3. L'affirmation de la contrainte financière
Si les
nouvelles règles de financement des infrastructures ferroviaires
clarifient les responsabilités de chacun des acteurs de la
décision publique, elles soulignent également dans quelle mesure
leur marge de manoeuvre est limitée par la contrainte financière.
Celle-ci résulte principalement de la faible rentabilité des
projets escomptés et de la situation financière de RFF qui ne
permet pas de prévoir un autofinancement des projets envisagés.
Compte tenu de ses charges financières, RFF ne peut en effet qu'apporter
qu'une contribution modeste au financement des infrastructures à
réaliser. On retrouve ici la limite principale de la réforme de
1997 : le transfert et non l'apurement de la dette de la SNCF.
Le budget de RFF pour 1997 faisait apparaître un
résultat net
négatif de 12,8 milliards de francs
.
Malgré l'apport d'une dotation en capital de l'Etat de 8 milliards
de francs, le montant des investissements financés par RFF faisait
ressortir un besoin de financement de près de 13 milliards de
francs pour 1997. La situation devrait être le même en 1998 en
dépit d'une augmentation de la dotation en capital versée par
l'Etat qui a été portée par la loi de finances pour 1998
à 10 milliards de francs.
RFF se finance désormais par voie d'émission obligataire. Sur les
marchés financiers, RFF bénéficie de la part de toutes les
agences de notation du triple A et du ratio Cook à 20 %, ce qui
permet à RFF d'emprunter autour de 5,5 %, soit moins cher que la
SNCF, mais un peu plus cher que la CADES qui est adossée
complètement à l'Etat et bénéficie d'une ressource
fiscale pérenne.
Il semblerait qu'aujourd'hui, pour financer son programme d'investissement sans
dégrader excessivement son endettement, RFF ait besoin de dotations en
capital de l'ordre de 15 à 16 milliards de francs. Les frais financiers
annuels de RFF s'élèvent à environ 10 milliards de francs
et devraient culminer entre 2001 et 2008. En outre, 4,5 à 5 milliards de
francs d'investissements sont consacrés à la remise en
état du réseau et ne procurent donc aucun retour financier
à RFF. Si l'on veut réaliser quelques autres investissements
financiers comme la construction de murs antibruit ou la suppression de
passages à niveau, on aboutit, en effet, à un total de
dépenses incompressibles sans retour financier compris entre 15 et
16 milliards de francs.
Par ailleurs, la commission d'enquête ne peut que souligner, ce qui
relève au demeurant du simple bon sens que plus l'Etat tardera à
verser des dotations en capital suffisantes, plus le montant des besoins
financiers de RFF s'accroîtra. Il semble évident que si l'Etat
n'inscrit pas son concours à RFF dans une perspective pluriannuelle et
n'augmente pas le montant des dotations en capital, la faculté de se
financer sur les marchés financiers dans des conditions satisfaisantes
dont dispose RFF aujourd'hui risque d'être remise en cause.
Les tableaux ci-dessous permettent de prendre la mesure de l'endettement pesant
sur RFF. Dans l'hypothèse d'un maintien des dotations de l'Etat à
leur niveau de 1998, le tableau n° 1 retrace l'évolution de la
charge de la dette, et le tableau n° 2, celle de l'endettement de RFF.
TABLEAU N° 1
CHARGE DE LA DETTE
(
1
)
(en millions de francs)
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
16 024 |
16 339 |
17 596 |
20 923 |
20 084 |
(Source : RFF)
( 1 ) remboursement du capital et charge d'intérêts
TABLEAU N° 2
MONTANT DE LA DETTE
(en millions de francs)
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
142 882 |
151 817 |
157 926 |
162 375 |
167 091 |
(Source : RFF)
Par ailleurs, la nature de la dotation annuelle versée par l'Etat
constitue une source d'inquiétude pour votre commission d'enquête.
En effet, elle provient du fonds de privatisation et n'est pas
consolidée dans le budget. Il convient de noter, à cet
égard, qu'un programme plus ambitieux de privatisation pourrait
résoudre cette difficulté.
Le montant de la contribution de l'Etat apparaît aujourd'hui comme la
seule variable d'ajustement dont dispose RFF
.
Le montant des péages versés par la SNCF demeurera
inchangé jusqu'à la fin de l'année 1998. Pour
prévenir toute inquiétude et conformément aux termes du
pacte de modernisation, le Gouvernement avait souhaité bloquer par
avance en 1997 et 1998 les redevances perçues par RFF au titre de
l'octroi des capacités et de leur utilisation par des convois
ferroviaires à un niveau qui ne pourrait être supérieur
à celui payé par la SNCF en 1996 à volume de circulation
constant, soit environ 6 milliards de francs. Cette mesure était
destinée à garantir que RFF n'annule pas par l'effet du
péage les conséquences positives pour la SNCF du
désendettement.
Pour l'heure, une commission d'experts présidée par
M. Alain Bonnafous, vice-président du Conseil national des
transports, élabore des propositions de tarification définitive.
Quels que soient les principes de tarification retenus, il ne semble pas
envisageable, compte tenu de la situation financière de la SNCF, que ces
péages puissent connaître une augmentation de nature à
améliorer significativement les comptes de RFF.
Au-delà de 1998, le niveau des contributions susceptibles d'être
versées à RFF par la SNCF sera conditionné par le rythme
du redressement financier et commercial de la SNCF.
Un tel contexte explique donc la faible marge de manoeuvre dont dispose RFF
pour conduire sa politique d'investissement. Par ailleurs, la part des
dépenses d'investissements de RFF susceptibles d'être
réorientées d'une année sur l'autre est très faible
dans la mesure où la plupart des programmes de travaux s'étalent
sur plusieurs années.
Les dépenses autorisées par le conseil de direction du
comité des investissements à caractère économique
et social (CIES) s'élevaient pour 1997 à 10,3 milliards de
francs, hors subventions. Sur ce budget, 5,06 milliards de francs, soit
49 % sont consacrés aux TGV -principalement au TGV
Méditerranée (5,02 milliards de francs)- et 4,16 milliards
de francs sont affectés à la maintenance du réseau. Le
solde de l'enveloppe (1,345 milliards de francs) permet de réaliser
les autres opérations portant sur les lignes classiques, de
résorber les points saturés ou de désenclaver ou encore de
développer des liaisons périurbaines.
Au cours de l'année 1998, les contraintes liées aux
décisions prises antérieurement se sont encore accentuées,
la prévision de dépense pour le TGV Méditerranée
demeurant soutenue. Ce dernier poste constitue un véritable handicap
pour RFF. Il ne devra au demeurant diminuer qu'à compter de l'an 2000.
Par ailleurs, des opérations lancées en 1997 et qu'il serait
coûteux d'interrompre ou de ralentir, pèsent également
lourdement sur les comptes de RFF. Le nombre d'opérations nouvelles
lancées en 1998, en dehors des projets inscrits aux contrats de plan et
d'ores et déjà programmés, est donc très faible.
Pour l'heure, à contribution constante de l'Etat, il semble donc
impossible que RFF finance concomitamment la réalisation de plus d'une
ligne de TGV.
Par ailleurs, sa contribution ne pourra couvrir, compte tenu
des taux de rentabilité des lignes envisagées, qu'une faible part
de leur coût.
Dans ces conditions, le développement de la
grande vitesse ne pourra résulter que d'un effort de l'Etat ou des
collectivités territoriales.