M. ANDRÉ NUTTE,
DIRECTEUR DE L'OFFICE
DES MIGRATIONS
INTERNATIONALES
JEUDI 26 FÉVRIER 1998
M.
MASSON, président
.- Nous allons procéder à l'audition
du 26 février et nous allons avoir le plaisir d'entendre
M. Nutte, directeur de l'Office des migrations internationales.
Au préalable, je voudrais vous faire part des excuses de M. Michel
Caldaguès, de M. Christian Demuynck et de M. René
Marquès.
Nous devons vous entendre sous la foi du serment.
(M. le Président donne lecture des dispositions de l'article 6
de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ; M. André Nutte
prête serment).
M. NUTTE, Directeur de l'Office des migrations internationales
.- Je le
jure.
M. LE PRÉSIDENT.-
Merci.
Nous allons maintenant vous entendre, après quoi, dans un premier temps,
M. Balarello, le rapporteur de la commission va vous poser un certain
nombre de questions auxquelles vous répondrez comme vous l'entendez,
mais je pense qu'il vaut mieux répondre question après question.
C'est peut-être plus simple pour nous tous que d'avoir à
répondre en une seule fois. Ensuite, je passerai la parole aux
collègues qui le souhaiteront pour qu'ils s'expriment.
Au préalable, je voudrais que, dans un premier jet, vous nous rappeliez
ce qu'est l'Office des migrations internationales (OMI), son origine, ses
statuts, son fonctionnement et son budget personnel, étant entendu que
tout cela, si vous le voulez bien, Monsieur le Directeur, doit tenir en dix
minutes, pour que nous ne chargions pas notre audition d'un exposé
purement théorique qui n'est pas l'objet de cette commission.
Si vous le voulez bien, Monsieur le Directeur, je vous donne la parole pour
cette brève synthèse qui nous permettra de situer peut-être
plus aisément notre débat.
M. NUTTE
.- Merci, Monsieur le Président. Je vais donc vous faire
une présentation aussi synthétique que possible de ce qu'est
l'Office des migrations internationales, étant entendu que, bien
évidemment, je mettrai à la disposition de la commission toute la
documentation nécessaire relative à la présentation des
activités de l'Office.
Tout d'abord, il faut se rappeler que l'Office a été
créé en 1945, que c'est un établissement public à
caractère administratif et qu'il est dirigé par un conseil
d'administration composé de représentants de ministères.
L'Office a deux activités principales : l'activité
liée à l'immigration et l'activité liée à
l'expatriation.
L'activité liée à l'immigration a considérablement
évolué au cours des années, puisque, à partir des
années 1945 jusqu'aux années 1970-1975, l'Office
était essentiellement tourné vers l'immigration de travailleurs
nécessaires au développement de l'économie et que,
progressivement, pour des raisons d'évidence, cette activité
s'est réduite. Aujourd'hui, concernant l'immigration, l'Office a une
activité qui se déploie dans deux directions : la
première concerne tout ce qui est relatif au regroupement
familial ; la seconde est celle qui concerne toutes les personnes
étrangères qui sont amenées à séjourner dans
notre pays à titre temporaire. L'activité "travailleurs" est
devenue beaucoup plus réduite puisque, pour vous donner un chiffre, nous
procédons chaque année à environ 7 000 introductions
de travailleurs.
Quant à l'expatriation, c'est le volet qui consiste à proposer
à nos compatriotes des emplois à l'étranger. Il s'agit
d'une activité que nous déployons à la fois sur le
territoire national et sur certains points du monde, à travers nos
missions.
En ce qui concerne son organisation et son implantation, l'Office a une
implantation métropolitaine à travers sept
délégations régionales qui sont constituées
à partir de zones où l'on trouve une certaine densité de
populations immigrées. Pour l'essentiel, nous avons deux
délégations sur l'Ile-de-France, l'une sur Paris nord et l'autre
sur Paris sud, une délégation dans le Nord, à Lille, une
délégation en Lorraine, à Metz, une
délégation à Marseille, une délégation dans
le Rhône et une délégation à Toulouse.
S'agissant de nos implantations à l'étranger, nous avons des
missions et délégations en Tunisie, au Maroc, au Mali et au
Sénégal. Nous avons en outre une délégation en
Pologne ainsi qu'en Espagne et nous venons d'ouvrir une
délégation en Roumanie.
J'ajoute que nous avons aussi une présence, par le biais de conventions,
à Singapour, puisque nous pensons que le marché du travail
asiatique présente de réelles possibilités.
S'agissant de nos ressources et de nos moyens, je rappelle que l'Office dispose
d'un budget autonome, puisqu'il est constitué de contributions
versées par les personnes qui souhaitent immigrer dans notre pays pour y
séjourner. Il est aussi constitué par des dépenses,
puisque nous avons un certain nombre de prestations à assurer, notamment
des prestations de type médical. J'y reviendrai peut-être dans le
cadre de l'opération de réexamen.
Nous avons aussi à assurer d'autres prestations en matière
d'expatriation. Nous avons enfin à assurer un suivi de dossiers et un
certain nombre d'inspections de procédures. Nous devons notamment
prendre en charge toutes les aides au retour.
Au total, le budget de fonctionnement de l'Office, pour 1998 (je pense que
c'est le meilleur chiffre), s'établit à hauteur d'environ
240 millions de francs, 238 millions pour être précis.
L'Office emploie 450 personnes en agents statutaires. Ce sont soit des
agents qui bénéficient du statut de l'Office, soit des agents qui
bénéficient du statut de la fonction publique. Il a aussi recours
à des vacataires (nombre de personnels médicaux sont des
vacataires), notamment pour ce que nous appelons nos "enquêtes logement",
dans le cadre du regroupement familial.
L'Office souhaite développer son action vers une orientation beaucoup
plus sociale de ses activités. Nous pensons que l'Office doit
constituer, pour les personnes que nous accueillons dans notre pays, le premier
maillon, le premier élément d'une politique d'intégration.
En d'autres termes, il faut que nous "profitions" du passage obligatoire, dans
nos bureaux, de ces populations pour que, indépendamment des
contrôles administratifs et sanitaires auxquels nous sommes tenus, nous
puissions aussi développer une première action sociale sur le
terrain, en partenariat avec les autorités déconcentrées
de l'Etat -je pense notamment aux DDASS- et les associations
spécialisées. C'est un peu l'évolution telle que nous la
pressentons dans le domaine de l'immigration.
S'agissant de l'expatriation, il nous semble indispensable de mieux coordonner
nos actions avec l'ANPE (parce que je pense que, manifestement, il y a un
problème de réunion de moyens, d'efficacité et de
meilleure couverture du terrain) et également de coordonner nos
activités avec le ministère des affaires étrangères
en dehors du territoire national. C'est le deuxième grand dossier
d'évolution auquel doit participer activement l'Office. Le dossier sur
l'expatriation a été ouvert il y a environ une année et il
devrait aboutir (en tout cas je l'espère pour ce qui me concerne)
à une répartition des responsabilités dans cette affaire.
Voilà, Monsieur le Président, ce que je pouvais vous dire, dans
un temps limité, sur une présentation de l'Office. J'ai
conscience d'avoir été vraisemblablement incomplet et je suis
prêt, sur ce point précis, à répondre bien entendu
à vos questions ainsi qu'à celles des autres membres de la
commission.
M. LE PRÉSIDENT
.- Merci, Monsieur le Directeur. Quant à la
définition d'une politique de co-développement, puisqu'elle est
évoquée dans la circulaire sur laquelle M. Balarello va vous
interroger dans un instant, l'OMI y a-t-il participé et cette
définition est-elle chez vous partie intégrante de votre
réflexion ? Y a-t-il, là-dessus, une évocation
philosophique du problème ? Avez-vous des rencontres avec le Quai
d'Orsay ou le ministre délégué à la
coopération ? Nous voyons combien le sujet est vaste et combien il
est encore pour partie embryonnaire. Peut-être avez-vous une
réflexion là-dessus.
M. NUTTE
.- Tout à fait, Monsieur le Président. Je dirai
tout d'abord que l'Office a été associé à la
réflexion qui a été menée par
M. Sami Naïr dans les dernières semaines. L'Office se
sent tout à fait partenaire et opérateur possible pour ce qui est
d'une politique de co-développement.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous allez sans doute nous en donner une
définition.
M. NUTTE
.- Tout à fait. Pour nous, qu'est-ce que cette politique
de co-développement ? Il s'agit de partir du principe qu'une partie
de la population immigrée qui est sur notre territoire national n'a pas
vocation à y rester. Il faut se rendre compte de ce constat
d'évidence : cette population doit nous quitter à un moment.
Cela dit, je pense qu'elle doit nous quitter dans les meilleures conditions
possible, c'est-à-dire avec la possibilité d'un retour au pays
qui s'accompagne d'un minimum de dignité, de telle sorte que ces
personnes puissent revenir dans leur pays en ayant un projet et en ayant
valorisé leur passage en France.
C'est donc une politique qui sous-entend une forte évolution des
mentalités et une forte évolution des esprits,
puisqu'aujourd'hui, le problème du retour au pays d'origine se pose
d'une manière très forte à partir d'un acte administratif
qui est l'invitation à quitter le territoire ou l'arrêté de
reconduite à la frontière. Sans pour autant mettre cela de
côté, il nous semble indispensable d'essayer de développer
une autre démarche.
Concrètement, que fait l'OMI dans cette affaire ?
J'ai évoqué, dans la présentation de l'Office, une
implantation de l'OMI très récente en Roumanie. Cette
implantation ne correspond pas du tout au souci de l'Office de traiter un flux
migratoire roumain venant en France. Chacun d'entre vous pourra le comprendre.
Cela ne correspond pas non plus à la nécessité de
développer l'emploi de Français en Roumanie, puisque les
conditions d'emploi en Roumanie sont relativement peu attractives, ne serait-ce
que par rapport aux salaires qui sont versés. Notre implantation en
Roumanie, qui date du 1er janvier 1998, correspond à deux
préoccupations.
La première est celle qui consiste à faire en sorte que, dans
l'opération de réexamen dont nous parlerons
ultérieurement, nous puissions accueillir les Roumains qui auront
accepté d'adhérer à notre système d'aide à
la réinsertion.
La deuxième consiste à voir dans quelle mesure on peut
créer, en partenariat avec les autorités roumaines et avec des
ONG, des possibilités de co-développement. Il s'agit donc de voir
s'il est possible de monter des dispositifs d'aide aux micro projets.
Notre implantation en Roumanie correspond à cette ambition et notre
conseil d'administration a tout à fait validé cela sans
ambiguïté. Nous nous donnons deux ans pour réussir en
Roumanie.
M. LE PRÉSIDENT
.- Pourquoi ?
M. NUTTE
.- Parce que nous pensons, Monsieur le Président, qu'au
bout de deux ans, nous aurons une bonne idée pour savoir si on sait le
faire ou si on ne sait pas le faire. Il faut se donner deux ans, parce que
c'est un métier nouveau, parce qu'il y a un maillage à faire sur
le terrain et toute une implantation. Nous n'avons pas de savoir-faire en
Roumanie.
C'est le premier point concret.
Le deuxième point concret, parce que je pense que votre commission
souhaite du concret, c'est ce que nous faisons au Mali. Il s'agit du plan de
développement local-migration (PDLM). Ce plan de développement
local- migration a été lancé fin 1995 et il s'est
développé avec le secrétariat d'Etat à la
coopération en 1996 et en 1997.
Le principe, c'est que la population malienne comme celle du
Sénégal et pour celle de Mauritanie, cette population qui
retourne au pays dans le cadre soit d'une IQF, soit d'une aide publique
à la réinsertion, ou encore qui retourne spontanément au
pays après avoir séjourné au moins deux ans en France et
être au Mali depuis au moins six mois, si elle en a la capacité,
bien entendu, a la possibilité, avec notre concours et celui des
services de la coopération, de bâtir un micro-projet et de
créer une micro-activité dans le pays.
Concrètement, parce que, là aussi, il faut des choses
concrètes, avec le service de coopération sur le Mali et le
Sénégal, nous avons initialisé fin 1997
200 projets, donc 200 micro-entreprises souvent modestes.
Que ferons-nous en 1998 ? Dans notre budget, en dehors de
l'opération de réexamen, dont nous parlerons dans quelques
instants, nous avons prévu environ 4,4 millions de francs pour
financer les projets micro-économiques tels que je les évoquais
au Mali, au Sénégal et, le cas échéant, en
Roumanie, si nous avancions très vite. Cela nous permet de financer
à peu près 200 projets hors opération de
réexamen. En effet, l'aide de l'Office est plafonnée à
24 000 F par projet avec un taux moyen, compte tenu des
références que l'on peut avoir, de l'ordre de 22 000 F.
Ce dispositif d'aide aux micro-projets sur le fleuve Sénégal, en
définitive, est opérationnel. Il y a eu, hier ou avant-hier, une
première réunion du comité de pilotage qui va examiner des
projets, les soutenir et les aider.
M. LE PRÉSIDENT
.- Est-ce un comité de pilotage mixte ou
est-il uniquement français ?
M. NUTTE
.- Il est mixte. Il se compose, pour être très
concret, d'un représentant du ministère de la coopération,
le chef de la mission de développement, d'un représentant de
l'OMI, de représentants des autorités maliennes et de
représentants des ONG.
M. BALARELLO, rapporteur
.- Monsieur le Directeur, pouvez-vous nous
donner quelques exemples concrets de micro-projets ?
M. NUTTE
.- Je vous enverrai dans quelque temps notre périodique
"OMI international"
, dans lequel nous avons fait un article
là-dessus et qui vous permettra d'avoir des exemples de micro-projets.
L'exemple de micro-projet, c'est un petit atelier de confection, avec deux
machines à coudre et deux ou trois personnes, c'est un atelier de
réparation automobile, c'est de la petite ferronnerie, c'est de la
valorisation d'appareils de téléphone et ce sont aussi quelques
travaux de bâtiment.
M. LE PRÉSIDENT
.- Tout cela est à Kayes, à
Koulikoro, etc. ?
M. NUTTE
.- Tout cela est installé à Kayes, à Bamako
et dans divers autres endroits, mais la réalisation de ces micro-projet
n'intervient que lorsque l'intéressé est revenu sur le site.
Autrement dit, on ne bâtit pas un projet africain à partir de
données françaises, parce que les réflexes, les
mécanismes économiques et la façon de voir les choses des
Maliens et des Sénégalais n'est pas la même que la
nôtre. On n'est pas dans le même type de marché. Notre
démarche est donc bien de prendre en charge l'intéressé en
s'imprégnant de l'usage local.
Par exemple, pour ce qui concerne l'Office, nous avons bien entendu une
délégation. Nous venons de recruter, pour que ces projets
puissent se développer dans les meilleures conditions, un personnel
local qui a un savoir-faire réel, qui connaît bien le pays,
puisqu'il est Malien, et qui a travaillé pour les ONG, notamment pour
aider au développement.
Donc nous essayons de nous intégrer le mieux possible dans ce tissu
local en nous disant aussi que, dans cette affaire, il peut y avoir un droit
à l'échec, tout comme en France : quand une entreprise se
crée, elle peut parfois s'arrêter. En France, le taux de
morbidité des entreprises est connu ; il est de l'ordre de
50 % après deux ans d'activité, si ma mémoire est
bonne. Au Mali, pour l'instant, nous n'avons pas encore suffisamment de recul
pour faire l'évaluation du dispositif mais, par avance, nous nous
reconnaissons un certain droit à l'erreur.
Pour que ces projets puissent être menés dans les meilleures
conditions, chaque bénéficiaire est soutenu par une association
spécialisée dont c'est le métier, par une ONG. Petit
à petit, on bâtit le projet, on achète le matériel
pour l'intéressé et, à travers tout cela, bien entendu, on
applique la procédure comptable, parce qu'il s'agit quand même
d'argent public.
M. LE PRÉSIDENT
.- Cette politique s'est développée
en 1996, si j'ai bien compris.
M. NUTTE
.- Elle a commencé à se développer en 1996.
M. LE PRÉSIDENT
.- Les premiers éléments de cette
politique ont été mis en place en 1996. Je suppose que cela a
donné lieu à une convention internationale entre le Mali et la
France qui a été négociée dès 1996.
M. NUTTE
.- Tout à fait. Il y a une chose qui me semble
essentielle dans cette politique du co-développement, c'est qu'on ne
peut rien faire, me semble-t-il, sans une implication et un accord des
autorités locales.
Avec le Mali et le Sénégal, la chose s'est
réalisée, mais si nous avançons en Roumanie, cela pourra
se faire. Lorsque je vous disais qu'au bout de deux ans, on verra où
nous en sommes arrivés, c'est bien parce que tout cela prend du temps.
On n'improvise pas les choses et il faut faire preuve de beaucoup de
concertation dans cette affaire.
M. LE PRÉSIDENT
.- C'est une immense tâche, puisque, si j'ai
bien compris, vous avez 200 projets au titre de 1998 et qu'il y a,
à l'heure actuelle, en instance de retour, grosso modo, d'après
ce que nous dit M. Chevènement, à peu près la
moitié de ceux qui ont demandé leur régularisation
l'année dernière, c'est-à-dire 75 000 personnes.
200 d'un côté et 75 000 de l'autre. N'est-ce pas la
goutte d'eau devant l'océan ?
M. NUTTE
.- Lorsqu'on présente les chiffres comme cela, Monsieur
le Président, on aboutit forcément au constat que vous venez de
faire. Il faut d'abord avoir l'objectivité de dire que toutes les
personnes qui retourneront dans leur pays n'auront pas vocation ou
capacité à créer leur micro-entreprise. Je pense que si
nous disions, en France, que l'on va trouver une solution à tous les
demandeurs d'emploi en les aidant à créer leur entreprise, ce ne
serait pas très crédible.
Nous nous engageons simplement dans une politique qui est nouvelle -c'est le
moins que l'on puisse dire-, une politique difficile et ambitieuse de laquelle
je dirai qu'à ce stade, on retient beaucoup plus un aspect qualitatif
qu'un aspect quantitatif. L'Office des migrations internationales dit
simplement ceci : "
En fonction de nos possibilités, de nos
moyens et de nos savoir-faire, parce que c'est un métier nouveau pour
nous, voilà ce que nous avons décidé de faire au cours des
dernières années et voilà comment on va se
développer
".
Il est clair que, dès lors que la politique de co-développement
aura été beaucoup plus explicitée, l'Office aura un
programme à ce sujet. Autrement dit, l'Office s'interrogera pour savoir
dans quels pays elle peut se développer de la même manière.
M. LE RAPPORTEUR
.- Monsieur le Directeur, vous nous avez parlé de
la possibilité ou d'un début de co-développement avec la
Roumanie. Ce sont des exemples tout à fait différents.
Pouvez-vous nous citer quelques cas concrets de co-développement avec la
Roumanie ?
M. NUTTE
.- Monsieur le Rapporteur, pour l'instant, je n'ai pas
démarré. Nous avons pris la décision d'ouvrir sur la
Roumanie à la fin du dernier trimestre 1997 et notre agent est
présent en Roumanie depuis le 1er janvier. Pour ce qui est de la
Roumanie, il s'agit de dire qu'il y a un flux, qu'on le veuille ou non, de
Roumains venant en France. La Roumanie étant un pays de l'est, il
s'agit, pour l'Office, de voir quelles perspectives, dans notre
intérêt, nous pourrions développer dans les pays de l'est.
Pour l'instant, la Roumanie nous semblait possible.
M. LE RAPPORTEUR
.- Avez-vous déjà une idée des
pistes que vous allez explorer en ce qui concerne le co-développement
avec la Roumanie ?
M. NUTTE
.- Nous pensons, avec la Roumanie, que nous pourrons aider
à la réalisation, là aussi, de micro-projets ou
d'entreprises, mais sûrement pas de la même manière que nous
le faisons au Mali. Je crois qu'il faut que l'on ait une autre approche, parce
que les cultures sont radicalement différentes.
D'après mes premières indications (je voyais notre
délégué en Roumanie encore avant-hier), il est clair que
nous aurons besoin beaucoup plus d'assistance que de financements, mais notre
intuition (je préfère parler d'intuition parce que je n'ai pas
encore le savoir-faire), c'est qu'il faudra que nous traitions chaque pays au
cas par cas. Je suis persuadé que le co-développement est
possible avec le Maroc, mais je ne pense pas que la façon dont nous
travaillerons sur le Maroc sera la même que celle avec laquelle nous
travaillons avec le Mali, le Sénégal ou, demain, la Roumanie.
Je veux dire par là que c'est pour nous un axe de développement
nouveau sur lequel il faut que nous investissions. Nous le faisons
progressivement et indépendamment des charges qui pèsent sur nous
aujourd'hui et dont je pense que vous pourrez considérer qu'elles sont
lourdes.
M. LE PRÉSIDENT
.- Merci, Monsieur le Directeur. Nous avons, en
introduction, balayé un peu l'horizon, situé votre organisation
et évoqué aussi cette ouverture vers l'extérieur que vous
avez décrite.
Monsieur le Rapporteur, sur ce plan général, avant d'entrer dans
les questions particulières, avez-vous encore des questions ? Je
vais laisser la parole quelques instants à nos collègues s'ils
ont des questions à poser.
M. LE RAPPORTEUR
.- Sur le plan général, je pense que
M. le Directeur, a fait un exposé objectif et exhaustif. En ce qui
concerne simplement le regroupement familial, puisque l'une de vos tâches
principales consiste à vous en occuper, pouvez-vous brosser en quelques
phrases votre action sur ce chapitre ?
M. NUTTE
.- Sur le regroupement familial, on peut donner un
chiffre : sur l'année 1997, il y a eu environ
15 000 dossiers, soit une hausse d'environ 4 points.
Je passerai sur les aspects administratifs ou médicaux de ce
regroupement familial pour mettre beaucoup plus l'accent sur l'aspect social.
Sur l'aspect social, nous faisons deux choses là où l'Office est
présent, c'est-à-dire dans ses missions à
l'étranger.
La première chose, pour la famille rejoignante, c'est un premier bilan
social dans le pays d'origine. Nous essayons d'apprécier les
difficultés potentielles que pourront avoir cette famille en
matière d'immigration, et ce à partir du pays d'origine, avant
que la famille soit partie.
Le second point, c'est que, toujours sur l'aspect social, nous avons
conventionné avec deux grandes associations qui s'occupent des migrants,
l'ASFAM et la SSAE, pour assurer un suivi social de ces familles lorsqu'elles
arrivent sur notre territoire.
Ce suivi social consiste à pratiquement suivre cette famille pendant une
année. L'organisme social, l'ASFAM et la SSAE ont une prise de contact
avec une famille, un entretien à mi-parcours et une évaluation en
fin de parcours. Cette opération coûte 3 400 F par
famille intervenante et représente, pour l'Office, un budget de
6,6 millions de francs.
Voilà ce que je peux dire sur l'aspect social, qui est un aspect tout
à fait important parce qu'il faut, dès lors que l'on
décide d'accueillir ces familles sur notre territoire, leur donner
toutes leurs chances de pouvoir s'intégrer.
Sur le regroupement familial, j'ajoute que nous procédons,
conformément aux textes, aux enquêtes logement et aux
enquêtes ressources et que nous donnons un avis aux préfets sur
les conditions prévues par la loi afin que ceux-ci soient
éclairés à la fois sur les conditions potentielles de
logement et sur les conditions de ressources des demandeurs.
Voilà, de manière très simple, ce que je peux vous dire
sur le regroupement familial, mais si vous avez des questions, je suis
prêt à y répondre.
M. LE RAPPORTEUR
.- Pour l'instant, je n'ai pas d'autres questions.
M. LE PRÉSIDENT
.- Avez-vous des questions, mes chers
collègues ?
M. MAMAN
.- Monsieur le Directeur, j'aurais voulu avoir un exemple
précis sur le Mali. Les créations de poste au Mali sont-elles
réservées aux Maliens que l'on reconduit à la
frontière uniquement ? Peut-on dire qu'on étudie le cas, que
l'on a vu de ce Malien, dont on sait qu'il a certaines compétences et
que l'on va créer du travail ou un microprogramme pour lui ? Cela
ne s'adresse pas aux Maliens qui ne sont pas venus en France. C'est bien
cela ?
M. NUTTE
.- Bien entendu, Monsieur le Sénateur. Ce qui sous-tend
toute cette opération, c'est l'aide au retour. Autrement dit, l'aide de
l'Office est une aide à la personne qui est sur notre territoire et qui
doit retourner dans son pays d'origine.
M. MAMAN
.- Très bien. Monsieur le Directeur, on a donc
étudié le potentiel de cette personne et quand il revient dans
son pays, on lui dit : "On va vous aider à créer du
travail". C'est bien cela ?
M. NUTTE
.- C'est presque cela, Monsieur le Sénateur. A travers
des entretiens personnalisés, on dit à cette personne :
"Vous retournez au Mali, à Dakar, etc. et vous pourrez avoir une aide si
vous le souhaitez, si vous avez un projet et si vous en êtes capable".
M. MAMAN
.- C'est à lui de trouver le projet ?
M. NUTTE
.- C'est à lui d'être moteur. Il ne revient pas
à l'Etat (j'assimile presque l'Office à l'Etat, pardonnez-moi) ou
à un établissement public de créer une entreprise pour
quelqu'un. Si la personne n'est pas partante, nous perdons royalement notre
temps et notre argent.
M. MAMAN
.- Par conséquent, sur place, l'OMI va l'aider. On va par
exemple lui prêter de l'argent ?
M. NUTTE
.- Toutes choses égales par ailleurs et en prenant des
précautions de transposition, c'est à peu près le
même système que celui que nous avons en France en ce qui concerne
l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise. La première
chose, c'est que l'intéressé doit avoir un premier projet.
L'intéressé peut dire : "J'aimerais bien faire de la
confection", par exemple. A partir de là, on lui demande ce qu'il peut
apporter, parce qu'on ne va pas tout financer (cela n'aurait pas de sens).
On peut lui dire par exemple que l'on peut trouver une machine à coudre
pour tel prix, que s'il veut un local, il doit le louer ou monter quelque chose
en parpaings, etc. On discute donc avec lui de la viabilité de son
projet et, petit à petit, une fois que l'on a l'impression qu'il a bien
bouclé son projet, que nous sommes convaincus qu'il doit réussir
et qu'il a certainement des capacités pour ce faire, son projet est
présenté à un comité de pilotage qui dit si c'est
possible ou non. Ensuite, une fois que la décision de principe est
prise, nous avons un opérateur spécifiquement
désigné, dont c'est le métier et que nous
rémunérons à hauteur de 8 000 F par prestation,
pour l'aider à concrétiser cela étape par étape.
Pour éviter des utilisations peut-être malhabiles de l'argent
ainsi donné (parce que vous savez que 22 000 F, au Mali, cela
fait beaucoup), c'est l'organisme que nous avons choisi qui achète
lui-même le matériel afin qu'il donne vraiment à
l'intéressé le produit "clés en main". Il s'agit
d'être précautionneux, mais cela respecte aussi un contexte.
M. DEBARGE.-
Si vous le permettez, Monsieur le Président, je ne
souhaite pas seulement demander une explication. J'irai aussi dans le sens de
ce qu'a exprimé M. le Directeur et de la question posée par
notre collègue.
Dans une autre vie politique, j'ai eu à m'occuper de ce genre de
problème, et je crois qu'il faut que nous ayons un raisonnement qui
s'adapte au terrain sur lequel l'aide peut se produire. Ce n'est pas la
même chose (je vais peut-être employer un grand mot, mais il est
à la mode) la culture de chez nous et celle de là-bas. Dans ce
qui apparaît comme une aide au retour, il y a l'aspect de celui qui peut
en bénéficier, suivant les critères que vous avez
définis vous-même, mais aussi, me semble-t-il, un aspect familial
extrêmement puissant.
A la limite, si le projet n'est pas bien défini par
l'intéressé lui-même, la famille est là, si elle se
sent engagée, pour soutenir le projet, " asticoter "
l'intéressé, etc. Cela donne lieu parfois à des relations
complexes, y compris administratives (et je ne dis pas pour autant que les
fonctionnaires ou les personnes qui ont la responsabilité de ces aides
ne font pas leur travail), qui sont un peu différentes, dans leur
conception, de celles de notre territoire.
Nous avons parfois également -mais ce n'est pas un défaut-, des
correspondants africains qui sont habiles et astucieux, qui savent faire en
sorte que les choses se déroulent d'une manière convenable.
Vous avez certainement remarqué (je suis dans un département
où il y a beaucoup d'immigrés et je ne dis pas cela du tout d'une
manière péjorative ; je le constate) que, dans les
démarches, ils sont parfois très au fait des problèmes,
parce qu'il y a un esprit de clan qui est là et qui fait qu'une sorte de
relais se produit. En définitive, je crois que c'est une chose tout
à fait naturelle dont il faut tenir compte.
Cela va tout à fait dans votre sens, mais il faut retenir cet aspect. On
ne peut pas transposer le problème de l'aide qui pourrait exister dans
un pays comme le nôtre sur un territoire comme le Mali, par exemple.
M. LE PRÉSIDENT
.- A ce stade, il n'y a plus d'autres
questions ?
M. POIRIER
.- Je souhaiterais, Monsieur le Président, demander au
directeur de nous dire quels sont les moyens de contact ou d'information qu'il
a avec les populations qui sont en instance de départ ou qui veulent
partir.
Plus globalement, j'aimerais savoir quel est le rôle des services rendus
en matière d'incitation au retour, quelle est la proportion de ceux qui
en bénéficient par rapport à ceux qui n'en
bénéficient pas et si le fait que ces procédures existent
contribue à accentuer ou non le flux des retours.
M. NUTTE
.- Par rapport au PDLM, Monsieur le Sénateur, il est
clair que la population qui réside dans notre pays et qui est originaire
du fleuve Sénégal commence à savoir qu'il y a un PDLM. Ce
qui est le plus important, c'est que l'on commence à savoir que cela
réussit. Je le dis d'autant plus volontiers que j'ai pris mes fonctions
il y a quelques mois et que je n'en suis pas l'initiateur.
J'ajoute que, notamment pour les Maliens, c'est une perspective qui est
très positive. Je ne voudrais pas poursuivre ce que disait
M. Debarge, mais les Maliens ont un souci de dignité et il faut
qu'ils rentrent chez eux en étant celui qui a réussi. C'est une
donnée tout à fait évidente. Il faut que ces personnes
rentrent avec le souci d'avoir réussi. Si elles peuvent afficher
l'idée de dire : "Je vais créer une entreprise avec la
famille" au sens large du terme...
M. DEBARGE
.- Disons le clan, ou la tribu...
M. NUTTE
.- ...c'est une chose qui les valorise.
Autrement dit, en ce qui concerne l'aide au retour, si, concrètement on
peut apporter un projet, cela favorise les choses. On le verra tout à
l'heure dans l'opération de réexamen, puisque nous allons
contractualiser avec une association qui est justement bien implantée
sur le fleuve Sénégal pour aider les Maliens à prendre une
décision de retour.
M. LE PRÉSIDENT
.- C'est une association française ou
sénégalaise ?
M. NUTTE
.- Elle est française, mais elle est à la fois
implantée sur le Mali et sur Paris.
Donc pour répondre à votre question, Monsieur le Sénateur,
je pense que cela ne peut que favoriser les choses, mais il faut que nous
fassions nos preuves et que les personnes soient convaincues que c'est vrai.
M. LE RAPPORTEUR
.- Pour compléter la question de M. Poirier,
ne pensez-vous pas qu'il risque d'y avoir une incitation, pour les Maliens ou
autres, à venir en France pour bénéficier ensuite d'aides
à la réinsertion ? Il y a toujours quelques
débrouillards. Est-ce que vous avez mis des freins et des butoirs ?
M. NUTTE
.- Sur ce point, Monsieur le Rapporteur, nous n'avons pas encore
de précédent, mais il est vrai que l'on peut avoir cette
tentation. Il faut se le dire en toute simplicité.
Là-dessus, je dirai que, pour nous, à ce stade, quelqu'un qui
fait l'objet d'une IQF est éligible au dispositif. Cela étant, il
est clair que, dans nos textes, il n'est pas question de l'aider deux fois. Il
faut aussi une possibilité d'opportunité et
d'appréciation. Autrement dit, l'octroi de cette aide n'a aucun
caractère automatique : ce n'est pas une aide de guichet.
Par conséquent, si nous avions des situations dans lesquelles,
manifestement, l'abus était constaté, je crois que nous serions
tout à fait en droit de refuser l'aide. Aujourd'hui, je vous fais une
réponse théorique parce que je n'ai pas eu à traiter
pratiquement ce genre de dossier.
M. LE RAPPORTEUR
.- Est-ce que vous exigez une certaine formation
professionnelle ? Si une personne veut s'installer carrossier ou
mécanicien au Mali, encore faut-il qu'elle ait fait un stage ou qu'elle
ait travaillé en France en tant que mécanicien, je suppose.
M. NUTTE
.- Oui, mais je me permets de vous dire, Monsieur le Rapporteur,
que cela doit être une formation professionnelle appréciée
dans le contexte local. La notion de carrossier au Mali est un peu
compliquée...
(rires.)
M. LE PRÉSIDENT
.- S'il n'y a plus de questions
générales, Monsieur Balarello, nous allons entrer dans le sujet
proprement dit, même si nous étions dans son contexte.
M. LE RAPPORTEUR
.- Nous avons déjà largement
défloré le sujet, Monsieur le Président, puisque
M. le Directeur nous a fait un exposé presque exhaustif.
Quoi qu'il en soit, nous allons en revenir à la circulaire du
24 juin 1997 et je vous poserai deux séries de questions, Monsieur
le Directeur, premièrement sur la contribution de l'OMI à
l'opération de régularisation et, deuxièmement, sur l'aide
au retour des étrangers dont la régularisation a
été refusée.
Tout d'abord, dans le cadre du premier thème, combien d'agents de l'OMI
ont-ils été mis à la disposition des préfectures
pour le déroulement de l'opération de régularisation ?
M. NUTTE
.- Sur ce point, Monsieur le Rapporteur, je rappelle que
l'Office avait déjà, dans les préfectures les plus
importantes, 45 agents chargés des fonctions d'accueil,
essentiellement en région parisienne, dans le Rhône, les
Bouches-du-Rhône et le Nord.
Sur l'opération de réexamen proprement dite, dans un premier
temps, nous avons mis à disposition, jusqu'au 31 octobre 1997,
77 agents supplémentaires. Dans un second temps,
c'est-à-dire jusqu'au 31 janvier 1998, la deuxième
séquence de trois mois, nous avons ramené ce chiffre à
71,5 agents. Enfin, jusqu'au 30 avril, ce chiffre est ramené
à 47,5 agents.
M. LE RAPPORTEUR
.- Vous comptez les vacataires ?
M. NUTTE
.- Ce sont nos vacataires. Ce sont nos agents temporaires que
nous avons recrutés et formés à cet effet.
M. LE PRÉSIDENT
.- Ils ne sont pas permanents ?
M. NUTTE
.- Absolument pas, Monsieur le Président. L'Office ne
peut pas intégrer 77 agents au motif d'une opération de
régularisation qui, par définition, est conjoncturelle.
M. LE RAPPORTEUR
.- Vous auriez pu déléguer des agents
titulaires de chez vous.
M. NUTTE
.- Nous avons procédé de la façon suivante,
selon nos méthodes classiques à l'Office : nous avons fait
appel, pour ce renfort en préfectures, à nos agents titulaires en
leur disant : "Voulez-vous, pendant la période de réexamen,
occuper un poste d'accueil dans les préfectures ?" Nous avons eu,
de mémoire, sept ou huit candidats. Nous avons affecté ces sept
ou huit candidats en préfecture et, corrélativement, nous avons
fait une embauche de renforts temporaires pour ne pas dégarnir nos
effectifs.
Les autres agents sont essentiellement des jeunes que nous avons
recrutés à bac + 2 et que nous embauchons par
période de trois mois. Nous sommes bien évidemment en
décélération, puisque la fonction d'accueil, pour des
raisons d'évidence, n'a plus la même acuité qu'au
début de l'opération.
Le souci de l'Office est d'avoir une dépense adaptée aux besoins.
A chaque renouvellement, nous avons un débat avec chaque
préfecture afin de trouver la meilleure harmonie.
M. LE RAPPORTEUR
.- Autre question. Je vous rappelle que la circulaire
Chevènement demande que le personnel de l'OMI chargé du
pré-accueil soit développé. Quel est le rôle
joué par les agents de l'OMI pour le pré-accueil des agents de
régularisation ?
M. NUTTE
.- C'est un rôle qui se situe dans les préfectures.
Ce rôle était d'accueillir chaque demandeur, c'est-à-dire
de lui expliquer, à partir de ce qu'il évoquait, quelle
pièce il devait fournir. Autrement dit, à travers un premier
entretien, il s'agissait de le ranger dans différents cas prévus
par la circulaire à laquelle vous faites référence.
C'était la première chose.
La deuxième chose consistait à l'aider, dans certains cas,
à lire des documents.
La troisième chose était de le renseigner par
téléphone sur l'évolution de son dossier. Il ne s'agissait
pas de lui dire : "Votre dossier va marcher" ou "votre dossier ne va pas
marcher", mais simplement : "Votre dossier est à l'instruction, il
n'a pas été perdu, retéléphonez-moi dans quinze
jours, etc."
De même, lorsque les préfectures demandaient des pièces
complémentaires, il s'agissait d'aider les personnes à bien
comprendre les pièces sollicitées en leur demandant de venir les
montrer si elles le désiraient, ou encore de leur dire où elles
pouvaient les trouver.
C'était donc une tâche d'accueil et d'écoute de cette
population qui ne vient pas spontanément dans une préfecture et
qu'il faut quelque part rassurer.
M. LE RAPPORTEUR
.- Monsieur le Directeur, la circulaire du
24 juin 1997 constate que le pré-accueil était
déjà organisé seulement dans certaines préfectures
et vous demande donc de développer ce pré-accueil. Comment a-t-il
été développé ? A-t-il été
installé dans toutes les préfectures ?
M. NUTTE
.- Nous avons eu un débat avec l'administration centrale
du ministère de l'Intérieur pour déterminer les
préfectures qui, ayant déjà un service d'accueil de l'OMI,
méritaient d'être renforcées (c'est le cas par exemple de
la Seine-Saint-Denis pour des raisons d'évidence) ou celles qui, compte
tenu du potentiel estimé de dossiers de régularisation,
méritaient une implantation. Je puis vous assurer que cela a
été fait en accord avec le ministère de l'intérieur.
Pour être très précis, je peux dire que nous nous sommes
implantés dans six préfectures nouvelles. Autrement dit, nous
avons renforcé nos équipes sur douze préfectures et nous
avons ajouté six préfectures nouvelles.
M. LE RAPPORTEUR
.- Vous nous en donnerez la liste, si vous le voulez
bien. Cela nous éclairera sur l'importance des demandes de
régularisation.
M. NUTTE
.- Bien entendu.
M. LE RAPPORTEUR
.- Ensuite, est-ce que vos agents ont été
chargés d'autres fonctions que le pré-accueil dans le cadre de la
régularisation ?
M. NUTTE
.- Non. Pourriez-vous préciser votre question ?
M. LE RAPPORTEUR
.- Est-ce que les agents de l'OMI ont été
chargés d'autres fonctions, dans le cadre de la régularisation,
que le pré-accueil ?
M. LE PRÉSIDENT
.- Y avait-il une notion d'orientation ?
M. NUTTE
.- A l'occasion de cette régularisation, nous avons
développé une nouvelle fonction au sein de l'OMI : celle que
nous avons appelée le "questionnaire social". Nous avons pensé
qu'à l'occasion de l'examen médical, nous pouvions proposer, sur
la base du volontariat, aux personnes qui allaient être
régularisées, de faire avec nous ce que nous avons appelé
un petit bilan social.
M. LE RAPPORTEUR
.- A l'occasion de la visite médicale ?
M. NUTTE
.- Exactement. A partir d'un entretien individuel avec la
personne et d'un questionnaire, dont je vous donnerai copie sans aucune
difficulté, il s'agit de faire apparaître les besoins de ces
personnes par rapport à une intégration. Par exemple, on fait
apparaître un besoin de formations en matière de langues, un
besoin en matière de formation générale ou une
préoccupation légitime d'emploi.
A travers ces entretiens sociaux, nous avons aussi l'occasion d'expliquer
à cette population l'organisation de notre service social ou de nos
actions sociales. Par exemple, lors de cet entretien social, nous remettons
systématiquement une brochure que nous avons éditée il y a
quelques semaines et dans laquelle nous essayons, en quinze pages, d'expliquer
ce qu'est la sécurité sociale et ce que sont les allocations
familiales. Nous avons à la disposition de ces personnes toute une
liste, avec leur adresse et leur téléphone, d'organismes sociaux
ou de caisses d'allocations familiales.
Donc cette affaire de bilan social et de suivi social est une opération
nouvelle que nous avons démarrée en novembre 1997, parce qu'il
fallait le temps de former les gens. Nous avions 17 auditeurs sociaux,
17 personnes affectées à ces tâches en novembre et
nous en avons actuellement 28 au début du mois de février.
Nous avons donc 28 personnes qui reçoivent ces personnes
régularisables, en moyenne, pour un quart d'heure d'entretien.
M. LE RAPPORTEUR
.- Toujours dans les préfectures que vous nous
avez indiquées ?
M. NUTTE
.- Non. Nous ne le faisons plus dans les préfectures,
puisque nous le faisons à l'occasion de la visite médicale, dans
les départements que nous avons indiqués.
M. LE RAPPORTEUR
.- A ce propos, comment avez-vous organisé les
visites médicales, les recrutements de médecins, etc. ?
M. NUTTE
.- Sur les visites médicales, nous avons d'abord
utilisé le plus possible nos moyens existants. En tant que
médecins, nombre d'entre eux sont à la vacation et nous avons
demandé aux médecins dans quelle mesure ils pouvaient augmenter
leur temps de vacation. Nous faisons plus de 50 % de ces visites
médicales dans nos délégations régionales et dans
nos points de contrôle habituels.
Cela étant, pour faire face à l'afflux, nous avons
été amenés à faire deux choses. La première
est de recruter 50 médecins ou infirmiers supplémentaires
que nous répartissons soit dans nos centres, soit dans nos points de
contrôle.
La deuxième, c'est que, pour faire face à l'augmentation sur
l'Ile-de-France, nous avons passé une convention avec deux
hôpitaux publics pour qu'ils nous assurent une prestation
complémentaire.
M. LE RAPPORTEUR
.- Toujours en ce qui concerne les visites
médicales, quel est le coût de la visite médicale pour les
intéressés ?
M. NUTTE
.- Le coût de base est de 1 050 F pour la
personne régularisable.
M. LE PRÉSIDENT
.- Certains ont trouvé que c'était
élevé.
M. NUTTE
.- Certains ont trouvé que c'était
élevé, mais je dirai que ce prix de 1 050 F est celui
que nous demandons aux étrangers qui viennent
régulièrement dans notre pays. Ce n'est pas une contribution
différente de celle qui entre dans les procédures ordinaires.
C'est le premier point.
Le deuxième point -et nous le regrettons- c'est que le terme
"
1 050 F pour une visite médicale
" est impropre. En
fait, cette contribution nous permet de faire face à nos autres
dépenses de fonctionnement qui sont toutes destinées aux
personnes que nous traitons. J'évoquais tout à l'heure le
regroupement familial. Il est clair que lorsque nous affectons
3 500 F pour une famille, ce n'est pas la contribution qui est
demandée à la famille. Lorsque nous finançons l'aide au
retour, ce n'est pas la personne qui nous paie. La contribution ne sert donc
pas -heureusement d'ailleurs- à financer uniquement la contribution
à la visite médicale. Elle sert à financer l'ensemble des
prestations. L'audit social que nous faisons et dont nous avons parlé a
un coût.
M. LE PRÉSIDENT
.- Est-ce que ces prestations concernant les
visites médicales sont remboursées ?
L'intéressé est-il remboursé ?
M. NUTTE
.- Non. Comme dans la procédure ordinaire, Monsieur le
Président, c'est une contribution.
M. LE PRÉSIDENT
.- Il n'y a pas une mutuelle ou une
association ?
M. NUTTE
.- C'est à la charge de l'intéressé tout
simplement.
M. LE RAPPORTEUR
.- Quel est le coût en personnel, pour l'OMI, de
votre contribution à l'instruction des demandes de
régularisation ? L'avez-vous chiffré ?
M. NUTTE
.- Absolument, Monsieur le Rapporteur. Pour ce qui est du
budget, nous avons fait une hypothèse (vous comprendrez que nous ne
pouvions pas faire autre chose qu'une hypothèse) : nous avons
estimé que l'opération de régularisation se traduirait,
pour l'Office, par un dépôt de 80 000 dossiers sur
l'ensemble de l'opération, c'est-à-dire de début
juillet 1997 jusqu'à la fin. Ce nombre de 80 000 dossiers
est une prévision que nous avons faite dès le début de
l'opération et il était indispensable de la faire si nous
voulions avoir un budget. On ne peut pas faire de budget sans
prévisions, d'autant plus que nous bouclons le budget 1998 pratiquement
en septembre 1997.
Sur le budget 1998, nous avons fait une prévision de traitement de
60 000 dossiers, étant entendu que nous en avons traité
20 000 sur 1997. Sur ces 60 000 dossiers, dans notre budget, nous
avons inscrit une dépense de 141 640 000 F. Sur cette
dépense de 141,6 millions, on retiendra qu'en frais de personnel de
toutes natures, aussi bien les médecins que les agents vacataires, les
fournitures administratives, les frais postaux et autres, nous avons inscrit
une somme de 28 millions pour l'opération de régularisation
proprement dite. C'est une prévision sur la base de 60 000 dossiers
à traiter. Nous verrons bien si cela se confirme.
Pour ce qui concerne les dépenses liées à la
réinsertion, nous avons budgété 114,4 millions de
francs, qui se décomposent en 110 millions de francs pour l'aide
à la réinsertion, dont nous parlerons ensuite, et
4,4 millions de francs que j'ai évoqués dans le cadre du
programme PDLM.
M. LE RAPPORTEUR
.- L'aide à la réinsertion dans le pays du
retour ?
M. NUTTE
.- C'est cela. Cela fait bien un budget de 141,6 millions
sur cette opération de 1998.
M. LE RAPPORTEUR
.- Et les recettes afférentes aux visites
médicales ?
M. NUTTE
.- Toujours dans notre budget 1998, nous avons
affiché 67,6 millions de recettes. De manière plus
précise, 8,75 millions au titre du regroupement familial et
58,85 millions au titre des autres dossiers, c'est-à-dire les
dossiers individuels.
M. LE RAPPORTEUR
.- Ma dernière question sur ce premier titre
concerne le suivi social, mais vous y avez déjà répondu en
partie. Comment avez-vous organisé le suivi social prévu par la
circulaire du 24 juin 1997 pour les personnes régularisées ?
Il y a par exemple le dépliant...
M. NUTTE
.- Nous l'avons fait par ce dépliant, mais aussi par
l'entretien avec la personne pour l'identifier. Sur ce point, nous avons
transmis aux DDASS, pour ce suivi social, 15 000 questionnaires au 15
février. Autrement dit, nous avons réalisé
15 000 entretiens sociaux avec les personnes régularisables
depuis novembre, date de lancement de l'opération, et ces
15 000 questionnaires ont été transmis aux DDASS, qui
les ventilent vers les services sociaux qui les traitent. Nos services, nos
délégués régionaux comme ceux du siège,
exploitent ces dossiers le mieux possible en concertation avec les DDASS.
M. LE RAPPORTEUR
.- Monsieur le Directeur, je vous demanderai, à
ce propos, de bien vouloir nous remettre quelques-uns de ces questionnaires en
occultant le nom de la personne.
M. NUTTE
.- Bien entendu. Je le ferai sans difficulté.
M. LE RAPPORTEUR
.- En ce qui concerne la première série de
questions, j'en ai terminé.
Je voudrais passer maintenant au deuxième titre : l'aide au retour
des étrangers dont la régularisation a été
refusée.
M. LE PRÉSIDENT
.- C'est un problème pour demain.
M. LE RAPPORTEUR
.- Tout d'abord, pourriez-vous nous donner un bilan des
précédents dispositifs d'aide au retour ou les
décrire ?
M. NUTTE
.- Avant la circulaire du 19 janvier 1998, le dispositif
qui a été créé en 1991 était une aide de
1 000 F par personne, la prise en charge des frais de transport par
avion ainsi que la prise en charge d'un "kilotage" de bagages de l'ordre de
40 kilos, plus un accompagnement social (pour faire très simple) en
métropole et dans le pays de retour pour autant que l'Office y soit
implanté.
M. LE RAPPORTEUR
.- Encore une fois, en quoi consiste cet accompagnement
social ?
M. NUTTE
.- Il consiste à faire le point avec la personne qui est
candidate au retour en lui demandant quel projet elle a et ce qu'elle souhaite
faire. Il s'agit de l'aider dans ses formalités administratives, ne
serait-ce que pour obtenir un visa, et aussi d'organiser son départ.
Cela veut dire que l'on convient avec elle d'une date de départ, que
l'on se mobilise pour prendre les billets d'avion nécessaires, qu'on
l'aide à solder ses comptes bancaires si elle en a, à effectuer
les procédures pour son loyer, etc. Il y a tout un travail d'assistance
qui est indispensable.
Je me permettrai de citer deux chiffres sur ce dispositif de 1991. Le premier
concerne les résultats du dispositif d'aide à la
réinsertion en 1996.
M. LE RAPPORTEUR
.- Pour l'année 1996 ?
M. NUTTE
.- Oui, pour l'année 1996. Ce dispositif, pour
l'année 1996, a donné lieu à
1 600 bénéficiaires.
M. LE RAPPORTEUR
.- Ils sont partis ?
M. NUTTE
.- Oui, ils sont partis.
M. LE RAPPORTEUR
.- Et vous ne les avez pas retrouvés
ensuite ?
M. NUTTE
.- Nous ne les avons pas encore retrouvés à ce
jour (je suis prudent). Je précise que la délivrance d'une aide
donne lieu à une pièce comptable, comme pour tout
établissement public, et que nous avons le soin de nous assurer que nous
ne versons pas deux fois : nous n'avons pas favorisé l'effet
"noria" pour des raisons d'évidence. 1 600 personnes sont donc
parties en 1996 dans le cadre de cette procédure.
Cela étant, je me permets d'attirer votre attention sur le fait que, sur
ces 1 600 personnes, nous avions 600 Roumains.
M. LE RAPPORTEUR
.- J'allais justement vous demander des
précisions sur les nationalités.
M. NUTTE
.- Dans cette procédure d'aide à la
réinsertion d'IQF, pour faire simple, sur 1996, nous avions
600 Roumains et aussi des Haïtiens. C'est l'essentiel.
Si l'on fait référence maintenant à l'opération de
régularisation de 1991, nous avons retrouvé les chiffres d'IQF
dans le cadre de l'aide à la réinsertion et nous avions eu
1 300 bénéficiaires.
M. LE RAPPORTEUR
.- Pour l'année 1991 ?
M. NUTTE
.- Pour l'opération de régularisation de
l'année 1991, puisqu'il y avait eu une telle opération en 1991.
Autrement dit, peu ou prou, l'aide à la réinsertion, jusqu'en
1996, tournait autour de 1 300 à
1 600 bénéficiaires par an. Nous n'avons jamais
dépassé les 2 000.
M. LE RAPPORTEUR
.- Le nouveau dispositif est plus attractif du fait du
montant des sommes qui sont engagés. Est-il plus attractif pour d'autres
raisons ?
M. NUTTE
.- Dans ce dispositif d'aide à la réinsertion,
nous souhaitons avoir une dynamique un peu nouvelle, c'est-à-dire que
nous essayons de dépasser la simple prestation financière,
même si elle n'est pas à négliger. Autrement dit, le fait
de donner un pécule de départ, de donner un billet d'avion ou de
payer 40 kilos de bagages ne constitue pas l'essentiel de notre
tâche sur ce champ. On peut noter que l'aide est multipliée par
trois et demi, mais l'important, pour nous, est aussi d'essayer d'accompagner
cette personne, tout d'abord en lui expliquant bien les choses, puis en la
sécurisant et en lui disant que l'on va essayer de la prendre en charge
le plus possible.
A partir de là, nous pensons que cette affaire doit se faire
nécessairement avec le réseau associatif. Autrement dit, si nous
n'impliquons pas les associations dans cette affaire, je crois que l'Office n'y
arrivera pas seul. C'est déjà une tâche difficile, mais
seul, c'est encore plus difficile, et je dirai que, pour communiquer avec ces
populations, il vaut mieux avoir des personnes qui les connaissent mieux que
nous parce qu'elles ont eu l'occasion de les voir dans d'autres circonstances.
Sur le conventionnement, nous sommes en cours de négociation à
deux niveaux, au niveau national et au niveau local.
Au niveau national, comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure,
nous allons signer cet après-midi -c'est le hasard du calendrier- une
première convention avec l'Association pour la formation, l'insertion et
le développement rural en Afrique (AFIDRA). Cette association, comme je
vous l'ai indiqué tout à l'heure, a une implantation en
Ile-de-France essentiellement et une implantation au Mali et au
Sénégal. Nous allons donc contractualiser avec cette association
pour deux choses.
La première consiste à organiser des réunions
d'information des populations du fleuve Sénégal à la fois
dans les foyers SONACOTRA et dans d'autres lieux qui lui sembleront les plus
adaptés.
Le deuxième élément de cette contractualisation consiste
à confier à cette association le soin d'accompagner la personne
et de l'aider, à notre place, à construire son dossier.
Cette convention sera donc signée et mise en oeuvre.
Par ailleurs, toujours au niveau national, nous avons eu nos premières
réunions de travail avec l'ASFAM et le SSAE. Ce sont des associations
avec lesquelles nous travaillons déjà dans le cadre du
regroupement familial et avec lesquelles le FAS contractualise.
Le SSAE est le Service social d'aide aux émigrants et c'est pratiquement
la première association française qui s'occupe de ce secteur.
Nous sommes en négociation avec cette association pour qu'elle accepte
le partenariat dans cette affaire. Il est clair que si nous contractualisons
avec le SSAE, nous aurons une couverture nationale de bonne qualité.
La troisième association avec laquelle nous sommes en négociation
est l'ASFAM, l'Association pour le service social et familial d'aide aux
migrants. C'est une association un peu moins importante en nombre que le SSAE,
mais elle a aussi un savoir-faire sur ce sujet.
La quatrième structure avec laquelle nous sommes en négociation,
c'est la Croix Rouge, qui doit pouvoir faire un bout de chemin avec nous, et je
n'exclurai pas, à ce stade, le Secours catholique.
Dès lors que, maintenant, la circulaire existe, notre souci est de faire
ce bout de chemin avec ces associations au niveau national.
Maintenant, il est clair qu'au niveau local (je réunissais encore hier
nos délégués régionaux en comité de
pilotage, puisque nous le faisons tous les quinze jours), nos
délégués régionaux ont commencé aussi
à avoir des contacts avec les associations locales pour voir dans quelle
mesure elles pourraient agir.
Tout cela est donc en route. Il n'est pas facile de contractualiser parce que
ces associations sont plus sur l'idée de la défense des personnes
en situation de régularisation. Autrement dit, elles cherchent à
les aider, le cas échéant, à faire un recours plutôt
qu'à "partir", si vous me passez l'expression. Il faut donc qu'elles
comprennent que, dans leur mission, il peut aussi figurer l'aide au retour. Il
y a un chemin à faire et il faut qu'il se fasse à l'occasion de
cette opération de régularisation.
Le directeur de l'Office y met tous ses efforts. Il est heureusement
secondé par ses tutelles, mais il faut qu'on y arrive. C'est ma
conviction.
Pour aider nos délégués régionaux à
contractualiser avec ces associations, nous avons décidé, hier,
au cours de la réunion de notre comité de pilotage, de leur
donner une convention type afin que tout cela soit homogène sur
l'ensemble du territoire.
M. LE RAPPORTEUR
.- Monsieur le Directeur, vous avez déjà
répondu par anticipation à la question que je voulais vous poser,
à savoir si la publication de la circulaire du
19 janvier 1998, sept mois après la circulaire du
24 juin 1997, ne risquait pas d'affecter le succès de
l'opération. Je crois comprendre que vous pensez y arriver grâce
à votre collaboration avec les associations.
M. NUTTE
.- Monsieur le Rapporteur, dans cette affaire, la
première chose dont est responsable l'Office, qui est un service public,
c'est la mise en place des moyens.
M. LE RAPPORTEUR
.- Ce n'est pas un reproche.
M. NUTTE
.- Je ne l'ai pas pris comme cela, Monsieur le Rapporteur. Je
dirai qu'ensuite, on verra, mais si on n'a pas mis en place des moyens, on est
sûr que cela ne marchera pas. C'est du bon sens.
M. LE RAPPORTEUR
.- Quand le nouveau dispositif d'aide au retour
sera-t-il opérationnel dans tous les départements ?
M. NUTTE
.- Actuellement, nous avons 17 agents affectés et
formés au retour, 17 agents distribués dans nos
délégations régionales : 4 sur Paris nord,
3 sur Paris sud et 2 dans les autres délégations qui
ont une moindre importance. Donc ces 17 agents existent et ils sont
formés.
Il faut maintenant voir quelle est leur capacité de traitement. On peut
s'appuyer sur une base de quatre dossiers par agent et par jour. Cela n'a rien
d'excessif, mais si on veut faire de la qualité et de l'écoute,
c'est bien. Cela fait deux heures par dossier, sans le travail administratif
qui est fait par ailleurs.
Par conséquent, aujourd'hui, avec la structure qui est en place, nous
sommes à même de traiter environ 350 dossiers par semaine
(17 x 4 x 5), soit une capacité de 1 300
à 1 400 dossiers par mois. C'est la capacité dont je
dispose aujourd'hui. Il est clair que ces 17 agents ne sont pas uniquement
affectés à cette tâche, puisque le dispositif
démarre, mais ils sont opérationnels. Nous les avons tous
réunis (M. Cansot en sera témoin puisque c'est lui qui a
organisé la réunion) il y a une dizaine de jours pour bien leur
expliquer le nouveau dispositif et le PDLM, pour répondre à leurs
questions, pour valider nos circulaires internes et pour voir s'il y avait une
bonne lecture des textes.
Il est clair qu'au fur et à mesure de la montée en puissance de
ce dispositif, nous serons amenés à le renforcer. Dans le budget
1998, je suis autorisé à recruter 10 agents
supplémentaires. Cela porterait ma capacité à
27 agents, soit 50 % de plus, ce qui nous donnerait une
capacité de traitement de l'ordre de 2 000 dossiers par mois.
Dans cette affaire, je pense qu'il faut que nous soyons en pilotage
rapproché et, par voie de conséquence, nous allons suivre cela
à travers un dispositif statistique : nous avons mis en place un
dispositif informatique de remontées hebdomadaires des statistiques afin
d'avoir une idée précise de la montée en puissance du
dispositif par un pilotage hebdomadaire.
M. LE RAPPORTEUR
.- Comment avez-vous traité les personnes dont la
régularisation a été refusée avant l'entrée
en vigueur de la circulaire du 19 janvier 1998 sur l'aide au
retour ? Vous leur avez appliqué le système antérieur
qui consiste à donner 1 000 F ?
M. NUTTE
.- On leur a appliqué le système antérieur.
M. LE PRÉSIDENT
.- Est-ce qu'elles ne se sont pas plaintes ?
M. NUTTE
.- Il y avait une dizaine de personnes qui sont parties avant.
En revanche, pour celles qui sont là et qui ont déposé
leur demande avant, si elle n'a pas été instruite, nous leur
appliquerons bien évidemment le nouveau dispositif. Cela va de soi.
M. LE PRÉSIDENT
.- Donc seuls sont lésés ceux qui
ont obéi...
(rires.)
M. LE RAPPORTEUR
.- Ou ceux dont la demande a été instruite.
M. NUTTE
.- On parle là de ceux qui sont partis.
M. LE RAPPORTEUR
.- Il n'y aura donc que ceux-là qui seront
pénalisés.
M. NUTTE
.- Mon collaborateur valide le chiffre d'une dizaine que je vous
ai indiqué. Simplement, nous allons essayer de les retrouver. On peut y
arriver par le consulat, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT
.- Surtout s'il y a des machines à
coudre...
(rires.)
M. NUTTE
.- J'ai bien dit que nous allions essayer de les retrouver. Je
n'ai pas dit que nous allions les retrouver. Il est clair qu'au fur et à
mesure de l'éminence de la publication de la circulaire, nous avons
quand même stabilisé et quelque peu retenu les dossiers.
M. LE PRÉSIDENT
.- Pourquoi la circulaire a-t-elle tant
tardé ?
M. NUTTE
.- Je n'ai pas de réponse à vous donner à
cela.
M. LE PRÉSIDENT
.- Parce que vous ne la connaissez pas ou parce
que vous êtes un peu gêné dans la réponse ?
M. NUTTE
.- Pas du tout, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT
.- On ne vous a pas consulté ?
M. NUTTE
.- Il serait tout à fait inexact de dire que l'Office n'a
pas été associé de près à
l'élaboration de cette circulaire. L'Office apporte (c'est l'un des
métiers que je n'ai pas évoqués dans mon
préliminaire) une capacité d'expertise. Simplement, c'est
toujours le même problème des circulaires
interministérielles.
M. LE PRÉSIDENT
.- Le ministre, quand nous l'avons entendu, a
beaucoup déploré cette lenteur.
M. NUTTE
.- Vous savez, Monsieur le Président...
M. LE PRÉSIDENT
.- C'est le ministère des finances ?
M. NUTTE
.- Il y a des partenaires que sont plus difficiles que d'autres
parmi les services administratifs. Monsieur le Président, je ne dis pas
le contraire.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous avez prêté serment...
(rires.).
M. LE RAPPORTEUR
.- Autre question : quelles informations sont
communiquées par les préfets à l'OMI, dans quelles
conditions (rejet des demandes, motivations, existence de mesures d'invitation
à quitter le territoire) et, réciproquement, quelles informations
sont-elles communiquées par l'OMI aux préfectures ?
M. NUTTE
.- Tout cela est organisé par la circulaire de janvier
1998. Autrement dit, les préfets sont tenus de nous adresser un double
de la notification de l'IQF qu'ils ont faite.
M. LE RAPPORTEUR
.- Est-ce que cela fonctionne ?
M. NUTTE
.- A ce stade, puisque j'ai fait le point hier avec le
comité de pilotage, nous avons reçu environ 2 000
notifications. A partir de cela, nous faisons une lettre de relance (nous avons
commencé à le faire). Autrement dit, nous allons écrire
à chaque personne, au bout de trois à quatre semaines, pour leur
dire : "La préfecture nous a communiqué une décision
vous concernant ; nous vous rappelons que vous pouvez tout à fait
bénéficier d'une aide, comme vous l'a déjà
indiqué la préfecture. Téléphonez-nous, venez nous
voir ou voyez telle association". Par conséquent, l'exploitation, pour
nous, consiste d'abord à savoir quelles personnes ont fait l'objet d'une
IQF.
M. LE RAPPORTEUR
.- Pouvez-vous préciser ce que signifie
"IQF" ?
M. NUTTE
.- "Invitation à quitter le territoire français".
Excusez-moi d'utiliser ce jargon.
Par conséquent, nous traitons ces IQF de cette façon. Ensuite,
lorsque nous réalisons un départ, bien entendu, nous en informons
les préfectures.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous n'avez eu que 2 000 notifications.
M. NUTTE
.- A ce stade, oui, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT
.- Viennent-elles de toutes les préfectures
ou simplement de quelques-unes ?
M. NUTTE
.- De quelques préfectures.
M. LE PRÉSIDENT
.- Des grosses, de Bobigny, par exemple ?
M. NUTTE
.- Sur Bobigny, le dispositif se met en route, mais il faut que
l'on réfléchisse là-dessus.
M. LE PRÉSIDENT
.- Donc vous n'avez rien reçu de
Bobigny ?
M. NUTTE
.- Je serai moins catégorique que vous sur ce point,
Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT
.- Donc vous reçu quelque chose de
Bobigny ? Vous n'êtes pas tout à fait sûr d'avoir
reçu quelque chose de Bobigny ?... Il faut parler directement.
M. NUTTE
.- Je pense avoir reçu quelques éléments.
M. LE PRÉSIDENT
.- D'accord. Sur les autres, Marseille, etc.,
quelles sont celles qui ont le plus donné ?
M. NUTTE
.- Les Alpes-Maritimes nous en ont fourni un certain nombre et
Marseille un peu. Sur les préfectures les plus importantes, il faut se
mettre d'accord sur la façon d'échanger nos informations par
delà le simple envoi de papier. Si vous avez une préfecture qui a
40 000 dossiers, à supposer qu'il y ait la moitié de
significations d'invitations à quitter le territoire, il est certain
qu'il faut les traiter.
M. LE PRÉSIDENT
.- En général, on parle de
150 000 demandes et de 75 000 rejets. C'est très grossier.
M. LE RAPPORTEUR
.- Non, on parle de 175 000 demandes.
M. LE PRÉSIDENT
.- On parle de 175 000 dossiers
déposés mais de 150 000 retenus, parce que le ministre
nous a expliqué qu'il y en a 25 000 pour lesquels il y a des
doublons.
M. LE RAPPORTEUR
.- En parlant de 25 000 doublons, il est
excessif. Dans les préfectures, nous pensons qu'il y en a moins de
25 000.
M. LE PRÉSIDENT
.- La commission d'enquête le dira. Pour
l'instant, cela fait 150 000, chiffre officiel du ministre, et donc
75 000 rejets, alors que vous en êtes à 2 000. Cela fait
un sacré chemin à faire. Vous allez faire tout cela jusqu'au mois
d'avril ?
M. NUTTE
.- Tout d'abord, Monsieur le Président,
l'échéance du 30 avril devra être confirmée
pour l'ensemble des préfectures.
M. LE PRÉSIDENT
.- Elle l'est pour l'instant. On en a encore
parlé récemment.
M. LE RAPPORTEUR
.- Elle a été précisée.
M. LE PRÉSIDENT
.- Le ministre a dit qu'il y aurait
peut-être un petit délai pour une ou deux. Vous en êtes
à 2 000 par rapport à 75 000. Si on met de
côté une ou deux préfectures, sachant que nous sommes fin
février, cela vous laisse deux mois.
M. NUTTE
.- Je me permets de vous rappeler que la circulaire est
relativement récente. Il faut que les préfectures se mettent en
ordre de marche sur tout cela. Cette circulaire est parue fin janvier et je ne
considère pas que le chiffre de 2 000 d'aujourd'hui soit
forcément mauvais.
M. LE PRÉSIDENT
.- On ne peut pas dire qu'il soit excellent, quand
même.
M. NUTTE
.- Je suis d'accord pour dire qu'il n'est pas excellent, mais il
n'est pas forcément mauvais.
M. LE PRÉSIDENT
.- Cela ne dépend pas de vous. Il faut que
les préfets s'acquittent de leur tâche.
M. NUTTE
.- Monsieur le Président, l'Office reçoit et n'a
pas de directives à donner aux préfets.
M. LE PRÉSIDENT
.- Avez-vous alerté le ministre
là-dessus ?
M. NUTTE
.- Je fais le point régulièrement avec le
directeur de la population et de l'immigration et le directeur des
libertés publiques.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous le faites une fois par semaine ?
M. NUTTE
.- Avec le directeur de la population et de l'immigration, c'est
au moins cela.
M. LE RAPPORTEUR
.- J'ai une autre question : à quelle date
la notice d'information de l'OMI sur l'aide au retour a-t-elle
été diffusée dans tous les départements ? La
circulaire date du 19 janvier 1998.
M. NUTTE
.- Ce qui nous bloquait pour le délai d'impression, c'est
que nous voulions absolument (je pense que vous avez la plaquette du
dispositif) faire apparaître les références de la
circulaire dans le corps du texte. Il était donc indispensable de la
connaître. Nous avons dû mettre dix jours pour imprimer
120 000 exemplaires.
M. LE RAPPORTEUR
.- Vous parlez de celle qui est en plusieurs
langues ?
M. NUTTE
.- Oui. Dès le lendemain de la publication de la
circulaire, nous étions chez l'imprimeur et il nous a fallu dix jours
pour imprimer 120 000 exemplaires, ce qui est très raisonnable.
M. LE RAPPORTEUR
.- Elle a été diffusée dans quel
délai ?
M. NUTTE
.- En 48 heures. Mes collaborateurs me disent qu'elle a
été diffusée début février.
M. LE RAPPORTEUR
.- Dans tous les départements ?
M. NUTTE
.- Je serai beaucoup plus prudent que cela compte tenu de mon
expérience administrative. On a donné des instructions pour que
ce soit diffusé partout. Maintenant, localement, je ne suis pas
sûr que tel ou tel département n'a pas été en
léger décalage pour des tas de bonnes raisons. En tout cas, je
n'ai pas de remontées infirmant cela.
M. LE RAPPORTEUR
.- La préfecture du Rhône l'a reçue
le 11 février.
M. NUTTE
.- Permettez-moi de vous dire, Monsieur le Rapporteur, que cela
me semble tout à fait cohérent, puisque je vous disais qu'il
avait fallu une dizaine de jours pour imprimer. Si l'on retient le
28 janvier plus dix jours, cela nous mène au 7 ou au 8
février.
M. LE PRÉSIDENT
.- Tout le monde l'aura avant la fin du mois de
mars ?...
(rires.)
M. NUTTE
.- Monsieur le Président, cela risquerait d'être
alors une nouvelle édition.
M. LE RAPPORTEUR
.- Est-ce que vous l'avez imprimée en
chinois ?
M. NUTTE
.- Nous ne l'avons pas imprimée en chinois.
M. LE PRÉSIDENT
.- Ce serait en langue mandarine que personne ne
comprend, de toute façon...
M. NUTTE
.- Ce n'est pas moi qui rédigerais les épreuves.
M. LE RAPPORTEUR
.- Autre question : comment se déroule
l'examen approfondi des demandes qui est prévu par la circulaire ?
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous avez commencé ces examens
approfondis sur les 2 000 notifications. C'est bien cela ?
M. NUTTE
.- Nous recevons 2 000 notifications des
préfectures -c'est un élément d'information-, mais notre
démarche pour l'aide à la réinsertion, comme le
précisent les textes, c'est que la personne vienne nous voir
volontairement.
M. LE PRÉSIDENT
.- Sur les 2 000 notifications de rejet,
vous ne faites aucune enquête ?
M. NUTTE
.- Pardonnez-moi de revenir un peu en amont. L'aide à la
réinsertion est une possibilité qui est offerte à la
personne qui fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire et
non pas une obligation.
M. LE PRÉSIDENT
.- Donc vous n'allez pas les convoquer : ils
viennent ou ils ne viennent pas.
M. NUTTE
.- Ils viennent ou ils ne viennent pas. Nous essayons simplement
de remplir les conditions pour qu'ils viennent. C'est pourquoi nous avons
prévu un numéro vert qui n'est pas très compromettant et
c'est pourquoi, à l'Office, nous nous efforçons de les accueillir
sans les obliger à quoi que ce soit, mais le point de départ de
l'aide à la réinsertion est une démarche volontariste.
J'insiste là-dessus.
Les doubles des listes que nous donnent les préfectures nous permettent,
lorsqu'on constate que l'intéressé n'est pas venu au bout de
trois semaines, de faire une relance, mais si l'intéressé ne veut
pas, nous ne pouvons pas intervenir.
M. LE PRÉSIDENT
.- Oui, mais vous êtes quand même en
situation d'aller reprendre les notifications de rejet et d'inviter
l'intéressé.
M. NUTTE
.- C'est ce que j'appelle la lettre de relance.
M. LE PRÉSIDENT
.- Donc vous ne les forcez pas, mais vous les
invitez à le faire.
M. NUTTE
.- Nous n'avons pas le pouvoir, à l'Office, de faire
autre chose. Je n'ai aucun pouvoir coercitif dans cette affaire. D'ailleurs, je
ne le cherche pas.
M. LE RAPPORTEUR
.- Bien que vous n'ayez que 2 000 personnes
concernées à l'heure actuelle, ce qui n'est pas très
significatif, combien en avez-vous qui ont manifesté de désir de
bénéficier des dispositions de la circulaire du
19 janvier 1998 et combien ont préféré rester
dans la clandestinité au stade actuel ?
M. NUTTE
.- Au stade actuel, nous avons reçu 93 dossiers.
M. LE RAPPORTEUR
.- Sur 2 000 ?
M. NUTTE
.- Oui, Monsieur le Rapporteur.
M. LE PRÉSIDENT
.- Parce que les dossiers peuvent ne pas venir de
ceux pour lesquels vous avez reçu notification.
M. NUTTE
.- Nous avons 93 dossiers qui ont été
acceptés par l'Office et qui concernent 111 personnes.
Par rapport à ce dispositif, nous avons donné
521 informations. Autrement dit, il y a 521 personnes qui sont venues
nous voir ou qui nous ont téléphoné longuement (je ne
parle pas du numéro vert qui est fait pour l'OMI) pour un premier
entretien, pour savoir comment cela fonctionnait, et nous avons conclu sur
93 dossiers à ce stade.
M. LE RAPPORTEUR
.- Et les autres ?
M. NUTTE
.- Nous ne les avons pas vus. Ils ont peut-être
téléphoné, mais on ne le sait pas.
M. LE PRÉSIDENT
.- En fait, vous avez vu un peu moins de personnes
que vous avez d'agents d'accueil. Vous avez 77 vacataires.
M. NUTTE
.- Vous parlez là des agents qui font de l'accueil en
préfecture. Ce ne sont pas les gens qui traitent de l'IQF. Les agents
qui traitent de l'IQF sont au nombre de 17. J'y ai fait référence
tout à l'heure, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT
.- Mais vos vacataires en préfecture font
cela aussi, non ?
M. NUTTE
.- Oui, si on leur pose une question sur l'invitation à
quitter le territoire et l'aide à la réinsertion, ils aiguillent
tout de suite l'intéressé vers un agent spécialisé.
C'est un autre métier.
M. LE PRÉSIDENT
.- On est vraiment dans un dispositif assez
paradoxal. Vous avez une machine, des conventions, des installations ici et
là, et puis vous avez 93 dossiers qui ont été
examinés.
M. NUTTE
.- Pardonnez-moi, Monsieur le Président, mais c'est en
l'état actuel des choses, et je rappelle que ce dispositif
démarre. Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, les
moyens se mettent en oeuvre et ces moyens, de même que les partenariats,
ne peuvent pas résulter seulement d'une décision
unilatérale.
M. LE PRÉSIDENT
.- Il faut quand même qu'ils repartent,
puisque ce sont des irréguliers. Il ne faut pas perdre de vue le fait
que ces gens sont des clandestins pour lesquels l'administration et le pouvoir
ont estimé qu'ils n'avaient pas de raison de rester en France. Donc ils
doivent repartir. Ils ne repartent plus par
charter,
puisqu'on a
prohibé cette disposition, mais par les vols réguliers,
après l'arrêté de reconduite à la frontière,
et puis vous avez votre système qui est un système volontaire.
M. NUTTE
.- Ce sont les textes qui l'ont voulu, Monsieur le
Président.
M. LE PRÉSIDENT
.- C'est un système volontaire pour lequel
vous êtes disponibles dès lors que les personnes se manifestent.
C'est bien cela ? Bien. Donc je ne peux que constater l'immense
différence qu'il y a entre la tâche du pouvoir régalien,
qui consiste à reconduire les personnes à la frontière
dans des conditions honorables (75 000 personnes), et votre
disponibilité qui ne peut se faire que dans la mesure où vous
avez une réponse, dans la mesure où vous avez en face de vous des
gens qui sont prêts à partir.
M. NUTTE
.- C'est la conception même du dispositif. Je veux dire
par là que cela n'est pas nouveau.
M. LE PRÉSIDENT
.- Ce n'est pas nouveau, mais la politique
actuelle est bien centrée sur ce dispositif. C'est ce que dit même
la circulaire.
M. NUTTE
.- J'entends bien, Monsieur le Président. J'ai
évoqué la circulaire de 1991 il y a quelques instants...
M. LE PRÉSIDENT
.- On sait ce qu'elle a donné. Vous l'avez
chiffrée à environ 1 300 à
1 600 bénéficiaires par an.
M. NUTTE
.- Tout à fait, et je maintiens ce chiffre.
M. LE PRÉSIDENT
.- Il faudra bien noter ce chiffre. Il est
important pour le rapport.
M. LE RAPPORTEUR
.- Est-ce qu'à votre avis, il n'y aura pas un
dispositif allégé qu'il faudrait mettre en place, notamment dans
les aéroports ou dans les ports, dans la mesure où on s'est
assuré que l'identité de l'intéressé est
certaine ?
M. NUTTE
.- Monsieur le Rapporteur, c'est une question qui nous
préoccupe. C'est évident. Pour ce qui concerne l'Office, si une
personne vient nous voir en disant : "J'ai décidé de rentrer
au pays et je ne vous demande qu'une seule chose : un billet d'avion et le
pécule", je peux vous assurer qu'après avoir
vérifié les critères minimum, c'est-à-dire que
l'intéressé remplit toutes les conditions et que nous ne sommes
pas sur un cas de fraude, nous le faisons en moins de trois jours. Nous
connaissons notre métier (nous ne faisons pas de l'aide à la
réinsertion depuis hier) de "voyagiste", en quelque sorte.
Je veux dire par là que, dès lors que la personne se manifeste,
nous la prenons en charge. Je reviens sur ce que j'évoquais tout
à l'heure. A ce stade, sans difficulté, nous avons une
capacité de traitement de 2 000 dossiers par mois s'il le faut.
M. LE RAPPORTEUR
.- En l'occurrence, vous remettez les 2 250 F
à l'aéroport ou au port ?
M. NUTTE
.- Nous les remettons à l'aéroport ou au port,
lorsque l'intéressé embarque. Autrement dit, nous
vérifions que l'intéressé embarque.
M. LE RAPPORTEUR
.- En espèces ?
M. NUTTE
.- Oui, bien entendu.
M. LE RAPPORTEUR
.- Et les autres 2 250 F sont versés
par le consulat ou l'ambassade dans le pays de retour ?
M. NUTTE
.- Oui, deux mois après.
M. LE RAPPORTEUR
.- J'ai encore quelques questions à vous poser.
Comment vous assurez-vous du consentement du conjoint du demandeur ?
M. NUTTE
.- Notre circulaire prévoit que le conjoint doit signer
un document selon lequel elle donne explicitement son accord.
M. LE RAPPORTEUR
.- Il le signe devant vous ?
M. NUTTE
.- En tout état de cause, il signe devant nos agents.
M. LE PRÉSIDENT
.- Et beaucoup ont signé ? Il n'y en a
pas ?
M. CANSOT
.- Il y en a, mais pas beaucoup.
M. MAMAN
.- Et les enfants majeurs ?
M. CANSOT
.- L'enfant majeur est lui-même demandeur. Il est
responsable.
M. LE PRÉSIDENT
.- Il est lui-même titulaire d'une
invitation à repartir.
M. LE RAPPORTEUR
.- J'en déduis donc que les
2 000 dossiers concernent surtout des travailleurs
célibataires.
M. NUTTE
.- Absolument. D'une manière générale, ceux
qui ne sont pas retenus dans la régularisation sont plutôt des
célibataires.
M. LE RAPPORTEUR
.- Vous est-il possible de détecter des personnes
qui ont déjà bénéficié d'une aide au
retour ?
M. NUTTE
.- Bien entendu. Vous savez bien que l'on doit garder ses
pièces comptables pendant une dizaine d'années, je crois. Nous
avons donc toutes les pièces comptables sur les opérations IQF
des précédentes années et nous les passons au fichier,
bien entendu.
M. LE RAPPORTEUR
.- Je suppose que vos services sont informatisés.
M. NUTTE
.- Bien sûr.
M. LE RAPPORTEUR
.- Est-il possible qu'une personne ayant
bénéficié d'une aide au retour il y a quelques
années sous l'ancien régime puisse bénéficier de la
nouvelle aide ?
M. NUTTE
.- La circulaire l'exclut expressément.
M. LE RAPPORTEUR
.- Donc vous le vérifiez ?
M. NUTTE
.- Bien sûr, sauf si l'intéressé a une
fausse identité, Monsieur le Rapporteur. Il faut être
honnête jusqu'au bout : cela peut arriver.
M. LE PRÉSIDENT
.- Avez-vous des résultats à l'heure
actuelle sur l'application de cette circulaire ? Vous avez
2 000 notifications et 93 dossiers concernant 111 personnes.
Est-ce que ces 93 dossiers concernent des personnes qui sont parties ?
M. NUTTE
.- Ce sont des personnes qui ont déposé un dossier
que l'on est en train d'instruire.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous avez deux mois pour l'instruire ?
M. NUTTE
.- Il y a deux étapes. La première est
l'étape de recevabilité où l'intéressé,
dès lors qu'il se présente chez nous dans le mois qui suit la
notification de son IQF, a le droit de rester deux mois de plus sur le
territoire national. Ensuite, nous regardons très vite les conditions de
recevabilité normales, pour savoir si l'intéressé entre
bien dans le cadre de l'aide au retour, si son identité est bonne, etc.,
et nous nous décidons sur le dossier lui-même en moins de huit
jours. Cela ne pose pas de difficultés.
Enfin, il y a le chemin à faire avec l'intéressé pour
l'aider et il faut que l'on décide de sa date de retour.
M. LE PRÉSIDENT
.- Combien ont-ils décidé de leur
date de retour aujourd'hui, en l'état actuel de vos informations ?
M. NUTTE
.- En l'état actuel de mes informations, aujourd'hui,
Monsieur le Président, 32 personnes sont parties.
M. LE PRÉSIDENT
.- Sur les 93 dossiers concernés qui
correspondent à 111 personnes, vous en avez 32 qui sont parties
aujourd'hui ?
M. NUTTE
.- C'est bien cela.
M. LE PRÉSIDENT
.- 32 qui sont parties au 26 février
1998 ?
M. NUTTE
.- C'est une situation du 22 février 1998.
M. LE PRÉSIDENT
.- Donc on peut dire que le
22 février 1998, l'application de la circulaire a
entraîné le départ effectif de 32 personnes.
M. NUTTE
.- C'est une présentation des choses. Je
préfère dire que cette circulaire a initialisé
100 dossiers de départ, puisque nous sommes sur une
modalité. La date est une chose qui se détermine en fonction de
beaucoup d'éléments.
M. LE PRÉSIDENT
.- Très bien. Avançons, Monsieur le
Rapporteur.
M. LE RAPPORTEUR
.- J'en viens aux relations de l'OMI avec les
associations de défense des étrangers. Vous avez
déjà abordé ce point en grande partie. Est-ce que ce sont
de bonnes relations ?
M. NUTTE
.- Nous travaillons avec ces associations dans d'autres champs,
notamment le regroupement familial. Donc je ne doute pas que l'on arrive
à avoir de bonnes relations avec elles.
M. LE RAPPORTEUR
.- Est-ce qu'elles jugent positif le dispositif d'aide
au retour ?
M. NUTTE
.- Ces associations ont une culture, comme toutes les
associations. Leur métier, leur finalité, c'est bien
l'intégration des populations. Il est donc difficile, à certains
moments, surtout dans le cadre de l'opération de régularisation,
sachant que certaines personnes sont en France depuis longtemps et ont recours
à ces associations, de leur expliquer qu'il faut maintenant aider ces
personnes à partir parce qu'elles sont en situation
irrégulière. Nombre de travailleurs sociaux, puisqu'il s'agit
essentiellement de travailleurs sociaux, ne sont pas prêts à cette
démarche, parce que, par ailleurs, ils conseillent à ces
mêmes demandeurs de faire des recours. Il faut bien se rendre compte de
cette réalité.
Par conséquent, il y a un chemin qui a été commencé
avec ces associations, qui ne date pas d'hier et qui doit normalement aboutir
à une contractualisation pour qu'elles s'impliquent dans l'aide au
retour. Je vous ai indiqué la contractualisation réalisée
avec l'AFIDRA.
M. POIRIER
.- Si vous le permettez, je voudrais faire un léger
retour en arrière sur le rôle moteur ou le rôle frein de ces
associations. Leur déontologie, leur vocation est de participer
effectivement à l'aide à l'insertion en France. On les voit donc
mal, tout d'un coup, comme un avion à réaction inversant ses
moteurs, faire une politique inverse. Est-ce que, en fait, vous n'avez pas
recours à des services ou des équipes, aussi respectables
soient-ils, qui travailleront en sens inverse ? Autrement dit, ces
associations acceptent-elles le principe de la loi, tout bêtement ?
M. NUTTE
.- Monsieur le Sénateur, sur la convention que nous
passons avec l'AFIDRA, les choses sont réglées de ce point de
vue, puisque la convention précise les choses. Par ailleurs, les
contacts que j'ai eus avec l'ASFAM et le SSAE, que j'ai évoqués
précédemment, me font penser qu'une contractualisation sera
possible là-dessus, parce que je pense que ces associations ont
certainement plus intégré que par le passé le fait de dire
qu'il faut nécessairement, sur le problème de l'immigration,
poser le problème du retour.
Il faut donc que ce problème du retour, qui est réel, soit aussi
pris en charge. Je pense que ces associations commencent à se dire que
cela fait partie de leur mission aussi.
M. POIRIER
.- C'est une date.
M. NUTTE
.- Cela dit, soyons prudents, Monsieur le Sénateur.
M. LE PRÉSIDENT
.- Il faut du temps.
M. NUTTE
.- Tout à fait.
M. LE RAPPORTEUR
.- Je n'ai plus que quelques questions. Pouvez-vous nous
donner quelques exemples de l'aide psychologique et administrative que l'OMI
doit apporter aux demandeurs ?
M. NUTTE
.- Tous les entretiens que nous avons avec nos demandeurs...
M. LE PRÉSIDENT
.- C'est-à-dire les 93 dossiers...
M. NUTTE
.- Les 93 dossiers pour aujourd'hui, Monsieur le
Président.
M. LE PRÉSIDENT
.- Nous parlons des entretiens actuels.
M. NUTTE
.- Exactement. Ces entretiens actuels ont pour support un
questionnaire très détaillé, dont je vous donnerai copie
pour que vous ayez une idée précise des choses, et nous proposons
un bilan professionnel et un bilan social. Autrement dit, nous disons à
la personne : "Vous êtes chez nous depuis x années (c'est
parfois le cas), qu'avez-vous fait et comment vous situez-vous
professionnellement ?"
Il s'agit aussi de voir, notamment pour les gens du fleuve
Sénégal, s'ils ont un projet économique.
Il s'agit enfin de leur dire, là où l'Office est présent,
c'est-à-dire dans les délégations que j'évoquais,
notamment au Maroc, en Tunisie, au Mali, au Sénégal, etc. que,
dans ces délégations, nous avons un agent de l'Office qui pourra
les accueillir et les aider dans leurs démarches lorsqu'ils seront
retournés chez eux. Autrement dit, dans nos délégations
à l'étranger, nous avons tissé un certain nombre de liens
avec les autorités locales et l'engagement que nous prenons
vis-à-vis des personnes, là où nous sommes
présents, c'est de les aider à se "réintroduire" dans leur
nouvel environnement, s'ils le souhaitent, bien entendu.
M. LE RAPPORTEUR
.- Cela concerne seulement le Sénégal, le
Mali et la Roumanie ?
M. NUTTE
.- Le Sénégal, le Mali, la Roumanie, le Maroc, la
Tunisie.
M. LE PRÉSIDENT
.- Et l'Algérie ?
M. NUTTE
.- Nous avons fermé notre délégation en
Algérie il y a quelques années, Monsieur le Président.
Nous avons aussi une délégation en Turquie.
M. LE RAPPORTEUR
.- Dans la partie où vivent les Kurdes, en
Turquie, avez-vous quelque chose ? Il y a un problème à cet
égard.
M. NUTTE
.- Non, nous n'avons pas d'établissement. Nous ne sommes
qu'à Istanbul. Cela étant, si notre délégué
local nous faisait état d'un besoin, nous le considérerions.
M. LE RAPPORTEUR
.- Avez-vous chiffré le coût moyen de
l'aide par demandeur ?
M. NUTTE
.- Absolument. Il est de 11 000 F. Dans cette somme,
il y a les 4 500 F de pécule que nous évoquions, plus
le prix des billets d'avion ou de bateau et le prix des 40 kilos de
bagages sur l'avion. C'est un prix moyen que nous avons ressorti de nos
statistiques.
M. LE RAPPORTEUR
.- Vous ne pouvez donc pas, à l'heure actuelle,
chiffrer le coût total de l'opération, je suppose, puisque vous ne
connaissez pas le nombre de demandeurs. En fait, c'est un nombre
théorique. Donc l'idéal serait qu'ils viennent tous vous demander
l'aide au retour.
M. LE PRÉSIDENT
.- Nous n'en sommes pas là : nous n'en
sommes qu'au début. Nous n'en sommes qu'à 93.
M. NUTTE
.- Dans notre budget 1998, nous avons prévu une
première tranche à 10 000 bénéficiaires
possibles en 1998.
M. LE PRÉSIDENT
.- Comme vous n'en êtes qu'à 111,
cela veut dire que vous n'avez fait que 1 % de votre objectif.
M. NUTTE
.- Je me permets une fois de plus de rappeler que le dispositif
démarre.
M. LE PRÉSIDENT
.- C'est pour regarder le chemin à
parcourir...
(rires.)
Votre objectif de 10 000 est fixé
à 1998, non ?
M. NUTTE
.- Notre objectif n'est pas forcément 10 000. Nous
avons programmé budgétairement une première tranche de
10 000 en 1998. Si nous la dépassons en 1998, nous réunirons
notre conseil d'administration et nous délibérerons sur cette
affaire.
M. LE PRÉSIDENT
.- En février, vous en êtes à
1 %.
M. NUTTE
.- J'en prends acte, Monsieur le Président.
M. LE RAPPORTEUR
.- Je voulais vous demander comment vous alliez financer
cette opération, mais je suppose qu'en fin d'année, vous avez des
crédits inutilisés.
M. NUTTE
.- Cela n'engage que vous, Monsieur le Rapporteur. Je peux dire
en tout cas que l'ambition du directeur de l'Office est bien de dépasser
les 10 000. C'est clair.
M. LE RAPPORTEUR
.- Avez-vous intégré dans le budget de
l'OMI la perte de recettes qui pourrait résulter de la suppression des
certificats d'hébergement ?
M. NUTTE
.- Tout à fait. Cela fait 17 millions de pertes de
recettes en année pleine.
M. LE PRÉSIDENT
.- Cela dit, vous percevez toujours ces recettes
actuellement, parce que le certificat d'hébergement n'est pas
supprimé.
M. NUTTE
.- Tout à fait, mais dans notre budget, s'il est
supprimé, nous perdrons 17 millions en année pleine.
M. LE PRÉSIDENT
.- En année pleine. Donc vous ne perdrez
pas autant en 1998. S'il est supprimé, ce sera en juin, après les
décrets d'application. Donc vous perdrez la moitié.
M. NUTTE
.- Nous perdrons le moitié, mais quand nous avons
préparé notre budget en septembre, nous avions
intégré cette hypothèse.
M. LE RAPPORTEUR
.- Dernière question, Monsieur le
Directeur : avez-vous mesuré le risque de nouvelles entrées
clandestines d'étrangers après leur retour dans leur pays
d'origine grâce à l'aide instituée ?
M. NUTTE
.- C'est une question difficile. Pour essayer de vous
répondre, parce que je pense que, dans cette affaire, il est normal que
le directeur de l'Office se pose la question, il est certain que
l'expérience que nous avons pu avoir avec les Roumains nous interroge.
Il est clair que les Roumains, notamment les Roms, sont des grands voyageurs.
M. LE RAPPORTEUR
.- Si je comprends bien, vous avez versé la prime
de 1 000 F à des Roumains selon l'ancien système. Les
avez-vous retrouvés ?
M. NUTTE
.- Par rapport aux 600 Roumains qui ont
bénéficié de l'aide au retour en 1996, je n'affirmerai
sûrement pas que ces 600 Roumains ne sont pas revenus. En revanche,
je suis sûr qu'ils n'ont pas bénéficié à
nouveau d'une nouvelle aide au retour. Cela dit, je ne peux pas dire qu'ils ne
sont pas revenus dans notre pays, Monsieur le Rapporteur. Chacun sait que le
fait d'aller de Roumanie en France ne présente pas une difficulté
insurmontable : la route est faite pour cela.
M. LE RAPPORTEUR
.- Par où passent-ils,
généralement ?
M. NUTTE
.- Par l'Allemagne, la Belgique, etc. Ils prennent tous les
chemins ; il n'y a pas de problème. Il y a suffisamment
d'autoroutes.
M. LE RAPPORTEUR
.- L'autre jour, nous étions à Lille et
nous avons entendu dire qu'ils passaient souvent par la Belgique.
M. NUTTE
.- Ils s'organisent un peu. Voilà ce que je peux vous
répondre sur les Roumains. Je ne pourrai pas aller plus loin.
M. LE RAPPORTEUR
.- J'en ai terminé, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT
.- Merci, Monsieur le Rapporteur. Nos
collègues ont peut-être encore des questions à poser.
M. MAMAN
.- Monsieur le Directeur, j'aurais aimé vous interroger
sur les dossiers de regroupement familial. Vous dites tout d'abord que vous en
avez 15 000. Est-ce que ce sont tous les dossiers de France que vous
traitez vous-même ?
M. NUTTE
.- L'Office, à un moment, est service instructeur pour
tous ces dossiers.
M. MAMAN
.- Donc il y en a 15 000 pour toute la France ?
M. NUTTE
.- Il y a 15 000 dossiers de regroupement familial qui
sont instruits par l'Office.
M. MAMAN
.- Combien de personnes cela représente-t-il ?
M. NUTTE
.- En gros, cela fait 1,87 personne par dossier.
M. LE PRÉSIDENT
.- Cela a beaucoup diminué depuis dix ans.
M. NUTTE
.- Tout à fait, Monsieur le Président. Ce n'est
plus l'image de la grande famille.
M. MAMAN
.- C'est très bien. Je pensais qu'il y avait des masses
de gens, mais je vois que c'est tout à fait raisonnable. Aux Etats-Unis,
je pense qu'il y a 1 850 000 personnes qui attendent le
regroupement familial.
M. NUTTE
.- C'est à l'échelle du continent américain.
M. MAMAN
.- Tout à fait. Par ailleurs, à quelle vitesse
traitez-vous les dossiers du regroupement familial ? Si l'étranger
demande le regroupement avec sa famille, est-ce qu'on fait une enquête
dans le pays d'origine ?
M. NUTTE
.- Il est très rare d'avoir un dossier de regroupement
familial (mon collaborateur, M. Vachette, complétera si besoin est)
à moins de huit ou neuf mois. Il y a toute une procédure qui est
lourde et il nous faut à peu près ce délai.
M. LE RAPPORTEUR
.- Est-ce que vous pourriez nous donner, en occultant
les noms, un dossier de regroupement familial élaboré ?
M. NUTTE
.- Tout à fait. Cela ne pose aucun problème.
M. MAMAN
.- J'ai une dernière question : est-ce que la
personne à qui on a refusé le regroupement a un moyen de
recours ?
M. NUTTE
.- Bien entendu, puisque c'est une décision
administrative prise par le préfet.
M. LE PRÉSIDENT
.- Je resterai sur le regroupement familial,
après les questions posées par notre collègue. Le
dispositif actuel veut, pour qu'il y ait regroupement, que
l'intéressé demandeur dispose d'un logement susceptible
d'accueillir la famille regroupée dans sa composante au moment où
elle arrive en France. Dans la nouvelle loi, le dispositif prévoit que
le logement peut ne pas être disponible au moment où la demande
est formulée mais qu'il faut avoir une promesse de logement. Il y a une
variable importante dans les faits : aujourd'hui, il faut que le logement
soit là alors que, dans le futur, il faut que le logement soit promis. Y
aura-t-il beaucoup de différences ? Comment le percevez-vous ?
M. NUTTE
.- Dans notre réglementation actuelle, c'est au moment
où l'intéressé dépose sa demande qu'il doit
présenter un logement capable d'héberger la famille qui va venir.
M. LE PRÉSIDENT
.- Donc le logement va rester disponible et vacant
pendant tout le temps où l'instruction sera faite ?
M. NUTTE
.- Oui. C'est d'ailleurs une chose qui ne nous semble pas
raisonnable. Par rapport à l'évolution que vous indiquez, dans le
cadre d'un dossier de regroupement familial (je vous rappelle que le
préfet a déjà six mois pour en décider), si
l'intéressé peut faire état d'une probabilité forte
d'avoir un logement d'accueil conforme à sa famille, cela me semble tout
aussi raisonnable, voire plus raisonnable que d'imposer à quelqu'un
d'avoir 100 m² s'il a cinq ou six enfants.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous avez dit que le regroupement concernait
1,8 personne en moyenne.
M. NUTTE
.- Il n'est pas raisonnable qu'il ait, disons, 70 m²
pour deux enfants alors qu'il vit seul. Or, aujourd'hui, c'est ce qu'on lui
demande.
M. LE RAPPORTEUR
.- J'ai présidé un office de HLM pendant
32 ans et je sais comment cela fonctionne. Est-ce que vous allez vous
contenter de récépissés de demande ou exiger une
décision de la commission d'attribution de l'office de HLM affectant un
logement à telle date ? C'est cela, la différence. Le
récépissé ne veut rien dire.
M. LE PRÉSIDENT
.- Le texte parle du
récépissé.
M. NUTTE
.- Sur ce point précis, il y a actuellement un
décret qui précise cela.
M. LE PRÉSIDENT
.- Le décret n'est pas pris.
M. NUTTE
.- C'est un projet de décret, sachant que l'on est
supposé faire un décret dans la foulée de la loi. Ce sont
mes collaborateurs qui ont travaillé sur ce projet de décret et
je ne l'ai pas vu. Il est clair que l'Office aura un rôle
d'opérateur dans cette affaire, comme nous en avons déjà
un sur le regroupement familial. Nous devrons donc avoir des instructions
précises pour que nos agents enquêteurs puissent tout à
fait évaluer la réalité et la pertinence de la promesse de
logement.
Par rapport à votre remarque, Monsieur le Rapporteur, il est clair qu'il
faudra que nous ayons une idée précise de ce qui est
demandé, entre la promesse, le récépissé et la
décision d'attribution.
M. LE PRÉSIDENT
.- Le récépissé de demande
vous semblera suffisant ?
M. NUTTE
.- Cela ne signifie pas une acceptation.
M. LE RAPPORTEUR
.- Il faudra une décision de la commission
d'attribution.
M. LE PRÉSIDENT
.- C'est ce que vous avez demandé ?
M. NUTTE
.- C'est ce que l'Office proposera dans les concertations
qu'elle a avec ses tutelles et la tutelle en décidera.
M. LE PRÉSIDENT
.- Mais c'est ce que vous allez demander.
M. NUTTE
.- Tout à fait, Monsieur le Président.
M. MAMAN
.- En tant que sénateur des Français
établis hors de France, je tiens à vous dire la façon dont
nous apprécions le travail que vous faites pour informer les postes
disponibles à l'étranger, en Amérique, au Canada et un peu
partout dans le monde. C'est l'autre volet de votre action qui est
occulté aujourd'hui mais que nous apprécions
énormément.
M. NUTTE
.- Monsieur le Sénateur, je vous en remercie vivement.
Cela me fait plaisir de l'entndre en fin d'audition.
M. LE PRÉSIDENT
.- L'audition vous a paru difficile ? Toute
audition vous met en situation de satisfaction, non ?
M. NUTTE
.- Tout à fait, Monsieur le Président...
(rires.)
. Simplement, sur le champ qui n'était pas celui de notre
entretien, le fait qu'on veuille bien reconnaître l'une de nos
activités fait plaisir au directeur que je suis.
M. MAMAN
.- Elle est très importante pour nous.
M. LE PRÉSIDENT
.- Je relisais la circulaire ministérielle
en vous en écoutant et j'observe que lorsqu'une IQF est remise à
un étranger, la préfecture
"informe sans délai
l'OMI"
. Est-ce que les préfets savent que c'est
"sans
délai"
?
M. NUTTE
.- Monsieur le Président, on ne peut pas imaginer que les
préfectures ne lisent pas les circulaires de leur ministre...
(rires.)
M. LE RAPPORTEUR
.- Encore une question, Monsieur le Directeur : en
matière de regroupement familial, comment fonctionnent les
enquêtes sur place ? Passez-vous par l'ambassade ou le
consulat ?
M. NUTTE
.- Il n'y a pas d'enquête sur place. Sur place, il y a le
contrôle sanitaire qui est fait, puis le questionnaire social que
j'évoquais pour identifier les gens et, ensuite, tout ce qui concerne le
relogement et les ressources se passe bien entendu sur notre territoire. Il
s'agit de voir comment les gens seront logés en France et comment la
famille va vivre.
M. LE RAPPORTEUR
.- Je vous pose cette question parce qu'en mission
parlementaire, au Pakistan, nous avons eu le sentiment qu'il y avait
fourniture, notamment en matière de regroupement familial, de "vrais
faux" documents délivrés par des collectivités locales de
ce pays. Je puis vous dire qu'au Pakistan, les ambassades de Grande-Bretagne,
d'Allemagne ou d'Italie missionnent des avocats locaux qu'ils paient
1 500 F à la vacation (là-bas, c'est important) pour
aller vérifier sur place la réalité de l'état-civil
du demandeur, notamment. Pour notre part, nous ne le faisons pas, ce qui est
une erreur considérable.
En fait, vous vérifiez ici, sur place, mais comment pouvez-vous savoir
si l'individu n'a pas un "vrai faux" certificat de naissance ?
M. NUTTE
.- Le problème que vous soulevez est réel.
M. LE RAPPORTEUR
.- Il est considérable.
M. NUTTE
.- Oui, mais cela relève de la tâche des consulats.
Ce sont les consulats, avec les moyens dont ils disposent, qui doivent
s'assurer des "vrais faux" certificats. Je vais demander à mon
collaborateur de vous dire ce que nous faisons à l'Office.
M. VACHETTE
.- La copie des pièces d'état-civil est
transmise directement par le préfet, dès le dépôt du
dossier, au consulat qui a en charge la vérification. Comme le
préfet a six mois pour prendre sa décision, le consulat a
éventuellement le temps de lui envoyer ses observations sur
l'état-civil.
En ce qui concerne le Pakistan, un grand nombre de dossiers connaissent des
problèmes de ce point de vue. Cela veut dire que le consulat
procède à ces vérifications. Il le fait avec des
difficultés, certes, mais il le fait.
M. LE RAPPORTEUR
.- Ce qui est vrai pour le Pakistan devrait être
vrai partout. Il y a des faux partout.
M. MAMAN
.- Il y a des faux partout, en effet : à
Saint-Domingue, dans toutes les Caraïbes, etc.
M. LE RAPPORTEUR
.- Les Chinois sont des spécialistes
également.
M. LE PRÉSIDENT
.- Monsieur le Directeur, y a-t-il, dans les pays
européens, des structures comparables à l'OMI ? Est-ce que
des expériences approximativement similaires ou différentes
existent ailleurs ?
M. NUTTE
.- Je pense que les Allemands ont une démarche de
même nature.
M. LE PRÉSIDENT
.- Dans les Länder ou au niveau
fédéral ?
M. NUTTE
.- Je crois que c'est au niveau fédéral. J'ai le
sentiment que cela va se développer sur un certain nombre de pays de la
Communauté.
M. LE PRÉSIDENT
.- Je suppose que cela entrera dans le cadre d'une
politique de l'immigration internationale. Les Anglais ont-il quelque
chose ?
M. NUTTE
.- Je ne le sais pas.
M. LE PRÉSIDENT
.- Une enquête a-t-elle été
faite là-dessus par vous ou par d'autres ?
M. NUTTE
.- Je n'en ai pas eu connaissance.
M. LE RAPPORTEUR
.- Est-ce que vous avez le sentiment que les moyens
affectés par les autres pays européens au contrôle de
l'origine des documents présentés par les étrangers ne
sont pas plus importants qu'en France ? Est-ce qu'il n'y a pas plus de
personnel affecté à la vérification ?
M. NUTTE
.- Je pense que d'autres administrations
étrangères sont peut-être non pas plus rigoureuses mais
plus attentives sur certains points.
M. LE RAPPORTEUR
.- Elles ont plus de personnel ?
M. NUTTE
.- Elles ont plus de moyens.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous ne parlez que de l'Allemagne ?
M. LE RAPPORTEUR
.- Ma question est générale. Elle n'est
pas afférente au personnel de l'OMI. Elle est afférente au
personnel qui vérifie l'origine à l'extérieur. Je pense
que d'autres pays européens ont du personnel beaucoup plus important et
affectent beaucoup plus de moyens au contrôle de l'origine en
matière de regroupement familial.
M. LE PRÉSIDENT
.- Monsieur le Directeur, je crois que je
traduirai le sentiment de l'unanimité des membres présents de la
commission en vous remerciant de l'exposé très complet que vous
nous avez fait pendant deux heures et qui nous a permis d'avoir une très
bonne information sur ce point spécifique et très important du
dispositif qui vous concerne. Soyez remerciés, vous-même et vos
collaborateurs, d'avoir accepté de consacrer votre matinée au
Sénat.
M. NUTTE
.- Je vous remercie, Monsieur le Président, de ce que
vous avez bien voulu dire à l'endroit de l'Office et de ses
collaborateurs.
M. LE PRÉSIDENT
.- La séance est levée.