N°
470
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Rapport remis à Monsieur le Président du Sénat le 2 juin
1998
Dépôt publié au Journal officiel du 3 juin 1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 juin 1998
RAPPORT
de la
commission d'enquête
(1) chargée de recueillir des
informations sur les
régularisations d'étrangers
en
situation irrégulière opérées depuis le
1
er
juillet 1997, créée en vertu d'une résolution
adoptée par le Sénat le
11 décembre 1997,
TOME
II
TEXTE INTÉGRAL DES AUDITIONS
Président
M. Paul MASSON,
Rapporteur
M. José BALARELLO,
Sénateurs.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Guy Allouche, José
Balarello, François Blaizot, Louis Boyer, Michel Caldaguès,
Jean-Pierre Camoin, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Christian Demuynck,
Michel Duffour, Mme Joëlle Dusseau, MM. Jean-Jacques Hyest, Jacques
Mahéas, André Maman, René Marquès, Paul Masson,
Jean-Claude Peyronnet, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Mme Danièle
Pourtaud, M. Jean-Pierre Schosteck.
Voir les numéros
:
Sénat
:
411
,
432
(1996-1997) et T.A.
53
(1997-1998).
|
|
Etrangers. |
M. JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT,
MINISTRE DE
L'INTÉRIEUR
JEUDI 15 JANVIER 1998
M.
MASSON, président
.- Mesdames et Messieurs, la séance est
ouverte. Bienvenue Monsieur le Ministre, nous sommes réunis en
Commission d'enquête parlementaire. Nous commencerons le premier
entretien par vous, Monsieur le Ministre, parce que nous avons à coeur
d'entendre d'abord le Ministre de l'intérieur, sur un problème
qui est un souci pour nous, à savoir la régularisation des
étrangers par voie de circulaire, qui fera l'objet de nos travaux
pendant six mois.
Je dois vous présenter les excuses de MM. Courtois, Hyest et
Poirier.
Je salue ici nos autres collègues et les remercie de leur
présence.
M. BALARELLO, rapporteur.
- conduira les débats en tant que
Rapporteur. Je dois rappeler au préalable que les commissions
d'enquête sont l'une des prérogatives essentielles du Parlement et
de sa mission de contrôle du Gouvernement, à partir des termes de
l'ordonnance modifiée du 17 novembre 1958.
Je rappelle que la séance est publique et que nous avons
été mandatés par une résolution adoptée par
le Sénat le 11 décembre 1997, qui nous donne tous les pouvoirs
d'enquête sur place, sur pièces et par auditions, ce que nous
faisons aujourd'hui pour la première fois.
Je précise également que le Rapporteur de la Commission
d'enquête a des pouvoirs très larges et que ceux-ci s'inscrivent
tout à fait dans le cadre de l'ordonnance de 1958, puisqu'elle a pour
objet d'examiner notamment les conditions de la gestion d'un service public.
En effet, il s'agit en cette matière d'une régularisation portant
sur un certain nombre d'étrangers appartenant à des
catégories nettement définies par l'instruction
ministérielle en cause.
Monsieur le Ministre, je vais me permettre de me livrer à une
formalité républicaine bien connue, à savoir celle du
serment. Nous sommes réunis ici dans un cadre relativement
solennel : vous devez donc prêter serment de dire la
vérité, toute la vérité, rien que la
vérité, en levant la main droite et en disant " Je le
jure ".
M. CHEVÈNEMENT, ministre de l'intérieur
.- Je le jure.
M. LE PRÉSIDENT
.- Le serment que je recueille de votre part
pèse un poids républicain et représente un symbole
très fort, notamment de la part d'un ministre.
Monsieur le Ministre, avant de répondre à M. le Rapporteur,
peut-être avez-vous une déclaration liminaire à faire
ici ?
M. LE MINISTRE
.- Merci. Monsieur le Président, Monsieur le
Rapporteur, Mesdames et Messieurs les sénateurs, le traitement par le
Gouvernement des événements de l'Eglise Saint-Bernard à
l'été 1996, eux-mêmes liés à certaines
incohérences de la législation en vigueur depuis 1993, puis
l'affaire du certificat d'hébergement dans le projet de loi
Debré, avaient créé une situation psychologique et
politique très dégradée en France même, et gravement
altéré l'image de notre pays à l'étranger, comme
j'avais pu m'en rendre compte moi-même lors d'une visite à
Ouagadougou en février 1997, au moment du Festival du cinéma
africain.
Cette situation ne pouvait au surplus que fragiliser l'intégration des
étrangers en France même, gage de notre équilibre social.
Le Gouvernement issu des élections législatives de mai-juin 1997
a décidé de " calmer le jeu " en proposant un cadre au
réexamen de la situation de certaines catégories
d'étrangers en situation irrégulière -c'est la circulaire
du 24 juin 1997- tout en cherchant par ailleurs à éclairer les
faits en lançant la mission confiée à Patrick Weil, qui
devait déboucher sur un certain nombre de mesures à
caractère législatif et réglementaire.
Pour éclairer l'intention du Gouvernement, je ne puis faire mieux que de
vous lire l'introduction de la circulaire du 24 juin 1997. Rien ne vaut le
retour au texte :
" Exposée comme les autres pays d'Europe à de fortes
pressions migratoires, la France doit lutter contre les migrations
illégales.
" Fort de sa tradition républicaine d'accueil et de
tolérance, notre pays a aussi le devoir de mettre fin à la
situation intolérable ou inextricable dans laquelle se trouvent certains
étrangers présents sur son territoire.
" C'est pour faire face à cette double exigence que le Gouvernement
entreprend, notamment dans le cadre de la mission fixée à
M. Patrick Weil, une réflexion d'ensemble sur les problèmes
de l'immigration, le statut des étrangers et les conditions
d'accès à la nationalité, en vue d'une refonte de la
législation.
" Cette réflexion devra être guidée par le souci de
définir des règles simples, réalistes et humaines pour le
séjour des étrangers, de prévenir les flux d'immigrations
illégales, de garantir l'intégration républicaine et de
rendre possible un véritable co-développement avec les pays
concernés.
" Le texte de la présente circulaire ne saurait préjuger
celui du projet de loi qui sera soumis à l'automne au Parlement. Dans
l'immédiat, je vous demande de procéder à titre
exceptionnel à un réexamen de la situation de certaines
catégories d'étrangers en situation irrégulière et
de leur délivrer un titre de séjour selon des critères
précisés ci-après ".
M. LE PRÉSIDENT
.- Monsieur le Ministre, nous avons entendu votre
entrée en matière.
M. LE MINISTRE
.- Je n'ai pas terminé, Monsieur le
Président.
M. LE PRÉSIDENT
.- Voulez-vous lire toute la circulaire ?
M. LE MINISTRE
.- J'arrête là la lecture de la circulaire,
mais je pense que le retour au texte permet d'éclairer ce qu'a
été l'intention initiale du Gouvernement.
La régularisation n'est pas un mécanisme nouveau ni
spécifiquement français. D'importance et de portée
différente, les opérations de 1981, 1991, 1995 et 1996 en France,
ainsi que les récentes opérations dans plusieurs pays, en
témoignent.
Par un avis en date du 22 août 1996, le Conseil d'Etat, saisi par mon
prédécesseur de la question de savoir si les étrangers
résidant en France, mais dépourvus de titres de séjour,
disposent du droit de voir régulariser leur séjour du seul fait
qu'ils se trouvent dans telle ou telle situation (parent d'un enfant né
en France, débouté du droit d'asile, conjoint ou enfant d'un
étranger résidant en France, etc.), a répondu dans les
termes suivants :
" Il convient tout d'abord d'observer qu'il ne peut exister un droit
à la régularisation, expression contradictoire en
elle-même. La régularisation, par définition, est
accordée dans l'hypothèse où le demandeur ne
bénéficie pas d'un droit, sinon il suffirait qu'il le fasse
valoir.
" Au contraire, l'autorité administrative a le pouvoir d'y
procéder, sauf lorsque les textes le lui interdisent
expressément, ce qu'ils ne font pas dans les cas mentionnés dans
la demande d'avis.
" Ainsi, cette autorité peut prendre à titre exceptionnel,
et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, une mesure
gracieuse favorable à l'intéressé, justifiée par la
situation particulière dans laquelle le demandeur établirait
qu'il se trouve ".
Je termine là la citation du Conseil d'Etat, consulté par
M. Jean-Louis Debré.
Le pouvoir du Préfet en matière de délivrance de titres de
séjours est largement discrétionnaire, en dehors des cas de
délivrance de plein droit énumérés aux articles
12bis et 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Le Conseil d'Etat, dans le même avis, précise que " la
faculté de régulariser prend tout son sens si on la rapproche du
principe selon lequel l'administration doit procéder à un examen
particulier de chacun des cas sur lesquels elle est appelée à se
prononcer ".
Ce pouvoir est utilisé quotidiennement par le Préfet pour des cas
individuels, parfois sur instruction du Ministre. Dans certains cas, il
s'inscrit dans des opérations collectives.
L'utilisation du pouvoir de régularisation dans la période
récente s'est notamment traduite dans deux opérations. Par la
circulaire du 23 juillet 1991, il s'agissait de régulariser des
demandeurs d'asile déboutés, en raison des délais
très longs de traitement par l'OFPRA, qui avaient pour
conséquence qu'ils étaient présents en France depuis
plusieurs années au moment où une réponse négative
était opposée à leur demande d'asile.
14 799 demandeurs d'asile déboutés avaient ainsi
été régularisés, soit 30 % des demandeurs. Par
les circulaires des 5 mai et 13 juin 1995 et 2 juillet 1996, il s'agissait de
régulariser les parents d'enfants français.
Aucune statistique n'est disponible sur le nombre et la proportion des
demandeurs régularisés. Il s'agit, dans ces opérations
comme dans celle plus ancienne et plus importante de 1981, d'apurer le passif
résultant de contradictions internes de la législation ou de
graves dysfonctionnements dans son application.
Les objectifs de la circulaire du 24 juin 1997 : la Convention
européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales se
réfère en son article 8, reconnu d'applicabilité directe
par l'ensemble des juridictions, au " droit à une vie familiale
normale ".
Par ailleurs, en application de son article 3, peut être annulé
par le juge l'éloignement d'un étranger s'il risque
d'entraîner un risque pour lui, lié au fait que cet
étranger est gravement malade ou qu'il encoure des risques de
persécution dans son pays.
Depuis plusieurs années se pose donc la question des étrangers
qui n'ont pas de droit au séjour, mais qui ne peuvent pas non plus
juridiquement être éloignés. Ni régularisables ni
reconductibles à la frontière, leur situation est
évidemment absurde.
La circulaire du 24 juin 1997 cherche à y remédier. Elle vise
aussi à apurer un passif dans l'attente de nouvelles dispositions
législatives qui seront issues du projet de loi actuellement en
discussion devant le Parlement et dont nous parlerons dans les prochains jours.
C'est donc une régularisation sur critères qui a
été choisie par le Gouvernement. Elle n'a pas de caractère
général et ne s'inspire pas du principe énoncé ici
et là " des papiers pour tous ". Chacun sait bien qu'une
régularisation générale aujourd'hui signifierait que la
France, demain ou plus tard, régulariserait d'office quiconque
souhaiterait s'établir irrégulièrement sur son sol.
Neuf catégories de bénéficiaires ont été
définies, elles-mêmes subdivisées pour en constituer en
fait douze.
S'agissant des étrangers qui ont un lien familial, les critères
sont larges et visent à vérifier la solidité de ce lien.
S'agissant des personnes atteintes de pathologie grave ou victimes de
persécution, il s'agit d'en vérifier la réalité.
S'agissant des étrangers sans charge de famille, leur
régularisation n'est possible que sous des conditions extrêmement
strictes. Telle est la logique de ce dispositif.
Les catégories de la circulaire du 24 juin 1997 : Parmi les
étrangers concernés figurent par exemple les conjoints de
Français. Ceux d'entre eux qui ont plus d'un an de mariage et ne peuvent
se voir délivrer une carte de séjour temporaire du fait de leur
entrée irrégulière se voient imposer un retour dans leur
pays d'origine pour solliciter un visa qu'ils sont sûrs d'obtenir.
Il est dont proposé de les régulariser, dès lors que les
autres conditions requises par l'article 12bis de l'ordonnance sont remplies,
c'est-à-dire l'absence de menace pour l'ordre public, le mariage avec un
Français ayant conservé sa nationalité, la
communauté de vie, la transcription du mariage et l'absence de polygamie.
De même est soumise à des conditions précises et à
des critères la régularisation des personnes appartenant à
chacune des douze catégories identifiées par la circulaire.
Les critères d'appréciation fixés par chaque
catégorie sont plus ou moins stricts. Ainsi, les étrangers sans
charge de famille ne sont régularisables que s'ils ont été
au moins pendant une période en situation régulière,
à l'exception d'un séjour comme étudiant, si
l'ancienneté de leur séjour est normalement d'au moins sept ans
et surtout s'ils montrent une réelle insertion dans la
société française, appréciée à partir
d'un faisceau d'indices. C'est le critère de l'intégration qui,
de ce point de vue, est décisif.
Je précise que la barre des sept ans ne pourra être
appliquée qu'à titre exceptionnel.
Je ne vous détaillerai pas l'ensemble des catégories et
critères, dont vous avez pu prendre connaissance à la lecture de
la circulaire. Des précisions sont fournies aux Préfets sur leur
demande, pour affiner l'application des critères, par la Direction des
libertés publiques et des affaires juridiques.
Toute réponse à une question est diffusée par les services
de mon ministère à l'ensemble des préfets et aux
associations humanitaires ou de défense des droits de l'homme qui
viennent en aide aux étrangers, fussent-ils en situation
irrégulière.
J'en viens au déroulement de l'opération de réexamen.
C'est sous la responsabilité des Préfets qu'elle se
déroule. J'ai souhaité que chaque demandeur soit reçu
personnellement à la préfecture. Cela a, bien sûr,
demandé que les moyens soient donnés à l'Administration
pour ce faire.
Les suivants ont été mis à la disposition de l'ensemble
des Préfets :
a) En 1997 :
- Indemnités pour travaux supplémentaires : 5,8 MF,
- Recrutements de contractuels : 7,1 MF, à hauteur de
1.150 F mois/agents et de 6.153 F par agent,
- Acquisition de matériel (essentiellement informatique) :
8 MF,
- Recrutement d'agents d'accueil par l'OMI : 500 F mois/agent.
b) 1998 :
-Indemnités pour travaux supplémentaires : 2,23 MF,
- Recrutement des contractuels : 9,3 MF, ce qui correspond à
1.500 F mois/agents, à hauteur de 6.214 F par agent.
Cela représente 32 MF sans compter la contribution de l'OMI (Office
des Migrations Internationales) pour financer les emplois d'agents d'accueil.
Toute latitude a été laissée aux Préfets pour
organiser le processus de décision comme ils l'entendaient, dès
lors que certaines dispositions minimales étaient prises.
La demande initiale de l'étranger devait être faite par courrier.
Un accusé de réception devait lui être adressé et,
comme je vous l'ai dit, la décision finale doit être prise
après au moins un entretien individuel avec le demandeur.
Dans ce cadre, les préfectures se sont organisées. Je tiens
à rendre hommage aux efforts des Préfets et des personnels des
services des étrangers. Cependant, des initiatives ont été
prises aussi par mon ministère pour parvenir à des pratiques et
décisions aussi harmonisées que possible.
Outre la diffusion à l'ensemble des préfectures des
réponses aux questions posées par chacune d'elles, des
instructions complémentaires ont été données, par
exemple pour assurer une motivation des décisions de refus qui ne posent
pas de problèmes juridiques.
Des réunions ont été organisées à trois
reprises avec les secrétaires généraux et les chefs des
services des étrangers des principales préfectures
concernées.
L'Inspection Générale de l'Administration a effectué deux
missions (l'une en septembre et l'autre en janvier), pour s'assurer de
l'application correcte de la circulaire.
Un Conseiller d'Etat, M. Jean-Michel Galabert, a été
chargé d'une mission de coordination et de proposition et rencontre tous
les quinze jours environ le directeur de mon cabinet. Comme vous pouvez
l'observer, l'opération fait l'objet d'un suivi rigoureux.
Les demandes et les décisions prises font l'objet de statistiques
mensuelles rendues publiques dès qu'elles ont été
établies. Les chiffres qui vont suivre doivent être
interprétés avec une certaine prudence, car nous avons
relevé dans certains départements -M. Debarge opine du chef
et je pense en particulier au sien- de graves distorsions.
En effet, presque 20 % des demandes doivent être
considérées comme n'étant pas valables, soit parce que
l'adresse indiquée n'est pas la bonne, soit parce qu'elles correspondent
à des doublons.
M. LE PRÉSIDENT
.- Les chiffres que vous allez nous donner sont
ceux des préfectures.
M. LE MINISTRE
.- Oui. Je précise qu'ils sont théoriques,
avant informatisation et réduction du déchet.
Nous avons reçu le nombre de demandes suivant (les chiffres ne
s'additionnant pas) :
- 54.128 au 31 juillet
- 89.482 au 31 août
- 117.871 au 30 septembre,
- 179.531 au 8 novembre, compte tenu du fait que les demandes ont
été formulées jusqu'au 31 octobre, cachet de la poste
faisant foi, ce qui correspond à un chiffre réel inférieur
d'environ 20 %.
Il s'agit de chiffres bruts, incluant un certain nombre de doublons et de
courriers ne relevant pas de la circulaire. Par ailleurs, dans certains
départements, plus de 20 % des étrangers convoqués ne
se présentent pas aux entretiens. Le nombre de demandes
réellement instruites devrait sans doute être
légèrement inférieur à 150.000.
La date limite de dépôt des dossiers, fixée au 31 octobre
par la circulaire, s'applique aux principales catégories visées
par celle-ci. Pour les autres (conjoints de réfugiés et
statutaires malades, étrangers courant des risques vitaux en cas de
retour dans leur pays...), les demandes peuvent être transmises aux
préfectures jusqu'à l'entrée en vigueur de la future loi.
J'en viens maintenant aux décisions prises. Le plus grand nombre
concerne des personnes dont la situation familiale conduisait à la
régularisation.
S'agissant du traitement des demandes en cours, les chiffres relatifs aux
décisions prises sont peu significatifs et ne permettent pas de
prévoir la répartition finale entre les décisions
d'admission et celles de refus de séjour, les dossiers les plus faciles
ayant été traités en priorité.
Nous avions enregistré au 31 décembre 1997 15.900 titres de
séjour, dont 13.994 cartes de séjour proprement dites, 197
autorisations provisoires de séjour et 1.709 regroupements familiaux sur
place.
Nous avons également enregistré 15.391 refus et 20.254
récépissés correspondant à des dossiers incomplets.
Les décisions de rejet qui font grief et susceptibles de contentieux
prennent plus de temps à établir. Leur part dans le total
était donc faible au début, mais progresse et pourrait atteindre
50 % compte tenu de la difficulté des dossiers restant à
examiner.
Un dispositif d'aide à la réinsertion vient d'être mis au
point pour inciter au retour volontaire une proportion substantielle des
étrangers faisant l'objet d'une décision de refus et, donc,
invités à quitter la France.
Une circulaire interministérielle a été signée
début janvier en ce sens. L'aide à la réinsertion consiste
en un ensemble de prestations à caractère incitatif : un
entretien de diagnostic, la prise en charge des frais de voyage et de
transports des bagages, une allocation de 4.500 F, substantiellement
revalorisée, une assistance administrative pour aider au départ,
un accueil et une aide à la réinstallation dans les pays de
retour et, dans un nombre limité de pays, le soutien à des
micro-projets économiques.
Ce dispositif, qui s'appuie sur l'Office des Migrations Internationales, tient
compte des réussites et des échecs des expériences
antérieures.
Enfin, j'ai décidé qu'après leur traitement administratif,
les dossiers constitués par les étrangers feraient l'objet d'une
exploitation par l'Institut des Hautes Etudes de la Sécurité
Intérieure à des fins de recherche, en association
éventuelle avec le CNRS, afin de contribuer à une meilleure
connaissance de l'immigration irrégulière en France, car il
s'agit par définition d'un sujet fort méconnu.
Je me permettrai, Monsieur le Président, de me poser la question de
savoir si le travail de la Commission d'enquête est bien utile à
ce stade ; n'y voyez nulle irrévérence.
M. LE PRÉSIDENT
.- Il faut demander cela au Sénat, Monsieur
le Ministre.
M. LE MINISTRE
.- Je le demande à travers vous au Sénat
lui-même. La présente opération de régularisation,
comme je vous l'ai déjà indiqué, est toujours en cours.
Elle doit s'achever au printemps, quand il aura été statué
par les Préfets sur l'ensemble des demandes.
Les chiffres que je vous ai donnés le montrent bien : votre
Commission d'enquête manifeste dans sa curiosité, en
elle-même louable, une hâte qui est sans doute à contretemps
du point de vue de l'administration, en ce qu'elle ne peut que très
partiellement être satisfaite aujourd'hui même, mais qui peut bien
sûr s'expliquer par la proximité des échéances
électorales (régionales et cantonales) des 15 et 22 mars
prochains, ce que je ne saurais croire.
M. LE PRÉSIDENT
.- Pas plus que la réciproque n'est vraie
concernant votre loi, Monsieur le Ministre.
M. LE MINISTRE
.- Je vous ai dit que je me trouvais obligé, par le
fait que, la circulaire ayant été mise en chantier, il fallait
bien que la loi fixe le droit de manière claire et définitive.
M. LE PRÉSIDENT
.- Nous reviendrons sur ce point.
M. LE MINISTRE
.- Je ne veux pas croire que cette anticipation ou
précipitation pourrait avoir pour objectif de semer le trouble dans les
esprits. Depuis que j'ai pris mes fonctions de Ministre de l'Intérieur,
j'ai eu à coeur de dépassionner ce débat sur l'immigration
et me suis entretenu plusieurs fois avec vous, dans un esprit toujours
très constructif, dont je me félicite.
Les formations politiques attachées aux principes républicains
n'ont rien à gagner à faire monter l'inquiétude de nos
compatriotes, qui ne profite qu'aux extrêmes.
Les étrangers établis de longue date en France ont besoin
d'être stabilisés, je le répète. C'est pourquoi je
veux croire que ce ne sont pas des considérations partisanes qui
guideront les travaux de la Commission d'enquête, mais seulement le souci
d'amorcer sereinement un travail d'enquête objectif, qui ne pourra
normalement trouver sa conclusion que dans quelques mois, comme vous semblez
d'ailleurs l'avoir indiqué.
Voilà, Monsieur le Président, l'intervention déjà
trop longue que je voulais faire.
M. LE PRÉSIDENT
.- Nous sommes tout à fait honorés
de ces bons sentiments, que nous partageons bien entendu.
Si vous le voulez bien, Monsieur le Ministre, les débats vont s'ordonner
autour d'une procédure très simple. Je vais laisser la parole au
Rapporteur, qui va vous poser quelques questions.
Il serait bon que vous répondiez à chacune d'entre elles
d'emblée plutôt que de les accumuler. Nous tâcherons ensuite
d'équilibrer la séance dans une deuxième partie, afin que
chacun des parlementaires présents puisse poser les questions qu'il
souhaite, comme cela se passe presque toujours lorsque les commissions
d'enquête s'organisent et délibèrent.
M. LE MINISTRE
.- Je ne veux pas critiquer la méthode, car je suis
prêt à me soumettre à ce jeu des questions-réponses,
mais je voudrais vous faire observer que je ne peux pas à moi seul
remplacer toute mon administration, bien que connaissant de manière
assez approfondie le dossier sur lequel j'ai beaucoup travaillé.
Il est possible que M. le Directeur des libertés publiques ou mes
Conseillers puissent me faire parvenir des précisions qui m'auraient
échappé et me permettraient de nourrir substantiellement mes
réponses.
M. LE PRÉSIDENT
.- Je pense que M. le Rapporteur posera des
questions suffisamment générales, à la hauteur d'un
ministre, puisque nous nous réservons ensuite le droit d'entendre les
directeurs de l'administration pour entrer dans la technicité du
problème, ainsi que les Préfets, qui seront invités
à cet égard à préciser certains points.
Le Rapporteur posera une série de questions et je ne vois aucun
inconvénient à ce que vous les regroupiez pour des raisons de
commodité. Cependant, si vous avez le sentiment qu'une question suscite
un commentaire complémentaire, nous vous prions de nous le faire
remarquer.
M. ALLOUCHE
.- Je voudrais savoir combien de temps cela prendra.
M. LE PRÉSIDENT
.- La salle est réservée
jusqu'à 19 h.
M. LE MINISTRE
.- Je dois vous faire observer que je dois
impérativement me trouver au Ministère de l'Intérieur
à 18 h, mais je suis naturellement prêt à revenir
à une date à convenir d'un mutuel accord, mais vous devez mesurer
le fait que, surtout dans la période actuelle, le Ministre de
l'Intérieur est accablé de tâches.
M. ALLOUCHE
.- Je pense que le rôle du Rapporteur est en effet de
poser des questions, mais il le fait en tant que tel. Les parlementaires, qui
ne sont pas rapporteurs, doivent également avoir le temps d'en poser, si
possible en présence du ministre. Il faudrait donc limiter le nombre de
questions.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous permettrez néanmoins au Rapporteur
de poser les questions qui lui plaisent, sinon il n'existera pas de rapport.
C'est la loi et l'ordonnance, ainsi que la pratique tout à fait
coutumière d'un principe républicain qui conduit à
permettre au Parlement de contrôler le Gouvernement.
Je pense que vous êtes d'accord sur ce point, Monsieur le Ministre. En
effet, je vous ai entendu dire à maintes reprises que le Parlement
devait faire son métier, et nous sommes très exactement dans
cette situation aujourd'hui. Nous ne pouvons donc que nous réjouir de
pouvoir enfin contrôler ensemble le Gouvernement.
M. BALARELLO
.- Monsieur le Ministre, nous sommes heureux de votre
présence dans le cadre des problèmes d'immigration qui
intéressent le pays de façon majeure.
Vous avez déjà répondu par anticipation à un
certain nombre de questions que nous avions envisagé de vous poser, ce
qui nous simplifiera la tâche. Vous nous avez indiqué -ce que le
Président et moi avions bien ressenti- qu'en réalité votre
circulaire était fondée sur deux bases juridiques : d'une
part l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales du 4 novembre 1950 -comme vous l'avez
rappelé- et, d'autre part, deux avis du Conseil d'Etat du 10 mai et du
22 août 1996.
C'est la base juridique de votre circulaire. Nous en sommes bien d'accord. A
partir de cela, je vous poserai quatre séries de questions, sur les
sujets suivants :
1) Le cadre général de la procédure de
régularisation. Vous avez d'ailleurs déjà répondu
à l'une d'entre elles.
2) Les éléments statistiques de l'opération. Vous avez
déjà répondu à un certain nombre de questions dans
ce cadre et, avec votre accord, nous nous permettrons d'en communiquer
certaines à votre cabinet, qui pourra nous répondre de
façon écrite.
3) La procédure d'instruction des demandes.
4) Les méthodes et moyens de l'administration. Vous avez
également déjà répondu à quelques questions
dans ce cadre.
En ce qui concerne le cadre général, comme vous l'avez
rappelé, douze cas ont été prévus par votre
circulaire. J'aimerais vous poser les questions suivantes concernant le cadre
général de la procédure de régularisation.
1) Dès lors que le Gouvernement a défini les critères de
délivrance des titres de séjour par voie de circulaire, quel peut
être l'intérêt de la définition pour les mêmes
catégories des critères par la voie législative, alors que
la circulaire laisse aux Préfets un pouvoir d'appréciation qui ne
ressort pas de la loi elle-même ?
M. LE MINISTRE
.- J'ai dit que la loi créait des droits, la
circulaire offrant une faculté à l'exécutif. Il est donc
normal que celle-ci ne s'exerce que pour un temps limité, puisqu'il
existait un passif, que j'ai chiffré à environ 150.000 demandeurs
étrangers en situation irrégulière qui étaient
là avant que je prenne mes fonctions.
Ils se sont manifestés, mais il est bon que la loi fixe des
règles aussi lisibles que possible et aussi justes et
équilibrées que souhaitable. Nous nous situons dans deux ordres
différents.
2) La publication de la circulaire et l'annonce qui en a été
faite ne risquent-elles pas d'inciter les étrangers à
l'immigration clandestine, dans l'espoir de bénéficier ensuite
d'une nouvelle régularisation ?
M. LE MINISTRE
.- C'est ce que l'on appelle " l'appel d'air "
dans la presse populaire, mais nous devons en réalité observer,
sur nos frontières en tout cas, une légère pression
supplémentaire, dont l'origine est presque exclusivement l'afflux de
Kurdes d'Irak ou de Turquie, depuis un an.
Pour vous citer un chiffre, nous sommes passés de
4.910 réadmis, notamment en Italie, à 5.500 en 1997. Le
nombre de réadmis, qui est un bon instrument de mesure, a
augmenté de 10 % d'une année sur l'autre, mais ceci ne
couvre pas l'afflux des Kurdes. Aucune pression supplémentaire n'a
été exercée, comme nous pouvons le voir à travers
les statistiques.
Nous voyons par ailleurs que les nationalités concernées ne sont
pas toujours celles auxquelles nous pensons le plus spontanément.
Aujourd'hui, ce sont très souvent les Asiatiques qui font l'objet de
procédures de réadmission, c'est-à-dire de refoulement.
M. LE PRÉSIDENT
.- L'arrivée des Kurdes à la
frontière est-elle liée à la circulaire ?
M. LE MINISTRE
.- En aucune manière. Si elle avait un effet, il
serait extrêmement marginal. On m'a signalé le cas de certains
Chinois venant de pays voisins dans l'espoir de se faire régulariser,
mais il est évident qu'un Chinois habitant la Belgique n'a absolument
pas vocation à être régularisé en France. Il faut
être tout à fait clair sur ce point.
M. BALARELLO
.- Je connais relativement bien le problème kurde. En
effet, je suis maire d'une commune située à la frontière
avec l'Italie, et les Kurdes passent abondamment par les zones
frontière. Je vous ai d'ailleurs interrogé oralement sur cette
question, Monsieur le Ministre.
M. LE MINISTRE
.- L'origine du problème kurde est simple. Il
existe dans le nord de l'Irak un no man's land juridique exposé à
toutes les guerres intestines et pénétrations
étrangères, qui sert de base de repli au PKK et où l'UPK
et le PDK se déchirent. Il est soumis à l'embargo et la vie y est
difficile.
Le sud de la Turquie est le théâtre des événements
que nous connaissons avec le PKK et il existe des filières clandestines
-nous en avons démantelées deux très récemment- qui
acheminent un certain nombre de ces personnes en direction de l'Europe. La
plupart d'entre elles vont d'ailleurs vers l'Allemagne et vers les zones de
peuplement kurde.
En effet, on ignore que certains tropismes géographiques sont
hérités de l'histoire et font que les Kurdes vont là
où il y a des Kurdes, les Turcs là où il y a des Turcs et
les Maghrébins là où il y a des Maghrébins.
3) Est-il exact que des régularisations aient été
accordées notamment à la préfecture de Paris avant la date
limite de dépôt des demandes (1er novembre 1997) ?
Dans votre esprit, l'instruction de ces demandes pourrait-elle commencer avant
le 1er novembre ou seulement après cette date, la circulaire semblant
permettre deux interprétations différentes ?
M. LE MINISTRE
.- Oui, la circulaire permettait des
régularisations avant la fin de la date indiquée pour le
dépôt des demandes.
M. BALARELLO
.- Avouez que la circulaire est sujette à deux
interprétations.
M. LE MINISTRE
.- Je ne le pense pas, car une date limite est
fixée pour les dépôts de demande mais pas pour les
régularisations.
M. BALARELLO
.- Si vous vous penchez sur le texte, vous vous rendrez
compte que notre doute était légitime.
4) Des demandes ont-elles été présentées
après le 1er novembre 1997 et ont-elles été
déclarées recevables ? Si oui, quel est leur nombre ?
Vous avez répondu à cette question.
5) La marge d'appréciation laissée aux préfets est-elle
largement utilisée et n'était-il pas prévisible qu'elle
conduise à des inégalités de traitement selon les
départements, ce qui a été souligné dans la
presse ?
M. LE MINISTRE
.- Une bonne trentaine de fiches ont été
adressées dans les préfectures de façon à unifier
l'application de la circulaire. Par conséquent, à toute une
série de questions pratiques qui nous ont été
posées, des réponses harmonisées ont été
faites sur tout le territoire national. Il faut bien que le jacobinisme serve
à quelque chose.
M. BALARELLO
.- Je pense que M. Galabert vous fera un rapport sur
ces problèmes, si ce n'est déjà fait.
M. LE MINISTRE
.- Comme je vous l'ai indiqué, M. Galabert se
rend tous les quinze jours au ministère de l'intérieur pour faire
le point avec mon Directeur de cabinet. J'ai réuni par ailleurs les
Préfets à plusieurs reprises pour étudier la situation et
leur donner des indications très fermes et très claires sur ce
qu'il convenait de faire dans certains cas difficiles.
6) Quels sont les principaux motifs de refus de régularisation ?
M. LE MINISTRE
.- Quand les personnes ne répondent pas aux
critères.
M. BALARELLO
.- Nous voulons essayer de déterminer très
exactement quelles sont les types de demandes rejetées.
M. LE MINISTRE
.- Soit les personnes n'ont pas de lien de parenté
quand elles se réclament des catégories qui impliquent qu'elles
soient conjoint, enfant ascendant, etc., soit il peut s'agir de
célibataires manifestant une faible insertion en France. S'ils sont
arrivés en 1996, comme cela peut être le cas, ils ont
effectivement peu de chances d'être régularisés.
Il faut être tout à fait clair. La règle est que ces
personnes ne pourront être régularisées
qu'exceptionnellement, pour des durées de séjour
inférieures à sept ans, le critère principal étant
celui de l'intégration et de la bonne insertion dans la
société française.
Je lis souvent qu'il leur est demandé un bulletin de salaire ou une
quittance de loyer, par exemple, mais il s'agit uniquement d'apprécier
ce que nous appelons un faisceau d'indices et de rien d'autre. Elles peuvent
donner d'autres indices indiquant qu'elles sont en France depuis
déjà un certain temps et qu'elles se sont inscrites dans le
paysage français.
Le bulletin de salaire ne sert qu'à titre indicatif. Si elles ne peuvent
pas fournir une preuve de leur présence effective en France et de leur
bonne insertion, elles auront peu de chance de voir leur situation se
régulariser. C'est probablement cette catégorie de personnes qui
fait l'objet du plus grand nombre de rejets.
M. BALARELLO
.- Je crois que cette question est importante et je vais
l'éclairer par celles qui suivent : " Il serait logique que
les étrangers déboutés soient éloignés du
territoire. Dans ce cas, une décision d'éloignement sera-t-elle
systématiquement prise ?
Une solution contraire est-elle envisagée dans certains cas ?
Quelles dispositions concrètes avez-vous prises pour garantir
l'exécution effective des mesures d'éloignement du territoire,
sachant que le Premier Ministre vient d'exclure l'utilisation de ce que l'on a
appelé les " charters " ?
Les dossiers des déboutés seront-ils conservés, pour
quelle durée et pour quelle exploitation ? "
M. LE MINISTRE
.- J'ai déjà répondu à cette
dernière question. J'ai indiqué qu'il s'agissait d'une mission de
recherche de l'IHESI et éventuellement du CNRS, qui travailleraient sur
ces dossiers pour mieux connaître ce qui par définition n'est pas
connu.
S'agissant de votre question précédente, les étrangers
déboutés reçoivent une invitation à quitter le
territoire et il leur est précisé par lettre qu'ils peuvent
bénéficier d'une aide au retour (un billet, la prise en charge
des bagages, une lettre de l'OMI, un entretien et éventuellement une
aide à l'accueil dans le pays d'origine) et, dans certaines conditions,
d'un certain soutien pour leur réinsertion dans leur pays d'origine.
C'est l'objet d'un rapport sur lequel a travaillé M. Sami Nair et
qui a été remis au Premier Ministre, mais il faut le temps que
tout cela se mette en place.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous nous avez dit précédemment
avoir enregistré 15.391 refus, c'est-à-dire que vous avez
engagé 15.391 procédures de notification et pris les dispositions
nécessaires pour que les personnes quittent le territoire. Est-ce bien
cela ?
M. LE MINISTRE
.- Exactement. Une lettre a été
adressée aux intéressés.
M. LE PRÉSIDENT
.- S'agit-il d'une lettre
personnalisée ?
M. LE MINISTRE
.- Oui. Elle est envoyée à l'adresse que les
personnes indiquent. Cependant, je dois préciser que c'est souvent par
le canal de certaines associations, qui jouent un rôle dans la
défense des intérêts des étrangers en situations
irrégulières -qui sont quelquefois présentes dans les
centres de rétention administrative- qu'un certain nombre de demandes
nous parviennent, même si elles sont souvent " limites ",
notamment s'agissant de celles que nous avons reçues dernièrement.
M. LE PRÉSIDENT
.- Les adresses données sont donc celles
des associations.
M. LE MINISTRE
.- Pas toujours, mais souvent. J'ajoute que ces adresses
sont très souvent parfaitement connues. En effet, beaucoup des personnes
qui ont demandé le bénéfice de la circulaire ont
déjà multiplié les démarches
précédemment et nous les connaissons.
M. LE PRÉSIDENT
.- Devons-nous comprendre que, sur ces
15.000 refus, 12 ou 13.000 ne parviennent jamais aux
intéressés puisque vous disposez d'une adresse écran ?
M. LE MINISTRE
.- Nous pouvons penser que les associations transmettent
et avertissent les intéressés.
Nous sommes en présence de 150.000 étrangers en situation
irrégulière qui étaient présents sur notre
territoire avant le 1er juin 1997. Que se passait-il ? Ils étaient
effectivement exposés à être reconduits s'ils
étaient interpellés sur la voie publique. C'est la
réalité, il n'en existe pas d'autres.
M. DEMUYNCK
.- Des instructions ont-elles été
données aux Préfets pour qu'ils signent des arrêtés
de reconduction aux frontières pour les immigrants en situation
irrégulière dont les adresses sont connues ?
M. LE MINISTRE
.- C'est la procédure normale.
M. ALLOUCHE
.- Sur ce point précis, comment penser un seul instant
qu'un étranger qui dépose un dossier de régularisation
fournira une fausse adresse s'il veut recevoir un titre de séjour ?
Il faut bien que celui-ci lui parvienne à une adresse réelle,
donc la suspicion n'a pas de sens dans ce cas.
J'ai eu connaissance la semaine dernière du cas d'une personne
originaire du Sénégal ayant reçu une décision de
refus. Je vous apporterai la lettre pour la prochaine séance. Elle est
invitée à quitter le territoire. La suspicion qui est
portée n'a pas de sens. Si un étranger veut recevoir un titre de
séjour, il est très logique qu'il indique une adresse qui pourra
être utile dans ce cadre.
M. LE PRÉSIDENT
.- Il n'y a suspicion de rien du tout ni de quoi
que ce soit. Nous cherchons aujourd'hui à comprendre ; c'est la
tâche de la Commission. Quand M. le Ministre dit -me semble-t-il
à juste titre- qu'un certain nombre des adresses fournies sont celles
d'associations, il ne s'agit pas de suspicion mais d'un constat.
Nous pouvons penser que les adresses signifiées à
l'administration ne sont pas celles des intéressés mais des
associations. C'est ce que j'appelle une adresse écran.
M. BALARELLO
.- Monsieur le Ministre, si l'aide au retour que vous avez
mise en place ne suffit pas à inciter la personne en situation
irrégulière à repartir, procéderez-vous à
l'expulsion du territoire ?
M. LE MINISTRE
.- Bien évidemment. Il existe des procédures
de reconduite à la frontière. La police des frontières a
pour mission d'assurer les reconduites et l'un des objets du projet de loi -il
sera discuté au Sénat la semaine prochaine- sera d'assurer un
meilleur taux de reconduite que celui observé jusqu'à
présent.
Je rappelle que, pour ce qui concerne les étrangers frappés d'une
interdiction du territoire, la moitié d'entre eux n'ont pas
été reconduits en sortant de prison ; le chiffre dont je
dispose est celui de 1996. S'agissant de ceux qui avaient été
interpellés sur la voie publique, le taux de reconduite effective -je ne
parle pas des notifications par voie postale, leur taux étant
dérisoire- était de l'ordre de 43 %, si mes souvenirs sont
exacts.
Ce taux a augmenté si l'on procède à un décompte
séparément par rapport aux arrêtés
préfectoraux de reconduite à la frontière transmis par
voie postale, qui ne sont exécutés qu'à hauteur de
0,35 %.
M. LE PRÉSIDENT
.- Ce n'est pas la poste qui ne fonctionne pas,
mais les adresses qui sont fausses.
M. LE MINISTRE
.- Ces arrêtés sont considérés
comme n'étant pas exécutoires.
Je voudrais préciser pour M. le Rapporteur que le système
des flux migratoires repose très largement sur l'efficacité des
reconduites, qui elle-même dépend de la bonne volonté des
consulats et des intéressés, du dispositif législatif,
ainsi que d'une meilleure coordination entre les services de la Chancellerie et
ceux du Ministère de l'Intérieur.
Je m'efforce de faire en sorte que cette coordination soit plus efficace
concernant les étrangers frappés d'un certain nombre de peines
d'interdiction du territoire dès lors qu'ils n'ont pas d'attaches
familiales caractérisées en France.
S'agissant des charters, que vous avez évoqués
précédemment, M. Jospin a répondu à une
question qui lui était posée en disant que l'inclinaison du
Gouvernement n'était pas d'utiliser ce procédé, qui a
surtout -il faut le dire- une fonction gesticulatoire.
La France ne doit pas donner d'elle-même une image qui ne serait pas
comprise. L'utilisation de charters à des fins gesticulatoires n'est pas
une bonne chose. Je dirais même que le nombre d'étrangers
reconduits par charter n'a que très rarement dépassé 7
à 8 % de la totalité des personnes concernées.
Nous pouvons faire sans ; j'ai toujours pensé que c'était
préférable. En effet, le fait d'utiliser un charter oblige
à concentrer les effectifs et donne lieu à des pratiques qui ne
sont pas forcément les mieux adaptées.
Certaines méthodes peuvent certainement être perfectionnées
mais doivent être plus humaines. C'est à cela que tend la
politique du Gouvernement. C'est un dispositif qui démarre.
La circulaire concernant l'aide au retour vient d'être publiée il
y a quelques jours, mais il faut aussi penser à d'autres
mécanismes. C'est un domaine dans lequel nous devons faire preuve
d'imagination pour concilier deux éléments : la
maîtrise des flux migratoires et les bonnes relations que nous nous
devons d'entretenir avec les pays qui appartiennent pour la plupart à
l'espace francophone, à l'image que la France donne d'elle-même
à l'extérieur.
Cela fait partie d'une gestion fine. Par conséquent, tout ce qui est
gesticulatoire dans cette politique doit être à mon sens
prohibé. Cela a sans doute été le défaut de la
politique précédente, qui consistait à faire de
l'immigration en tant que telle un mal.
Ce n'est pas l'immigration en tant que telle, mais l'immigration
illégale qui n'est pas acceptable. L'immigration régulière
ou la circulation de personnes qui, par exemple, rendent visite à leur
famille est tout à fait autre chose.
M. CALDAGUES
.- Faut-il comprendre que, sur les 15.391 refus
enregistrés à ce jour, aucune reconduite à la
frontière n'a encore été effectuée ?
M. LE MINISTRE
.- Non. J'avais subordonné les arrêtés
préfectoraux de reconduite à la frontière à la
parution de la circulaire concernant l'aide au retour. Celle-ci est maintenant
en place et le mécanisme que j'ai décrit doit pouvoir
s'exécuter.
M. CALDAGUES
.- Pourrons-nous être informés
régulièrement du nombre de reconduites à la
frontière ?
M. LE MINISTRE
.- Je ne demande pas mieux que de vous informer, mais je
vous ai expliqué précédemment qu'il s'agissait d'une
opération d'une grande complexité, qui se déroule sur six
mois, et que je demandais un effort considérable aux services. Or vous
me demandez de vous dire dès maintenant ce qui se passe, alors que je ne
suis même pas en position de vous donner des chiffres définitifs.
J'ai défini une procédure, des catégories et des
règles. Il faut que les personnes soient reçues personnellement.
De plus, un ajustement constant est fait par voie de circulaire pour que la
même règle s'applique partout sur le territoire. Je ne peux pas en
être à la fin du film alors que nous en sommes tout à fait
au début par définition.
Les préfectures auront terminé le 30 avril, peut-être
à l'exception d'un ou deux départements. Normalement, tout ceci
devrait se réaliser dans les quatre ou cinq mois qui viennent.
M. ALLOUCHE
.- Je conteste la méthode. Vous avez dit
précédemment que le Rapporteur poserait ses questions, que
M. le Ministre répondrait et qu'ensuite chacun aurait la parole. Si
nous commençons à interpeller M. le Ministre sur chaque
point, où allons-nous ?
Laissons le Rapporteur poser ses questions. Ensuite, chacun prendra la parole.
M. LE PRÉSIDENT
.- C'est une observation et non une question.
M. BALARELLO
.- S'agissant des statistiques de l'opération, vous
avez déjà répondu à une série de questions
sur le nombre définitif des demandes. En revanche, vous pourrez nous
faire passer une note concernant le nombre de départements les plus
concernés.
Combien de régularisations et de refus ont été
prononcés à ce jour ?
Vous nous avez également répondu.
A quelle date l'opération sera-t-elle achevée ? S'agira-t-il
du 30 avril ou attendez-vous la promulgation de la nouvelle loi ?
M. Le MINISTRE
.- La nouvelle loi devra donner lieu à des
décrets d'application. Je ne pense pas qu'ils pourront être
publiés en totalité avant le mois d'avril ou mai. La règle
que j'ai fixée à toutes les préfectures est que leur
travail devra être achevé le 30 avril.
Cependant, le chiffre des demandes est considérable, notamment en Seine
Saint-Denis et à Paris. Normalement, tout devrait être
terminé le 30 avril.
M. LE PRÉSIDENT
.- De toutes façons, votre pouvoir
réglementaire peut vous conduire à proroger la circulaire sans
que personne n'y trouve à redire.
M. LE MINISTRE
.- Je pense que la loi sera entrée en vigueur avant.
M. BALARELLO
.- Concernant la répartition des
bénéficiaires par nationalités, départements, etc.,
nous demanderons si vous le permettez à vos collaborateurs de nous
donner les éléments.
Vous avez également répondu à la question sur le suivi
social il y a un instant, mais je voudrais néanmoins vous signaler un
problème. Dans les catégories de bénéficiaires
visées par la circulaire au paragraphe 1.9, il est prévu le cas
de " personnes n'ayant pas le statut de réfugié politique
qui pourraient courir des risques vitaux en cas de retour dans leur pays
d'origine du fait d'autorités tierces par rapport au Gouvernement
légal ".
Vous ajoutez dans le texte, concernant les Algériens qui s'estimeraient
menacés en cas de retour dans leur pays d'origine que : " Les
dossiers seront transmis à la Direction des libertés publiques en
vue d'être soumis à une commission interministérielle avant
toute décision ".
Cette commission interministérielle a-t-elle été mise en
place ?
Je vous signale, Monsieur le ministre -je ne sais pas si vous en avez eu
connaissance car c'est très récent- un jugement du tribunal
administratif de Nice en date du 13 janvier 1998, qui a annulé un
arrêté préfectoral s'agissant de la reconduite d'un
Algérien à la frontière.
Il indique ceci : " Considérant qu'au terme du dernier
alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, un
étranger ne peut être éloigné à destination
d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont
menacées, il ressort des affirmations du requérant, non
contredites utilement par le Préfet, qu'il est originaire de la
région de l'Oued Farez, où il exerce la profession d'agriculteur.
" Cette région est située à proximité du
village de Relizane, où vient de se produire le massacre de 400
personnes.
" Eu égard à ces circonstances, M. Beklefa est
fondé à invoquer le bénéfice des dispositions de
l'article 27 bis précité. Par suite, l'arrêté de
reconduite du 11 janvier 1998 doit être annulé en tant qu'il
désigne implicitement l'Algérie comme pays de destination ".
Une commission interministérielle sera-t-elle mise en place et
quand ?
J'attire votre attention sur le fait que le cas de M. Beklefa peut
être multiplié à l'infini compte tenu des
événements qui ont lieu en Algérie à l'heure
actuelle et qu'il en va de même concernant les Kurdes. Je ne sais comment
nous pourrons régler ce problème, sauf à travers
l'harmonisation européenne prévue par le traité
d'Amsterdam et par les accords du Luxembourg.
M. LE MINISTRE
.- La commission que vous évoquez existe, puisque
l'asile territorial était déjà accordé par les
Gouvernements précédents, M. Pasqua et M. Debré
ayant concédé près de 3.000 titres de séjour
à des Algériens.
Les attendus du tribunal de Nice sont une chose, mais il est intéressant
de tenir compte de ce que sera le texte de la loi que nous allons voter, telle
qu'elle a d'ailleurs été amendée en première
lecture à l'Assemblée Nationale pour que cette notion soit
strictement encadrée et que nous puissions savoir exactement de quoi il
s'agit.
Il faut que ses bénéficiaires fassent la preuve d'une menace
effective. La proximité de Relizane, même si nous avons pu
être extrêmement choqués par ce qui s'est passé,
n'est peut-être pas un argument suffisant. Il faut aussi que
l'intéressé apporte la preuve d'une menace avérée.
Il est par ailleurs indiqué que cette politique doit être conforme
aux intérêts de la France. Je ne sais si nous pouvons attendre
grand-chose d'une règle définie à l'échelle
européenne sous le régime de la codécision à la
majorité qualifiée.
J'ai tendance à penser -comme je vous l'ai indiqué
précédemment- que ceux qui seront admis au bénéfice
de l'asile iront là où se trouvent déjà des
personnes de leur communauté. Les Kurdes ou les Turcs iront en Allemagne
et les Maghrébins en France, tandis que les Indiens ou les
Jamaïquains se rendront en Grande-Bretagne.
M. BALARELLO
.- Dans la mesure où le Gouvernement allemand
acceptera peu ou prou les mêmes critères que nous en
matière de droit d'asile.
M. LE PRÉSIDENT
.- Nous nous trouvons en dehors du cadre de la
circulaire. Il s'agit d'interpréter la loi. Pour l'instant, je suis bien
obligé d'assurer la police des débats. Je tiens compte du fait
que M. le Ministre ne veut pas s'attarder trop longtemps eu égard
à ses charges et je voudrais qu'une ou deux questions brèves
puissent être posées de chaque côté de la Commission.
M. BALARELLO
.- J'en ai terminé. Vous nous avez déjà
répondu concernant M. Galabert, mais nous demanderons de l'entendre
le cas échéant.
Vous nous avez également apporté des réponses partielles
s'agissant des moyens que vous avez mis à la disposition des
préfectures.
Restent les questions suivantes :
De quels moyens l'administration dispose-t-elle pour détecter les
demandes multiples et pour s'assurer qu'un demandeur n'est pas frappé
par une mesure d'interdiction judiciaire du territoire ou encore qu'il n'a pas
bénéficié de l'aide au retour ?
De quels moyens l'administration dispose-t-elle pour vérifier qu'un
étranger n'a pas vu sa demande d'asile rejetée dans un Etat
partie à la Convention de Dublin ?
Un logiciel a-t-il été conçu pour le traitement des
dossiers ?
M. LE MINISTRE
.- Des outils sont d'ores et déjà
disponibles : l'AGDREF, le système d'information Schengen, etc.,
qui permettent de vérifier le cas échéant que
l'intéressé est déjà connu ou qu'il aurait
été traité dans un pays voisin de l'espace Schengen. En
effet, le système d'information Schengen est essentiellement nourri par
l'Allemagne et la France.
M. BALARELLO
.- Qu'en est-il des demandes multiples d'une même
personne dans plusieurs départements ?
M. LE MINISTRE
.- AGDREF est un traitement informatique qui permet de
savoir si le même demandeur s'est manifesté à plusieurs
reprises dans différents départements.
Le nombre de demandeurs d'asile était de 116.000 en Allemagne en 1996
contre 13.700 en France. Il est plus important en Allemagne, même si les
demandes ne sont satisfaites qu'à hauteur de 5 %, les demandeurs
d'asile déboutés posant un problème très complexe
à gérer dans ce pays.
Je vous donne ces deux chiffres car je pense qu'une vision large et
européenne est utile de ce point de vue, pour voir ce qui se passe dans
les différents pays. Connaître d'abord et agir ensuite
répond aux principes de toute politique.
M. BALARELLO
.- J'en ai terminé en ce qui me concerne.
M. ALLOUCHE
.- Je poserai une question lorsque j'aurai exprimé
quelques considérations préalables.
Mes chers collègues et Monsieur le Président, il faut comprendre
le problème évoqué et les raisons pour lesquelles cette
Commission est réunie.
En effet, nous sommes ici en présence d'une commission d'enquête
décidée par le Sénat sur des faits que certains
considèrent comme déterminés, alors que les questions qui
viennent d'être posées par M. le Rapporteur -et que je
respecte- montrent à l'évidence qu'une telle commission est
prématurée.
Si nous avions voulu avoir des précisions sur la façon dont les
choses ont été faites, avec un bilan statistique précis
sur le nombre de dossiers déposés, de réponses positives
accordées et d'éloignements, il aurait fallu attendre au moins le
30 avril pour mettre en place cette Commission d'enquête, afin que le
Sénat puisse travailler à partir de la date de clôture.
Comme M. le Ministre l'a dit, les questions posées mettent en
évidence le caractère électoraliste de l'opération.
M. LE PRÉSIDENT
.- Je vous en prie, épargnez à la
Commission les commentaires politiques. Je ne sais pas si celle-ci a la
capacité d'agir prématurément ou non, mais ce sont les
résultats de ses travaux qui permettront de porter un jugement
définitif sur le thème qui nous occupe. Ayez la gentillesse de
poser une question et de ne pas oblitérer le débat par des
prolégomènes un peu longs.
M. ALLOUCHE
.- Monsieur le Président, vous me permettrez
d'être libre des propos que je veux tenir.
M. LE PRÉSIDENT
.- Oui, mais je suis soucieux de l'organisation
des débats et vous demanderai à cet égard de ne pas priver
vos collègues de la parole ; ce n'est pas démocratique.
M. ALLOUCHE
.- Vous ne m'empêcherez pas de dire ce que j'ai envie
de dire, car les personnes en situation irrégulière dont nous
parlons aujourd'hui sont le résultat d'une situation dans laquelle le
Gouvernement actuel n'est pour rien ; il faut le savoir.
La Commission d'enquête en place aujourd'hui aurait dû se
réunir pour connaître les raisons pour lesquelles le Gouvernement
précédent n'a pas régularisé, comme le Conseil
d'Etat l'y a invité, ceux qui étaient en droit de l'être.
A partir de là, je ne peux taire le côté
électoraliste des choses, car il saute aux yeux que vous voulez
exploiter certains éléments dans le cadre d'une campagne.
Monsieur le Ministre, à partir de quel moment précis
pourrons-nous selon vous avoir un bilan statistique officiel sur le nombre de
dossiers pris en considération et d'acceptations, les conditions de
délivrance de l'ensemble des titres de séjour et celles
d'éloignement des personnes qui ont été invitées
à quitter le territoire ?
M. LE MINISTRE
.- Très franchement, nous ne pourrons le faire que
vraisemblablement dans le courant du mois de mai. J'espère que nous
pourrons avoir une vue d'ensemble du traitement de la question à la fin
de celui-ci.
Je suis un peu inquiet s'agissant de un ou deux départements, qui ont
une charge de travail très lourde. Cependant, plus du tiers du travail a
été fait. En effet, des dossiers n'ayant pas donné lieu
à décision ont déjà été en partie
instruits.
Nous avons adopté un bon rythme et les services travaillent bien. On
incrimine souvent ceux que l'on appelle ironiquement les
" guichetiers ", mais ce sont des employés souvent modestes,
qui font un travail très délicat, qui implique beaucoup
d'humilité, un jugement sûr et une connaissance des textes.
Je serai en mesure de vous donner une vision d'ensemble à la fin du mois
de mai.
M. CAMOIN
.- La question qui se pose est la suivante : va-t-on
recommencer en France à régulariser systématiquement les
179.531 personnes en situation irrégulière ? Votre position
consiste à dire non, mais elle est très habile. En effet, vous
êtes en train de nous dire qu'un tout petit pourcentage des personnes
repartira parce qu'il est en irrégularité manifeste, mais que
vous n'avez en fait aucun pouvoir dans ce cadre.
Combien de personnes non-régularisables retourneront-elles dans leur
pays d'origine sur les 179.531 qui ont été
évoquées ?
Attendons le mois de mai, mais je suis prêt à parier que le
pourcentage sera très faible. La manoeuvre actuelle consiste en fait en
une régularisation pour toutes les situations irrégulières.
M. LE MINISTRE
.- Vous mélangez tout, Monsieur le Sénateur,
excusez-moi. Il ne s'agit pas d'une régularisation globale, comme j'ai
eu assez de difficultés à le faire comprendre. Elle a
été effectuée sur la base de critères
définis par le collège des médiateurs, avant même ma
prise de fonction. Ils ont été revus par la CNCDH et nous les
avons nous-mêmes réexaminés et précisés.
Le chiffre que vous avez indiqué n'est pas le bon. Je vous ai dit que,
compte tenu de tout ce que nous observions, le chiffre réel était
sans doute un peu inférieur à 150.000.
En tout état de cause, je tiens à souligner qu'il s'agit du
passif qui nous a été légué par les
précédents Gouvernements. Il faut bien voir que, au contraire,
l'actuel Gouvernement a le souci et la volonté de clarifier un certain
nombre de situations qui étaient devenues inextricables, inhumaines et
insoutenables, et qui donnaient lieu à des désordres qu'il
fallait calmer.
Nous avons voulu procéder de la manière la plus méthodique
qui soit. C'est une bonne méthode de gouvernement. Ceux qui peuvent
être régularisés au titre des différentes
catégories précisées dans la circulaire, essentiellement
pour des raisons familiales, le seront. Les autres seront invités
à quitter le territoire.
Nous travaillons sur un dispositif visant à rendre ce retour plus
facile, non seulement à travers la loi et les dispositions qu'elle
comporte, pour prolonger par exemple de deux jours la durée de la
rétention administrative. Cette dernière pourra surtout
l'être pour des étrangers faisant obstacle à leur
identification -ce qui est souvent le véritable problème- ou qui
détruisent leurs documents de voyage.
Par ailleurs, un dispositif complet sera mis en place au titre du
co-développement, pour favoriser le retour dans des conditions
humainement acceptables.
Nous ne cherchons pas à faire de la gesticulation sur un sujet aussi
délicat, mettant en jeu autant d'intérêts fondamentaux, qui
sont ceux du pays. Je pense qu'il faut être près des faits,
extrêmement sérieux et écouter les thèses en
présence pour définir des règles justes et
équilibrées.
La République ne peut pas se passer de règles, mais nous pouvons
faire en sorte qu'elles soient plus justes et tiennent davantage compte de
l'intérêt de la nation.
M. CALDAGUES
.- Je voudrais renouveler en la complétant une
question que j'avais commencé à poser. M. le Ministre de
l'Intérieur pourra-t-il, à une cadence que je laisse le soin au
Président et au Rapporteur de déterminer, nous communiquer
régulièrement le nombre de refus (à ce jour 15.391), qui
est sans doute destiné à évoluer et, le nombre de
reçus à chaque pointage, le nombre de notifications revenues avec
la mention " N'habite pas à l'adresse indiquée " et
enfin le nombre de reconduites à la frontière ?
Je ne fais pas de procès d'intention, mais je crois qu'il est
indispensable que nous connaissions ces chiffres pour nous faire une religion
sur le degré d'efficacité de votre dispositif. Notre opinion se
fera peu à peu et nous ferons le point in fine en mai.
M. BALARELLO
.- Nous avons prévu des auditions jusqu'au 30 avril.
M. LE MINISTRE
.- Je publie tous les mois le nombre de refus, de titres
de séjours accordés et de récépissés. Je ne
peux pas vous dire le nombre de personnes qui seront reçues, car je ne
peux pas accabler ma préfecture de demandes de statistiques.
Quant au nombre de reconduites à la frontière, elles sont connues
et publiées. Un rapport est rédigé. Cela correspond
toujours à environ un millier de personnes par mois.
M. CALDAGUES
.- Ce n'est pas la question posée. Nous
désirons connaître le nombre de reconduites et de notifications
revenues avec la mention " N'habite pas à l'adresse
indiquée " par rapport au " stock " de décisions
négatives.
Nous devons savoir ce que sont devenues ces 15.391 personnes (pour le moment),
dès lors que vous n'avez aucune sorte de sûreté
vis-à-vis d'elles. Je ne sais ce qu'il peut arriver. Il y a lieu de
penser qu'un certain nombre d'entre elles vont s'évaporer dans la
nature, selon un processus qui dure depuis des années et que nous
connaissons.
Il serait intéressant de pouvoir mesurer ce déficit. En effet,
nous pourrons nous faire une idée de l'efficacité de votre
dispositif avec des chiffres précis.
M. LE MINISTRE
.- Je pourrai vous donner le nombre exact de demandes
réelles à la fin du mois de mai, puisque nous aurons
automatiquement défalqué de celles-ci ceux qui n'auront pas
répondu ou dont il apparaîtra après relance qu'ils
n'habitent pas à l'adresse indiquée.
Comme je l'ai dit à M. Allouche, je pourrai vous donner une
réponse précise fin avril. Excusez-moi, mais vous me posez des
questions auxquelles je ne peux pas répondre dans l'état actuel
des choses.
Pour le reste, tout est public, y compris les reconduites à la
frontière. Les personnes qui " n'habitent pas à l'adresse
indiquée " aujourd'hui n'y habitaient pas non plus hier. Elles se
trouvaient en situation d'irrégularité avant le 1er juin
1997 ; il faut le rappeler. Vous semblez le découvrir.
M. CALDAGUES
.- Je ne le découvre pas.
M. MAHEAS
.- Tout en faisant miennes les idées défendues
par M. Allouche, je voudrais plutôt aller du côté
positif que du côté obstruction et négation par rapport
à une possibilité de régularisation.
Particulièrement touché effectivement dans le département
de la Seine Saint-Denis par les sans papiers, qui sont en situation dite
irrégulière, je constate -comme vous l'avez dit- qu'un certain
nombre de demandes ne sont pas confirmées pour un grand nombre de
raisons.
Les personnes concernées sont en situation précaire et
peut-être n'ont-elles pas, comme vous et moi, une adresse d'une semaine
à une autre. C'est malheureux, mais c'est ainsi.
Ne serait-il pas possible d'avertir jusqu'au 30 avril les personnes d'une
façon ou d'une autre, par exemple par voie de presse, qu'elles peuvent
toujours s'adresser à la préfecture parce qu'elles ont
changé d'adresse ou que leur situation est très difficile ?
Par ailleurs, plusieurs entretiens sont parfois nécessaires, ce qui pose
des difficultés d'organisation en Seine Saint-Denis, malgré les
moyens supplémentaires importants mis en place dans les
différents secteurs géographiques (pas seulement à la
préfecture) qui ont accueilli ces étrangers.
Est-il possible qu'au cours du premier entretien on en fixe directement un
second ou un troisième si l'on en ressent la
nécessité ?
Je sais ce qui se passe dans nos villes à partir du moment où
l'adresse n'est pas tout à fait exacte : un retour est
effectué systématiquement.
Ce n'est pas étonnant. Nous risquons de nous entendre dire par des
personnes de bonne foi qu'elles n'ont pas reçu de seconde convocation.
Enfin, je me permets de vous faire une suggestion : le ministère
va-t-il réfléchir à la façon dont, dans le cadre
d'une intégration intelligente, une collaboration pourrait exister avec
les communes voulant véritablement intégrer les
étrangers ?
M. LE MINISTRE
.- Rien n'empêche que chaque étranger
demandeur soit reçu plusieurs fois. La seule directive que j'ai
donnée est qu'il le soit au moins une fois, ce qui était loin
d'être le cas auparavant. Il faut cependant tenir compte du fait que la
capacité des services a des limites et que certains dossiers sont
très complexes.
Revenons au problème des adresses, quand les courriers reviennent avec
la mention " N'habite pas à l'adresse indiquée ". C'est
une question dont je demanderai à mes services de se saisir.
Peut-être un contact sera-t-il pris, une deuxième lettre
envoyée ou une enquête menée pour savoir ce qui se passe.
J'ajoute qu'il faut associer tous les ministères à la grande
oeuvre de l'intégration. Vous connaissez la problématique de
l'intégration et savez à quelles difficultés elle se
heurte souvent, non pas qu'elle ne continue pas à fonctionner,
même si c'est moins bien qu'en d'autres périodes de notre
histoire, moins marquées par le chômage et par toute une
série de difficultés sur lesquelles je passe rapidement. C'est un
travail d'ensemble.
Cela passe aussi par la non-discrimination à l'embauche et sur les lieux
de loisirs, ainsi que par la volonté d'intégrer en France de
nouvelles catégories de Français issus de l'immigration. Je pense
notamment aux jeunes qui sont dans nos écoles. Il faut qu'ils aient
ensuite un avenir, ce qui n'est pas toujours évident.
C'est le problème de l'accession à la citoyenneté,
à travers le désir de ces jeunes de devenir Français.
Toute une partie de l'histoire franco-algérienne vient de loin et est
occultée alors que nous gagnerions à y travailler.
Nous serions ainsi fidèles au devoir de mémoire si souvent
invoqué, en essayant d'éclairer ce qu'a été
l'histoire de la France en Algérie et les raisons pour lesquelles un
certain nombre de jeunes se trouvent sur notre territoire aujourd'hui. Cela
permettrait de vaincre bien des réticences et
arrière-pensées.
Ne nous racontons pas d'histoire ! Ce qui est en cause est à la
fois une situation économique et sociale et une volonté
collective de faire vivre la France et de faire des Français, des jeunes
qui ne se sentent plus Algériens et qui souvent ne se sentent pas encore
pleinement Français, la France ne se montrant pas nécessairement
sous un jour assez accueillant à leur égard.
M. LE PRÉSIDENT
.- Monsieur le Ministre, je crois que vous arrivez
à la limite du temps que vos fonctions vous obligent à respecter,
même si nous aurions encore bien des questions à vous poser.
Vous reviendrez si la Commission estime devoir vous entendre à nouveau.
Je ne pense pas que vous ferez obstacle à la nouvelle procédure,
dont nous n'abuserons pas.
M. LE MINISTRE
.- Je suis prêt à répondre à
vos questions par écrit.
M. LE PRÉSIDENT
.- Le débat oral est néanmoins plus
chaud.
Je vais me permettre une brève question : vous avez arrêté
les enregistrements à la date du 1er novembre.
M. LE MINISTRE
.- Au titre de la circulaire.
M. LE PRÉSIDENT
.- Oui. Si vous aviez la volonté de rouvrir
le dispositif et de réenregistrer de nouvelles demandes, n'avez-vous pas
le sentiment, Monsieur le Ministre, qu'elles seraient au moins aussi
nombreuses ?
M. Le MINISTRE
.- Non.
M. LE PRÉSIDENT
.- Pensez-vous que vous ayez épuisé
le flux de ceux qui demandent à être
régularisés ?
M. LE MINISTRE
.- Je ne peux pas exclure le fait qu'un certain nombre de
personnes se sachant en situation irrégulière et non susceptibles
d'être régularisées ne se soient pas manifestées.
Quel est le nombre d'étrangers en situation irrégulière en
France ? Les estimations varient. J'ai vu mentionner le chiffre de
200.000. Le rapport Philibert Sauvaigo en a cité 800.000, mais je n'ai
aucun chiffre me permettant de croire que ce soit exact et je ne le pense pas.
En revanche, je pense qu'il existe une très forte concentration
d'étrangers en situation irrégulière en région
parisienne. Quelques autres départements sont touchés, notamment
les Bouches du Rhône, les Alpes-Maritimes ou le Nord, mais certains ne
font l'objet de presqu'aucune demande.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous avez drainé profondément une
sorte de dispositif de clandestinité en prenant cette mesure. Vous
êtes allé loin.
M. LE MINISTRE
.- Je le pense. Cependant, prenons l'exemple des Kurdes.
5.500 d'entre eux ont été arrêtés à la
frontière franco-italienne et réadmis en Italie, mais il en passe
certainement. En effet, quelques centaines ont fait l'objet de contrôles
sur la ligne de chemin de fer Vintimille-Strasbourg via Nice. Des
étrangers se trouvent toujours en situation irrégulière,
mais ils ne sont souvent qu'en transit.
De même, des Tziganes d'origine tchèque se sont retrouvés
près de la Grande-Bretagne et ont été refoulés par
les Britanniques. Nous sommes exposés à la
pénétration de Roumains. Un millier d'entre eux s'était
récemment installé dans la région de Lyon. C'est un
travail difficile et ingrat.
Cependant, tous ces éléments procèdent des
déséquilibres du monde, qui sont économiques, politiques
et démographiques. Je vous montrerai les projections
démographiques de l'ONU à l'horizon 2040.
Il faut maintenir un équilibre, qu'on le veuille ou non. Il faut
proportionner les admissions au séjour à notre capacité
d'intégration et aux intérêts bien compris du pays, sans
oublier que les entrées sont une chose et les admissions une autre.
En effet, beaucoup de personnes mélangent tout et ne distinguent pas le
droit de l'entrée, du séjour et de la nationalité. Ce sont
des éléments tout à fait distincts et trois droits
très différents.
Nous devons être très libéraux s'agissant du droit
d'entrée car nous en avons besoin. Ce serait la faillite pour les
Alpes-Maritimes, par exemple, si les touristes ne venaient plus. C'est
l'évidence. Nous vivons des échanges internationaux. Des
centaines de milliards de francs sont en jeu.
Concernant le droit du séjour, il faut être stricts sans
être inhumains. Quant au droit de la nationalité, il faut avoir
des principes ; c'est ce à quoi s'efforce le Gouvernement.
M. LE PRÉSIDENT
.- Le droit du séjour implique en
réciproque le droit au retour, c'est-à-dire à la
reconduite ou à l'expulsion.
M. LE MINISTRE
.- Quand il s'agit d'un séjour irrégulier.
M. LE PRÉSIDENT
.- A partir du moment où vous autorisez le
séjour, cela signifie que vous l'interdisez à d'autres.
M. LE MINISTRE
.- La distinction fondamentale est entre ceux qui
respectent les règles et ceux qui ne le font pas. L'essentiel est de se
rappeler que la République en implique quelques-unes. Notre effort
collectif consiste à les rendre plus justes, plus
équilibrées et plus conformes à l'intérêt du
pays. C'est la raison pour laquelle un Parlement existe.
M. BALARELLO
.- Monsieur le Ministre, avec l'accord de la Commission, je
vous ferai parvenir plusieurs questions.
M. LE PRÉSIDENT
.- Monsieur le Ministre, je vais vous raccompagner
si vous le permettez.
Chers collègues, je vous demande de rester un instant à votre
place. Nous allons vous communiquer le programme et l'organisation des
séances futures, ainsi que le nom des personnes que nous entendrons.
(M. le ministre quitte la séance).
M. LE PRÉSIDENT
.- M. le Rapporteur va vous donner quelques dates
pour des auditions complémentaires échelonnées dans les
mois qui suivent. Nous vous enverrons des confirmations à mesure qu'il
sera nécessaire de vous convoquer.
M. BALARELLO
.- Si nous parvenons à obtenir le plus large
consensus, nous pourrions pratiquer de la façon suivante : les
déplacements en province pourraient avoir lieu le lundi ou le vendredi
et les auditions et réunions de la Commission se dérouleraient en
principe le jeudi matin.
En ce qui concerne les déplacements (à titre indicatif), nous
pourrions nous rendre dans la semaine du 2 février à Paris et
Bobigny.
Nous pourrions également auditionner le 5 février
M. Delarue, Directeur des libertés publiques au Ministère de
l'Intérieur, ainsi que M. Galabert, Chargé de mission sur le
suivi des régularisations.
Les dates retenues par ailleurs pour février pourraient être les
suivantes : Lyon et Marseille le 9, auditions de Préfets le 12,
déplacements à Colmar et Lille durant la semaine du 23, avec le
26 l'audition de trois chefs de services départementaux des
étrangers.
Mars : déplacement à Nice dans la semaine du 2, audition de
quatre chefs de services départementaux des étrangers le 5.
Avril : réunion de la Commission d'enquête le 2, audition sur
l'aspect social des régularisations le 9, audition de M. Galabert
le 23 -pour faire le point en fin d'opération puisque nous l'aurons
déjà auditionné- ainsi que de M. Delarue,
réunion de la Commission d'enquête le 30.
Toutes ces dates peuvent évoluer.
M. LE PRÉSIDENT
.- Vous recevrez le
"calendrier prévisionnel ". Nous pourrions prévoir une
nouvelle audition du ministre en fin de parcours, quand nous tirerons des
résultats de tous ces éléments, afin que la Commission
connaisse le reflet de la plus exacte vérité.
Je pense que chaque déplacement pourrait être organisé afin
que quatre collègues différents y participent à chaque
fois, en faisant en sorte que ceux qui ont une préférence pour se
rendre à un endroit puissent avoir satisfaction.
Le Rapporteur se rendra bien entendu partout, ce qui ne sera pas
forcément mon cas. En comptant quatre places par déplacement, je
pense que nous pourrons satisfaire la curiosité légitime de
chacun. Trois collègues se déplaceront donc à chaque fois,
plus le Rapporteur. Ceci appelle-t-il des observations de votre part,
étant entendu que ces éléments recevront
confirmation ?
Mme POURTAUD
.- Quatre personnes plus le Rapporteur serait
préférable.
M. LE PRÉSIDENT
.- Nous étudierons les demandes.
Dans une préfecture, nous visiterons notamment le service des
étrangers. C'est la règle absolue des Commissions
d'enquête, dont les pouvoirs sont larges puisqu'elles statuent
également sur pièces et sur place.
M. BALARELLO
.- Nous avons choisi les préfectures sensibles,
où un certain nombre de demandes ont été
déposées.
M. DEMUYNCK
.- La présence du ministre aujourd'hui a
été, pour des raisons que nous comprenons, de courte
durée. Or, vous avez proposé précédemment que nous
le verrions à la fin du processus d'enquête de la commission.
J'aurais souhaité si c'était possible que nous revoyions le
ministre plus tôt. J'avais de nombreuses questions à poser qui
n'ont pas obtenu de réponse et j'aurais aimé qu'il s'exprime sur
certains sujets. Ne pourrions-nous donc pas envisager une autre rencontre avec
lui ?
M. LE PRÉSIDENT
.- J'ai dit qu'une autre rencontre serait
organisée avec le ministre, mais je la situais plutôt vers la fin
de la mission. En effet, nous disposons de six mois, dont deux pour la
rédaction du rapport et son approbation. Nous avons grosso modo quatre
mois d'opérations sur le terrain et d'auditions diverses.
Je pensais effectivement qu'il fallait entendre le ministre une seconde fois,
mais plutôt en aval, après que nous ayons vu les situations dans
les préfectures, car nous aurons de meilleures questions à poser,
sans doute plus précises, après être allés in situ.
Cependant, il est bien entendu, comme le ministre vient de nous le confirmer
à l'instant, qu'il est à notre disposition pour une
deuxième rencontre vers la deuxième partie de la mission. Vos
questions se seront alors sans doute affinées avec pertinence, dans la
mesure où vous vous serez rendus dans une ou deux préfectures
pour constater la situation sur place.
M. BALARELLO
.- Certaines des questions ne pourraient-elles pas
être posées par écrit, puisque nous allons faire parvenir
un questionnaire au ministre et à ces services ?
M. DEMUYNCK
.- J'ai déjà posé au ministre plusieurs
questions qui n'ont jamais obtenu de réponse. Je souhaiterais donc que
cela se fasse plutôt en séance.
M. BALARELLO
.- C'est vous qui décidez.
M. LE PRÉSIDENT
.- Y a-t-il des objections ?