une heure et 40 minutes.
L'intérêt du projet repose sur un phasage qui lui donnerait une
double vocation nord-sud et est-ouest le rendant capable de drainer des flux
entre les Länder rhénans, le Nord de la Suisse, le Sud de l'Alsace,
d'une part, et le grand Sud-Est, l'Espagne, la Bourgogne et la région
parisienne d'autre part. En effet, la deuxième phase du projet est
constituée d'une branche ouest et sud qui prolonge le tracé
Dijon-Mulhouse en ligne nouvelle jusqu'à la ligne TGV Sud-Est vers Paris
et vers Lyon.
La rentabilité du projet reposerait sur cette double orientation des
flux. Sa rentabilité financière avoisinerait, selon la mission
TGV Rhin-Rhône, 6,3 % et sa rentabilité socio-économique
10 % .
Votre commission note que ces taux avoisinent les taux de rentabilité
avancés par le schéma directeur de 1992 alors que ceux-ci ont
été revus à la baisse par le rapport Rouvillois pour des
considérations d'ordre économique qui demeurent aujourd'hui
pertinentes.
Au demeurant, des estimations communiquées à votre commission
font état d'un taux de rentabilité interne de 2,8 %, ce qui
semblerait plus réaliste.
La dernière évaluation de la mission TGV fait apparaître un
coût prévisionnel de 11,9 milliards de francs hors taxes pour
les seules infrastructures (gares comprises) de la première phase, soit
55 millions de francs le kilomètre. On sait par ailleurs que le
nombre moyen d'ouvrages d'art à construire serait de 1,3 au
kilomètre ; pour le TGV-Nord, cette moyenne était de 0,8.
Selon les mêmes estimations, le Rhin-Rhône serait utilisé
par 12 millions de voyageurs par an en 2005 et un accroissement du trafic
ferroviaire de l'ordre de 40 % est attendu sur l'ensemble des relations,
soit 60 % sur l'axe nord-sud et 20 % sur l'axe est-ouest.
Votre commission ne peut que faire preuve de prudence vis-à-vis de ces
estimations qui concernent un projet de ligne dont le raccordement avec
l'Allemagne demeure encore très incertain. Certaines d'entre elles
semblent pêcher par excès d'optimisme. C'est le cas notamment des
études concernant le nombre de créations d'emplois
engendrées par la construction de la ligne nouvelle : 32 000
-dont 19 000 dans le secteur des bâtiments et des travaux publics-
pendant les six années que durerait le chantier, selon le bureau
d'études Géode.
L'appréciation exacte du taux de rentabilité du projet est
nécessaire pour déterminer les modalités de financement de
la ligne nouvelle. Si les estimations avancées jusqu'ici
s'avèrent fondées, la participation de l'Etat et des
collectivités locales sera moindre que celle nécessaire à
des projets moins rentables, à l'image du TGV-Est, et, à supposer
que la situation financière de RFF le permette, serait de nature
à rendre plus aisée sa réalisation.
Quelle que soit la sincérité des estimations de trafic et de
recettes attendues, la réalisation de la ligne demeure encore
incertaine, du moins à court terme, compte tenu notamment des
engagements pris pour le TGV-Est et de leurs conséquences
financières.
b) Le TGV-Est : une réalisation coûteuse et encore incertaine
Une
décision ancienne
La réunion interministérielle du 4 février 1998 a
confirmé l'engagement de l'Etat de réaliser une liaison à
grande vitesse entre Paris et Strasbourg.
Le principe de ce projet a été arrêté, dès
1986, par M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, dans un contexte
économique et financier -il importe de le souligner- fort
différent. En 1989, M. Philippe Essig a été
chargé par le premier ministre, M. Michel Rocard, d'une
mission d'évaluation de la faisabilité technique et
financière du TGV-Est dont les conclusions rendues publiques
l'année suivante prévoyaient le début des travaux pour
1995. Cette liaison figurait au schéma directeur national des lignes
ferroviaires à grande vitesse de 1992. Rappelons, par ailleurs, que le
projet de TGV-Est européen a été inscrit dans la liste des
quatorze projets d'Essen avec son prolongement en Allemagne vers
Saarbrücken et Mannheim.
Son tracé fut déclaré d'utilité publique par
décret en Conseil d'État le 14 mai 1996. Un protocole
relatif aux modalités de financement et de réalisation des
études d'avant-projet détaillé a été
élaboré en 1997 et signé par l'Etat et les
collectivités territoriales au début de l'année. Celui-ci
prévoit une enveloppe globale de 740 millions de francs
d'études et de travaux préliminaires, 223 millions de francs
étant à la charge des collectivités territoriales, le
reste incombant à l'Etat qui a bénéficié de
subventions de la Communauté européenne pour un montant
équivalent à la moitié de ce coût.
La commission d'enquête n'a donc pu que s'étonner, dans un tel
contexte, de l'annonce d'un nouveau " lancement " du TGV-Est
. En
effet, il intervient au moment où les discussions relatives au protocole
concernant les études de l'avant-projet détaillé
s'achevaient. Par ailleurs, il fixe le début des premiers travaux en
1999 alors que leur mise en oeuvre aurait pu être envisagée
dès 1998 si le Gouvernement s'était saisi plus rapidement du
dossier.
Ce tracé permettrait de gagner 1 heure 25 minutes entre Paris et
Strasbourg et entre Paris et Metz, 1 heure 20 minutes entre Nancy et Paris et
45 minutes entre Paris et Reims, par rapport aux temps de parcours
actuels.
Selon les intentions du Gouvernement, il serait prévu de lancer les
travaux préparatoires fin 1999, de procéder aux acquisitions
foncières courant 2000 et, enfin, d'entamer les travaux de génie
civil dès 2001, hypothèse qui a été
considérée comme plus volontariste que réaliste par des
personnalités auditionnées par votre commission.
Une réalisation qui ne sera possible que grâce à
une importante contribution des collectivités publiques
C'est, en effet, dans le cadre du rapport confié en 1989 par le ministre
des transports à M. Essig afin de rechercher les concours
financiers nécessaires à sa réalisation et en
étudier le tracé définitif en collaboration avec les
collectivités locales que cette participation avait été
envisagée. La généralisation d'une telle
possibilité fut également évoquée par le rapport
Rouvillois à la suite de la révision à la baisse des taux
de rentabilité des lignes à grande vitesse du schéma
directeur. Elle résulte aujourd'hui des termes de la loi du
4 février 1997 et du décret du 15 mai 1997.
Le TGV-Est devrait être le premier exemple de ligne nouvelle à
grande vitesse qui doive être financée grâce aux concours
des collectivités territoriales. En effet, si l'Etat avait
déjà financé directement une partie -au demeurant minime-
du coût de construction du TGV-Nord, les collectivités
territoriales n'avaient pas jusqu'à présent été
sollicitées pour ce type d'infrastructures. Il s'agit là de la
conséquence des règles nouvelles régissant le
fonctionnement de RFF, si l'Etat ou les collectivités locales veulent
construire des lignes TGV nouvelles dont la rentabilité
financière n'est pas suffisante pour permettre à RFF de les
financer seul, ils doivent apporter les participations financières
nécessaires.
Il faut souligner également que les collectivités locales
participant au financement du projet ne sont pas seulement celles dont le
territoire sera traversé par la ligne projetée mais
également celles qui bénéficieront indirectement des
effets de l'infrastructure nouvelle grâce à une
amélioration de la qualité des relations. En effet, les
collectivités territoriales qui contribueront au TGV-Est sont
principalement les Alsaciens et les Lorrains qui, au moins pour les premiers,
ne seront pas concernés par les travaux de la première phase -mis
à part ceux liés à l'électrification des lignes
vosgiennes qui, selon le document d'enquête publique, faisait partie
intégrante du projet. Si ce principe était accepté par
l'ensemble des collectivités territoriales, il serait ainsi envisageable
que la région Bretagne participe au financement du contournement du Mans.
Il importe de souligner que l'apparition de ce nouveau critère de
participation n'a pas eu pour effet d'exclure des cofinanceurs la région
Ile-de-France qui n'est pas la première bénéficiaire du
projet en termes d'aménagement du territoire.
Votre commission souligne que ces financements croisés -jusqu'ici
inédits pour le financement d'une grande infrastructure ferroviaire- ne
seront légitimes que s'ils s'accompagnent d'un effort spécifique
destiné à faire du TGV un instrument de désenclavement
notamment grâce à une amélioration des dessertes
intermédiaires et à une plus grande intégration des lignes
à grande vitesse au sein du réseau classique. A cette fin, un
dialogue entre la SNCF et les collectivités territoriales doit
s'établir. L'amélioration constatée sur les dessertes
régionales grâce à l'expérience de la
décentralisation de la gestion ferroviaire conduite en vertu de la loi
du 13 février 1997 laisse espérer des possibilités de
coopération fructueuse entre la SNCF et les collectivités
territoriales. Rappelons, en effet, qu'en 1996-1997, l'accroissement du trafic
régional a été de 4,4 % dans les six régions
expérimentales et seulement de 1,5 % dans les quatorze autres
régions et que les revenus, sur l'exercice 1997, ont augmenté de
4,2 % dans ces six régions contre 2,2 % dans le reste du
territoire.
Un financement problématique
Néanmoins pour l'heure, ces nouvelles modalités de financement
laissent subsister des incertitudes sur le niveau du financement mis à
la charge des collectivités territoriales.
Selon le communiqué du Gouvernement du 4 février 1998, l'Etat est
prêt à "
augmenter sa participation jusqu'à
8 milliards de francs dans la mesure où la participation des
collectivités territoriales permettrait, compte tenu des engagements de
l'Union européenne et du Grand Duché du Luxembourg de boucler le
plan de financement
".
Rappelons que le coût de la première phase est estimé par
le Gouvernement à 18,7 milliards de francs, alors que des documents
transmis par le ministère de l'équipement font état de
24,5 millions. La contribution maximale de l'Etat
s'élèverait à 8 milliards de francs auxquels
viendrait s'ajouter la participation de RFF fixée à
2,7 milliards de francs compte tenu de la rentabilité
financière du projet estimée à 1,2 % (dans le cadre
de l'ancienne organisation de la SNCF). Néanmoins, l'engagement de
l'Etat annoncé par le Gouvernement est un niveau de participation
maximale qui serait appelé à être réduit si les
autres financeurs faisaient défaut ou apportaient une contribution
moindre que celle annoncée.
La commission européenne avait annoncé un
" cofinancement
par l'Europe du projet à hauteur de 50 % du coût des
études et d'un maximum de 10 % des travaux de construction
conformément au règlement financier en vigueur "
. Or,
d'après les récentes déclarations de M. Neil Kinnock,
commissaire européen au transport, la participation de l'Union serait
limitée à 2 % du coût du projet -et non 10 %-
soit moins de 400 millions de francs c'est-à-dire moins que la
contribution du Luxembourg et même moins que la moitié de la part
de la Lorraine fixée pour l'heure à 1 milliard de francs. Le
montant de la subvention européenne est désormais liée aux
négociations concernant le prochain règlement financier
2000-2004.
En ce qui concerne l'apport du Grand Duché du Luxembourg, si des
engagements ont été pris lors de la signature du protocole
d'accord franco-luxembourgeois de 1992 sur la réalisation du TGV-Est en
termes d'infrastructures et de service, le montant exact de la contribution
luxembourgeoise n'est pas encore déterminé et doit faire l'objet
d'un avenant. Dans le cadre du projet de protocole précisant les
engagements des États et des entreprises ferroviaires, une participation
de 550 millions de francs avait été envisagée. Pour
l'heure, un groupe de travail bilatéral a été mis en place.
Les collectivités territoriales s'étaient engagées pour
une participation totale de 3,5 milliards de francs dont
2,5 milliards de francs pour la première phase ; la Lorraine
devaient apporter une contribution de 1 milliard de francs, l'Alsace, de
1,5 milliard de francs, la région parisienne et la région
Champagne-Ardennes, de 500 millions de francs et la région
parisienne ayant également " évoqué " un montant
de 500 millions de francs.
Les financements annoncés s'élèvent donc pour l'heure
à 14 milliards de francs avec une hypothèse d'une
contribution de l'Etat s'élevant à 8 milliards de francs ce
qui semble hautement optimiste compte tenu du libellé du
communiqué gouvernemental. Ceci exige donc, à défaut d'une
augmentation de la contribution de l'Union européenne ou du Luxembourg
que la participation des collectivités territoriales soit plus que
doublée.
A la lumière de ces analyses, les dernières déclarations
du ministre de l'équipement ne peuvent que créer des doutes
sérieux sur la réalisation de cette nouvelle
infrastructure : il indiquait le 9 avril 1998 au Sénat,
interrogé par M. Christian Poncelet,
" Il faut maintenant
discuter avec les collectivités locales. Il faut en effet savoir si l'on
veut vraiment le TGV-Est, étant entendu que le Gouvernement et le
ministre que je suis les considèrent à juste raison comme des
partenaires. Nous ne leur demandons pas un effort identique ou proportionnel,
il faut savoir ce qui est possible et ce que chacun peut faire en prenant
également en compte l'apport de la région parisienne, qui a aussi
un intérêt à l'aménagement du territoire ".
Si le principe de la participation des collectivités territoriales au
financement des infrastructures ferroviaires du réseau national n'est
pas condamné par votre commission, sa première application
révèle son ambiguïté et, par là-même,
ses limites.
Elle soulève enfin des interrogations sur les conditions dans lesquelles
les collectivités locales pourront financer leur participation aux
projets de lignes à grande vitesse. L'attention du Gouvernement a
été attirée à de multiples reprises la
possibilité d'utiliser l'épargne administrée
(livret A, livret jeunes, Codevi, etc...) afin de financer des projets
d'intérêt général parmi lesquels pourraient figurer
les infrastructures ferroviaires. Pour l'heure, le Gouvernement n'a pas fait
connaître sa position.
Un projet encore incertain
Au-delà des difficultés liées au financement du TGV-Est,
des incertitudes demeurent sur le projet lui-même qu'il s'agisse de sa
consistance ou de sa pertinence.
Le communiqué gouvernemental précise que l'optimisation du projet
du point de vue technico
-
économique et environnemental
" pourra conduire à des modifications limitées du
tracé pouvant nécessiter des déclarations d'utilité
publique modificatives ".
Une telle hypothèse implique
des
délais supplémentaires
considérables qui se
traduiraient inévitablement par de nouveaux retards en ce qui concerne
le début des premiers travaux d'infrastructures.
Par ailleurs,
les choix relatifs aux matériels roulants ne semblent
pas définitivement arrêtés
. Le Gouvernement a
évoqué la mise en service d'un matériel TGV pendulaire sur
cette nouvelle ligne. Le ministre a, devant le Sénat, le 9 avril
dernier, précisé qu'il s'agirait d'un TGV
-
pendulaire -et
non d'un TGV classique " pendularisé "- qui roulerait à
350 kilomètres/heure sur la ligne TGV et à
220 kilomètres/heure sur la ligne classique. Votre commission
souligne que cette technique n'a pas encore été testée
avec succès, que son coût pour la SNCF reste à
déterminer et que sa rentabilité n'est pas encore prouvée,
compte tenu de l'importante proportion de lignes nouvelles sur
l'itinéraire.
Enfin, votre commission a constaté que
des incertitudes pouvaient
subsister sur l'opportunité même du projet
. Le rapport
Blanc-Brossier établi conjointement en juillet 1996 par l'Inspection
générale des finances et le conseil général des
ponts et chaussées à la demande du ministre de l'économie
et des finances, du ministre délégué au budget, du
ministre de l'équipement du logement, des transports et du tourisme et
du secrétaire d'Etat aux transports concluait ainsi :
" L'analyse effectuée par la mission du projet complet, tel que
présenté à la déclaration d'utilité
publique, sans introduction de variantes, montre à l'évidence que
la réalisation du TGV-Est Européen ne peut, dans les conditions
actuellement prévisibles de trafic, être soutenue sous l'angle
économique ".
Pour ces raisons, il proposait que sa réalisation soit
différée d'au moins une dizaine d'années afin d'observer
les inflexions du contexte économique et européen ainsi que
l'évolution de la coopération ferroviaire franco-allemande,
"
notamment dans le cadre d'un projet de ligne continue à grande
vitesse reliant Paris à Francfort en moins de 3 heures
".
Sur ce dossier, la RFA a prévu au titre du plan quinquennal Rail pour
1998-2002 que l'aménagement de la ligne Saarbrücken-Ludwigshafen
ferait l'objet, dans une première phase, de travaux
d'amélioration et d'aménagements lui permettant de recevoir des
trains à technique pendulaire. Si cette décision justifie le
choix du Gouvernement en faveur du TGV pendulaire sur la ligne
Paris-Strasbourg, elle ne permet pas d'espérer un investissement
allemand en faveur d'une ligne à grande vitesse jusqu'à Francfort
ce qui n'est pas de nature à accélérer le rythme de
réduction de l'effet frontière pour des trafics de
référence qui sont au demeurant très faibles.
La séparation des responsabilités relatives à
l'infrastructure et à l'exploitation des lignes n'a pas eu pour effet de
modifier les conclusions de la mission en ce qui concerne le taux de
rentabilité financière du projet puisque le taux d'actualisation
de 8 % qu'elle avait retenu pour l'analyse de la rentabilité
socio-économique collective et appliqué comme taux de rendement
des capitaux investis a été également retenu pour
arrêter le montant de la participation de RFF au financement du TGV-Est.
Par ailleurs, les exemples de mise en service de lignes nouvelles font craindre
que les gains de temps obtenus ne permettent guère au rail de
concurrencer l'avion. Strasbourg se trouverait en effet à 3 heures 55
minutes de Paris. Les expériences récentes de mise en service de
lignes TGV montrent que si le TGV devient compétitif par rapport au
transport aérien pour les trajets dont la durée est de l'ordre de
deux heures, il conserve ses parts de marché pour les trajets plus
longs. Sur le Paris-Bordeaux, relation desservie en 3 heures par le TGV, la
compagnie nationale aérienne Air Inter a conservé 80 %
environ de son trafic antérieur, c'est-à-dire beaucoup plus que
ce qui était attendu.