M. JEAN-MARIE DELARUE, DIRECTEUR DES LIBERTÉS PUBLIQUES ET DES AFFAIRES
JURIDIQUES
AU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
JEUDI 5
FÉVRIER 1998
M.
MASSON, président
.- Nous allons tout d'abord entendre
M. Jean-Marie Delarue qui est directeur des libertés publiques et
des affaires juridiques au ministère de l'intérieur.
Nous devons vous entendre sous la foi du serment.
(M. le Président donne lecture des dispositions de l'article 6
de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ; M. Jean-Marie Delarue
prête serment).
M. LE PRÉSIDENT.-
Je vous remercie.
Notre collègue, M. Balarello, qui est le rapporteur de cette commission
d'enquête, va si vous le voulez bien "ouvrir le feu", suite à quoi
je laisserai la parole aux collègues membres de la commission
d'enquête.
M. BALARELLO, rapporteur.
- Monsieur le directeur, nous vous remercions
d'être présent parmi nous aujourd'hui.
La commission est tout d'abord intéressée par le bilan des
régularisations à la date du 31 janvier 1998. A ce niveau,
il convient de distinguer deux catégories. Dans le cadre de la
circulaire du ministre de l'intérieur tout d'abord, nous souhaiterions
avoir connaissance des chiffres globaux avec les répartitions suivant
les différents critères posés par la circulaire,
également les chiffres par département, avec une
répartition suivant les critères. Ensuite, nous souhaiterions
connaître les chiffres de régularisation en dehors du cadre de la
circulaire, avec bien évidemment le même détail. Vous
voudrez bien nous dire, quels enseignements vous tirez de ces statistiques.
M. LE PRÉSIDENT.-
Peut-être, Monsieur le directeur,
pouvez-vous répondre aux questions les unes après les autres.
M. DELARUE.-
Sur les données d'ensemble, je peux vous dire que
les demandes de régularisation s'élevaient au 31 janvier 1998
à 179.118. Ce chiffre est d'ailleurs en légère baisse,
sauf erreur, par rapport au chiffre que vous avait indiqué le ministre
ici même, il y a quelques semaines, arrêté à la date
du 31 décembre 1997. On dénombrait alors 179.531 demandes et, si
le chiffre est en baisse, c'est pour des raisons qu'il vous avait
lui-même indiquées, à savoir qu'un certain nombre de
doubles demandes ont été enregistrées, pour diverses
raisons, que le décompte effectué par les préfectures a
fait apparaître récemment.
En ce qui concerne les autorisations de séjour, le chiffre au
31 janvier 1998 était de 23.439, en augmentation par rapport
à celui qui vous a été indiqué
précédemment, de 15.897 au 31 décembre 1997. Il est bien
entendu normal que ce chiffre augmente au fur et à mesure de l'examen
des dossiers.
S'agissant des décisions de rejet, au 31 janvier 1998, pour prendre
toujours la même référence, elles étaient de 22.491,
et elles s'élevaient à 15.391 au 31 décembre 1997.
Là aussi, on a constaté une augmentation.
Voilà ce que je suis en état de vous dire, Monsieur le
président, sur ce point.
Vous souhaitez avoir de ma part la répartition des données que je
viens de vous indiquer par critère, concernant notamment les
autorisations de séjour. Je ne suis pas capable de vous la donner en
l'état. Simplement, de l'examen par sondage que nous avons
effectué auprès des préfectures, il ressort que les
catégories les plus représentées quant aux autorisations
de séjour concernent, d'une part les parents d'enfants français,
d'autre part les conjoints de français. Cette catégorie à
elle seule représente, pour autant que nous puissions le mesurer
aujourd'hui, environ la moitié des autorisations accordées, le
reste se ventilant entre les autres catégories prévues par la
circulaire.
Enfin, sur les autorisations qui seraient intervenues hors de la circulaire, je
ne suis pas du tout en état de vous donner quelque chiffre que ce soit,
s'agissant de régularisations qui interviennent en permanence et dont on
peut supposer, compte tenu de l'intervention de la circulaire, qu'elles sont
aujourd'hui en nombre extrêmement restreint. A ma connaissance,
même si je ne peux pas vous l'affirmer, peu de préfets
régularisent aujourd'hui en dehors de ce qui est prévu par la
circulaire. J'ajoute que la connaissance qui est la mienne, de pratiques
préfectorales tenant aux titres de séjour, m'incline à
penser qu'en temps normal, les régularisations à titre
humanitaire, de façon très générale, sont
elles-mêmes d'un volume extrêmement faible.
M. LE RAPPORTEUR.-
Monsieur le directeur, vous n'avez pas répondu
à ma question en ce qui concerne les chiffres par département.
M. DELARUE.-
Je n'ai pas ces chiffres, mais il me sera aisé de
les communiquer ultérieurement à la commission.
M. LE RAPPORTEUR.-
Il s'agissait donc des principales questions que je
souhaitais vous poser.
En dehors de cela, quelles initiatives avez-vous prises pour assurer
l'harmonisation entre les pratiques des préfectures quant aux
méthodes et quant aux décisions, notamment sur ce qu'il est
convenu d'appeler dans la circulaire les faisceaux d'indices, dont je ne sais
s'ils sont toujours appréciés de la même manière
dans l'ensemble des départements ?
M. DELARUE.-
Monsieur le président, je me dois d'être
complet et je m'aperçois que l'une des questions posées
précédemment par le rapporteur portait sur les enseignements que
je tirais des chiffres que je vous ai indiqués. Pardonnez-moi de ne pas
y avoir sacrifié.
M. LE PRÉSIDENT.-
C'est subjectif mais c'est important !
M. DELARUE.-
Absolument.
A l'heure actuelle, sans qu'aucune consigne n'ait été
donnée en ce sens, le nombre de demandes satisfaites et le nombre de
demandes rejetées sont à peu près en équilibre. Si
je suis l'évolution au mois le mois depuis le 31 juillet 1997, et je
pourrai vous communiquer ces chiffres, d'une part des autorisations, d'autre
part des rejets, je constate qu'ils sont parallèles.
Pardonnez-moi d'insister là-dessus mais ce chiffre est bien le
résultat du travail des préfectures, il ne doit rien à
quelque consigne que nous aurions donnée.
Il est vraisemblable que ce chiffre global laisse apparaître, et j'en
viens à votre deuxième série de questions, une
disparité suivant les préfectures. Je veux dire par là
qu'il se peut qu'au niveau de certaines préfectures, ce 50/50 que je
vous indiquais soit plutôt de l'ordre de 40/60, certaines
préfectures délivrant 60 % d'autorisations, d'autres 60 % de
rejets.
Qu'avons-nous fait pour harmoniser les choses ? Je souhaite tout d'abord dire
que si nous observons, aujourd'hui, quelques divergences d'appréciation
des préfectures entre elles, je ne crois pas que ce soit un fait
nouveau, qui s'expliquerait par la seule régularisation. Je reste
convaincu que la régularisation grossit, fait mieux apparaître,
caricature si l'on veut, les pratiques des préfectures, et je suis
persuadé que dans la pratique courante de celles-ci, qui ne remonte pas
au 24 juin 1997, il y a des écarts dans la façon dont
on distribue d'une manière générale les titres de
séjour, même si ces écarts sont réduits. Ce que nous
constatons dans le cadre des opérations de régularisation n'est
autre que la confirmation d'un phénomène que je crois permanent.
Nous nous sommes efforcés de suivre d'aussi près que possible
l'opération de régularisation pour réduire ces
écarts que j'estime pour ma part inacceptables, sous réserve,
bien entendu, des conditions particulières à tel ou tel
département, en fonction du type d'immigration qui lui est propre car il
est bien évident que l'immigration n'est pas la même partout.
Certains écarts s'expliquent parfaitement de cette manière.
Comment avons-nous procédé ? Tout en laissant aux
préfectures l'autonomie de l'organisation, nous leur avons d'une part
donné une méthode d'examen des dossiers garantissant un examen
sérieux des demandes. C'est ainsi que nous avons demandé à
chaque préfecture, dès la circulaire du 24 juin 1997, d'entendre
individuellement l'ensemble des demandeurs. Nous avons parfois eu du mal,
pourquoi ne pas le dire devant vous, à faire admettre cette
réalité aux préfectures, et il a fallu faire certaines
relances. Il me semble en tout cas qu'aujourd'hui, toutes sont venues à
cette nécessité.
Nous avons fait en sorte, d'autre part, de suivre les préfectures dans
leurs résultats en leur demandant de nous faire connaître aussi
régulièrement que possible les suites de l'examen auquel elles se
livraient. Nous nous sommes surtout efforcés de donner aux
préfectures des consignes aussi claires que possible à savoir
qu'à partir de la circulaire, nous leur avons tout d'abord donné
des éclaircissements par un certain nombre de circulaires
subséquentes. Je les ai recensées et il y a la circulaire du 7
juillet 1997, concernant des étrangers sans domicile fixe, une
circulaire du 24 septembre 1997, qui concerne la forme des décisions de
rejet à prendre, les motivations de ces rejets, enfin une circulaire du
19 janvier 1998 relative à l'aide au retour et sur laquelle nous aurons
peut-être l'occasion de revenir.
Nous nous sommes également efforcés d'éclairer les
préfectures sur des points un peu plus ponctuels, par une série
de 7 télégrammes que nous avons envoyés après le
24 juin 1997, datés du 3 juillet 1997, du 4 juillet 1997,
du 18 juillet 1997, du 29 juillet 1997, du 21 octobre 1997, du
26 novembre 1997, enfin du 25 janvier 1998. Pour vous citer par
exemple le télégramme du 18 juillet 1997, il visait à
aviser les préfectures sur les mesures à prendre vis-à-vis
d'étrangers détenus grâciés, sortant par
conséquent d'un établissement pénitenciaire, qui
demandaient le réexamen de leur situation au regard de la circulaire du
24 juin 1997.
Nous avons donc veillé à adresser aux préfectures à
intervalle régulier une série de fiches que nous avons
appelées "questions/réponses", fiches que nous constituions
à la fois d'après les questions que les préfectures nous
adressaient et qui nous paraissaient d'un intérêt
général, de telle sorte que nous puissions les répercuter
sur l'ensemble des préfectures, également à partir des
questions en provenance des associations que nous rencontrions
régulièrement, j'aurai l'occasion d'y revenir.
Sept fiches questions/réponses ont été
adressées aux préfectures, encore une fois, sur des points
peut-être un peu techniques mais qui nécessitaient, selon nous,
des réponses harmonisées. Pour citer un exemple précis,
suite à une remarque des associations sur le point de savoir si les
préfectures étaient en droit d'exiger la production du carnet de
santé des enfants, question ayant trait au secret médical,
certaines préfectures, du moins au début, avaient apparemment
exigé la production du carnet de santé des enfants, notamment
pour attester la durée de présence en France. Nous avons
répondu assez fermement qu'il n'était pas question d'exiger la
production de cette pièce que certaines familles, spontanément,
présentaient.
Voilà donc une série d'instructions ou d'éléments
que nous nous sommes efforcés de donner aux préfectures, pour les
aider à régler au fond et sur la forme les décisions
qu'elles avaient à prendre.
Nous ne nous sommes pas arrêtés là. Vous savez que dans la
circulaire est prévue une mission confiée à un
président de section du Conseil d'Etat, M. Jean-Michel Galabert,
pour suivre cette opération de bout en bout, et M. Galabert se rend
très régulièrement dans les préfectures. Il rend
compte au directeur du cabinet du ministre tous les 15 jours des
conditions d'application de cette circulaire et des difficultés
rencontrées. Jean-Michel Galabert était encore mardi à
Bordeaux. Il rencontre à la fois le personnel de préfecture et
les associations qui le souhaitent.
Enfin, nous avons demandé à deux moments différents
à l'inspection générale de l'administration du
ministère de l'intérieur, d'une part en septembre, d'autre part
en décembre, d'aller enquêter dans un certain nombre de
préfectures. La première mission était confiée
à M. Melchior, à titre principal, la seconde à
M. Limaudin, pour voir comment, au sein de la préfecture,
était mise en place cette opération, et si cette mise en place
donnait lieu à des observations.
De mémoire de fonctionnaire, un peu ancien déjà, peu
d'opérations ont donné lieu à une investigation aussi
attentive de la part de l'administration centrale. Cette investigation est-elle
suffisante ? L'avenir nous le dira mais je n'ai pas caché, il y a un
instant, qu'il y avait encore des différences quant aux résultats
des différentes préfectures. Ces différences sont-elles
dues au "bon plaisir", et je force volontairement le trait, des employés
ou fonctionnaires des préfectures ? A ce stade, bien malin qui saurait
le dire. Simplement, je me permets d'insister sur deux choses.
Comme je l'ai déjà dit et je n'y reviens pas, l'immigration peut
être différente d'un endroit à un autre. Il est clair que,
par nationalités, les premiers à demander leur
régularisation auprès de la préfecture de police de Paris,
peut-être le ministre vous l'a-t-il déjà indiqué,
sont les Chinois, lesquels présentent un certain type de
caractère, spécifique, faisant que les décisions penchent
plutôt dans un sens que dans un autre. Je ne vais pas dire à votre
rapporteur que dans les Alpes-Maritimes ou dans le Var, la situation n'est pas
un peu différente.
Il me semble que les différences de méthodes employées par
la préfecture entraînent aussi ce genre d'écart. C'est
ainsi que la préfecture de police, sauf erreur, a commencé par
ouvrir les dossiers qui lui semblaient les plus facilement
régularisables. Elle n'a pas pris les dossiers dans leur ordre
chronologique d'arrivée, elle a déjà
sélectionné, pour aller vite, les conjoints de français et
les parents d'enfants français au niveau desquels, comme je vous l'ai
indiqué tout à l'heure, on enregistre les plus forts taux de
régularisation. Par conséquent, au niveau de la préfecture
de police, pendant un certain temps le taux de régularisation a
été un peu plus élevé qu'ailleurs. Quand on en
arrivera aux dossiers plus difficiles, bien évidemment ce taux baissera
et il devrait s'aligner sur celui d'autres préfectures.
Au-delà des deux différences que je viens de vous indiquer, si
des errements sont possibles nous essayons de les prévenir. Je ne peux
pas vous garantir qu'il n'y en ait pas mais j'espère bien que nous
interviendrons à temps pour que ces errements soient corrigés.
M. LE RAPPORTEUR.-
Vous nous avez parlé des méthodes et
des moyens de l'administration, je souhaiterais que vous nous apportiez
quelques détails. Selon quelles modalités ont été
recrutés les agents à temps partiel mis en place pour
l'opération et quelle est leur formation ? Ont-ils reçu une
formation au droit des étrangers ? Quelles instructions
spécifiques leur ont été données et quelles
fonctions particulières leur sont généralement
confiées ?
M. MASSON
.- Je souhaiterais également connaître le statut
de ces agents qui ont été engagés. Sont-ils temporaires,
intégrés... ?
M. DELARUE
.- Je souhaite dire d'emblée qu'il ressort de la
dernière mission de l'inspection générale de
l'administration qu'un des grands motifs de satisfaction -je n'en tire aucune
vanité, je le dis simplement pour votre information- des
préfectures, est bien que les moyens en personnel et en financement ont
été dégagés très tôt par les
préfectures et qu'aucune n'a émis de critique à cet
égard. Si je le dis, encore une fois, c'est que je suis un vieux
fonctionnaire et je sais que les moyens en effectif et en financement ne sont
pas forcément les plus rapides parmi ceux que peut dégager
l'administration, en général plus prodigue en bonnes paroles !
Quels sont ces effectifs et quels sont ces moyens financiers ? Je n'ai pas les
effectifs en tête mais je pourrai vous les communiquer
ultérieurement. Ils sont de deux ordres.
Nous avons d'une part demandé aux préfectures d'embaucher des
vacataires qui sont là essentiellement pour ouvrir les dossiers, en
vérifier le contenu et rechercher sur les fichiers informatiques
existants, notamment "AGDREF", s'il y a un apparentement possible entre une
demande et des demandes antérieures d'étrangers. Ces vacataires
sont recrutés, nous sommes ici soumis aux règles de la fonction
publique, pour des durées brèves. En gros, on peut dire que des
vacataires ont été recrutés dans un premier temps
l'été dernier et dans un deuxième temps au 1er janvier,
même s'il y a eu quelques glissements. Dès lors que les vacataires
ne sont pas recrutés pour des durées supérieures à
trois mois, il a bien fallu les changer.
En ce qui concerne l'origine de ces personnes, tout simplement il s'agit du
marché du travail. A cet égard, je vous dis sans faille que les
vacataires que nous avons recrutés l'été dernier
étaient bien souvent de meilleure qualité que ceux que nous avons
pu recruter en janvier, pour la bonne et simple raison qu'on trouve encore sur
le marché du travail en fin d'été beaucoup
d'étudiants et que nous avons pu recruter de nombreux
diplômés pour cet exercice. Les préfets, très
globalement, se sont félicités de leur qualité.
Comment les forme-t-on ? Essentiellement à l'aide d'agents du service
des étrangers, même s'il y a des variations suivant les
préfectures. En gros, ils reçoivent une formation d'une semaine
à 10 jours sur des dossiers "in vivo", si je puis m'exprimer ainsi,
avant de passer à un exercice effectif de dépouillement des
dossiers. Je précise que la formation des vacataires de janvier a
été un peu plus longue que la précédente, pour les
raisons indiquées il y a un instant.
Ce qui est très souvent pratiqué par les préfectures, pour
en revenir aux bonnes traditions de Lazare Carnot, c'est tout simplement
l'amalgame à savoir que ces vacataires sont encadrés,
entourés et mélangés de et à des fonctionnaires du
service des étrangers des préfectures. La décision sur des
dossiers ne revient jamais à ces personnels supplémentaires, elle
revient toujours au minimum à un chef de section du service des
étrangers pour les dossiers les plus faciles, au-dessus au chef de
bureau, au-dessus encore, si nécessaire, au directeur de la
réglementation, enfin, bien souvent, au secrétaire
général. J'ajoute qu'au niveau de certains départements,
des préfets ont tenu à voir certains dossiers,
éventuellement même, au niveau de départements où
les demandes étaient faibles, l'ensemble des dossiers.
Les vacataires constituent la première source de recrutement et je vous
ai bien dit qu'il y en avait deux.
La deuxième source est l'aide apportée par l'office des
migrations internationales (OMI), bien entendu intéressé par
cette opération, ne serait-ce que parce qu'il aura à aider ceux
qui ne seront pas régularisés. L'OMI nous a procuré pour
les opérations nécessaires, notamment au dépouillement des
dossiers, globalement 500 mois/agents, de telle sorte que dans certaines
préfectures, ces agents de l'OMI recrutés eux aussi à
titre temporaire nous ont largement aidé. Ils ont été
formés par l'OMI, dans des conditions à peu près analogues
à celles que j'ai indiquées à l'instant pour les
personnels de préfecture.
Voilà donc en ce qui concerne les effectifs.
Compte tenu de cette charge de travail supplémentaire, en
rémunération de vacataires d'une part, en primes pour les agents
des préfectures d'autre part, nous avons estimé qu'il nous
fallait des moyens supplémentaires que nous avons négociés
auprès du ministère du budget. Celui-ci nous a accordé,
pour 1997 et 1998, 32 millions de francs hors office des migrations
internationales, à savoir pour les seuls agents permanents des
préfectures. Je suppose que les charges des agents de l'OMI
représentent à peu près la moitié de cette somme ce
qui fait qu'on arriverait à un total d'environ 50 millions de francs
pour les moyens financiers dégagés pour le personnel.
J'ajoute qu'il a fallu dégager quelques moyens d'investissement
supplémentaires au niveau des préfectures, notamment en
matière d'informatique. Nous aurons peut-être l'occasion d'y
revenir. Nous avons laissé ces investissements supplémentaires
à la charge du budget normal des préfectures.
M. LE RAPPORTEUR.-
Avez-vous muté temporairement des agents de
certains services ?
M. DELARUE.-
Tout à fait, Monsieur le rapporteur. Nous avons fait
feu de tout bois ! Nous avons eu la préoccupation d'organiser cette
opération avec un strict encadrement des personnes les plus
compétentes mais celle-ci nécessitait aussi des petites mains et
nous avons en effet "muté" de façon temporaire des agents de
préfecture mais d'autres services vers cette opération, avec deux
inconvénients que je ne veux pas vous dissimuler.
Le premier est de nature temporaire, qui tient à la formation de ces
agents. Je connais une préfecture qui a amené là des
agents de services extérieurs déconcentrés, DDA et DDE, 3
agents très exactement, qui n'étaient pas du tout habitués
à ces tâches et qu'il a fallu former. D'une façon
très générale, ce sont des agents des services de la
direction de la réglementation qui ont été affectés
à cette opération.
Un deuxième inconvénient lourd que je ne veux pas vous cacher et
qui me préoccupe énormément est que le traitement de
dossiers "normaux", d'étrangers en situation régulière et
qui viennent demander le renouvellement de leur carte de séjour,
temporaire ou de résident, est extrêmement ralenti. Il est
d'ailleurs clair que le traitement normal des dossiers de la préfecture
est ralenti par cette opération, s'agissant en particulier de ceux
concernant les étrangers. C'est ainsi que certaines demandes de
regroupement familial sur lesquelles la préfecture doit nous donner un
avis au bout de 6 mois ne sont parfois pas traitées dans ce
délai. Pour dire les choses très simplement, il a fallu faire un
choix et le choix prioritaire nous a paru devoir se porter sur cette
opération de régularisation que nous souhaitons enfermer dans un
temps limité, pour éviter de la prolonger indéfiniment. Il
est clair que la limite à ce niveau est fixée au 30 avril et
nous nous efforcerons de la respecter.
Nous avons donc choisi de donner la priorité à cette
opération plutôt qu'aux opérations plus "banales". Bien
entendu, ces ralentissements ne doivent pas avoir de conséquences pour
les étrangers en situation régulière. Si des demandes
d'examen sont ralenties, par exemple pour un renouvellement de carte de
séjour temporaire, cela signifie clairement que l'étranger est
mis sous récépissé de demande de titre de séjour et
cela n'aura aucune conséquence dommageable pour lui-même et sa
famille. Il est néanmoins vrai que cela pose quelques
difficultés, que je ne souhaitais pas vous cacher.
M. LE RAPPORTEUR.-
Il existe une circulaire du 19 janvier 1998, relative
à l'aide à la réinsertion d'étrangers ayant
quitté le territoire. Je souhaiterais savoir comment cette circulaire
est appliquée et les difficultés rencontrées à ce
niveau. Il serait également souhaitable que vous nous éclairiez
sur le rôle des associations.
M. DELARUE.-
Comme la circulaire l'indique, le traitement des
déboutés du droit d'asile nous est soumis. Les cas de
déboutés du droit d'asile qui encourent des risques vitaux en cas
de retour dans leur pays sont directement soumis à l'administration
centrale. Je me suis entouré d'une petite équipe pour le
traitement de cette affaire et nous prenons une décision après
avis du ministère des affaires étrangères ou d'une
commission inter-ministérielle.
M. LE PRÉSIDENT.-
Qui avez-vous débouté ?
M. DELARUE.-
Ceux qui, à ce jour et en se référant
à la partie 1-9 de la circulaire, n'ont pas reçu de carte de
réfugié, et qui indiquent être menacés de
persécution dans leur pays.
M. LE PRÉSIDENT.-
Il ne s'agit pas des 22.491 ?
M. DELARUE.-
Non. Nous parlons bien de déboutés du droit
d'asile, pas de déboutés de la régularisation. Les
déboutés du droit d'asile sont ceux qui, nombreux en France et en
situation irrégulière, ont demandé un jour à
bénéficier du statut de réfugié et n'ont pas obtenu
satisfaction.
M. LE PRÉSIDENT.-
Ceux-là se mélangent-ils avec les
autres demandes ?
M. DELARUE.-
Pour des raisons diverses et variées, un certain
nombre sont restés en France, et ont en effet demandé leur
régularisation. Il est demandé aux préfectures d'examiner
leur situation, d'abord au regard des autres critères, par exemple, le
conjoint de français ou les parents de français. Pour ceux qui ne
répondent à aucun des critères de la circulaire par
ailleurs, il est demandé aux préfectures, dès lors
qu'encore une fois ces personnes invoquent des risques de traitements inhumains
ou dégradants, portant atteinte au respect des droits de l'homme, de
nous faire remonter ces dossiers afin que nous prenions une décision.
Voilà donc ce que j'appelle le droit des déboutés du droit
d'asile.
M. LE RAPPORTEUR.-
Si vous me permettez, comment les comptabilisez-vous
? Les déboutés du droit d'asile font-ils partie des 179.118 ?
M. DELARUE.-
Absolument.
M. LE RAPPORTEUR.-
Ensuite, les comptabilisez-vous parmi les rejets, ou
pas ?
M. DELARUE.-
Si je leur donne une carte de séjour temporaire
parce que j'estime qu'ils méritent l'asile territorial, et c'est le cas
d'un certain nombre d'Algériens, ils sont comptés dans les
autorisations. Par contre, si je rejette leur demande, ils sont comptés
dans les rejets.
M. LE RAPPORTEUR.-
Ils sont donc comptabilisés dans les 23.439
autorisations et dans les 22.491 rejets.
M. DELARUE.-
Il n'y a aucune distinction particulière au niveau
de cette catégorie.
M. LE RAPPORTEUR.-
Je vous avais également interrogé sur
le rôle des associations et sur la circulaire du 19 janvier 1998.
M. DELARUE.-
S'agissant du rôle des associations, il est
extrêmement simple. Elles interviennent le plus possible auprès
des préfectures et je demande régulièrement aux
préfets qu'ils reçoivent des associations, même par
secrétaire général interposé. Bien entendu, ce sera
à elles de nous donner leur point de vue mais j'ai plutôt le
sentiment qu'à cet égard, les choses se déroulent à
peu près convenablement dans la mesure où, conformément
à nos voeux, les associations sont régulièrement
reçues par les autorités préfectorales.
Nous faisons la même chose au niveau national et, à l'initiative
du cabinet du ministre en particulier, les associations ont été
reçues à plusieurs reprises au ministère depuis le
début de cette opération.
Leur rôle consiste tout simplement à nous alerter sur des choses
qui, à leurs yeux, suivant leurs engagements propres bien entendu,
constituent des erreurs d'appréciation de notre part. A ce niveau,
chacun son rôle. Dans certains cas, nous sommes conscients des
problèmes sur lesquels les associations nous alertent, mais il arrive
aussi que nous découvrions des choses qu'elles nous signalent. Je vous
ai tout à l'heure parlé du carnet de santé, je peux vous
citer un autre exemple, très simple.
Une association nous a fait savoir qu'à Paris, tel étranger
interpellé sur la voie publique avait été reconduit
à la frontière, ou du moins était sous la menace d'une
reconduite à la frontière alors qu'il avait déposé
tout à fait dans les formes de la circulaire une demande de
régularisation dans une autre préfecture. Nous avons
déduit de cette observation, et cela a été l'objet d'un
télégramme, qu'un étranger indiquant, ce qui doit bien
évidemment être vérifié et attesté,
être sous convocation d'une autre préfecture, y ayant
déposé une demande mais sans que celle-ci ait encore
statué, n'avait pas à être reconduit à la
frontière.
Un autre rôle des associations, mais qu'il m'appartient moins de juger,
concerne le dépôt des demandes. Un certain nombre de demandes de
régularisation sont déposées, comme on le dit un peu
familièrement, par des "collectifs". C'est ainsi, me semble-t-il, que la
préfecture de police, sur 45.000 ou 47.000 demandes, a vu environ 5.000
demandes être déposées collectivement par des associations.
M. LE PRÉSIDENT.-
Cela signifie que ce sont les associations qui
ont dressé les listes, qui ont monté des dossiers et qui les ont
déposés au nom des individus.
M. DELARUE.-
La part que prennent les associations dans ces demandes est
variable. Certaines se contentent de transmettre, d'autres font remplir des
dossiers, d'autres encore sont là simplement pour tenir la plume. A
chacun de voir et à chaque étranger de se déterminer.
M. LE PRÉSIDENT.-
Comment cela se passe-t-il au niveau de
l'adresse donnée ?
M. DELARUE.-
Nous avons indiqué très clairement que
certaines demandes pouvaient être présentées avec
domiciliation auprès d'une association. Il est clair que certains
étrangers craignaient qu'on les interpelle sur le champ et qu'on les
reconduise sur le champ à la frontière. Il fallait tout de
même en tenir compte. Nous avons donc autorisé cette
domiciliation, nous avons donné des consignes aux préfectures en
ce sens mais il est clair qu'en cours de procédure, l'étranger
doit donner sa propre adresse.
Dans un premier temps, les associations sont effectivement libres de
présenter des demandes d'étrangers dès lors que ceux-ci
s'associent bien à la demande, et c'est le moins qu'on puisse exiger.
M. LE PRÉSIDENT.-
Avez-vous une idée du pourcentage des
dossiers préparés avec l'aide d'une association ?
M. DELARUE.-
Un sur 9 environ. Nous avons demandé à la
préfecture de police de nous donner des indications, et il me semble que
c'est du même ordre en Seine-Saint-Denis. Dans les autres
préfectures cette proportion est beaucoup plus basse mais cela peut
varier d'une préfecture à une autre.
Je dis très simplement qu'il me paraît normal que les associations
aient leur rôle à jouer, mais pas sur la décision. Qu'elles
ne se méprennent pas, à ce niveau, même si certaines
d'entre elles le souhaiteraient. Sur la présentation des dossiers, en
tout cas, je ne vois que des avantages à l'aide qu'elles peuvent
apporter.
L'aide au retour, le ministre vous l'a indiqué, a été
modifiée par une circulaire du 19 janvier 1998. Sachez aussi
qu'à notre demande, cette circulaire a été publiée
au journal officiel du 24 janvier 1998. Vous l'avez tous et donc je
n'insiste pas sur son contenu. Pour ce qui est des résultats qu'elle
apporte, cela fait seulement 10 jours qu'elle est entre les mains des
préfets et je serais bien en peine d'avoir à me prononcer sur
cette question.
Quoi qu'il en soit nous avons demandé aux préfets, et nous allons
y veiller, de se rapprocher de l'office des migrations internationales, par le
biais de ses délégations régionales, pour étudier
de près la mise en oeuvre concrète de cette circulaire dont nous
attendons effectivement qu'elle soit une des solutions à l'absence de
régularisation. Je pourrai vraisemblement vous en dire plus dans deux ou
trois mois.
M. LE PRÉSIDENT.-
Monsieur le directeur, si je comprends bien, il
y a une part d'aide en France, une part d'aide à l'étranger, et
cette part d'aide à l'étranger ne peut se faire que dans le cadre
de conventions passées avec les Etats étrangers, la
définition même de l'étranger étant qu'il est
souverain. Je ne pense pas que seraient acceptées des aides en
provenance d'un Etat extérieur, sauf accord, et je vois qu'au niveau de
votre circulaire vous citez le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, la
Turquie, le Mali et la Roumanie. Des conventions sont donc passées avec
ces différents Etats ?
M. DELARUE.-
Personnellement, je ne vois pas tout à fait le
problème de cette façon. Il s'agit d'aides personnelles, pas
d'aides aux Etats, premièrement. Deuxièmement, nous nous sommes
calés pour établir cette liste sur des Etats dans lesquels
l'office des migrations internationales était activement présent.
Troisièmement, nous disons qu'à partir du moment où des
délégations de crédits sont d'ores et déjà
consenties à ces Etats par le biais d'accords de coopération,
certains pourront être dévolus à des opérations
qu'on appelle de micro-projets, qui iraient à ces étrangers non
régularisés.
Par conséquent, je ne pense pas que ces aides à des personnes
nécessitent des accords particuliers. Je crois qu'au contraire, elles
doivent s'intégrer dans des opérations qui existent
déjà, raison pour laquelle nous avons listé ces Etats. Nul
accord n'a à subordonner le versement de cette aide et il me semble que
la circulaire peut s'appliquer en l'état.
M. LE PRÉSIDENT.-
Pour en revenir en France, si j'ai bien
compris, il faut que l'intéressé fasse une demande expresse,
laquelle demande est ensuite examinée. Il y a un sursis de deux mois
durant lesquels aucune mesure n'est prise à son encontre et, pendant
cette période, on délivre à l'étranger un
récépissé de demande de titre de séjour.
M. DELARUE.-
Cette circulaire est un peu compliquée parce qu'elle
vient trop tard, pourquoi ne pas le dire. D'après moi, il aurait fallu
que cette circulaire fût prise l'été dernier ; pour des
raisons qu'il appartiendra peut-être au ministère de l'emploi et
de la solidarité d'éclaircir, elle n'a pas été
prise assez tôt. Dans ces conditions, que s'est-il passé depuis
l'été dernier ? Un certain nombre de personnes ont fait l'objet
d'un rejet, par conséquent d'une invitation à quitter le
territoire, dans un régime d'aide au retour qui était l'ancien
régime, si je puis dire, à savoir celui qui existait avant cette
circulaire, et ceux qui ont fait l'objet d'une invitation à quitter le
territoire après cette circulaire ont pu bénéficier d'un
régime d'aide au retour distinct.
Cette situation ne nous a pas paru normale, méconnaissant de
façon grave le principe d'égalité qui doit s'appliquer
même dans ce cas-là. Nous avons donc fait cette gymnastique un peu
complexe, en quelque sorte pour rattraper les étrangers qui auraient
fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire antérieure
à la circulaire sur l'aide au retour. Nous avons demandé aux
préfets de prendre le temps de leur expliquer ce qu'on trouve dans cette
circulaire et de rappeler qu'ils peuvent en bénéficier. Nous
rétroagissons, en réalité, mais de façon un peu
fictive puisque les arrêtés de reconduite des étrangers
seront effectivement pris après la circulaire. C'est l'aspect un peu
compliqué de la chose.
M. LE PRÉSIDENT.-
Et vous nous avez donc rappelé les deux
mois de grâce induits par une demande présentée par un
étranger frappé par une mesure de reconduite, pour
bénéficier de l'aide au retour.
M. DELARUE.-
C'est cela.
M. LE PRÉSIDENT.-
A ce moment-là, est-ce à l'OMI
qu'on doit s'adresser ?
M. DELARUE.-
L'OMI et la préfecture seront chargés
d'informer, par le biais des associations évidemment, en particulier sur
le nouveau régime d'aide au retour susceptible d'intéresser les
gens faisant déjà l'objet d'une invitation à quitter le
territoire. De deux choses l'une : les étrangers se présenteront
ou ils ne se présenteront pas, en tout cas nous n'irons pas les
chercher. Là dessus, le rôle des associations peut être
primordial. Il en va sur ce point, Monsieur le président, comme de
n'importe quelle loi rapportée à n'importe quel citoyen
français, ni plus, ni moins !
M. LE RAPPORTEUR.-
Pour nous résumer, à l'heure actuelle
toutes les mesures d'éloignement sont bloquées dans l'attente
d'une mise en route de cette circulaire du 19 janvier 1998. A partir
de quelle date prévoyez-vous qu'elle sera effective ?
M. DELARUE.-
La circulaire est effective à savoir qu'on fait
déjà de l'information, pour parler vulgairement, sur cette
circulaire. Ce qui n'est pas effectif, en effet, ce sont les mesures de
reconduite, mais les invitations à quitter le territoire sont elles
effectives. Cela signifie que les 22.491 dont j'ai parlé au début
ont reçu une lettre les invitant à quitter le territoire dans un
délai d'un mois. En revanche, ce qui n'est pas encore applicable, ce
sont les arrêtés de reconduite notifiés à tous ceux
qui font l'objet d'un invitation à quitter le territoire.
M. LE PRÉSIDENT.-
Soyons clairs. Il existe une lettre invitant un
étranger en situation irrégulière à quitter le
territoire, laquelle est parvenue par la Poste.
M. DELARUE.-
Non, elle a été notifiée à la
préfecture.
M. LE PRÉSIDENT.-
Cette lettre stipule donc que l'étranger
a un mois pour prendre ses dispositions. Deuxièmement, un
arrêté de reconduite à la frontière n'est pas encore
pris, qui sera lui exécutable dans un mois. Entre le moment où il
sera pris et le moment où il sera exécutoire,
l'intéressé pourra demander une aide au retour par
l'intermédiaire de l'OMI, qui lui donne deux mois de délai
supplémentaire pour l'instruction de ce dossier.
M. DELARUE.-
Il est vrai qu'il y a deux mois au départ de
l'opération.
M. LE PRÉSIDENT.-
Par conséquent, l'arrêté de
reconduite à la frontière est suspendu durant ces deux mois.
M. DELARUE.-
Jusqu'au 24 avril, en effet, mais à partir du moment
où l'aide au retour sera expliquée et répercutée,
à partir du 24 avril, on pourra prendre des arrêtés de
reconduite à la frontière, essentiellement notifiés par
voie postale.
M. LE RAPPORTEUR.-
Monsieur le directeur, dans la lettre par laquelle
vous faites savoir à la personne que son dossier n'a pas pu être
régularisé, lui faites-vous connaître l'existence de la
circulaire du 19 janvier 1998 ?
M. DELARUE.-
Bien entendu. Nous avons bien dit, au niveau des
décisions d'invitation à quitter le territoire, que le
régime d'aide au retour était applicable.
M. LE PRÉSIDENT.-
Vous venez de fournir à la
procédure un élément de contentieux tout à fait
exceptionnel. Quelqu'un qui n'aura pas eu cette information jusqu'à il y
a 10 jours pourra très bien faire valoir qu'il a été
traité différemment, n'ayant pas pu bénéficier de
l'information lui donnant la possibilité d'accéder à
l'aide au retour !
M. DELARUE.-
Je doute malgré tout du succès
éventuel de ce contentieux, Monsieur le président. Bien entendu
nous prendrons tous les moyens nécessaires, autant que faire ce peut,
mais je ne crois pas qu'un tribunal administratif puisse se fonder sur une
différence de traitement au regard de l'information donnée pour
annuler l'invitation à quitter le territoire.
M. LE RAPPORTEUR.-
J'en ai terminé, Monsieur le président.
M. LE PRÉSIDENT.-
Mes chers collègues, je vous invite donc
à prendre la parole.
M. CALDAGUES
- Monsieur le directeur, vous nous avez indiqué que
les 22.491 faisant l'objet d'une décision de rejet ont reçu une
lettre les invitant à quitter le territoire. Cela signifie que vous
aviez 22.491 adresses ou bien une partie de ces lettres a-t-elle
été adressée via des associations ? Dans ce cas, je vous
pose la question suivante, liée à une observation qui vient
d'être faite : Que peut-on penser d'une décision voire d'une
information administrative qui serait notifiée par le canal d'une
association ? En cas de litige, dans quelle situation juridique va-t-on se
trouver ?
M. DELARUE.-
Naturellement, on peut en penser beaucoup de mal ! Une
décision administrative serait illégale si elle était
notifiée à un tiers, s'agissant d'une décision
individuelle. C'est la raison pour laquelle la plupart des préfectures
notifient la décision aux intéressés sur place,
lorsqu'elles les reçoivent, et c'est le cas par exemple à la
préfecture de police. Quand ils ne se déplacent pas, j'ai
indiqué tout à l'heure qu'au cours de la procédure,
l'adresse exacte de la personne était recueillie et, par
conséquent, il y a un envoi personnel.
Qu'il n'y ait pas de confusion à propos des associations. Les
associations apportent une aide très importante aux étrangers,
elles ne sont pas destinées à aider l'administration.
M. DEMUYNCK
- Monsieur le président, vous nous avez dit tout
à l'heure que des circulaires et des télégrammes
complémentaires avaient été envoyés aux
préfectures. Ces notifications ont-elles modifié sensiblement la
circulaire du 24 juin, par exemple concernant l'appréciation du
séjour et des ressources ?
M. DELARUE.-
Naturellement, je pourrai fournir toutes ces indications et
tous les documents à la commission d'enquête si elle le souhaite
mais je peux vous dire que ces documents sont traditionnellement de nature
à lever quelques ambiguïtés qui pouvaient exister au niveau
de l'interprétation des préfets sur la circulaire. Pour citer un
seul exemple, s'agissant du regroupement familial sur place, l'interrogation
portait sur les conditions de ressources et de logement et nous avons fourni
aux préfets une réponse confirmant le maintien de ces conditions.
Les instructions supplémentaires qui ont été
envoyées visaient exclusivement à lever des
ambiguïtés qui pouvaient exister au niveau de la circulaire. Je ne
sache pas qu'aucune d'entre elles n'ait comporté une remise en question,
ni en bien, ni en mal, ni en extension, ni en restriction, de la circulaire du
24 juin 1997.
M. CALDAGUES
- Pour revenir sur la question précédente,
votre réponse, Monsieur le directeur, n'a pas comblé mon attente.
Je ne sais toujours pas si la totalité des 22.491 personnes faisant
l'objet d'une décision de rejet a pu être touchée. Vous
nous avez dit qu'on leur remettait la notification en préfecture mais
j'avoue ne pas très bien comprendre. La décision n'est pas prise
sur le champ, elle est prise à l'issue d'un certain délai. Si on
remet la notification en préfecture, cela signifie bien qu'on a pu
joindre les intéressés et j'en reviens au problème de
l'adresse de ceux qui doivent être touchés par cette notification.
Je crains ne pas avoir eu cette réponse.
M. DELARUE.-
J'ai cru être clair mais sans doute ne l'ai-je pas
été suffisamment. Aucune notification ne se fait par le canal
d'une association, je dis bien aucune. Ceci étant, si j'ai bien
distingué le fait qu'on la donne sur place ou à l'adresse de la
personne, c'est du fait qu'au niveau de certaines préfectures
l'instruction demande plusieurs semaines voire plusieurs mois. Elles
reconvoquent les étrangers à l'issue de la procédure pour
leur dire qu'on ne leur remet pas de carte séjour temporaire et on leur
notifie, sur pièce et sur place si je puis dire, l'invitation à
quitter le territoire. C'est le cas de la préfecture de police mais
d'autres notifient par voie postale tout simplement parce qu'elles ne
reconvoquent pas une nouvelle fois l'étranger en vue de lui notifier sa
décision. Nous avons bien évidemment, dans tous ces cas, les
adresses personnelles des intéressés, et nous ne passons jamais
par le canal des associations.
Ceci est d'ailleurs si vrai et je l'ai déjà dit, le ministre
également, que tous les étrangers sont convoqués pour
être entendus à un moment ou à un autre de la
procédure, voire à deux ou trois moments de la procédure.
M. LE PRÉSIDENT.-
Même ceux pour lesquels l'adresse a
été donnée au nom de l'association ?
M. DELARUE.-
Absolument, et le ministre vous a bien indiqué
l'autre jour qu'un certain nombre d'étrangers ne répondaient pas
aux convocations. Nous n'avons pas leur adresse et nous ne les prenons pas en
considération, tout simplement. On leur notifie les décisions de
rejet selon la même procédure que pour les autres demandeurs, en
tout cas il n'y a pas de décision de refus de séjour qui soit
envoyée à une association X ou Y pour la remettre à
Monsieur Untel.
M. CALDAGUES
- Si vous me permettez, Monsieur le président, y
a-t-il des lettres et dans quelle proportion, si vous la connaissez, revenant
avec la mention "n'habite pas l'adresse indiquée" ?
M. DELARUE.-
On tombe là dans un cas classique tel qu'on le vit
depuis 20 ans ou 25 ans dans ce pays. Il est vrai que des gens indiquent
de fausses adresses mais je ne crois pas que le pourcentage, que je ne peux pas
vous indiquer aujourd'hui, soit sur cette opération ni plus grand, ni
plus petit que la moyenne. J'ai souvenir, mais je peux me tromper sur ce
point-là, qu'en moyenne les préfectures, sur la délivrance
de titres de séjour classiques, voient à peu près 10 % des
courriers portant cette mention. J'ajoute que ce n'est pas forcément
dû à une mauvaise intention des étrangers, beaucoup
déménageant extrêmement fréquemment.
Mme POURTAUD
- Pour vous poser une question très précise,
Monsieur le directeur, vous nous avez dit qu'en fait un certain nombre
d'instructions complémentaires ont été données aux
préfectures à travers les fiches questions/réponses, entre
autres pour éviter l'arbitraire, en quelque sorte, ou des distorsions au
niveau du type de décision entre les différents points du
territoire. Parmi ces instructions complémentaires, y en a-t-il eu
portant sur une durée minimale de séjour régulier qui
aurait été exigée à des étrangers demandant
leur régularisation après un séjour important sur notre
territoire ? Il est revenu à mes oreilles qu'au niveau de la
préfecture de police de Paris en particulier, une durée minimale
de séjour régulier de 6 mois était demandée, ce qui
exclut automatiquement un certain nombre d'étrangers rentrés avec
des visas touristiques mais qui, néanmoins, ont séjourné
dans notre territoire de très longue date.
M. DELARUE.-
Madame le sénateur, nous avons effectivement
donné des indications sur les durées de séjour, qui sont
de deux ordres. L'une porte sur les déboutés du droit d'asile et
c'est la catégorie à laquelle vous faites
référence. A ce niveau, il faut en effet 6 mois de séjour
régulier et un certain nombre d'entre eux ne justifient pas de ces 6
mois de séjour régulier. A ceux-là, nous ne donnons pas
satisfaction.
Nous avons indiqué une deuxième durée de séjour,
pour la catégorie des célibataires sans charge de famille
attestant d'une certaine durée de séjour en France. A leur
niveau, nous avons indiqué qu'une durée de 7 ans minimum de
séjours irréguliers en France était nécessaire.
Mme POURTAUD
- Monsieur le directeur, j'ai bien entendu votre
réponse mais la référence aux 6 mois de séjour
régulier ne m'a pas été donnée uniquement dans le
cadre des déboutés du droit d'asile.
M. LE RAPPORTEUR.-
Ce n'est pas prévu par la circulaire.
Mme POURTAUD
- Ma question portait sur les instructions
complémentaires qui ont éventuellement été
données à travers les questions/réponses.
M. DELARUE.-
Je vous remercie d'attirer mon attention sur ce point. Si
une durée de 6 mois a été invoquée pour une autre
catégorie que celle du débouté du droit d'asile alors
qu'elle ne devait pas s'appliquer, l'agent qui vous a renseigné s'est
trompé et il faudra lui faire entendre raison sur ce point.
M. DEBARGE
- Pour en revenir à des données pratiques, en
Seine-Saint-Denis environ 40.000 dossiers ont été
déposés en vue d'une régularisation et 32.000 sont
maintenus. J'ai eu l'occasion de rencontrer les responsables de la
préfecture qui font preuve de la plus grande efficacité et qui ne
sont nullement en cause mais, avec 32.000 entretiens personnels, je me demande
comment il vont pouvoir s'organiser. Vous n'êtes pas obligé de me
répondre aujourd'hui mais avez-vous une idée du pourcentage
d'entretiens personnels déjà réalisés sur
l'ensemble du territoire ?
Les distorsions que vous avez exprimées tout à l'heure
proviennent peut-être de démarches différentes suivant les
préfectures mais également de situations différentes, dans
les diverses préfectures, dans la mesure où il y a plus ou moins
de dossiers à traiter.
Pour en venir à la circulaire de janvier 1998 sur l'aide au retour,
je me demande s'il n'y aurait pas une possibilité de la transmettre plus
individuellement. Sans cela, peut-être y aura-t-il des contentieux, je ne
suis pas suffisamment expert dans ce domaine, en tout cas des associations
risquent de se manifester et cela commence déjà un peu, non
seulement en direction des préfectures mais également en
direction des mairies.
Troisième question, qui n'a rien à voir avec le
département de la Seine-Saint-Denis, dans le cadre de votre
exposé introductif vous nous avez indiqué que dans certains cas,
on demandait le carnet de santé. Je vais peut-être poser une
question très naïve mais je m'interrogeais sur le point de savoir
si on demandait l'extrait de casier judiciaire. Cette chose-là est-elle
prévue ou n'est-elle pas prévue ? Je prends bien soin de dire que
je n'ai pas de référence particulière à exprimer au
sujet d'une préfecture ou d'une autre, simplement il s'agit d'une
question complémentaire que je pose d'une façon neutre, si vous
me permettez.
M. DELARUE.-
A propos des auditions, je dis simplement que la
Seine-Saint-Denis a très bien travaillé et je ne suis pas neutre
sur ce point. Il est vrai que 30.000 ou 32.000 personnes ont été
entendues. A ma connaissance, ces auditions devaient s'achever au 31 janvier.
Je suppose que ce délai a été tenu, en tout cas je sais
que l'embauche d'effectifs supplémentaires a été
précieuse et je peux révéler que quelqu'un qui m'est
très proche a participé à ces entretiens. Grâce aux
effectifs présents sur place, 100 personnes par jour ont
été reçues, dans des conditions convenables. De nouveaux
locaux avaient été créés et on n'a pas fait
attendre les gens dans n'importe quelles conditions.
J'ajoute que les gens ont été entendus deux fois, dès lors
que leur dossier n'était pas complet, voire éventuellement trois
fois, quand on avait des explications complémentaires à leur
demander. Je ne suis pas sûr, et je le dis " tout de go "
à la commission, que dans toutes les préfectures cela ait
fonctionné aussi bien.
Je ne reviens pas sur les divergences d'appréciations mais j'approuve
vos propos. Nous sommes si habitués à faire un tableau de
l'immigration hexagonale taillé à la hache que nous oublions un
peu qu'en fonction des départements, des cités ou des villes,
l'immigration peut avoir différents aspects et présenter des
configurations différentes.
Sur la transmission de la circulaire, troisième point, je suis tout
à fait disposé à vous donner le plus large écho.
D'ailleurs, je ne vais pas vous le cacher, c'est à la demande du
ministre de l'intérieur et contrairement à l'indication initiale
du secrétariat général du gouvernement que cette
circulaire a été publiée au journal officiel, de
façon à ce que les associations puissent lui donner la plus large
répercussion. Faut-il aller au-delà ? Je prends note de votre
suggestion. Cela dépend de la nature des entretiens individuels qui ont
lieu. Dans le cadre des entretiens qui ne sont pas encore effectués, on
pourra faire état de cette circulaire et cela me paraît même
normal, mais pour ceux qui sont achevés on peut peut-être
envisager une plus large diffusion. Je suis tout à fait ouvert.
Quant à l'extrait de casier judiciaire, je vais être tout à
fait clair. La circulaire du 24 juin 1997 conditionne la
régularisation à la réserve de l'"ordre public" et vous
avez eu sur ce point Monsieur le président, à propos du projet de
loi, des débats tout à fait intéressants, raison pour
laquelle la production de l'extrait de casier judiciaire B2 est normalement
exigée.
M. ALLOUCHE
- Je dois dire à mon collègue, M.
Galdaguès, que nous nous posions les mêmes questions à
propos des adresses des associations. Comme je m'y étais engagé,
j'ai remis au président de la commission copie d'une lettre
adressée par la préfecture du Nord à un étranger
qui était invité à quitter le territoire. Il existe dans
le Nord un collectif d'associations et l'adresse indiquée était
bien une adresse personnelle. J'ai pris soin de le vérifier et,
effectivement, tout le monde donne une adresse lors du premier entretien.
Monsieur le directeur, grâce aux questions pertinentes de notre
rapporteur et de notre président, vous avez je crois satisfait une
grande curiosité de notre part. J'ai néanmoins un point
d'inquiétude, que je vais vous formuler. Si l'on tient compte des
dossiers positifs et des dossiers négatifs, on atteint le chiffre de
46.000. Il en resterait donc 133.000 d'ici à trois mois, jusqu'au 30
avril, et vous avez pris soin de nous dire qu'à certains endroits, ce
sont les dossiers les plus faciles qui ont été
étudiés en premier. Pensez-vous vraiment que d'ici trois mois, au
rythme de 45.000 dossiers par mois, l'administration va pouvoir faire face
? N'y aurait-il pas matière à transfert de personnel en tenant
compte du nombre de dossiers déposés ici ou là, afin de
tenir les délais qui ont été fixés par la
circulaire du ministre ?
Personnellement, je ne peux qu'appuyer la remarque de mon collègue
Debarge : dans la mesure où un étranger reçoit une lettre
l'invitant à quitter le territoire, il serait bon d'adjoindre à
cette lettre la circulaire afin de préciser ce à quoi il peut
prétendre et ce à quoi il n'a pas droit. Dès lors que vous
avez commencé à faire un effort en matière d'information,
il faut aller jusqu'au bout.
M. DELARUE.-
Pour commencer par la fin, j'ai dit que je retenais la
suggestion, à dire vrai je ne serai pas très enclin à
envoyer la circulaire, plutôt un document qui en expliquerait le contenu.
Le sénateur Allouche a posé une question tout à fait
importante au sujet des délais. Notre préoccupation commune, sur
les divergences d'appréciation qui peuvent exister d'une
préfecture à l'autre, ne doit pas nous faire oublier cette
question plus simple encore des délais de réalisation qui varient
d'une préfecture à l'autre et je sais qu'au moins deux
préfectures de ce pays sont pour moi une source de préoccupation
à cet égard. Pour la quasi totalité des autres
préfectures, dans l'ensemble les délais seront je crois tenus.
Je précise qu'il ne faut pas se caler sur le nombre de décisions
mais sur deux éléments, dont premièrement le fait que les
délais d'instruction ont été longs au début parce
qu'il convenait d'entendre les personnes. Je précise que ce que je viens
d'indiquer à propos de la Seine-Saint-Denis vaut pour la majorité
des préfectures où les personnes ont maintenant été
entendues et dont les dossiers ne nécessitaient plus désormais
qu'un traitement purement administratif. Désormais, normalement, les
choses devraient aller plus vite.
Deuxièmement, les chiffres que je vous ai indiqués ne tiennent
pas compte des dossiers traités et qui n'ont pas encore fait l'objet de
décisions notifiées. Dans un département que vous
connaissez bien, je crois savoir que très peu de décisions de
refus ont été notifiées alors que beaucoup de
décisions de refus sont d'ores et déjà prises. Je suis
obligé d'insister auprès de certains préfets pour leur
dire de notifier les décisions de refus au fur et à mesure qu'ils
les prennent.
Je ne suis donc pas trop inquiet sur les délais. Il me semble que la
délai du 30 avril, dans la grande majorité des cas, sera
respecté, sous réserve, toutefois, de quelques préfectures
qui n'ont pas bien travaillé, ce que nous ne manquons pas de leur dire,
et de quelques préfectures, je pense en particulier à la
préfecture de police, où le nombre de demandes est tel qu'il
faudra vraisemblablement leur donner un délai supplémentaire. Je
vous rappelle que la préfecture de Paris a reçu
47.000 demandes.
M. LE PRÉSIDENT.-
Il faudra donc donner un délai
supplémentaire, au-delà du 30 avril.
M. DELARUE.-
Il ne faudra d'ailleurs pas leur "donner" et mon sens du
commandement s'efforce d'être réaliste. Au 30 avril, il y aura
encore quelques milliers de dossiers à traiter et nous n'allons pas
demandé un arrêt de leur traitement. On ne donnera pas à
certaines préfectures un délai supplémentaire, il faudra
qu'elles l'aient de toute façon.
M. MAHEAS
- Monsieur le directeur, j'ai l'intime conviction que cette
commission d'enquête vous interroge un peu prématurément.
Pour être pragmatique, concret et efficace, si cette commission dure un
peu, c'est plutôt vers la fin avril qu'il faudrait que nous fassions le
point.
Ceci dit, vous m'avez complètement rassuré sur les moyens mis en
oeuvre. J'ai fait de rapides calculs et je m'aperçois, étant
donné la somme et le potentiel humain mis en place pour étudier
les dossiers, qu'ils seront particulièrement bien étudiés
si effectivement ces moyens sont répartis d'une façon
proportionnelle. Vous le savez peut-être, moi aussi je réside en
Seine-Saint-Denis et je peux attester que des lieux déconcentrés
ont été mis en place, ce qui fait que les étrangers ont
été reçus tout à fait convenablement. Je tenais
à le signaler à notre commission.
Je souhaite maintenant poser trois questions.
Premièrement, une difficulté fréquente au niveau des
étrangers tient aux preuves qu'ils peuvent fournir à propos de
leur durée de séjour. Etant donné leur vie quelque peu
nomade, leurs attestations se réfèrent souvent au travail et,
malheureusement, bien souvent au travail au noir. Comment faire pour que cette
durée de travail et de travail au noir soit prise en compte pour la
durée de séjour ?
La deuxième difficulté concerne les retours. On a souvent
tendance à dire que les étrangers ne fournissent pas leurs
adresses, ou qu'ils fournissent de fausses adresses. Pour citer l'exemple de la
Seine-Saint-Denis, je sais par exemple que si l'adresse n'est pas excessivement
précise, à savoir avec une référence d'appartement,
il n'y a pas de distribution de la Poste mais il y a un retour. Je sais aussi
que dans certains lieux de mon département, au niveau de certains
immeubles, il n'existe pratiquement plus de boîtes aux lettres. Cela
complique les choses !
Je vous demande de mettre en place un système où, dans les
préfectures, les étrangers puissent effectivement, s'ils n'ont
pas été avertis, avoir une possibilité de contact de telle
sorte qu'on leur dise, à l'entretien : "Si vous ne recevez pas la lettre
en tant de temps, revenez nous voir et interrogez-nous".
Dernier point, j'ai bien compris quel était le rôle de l'OMI dans
l'aide au retour mais je ne suis pas intimement persuadé qu'il ne faut
pas doubler cela d'un contact d'administration à administration, entre
l'administration française et les principaux pays d'où provient
l'immigration. Est-ce possible a mettre en place, cette idée a-t-elle
déjà commencé à être mise en place et dans
quelles conditions ?
M. DELARUE.-
Très rapidement, compte tenu du temps qui vous est
imparti, puisque vous avez bien voulu indiquer que les dossiers avaient
été bien traités, Monsieur le sénateur, je tiens
simplement à dire que je tire mon chapeau aux fonctionnaires qui font ce
travail. On peut tout à fait penser ce qu'on veut de la circulaire, des
bienfaits de l'opération ou pas, je n'aimerai pas, en tout cas, que
l'opinion publique estime que les dossiers ont été mal
étudiés car ce serait inexact, et je souhaiterais que cette
commission d'enquête puisse au moins apporter ce témoignage sur
l'administration. Je ne veux pas préjuger du reste, Monsieur le
président, c'est vous qui en déciderez !
Sur la durée de séjour, en effet, elle est difficile à
évaluer, raison pour laquelle nous avons évoqué dans la
circulaire l'idée du faisceau d'indices. Il est vrai aussi que,
s'agissant du travail au noir, à mon sens il ne peut pas être pris
en considération dès lors que, par définition, il ne peut
pas être justifié. Nous avons précisé, au niveau
d'une des fiches questions/réponses évoquées tout à
l'heure, que bien sûr l'activité régulière implique
une déclaration fiscale et une déclaration de cotisations
sociales.
Sur ce qui a été dit à propos des adresses, il s'agit
effectivement d'un point difficile et que je ne méconnais pas. Beaucoup
de problèmes en la matière expliquent des retours de
notifications et je vous citais tout à l'heure le pourcentage de 10 %.
Un autre cas de figure, me semble-t-il, vous est familier : celui des personnes
habitant chez un tiers. Elles sont très nombreuses, parmi cette
population, et il suffit qu'on n'habite plus chez Monsieur Untel pour que la
lettre s'égare dans la nature.
Il me semble que pour le dialogue avec l'étranger, nous avons
exigé une convocation et un entretien pour qu'il puisse nous indiquer
une adresse aussi exacte que possible et, s'il n'y a pas de boîte aux
lettres, pas de "moyen de", qu'il veuille bien nous l'indiquer. J'en reviens un
peu au rôle des associations. Personnellement, je n'interdis pas que
dès lors qu'il y aurait notification personnelle, sans rien retirer de
ce que j'ai dit précédemment, qu'il puisse éventuellement
y avoir des intermédiaires. Il me semble aussi que c'est
l'intérêt des convocations pour lesquelles, comme au niveau de la
préfecture de police, on remet à l'intéressé la
décision en mains propres.
Ensuite, sur l'OMI, son rôle et la nécessité de contacts
avec les autres administrations, je crois très clairement que
c'était l'un des sens, même si ce n'est pas le seul, du
déplacement du Premier ministre en Afrique ces dernières
semaines, et j'espère bien que, derrière ce déplacement,
les contacts que vous souhaitez seront pris. Je peux vous dire qu'à
l'heure actuelle, il n'y en a pas étant donné que la circulaire
vient d'être prise et que nous ne voulions pas donner l'impression aux
Etats souverains que nous leur forcions la main.
M. LE PRÉSIDENT.-
Monsieur le rapporteur a le dernier mot, qui va
vous poser ses ultimes questions, à moins qu'il y ait des questions
supplémentaires de la part de membres de la commission.
M. CALDAGUES
- Pour être très bref, mon collègue a
dit tout à l'heure que l'existence de cette commission d'enquête
était prématurée, tel n'est pas du tout mon sentiment. Il
est bon que la représentation nationale soit informée au fur et
à mesure des détails d'une opération comme
celle-là. Nous en apprenons beaucoup et notre curiosité a
été satisfaite ce matin, y compris sur des points au sujet
desquels certains d'entre nous avaient des préjugés, des
idées reçues. Il me semble très utile d'avoir conscience,
quel que soit le jugement qu'on porte sur cette opération, qu'un travail
considérable a été accompli et que la
représentation nationale en ait connaissance ; qu'elle ne se contente
pas, comme tout le monde, de lire son journal une fois l'opération
terminée.
M. LE PRÉSIDENT.-
Je dois dire à Monsieur Mahéas
que nous avons pris les précautions les plus extrêmes pour
commencer nos travaux le plus tard possible. Vous savez que nous sommes tenus
par un délai légal de 6 mois et, ainsi, on couvre le délai
de la fin de l'application de la circulaire.
M. MAHEAS
- A quelle date l'existence de cette commission
d'enquête doit-elle prendre fin ?
M. LE PRÉSIDENT.-
Le 11 juin. Votre curiosité sera tout
à fait satisfaite. Pour le reste, comme l'a indiqué M.
Caldaguès, il est vrai que nous en avons appris beaucoup aujourd'hui et
je tiens à remercier Monsieur le directeur de sa disponibilité,
également de la façon très claire et très
transparente avec laquelle il a dit la vérité.
M. LE RAPPORTEUR.-
Monsieur le président, pour confirmer ce que
vous et vos collègues avez pu indiquer, je tiens à remercier
Monsieur le directeur des éclaircissements importants qu'il nous a
apportés.
Simple question, Monsieur le directeur, je suis originaire des Alpes-Maritimes
et le tribunal administratif de Nice, le 13 janvier 1998, en matière de
droit d'asile a rendu une décision dont je me demande si votre
ministère va l'accepter ou si vous allez donner l'instruction, pour ce
département, d'interjeter appel de cette décision qui pose
incontestablement problème, même au regard de l'article 1-9 de la
circulaire du 24 juin 1997. Elle considère, en effet, en visant
d'ailleurs l'ordonnance de novembre 1945 et non la circulaire, article 27
bis, que peut bénéficier du droit d'asile un Algérien pour
la raison simple, et sans doute valable, qu'il est originaire de la
région de Rélizane où 400 personnes environ ont
été tuées, vraisemblablement par le GIA.
Pour en revenir à ma question, faites-vous appel ? Cette
décision, étendue, pourrait être appliquée aux
Kurdes dans certains cas, voire à toute l'Algérie. Des massacres
sont constatés un peu partout en Algérie et voyez l'effet
d'annonce que cette décision peut avoir !
M. DELARUE.-
Monsieur le sénateur, aucune décision n'a
été prise et il y a deux mois pour faire appel. Sauf erreur, le
jugement a été notifié au préfet des
Alpes-Maritimes début janvier. Vous l'aviez d'ailleurs
évoqué devant le ministre, lorsqu'il a été entendu
par votre commission. Je peux simplement vous dire, n'étant pas tout
à fait étranger au droit administratif, que cette décision
ne présente pas un caractère de grande nouveauté juridique
puisque l'article 27 bis de l'ordonnance de 1945, comme vous le savez qui
résulte de la loi du 24 août 1993, interdit au gouvernement, aux
pouvoirs publics de ce pays, de reconduire un étranger dans un pays
où il risquerait des traitements inhumains ou dégradants.
Il me semble que la nouveauté réside davantage dans la
publicité qu'a voulu faire le tribunal administratif de Nice, d'un
certain nombre de décisions qu'il a prises à une époque,
trois en réalité, ce qui ressemble un peu à un tir
groupé. Il me semble qu'en matière d'asile, y compris
territorial, il n'y a pas d'examen collectif, uniquement des examens
individuels. Si le tribunal administratif a voulu nous dire, que de
façon systématique, tous les Algériens devaient
bénéficier dans ce pays de l'asile territorial, la question
mérite en effet d'être examinée et il me semble que cela
vaudra appel. Si telle n'était pas l'attention du tribunal
administratif, la question vaudra néanmoins la peine d'être
reconsidérée. J'attends de lire les conclusions du commissaire du
gouvernement que j'ai demandées avant de prendre position sur ce point.
M. LE PRÉSIDENT.-
La commission sera je crois unanime pour
reconnaître la qualité de l'audition de M. Delarue, sa
disponibilité et sa volonté de nous informer d'une façon
aussi complète que nous le souhaitions, illustrant tout à fait
l'intérêt d'une commission d'enquête. La passion habite
chacun, chacun est libre de ses opinions dans une démocratie, mais
l'objectivité est un facteur de curiosité intellectuelle
dès lors que celle-ci est satisfaite par un exposé aussi clair
que celui que nous avons entendu.
Vous devez savoir, M. Delarue, qu'il est dans l'intention du rapporteur de vous
entendre de nouveau, précisément quand nous aurons à faire
des comptes et je suis sensible à l'observation de M. Allouche, qui
se demandait comment nous allions nous y prendre pour ne pas avoir trop de
travail dans les dernières semaines d'existence de notre commission.
Bien évidemment, nous reviendrons sur les interférences entre la
nouvelle circulaire sur l'aide au retour et l'ancienne et notre opinion se
formera à la mesure de nos auditions. Soyez en tout cas remercié,
Monsieur le directeur. Nous avons été très attentifs
à vos propos et nous en ferons notre profit.
M. DELARUE.-
Je précise, Monsieur le président, que je
demeure à la disposition entière de la commission, du
début à la fin.
M. LE RAPPORTEUR.-
Pourriez-vous nous adresser les
télégrammes et les circulaires ?
M. DELARUE.-
Tout à fait.