B. L'AGGRAVATION DES SITUATIONS D'EXCLUSION

Au-delà de la question du seuil de pauvreté, l'analyse de l'exclusion doit se lire à travers l'évolution de ses composantes et l'histoire des parcours individuels des personnes.

1. L'analyse en seuil de pauvreté montre que l'exclusion ne recule pas de 1984 à 1994

L'analyse de la pauvreté peut se lire à travers le niveau des ressources des personnes. De ce point de vue, les statisticiens considèrent comme pauvres les ménages dont le revenu par mois et par unité de consommation est inférieur à la moitié du revenu médian des Français, c'est-à-dire, en 1994, 3.763 francs pour une personne seule, 6.800 francs pour un couple avec un enfant et 7.900 francs pour un couple avec deux enfants.

Les données les plus récentes font état de 5,5 millions de personnes pauvres, dont 1,1 million d'enfants, vivant au sein de 2,4 millions de ménages 1 ( * ) .

Cela représente environ 10 % de la population. Ce taux était approximativement le même en 1984 mais cette stabilité est paradoxale puisque, dans le même temps, le revenu national a, lui, augmenté d'environ 33 % et que les aides publiques versées au titre de la solidarité nationale ont également augmenté.

L'INSEE note que si l'introduction du RMI en 1989 avait contribué à « contenir » la pauvreté, ses allocataires vivent en-dessous du seuil de pauvreté (à environ 75 %), tout comme les bénéficiaires de l'ASS et de l'allocation d'insertion. La pauvreté a, en proportion, reculé chez les retraités (14 % étaient pauvres en 1984 contre seulement 7 % en 1994), mais elle a gagné des tranches d'âge plus jeunes et s'est accrue parmi les chômeurs dont le taux de pauvreté est passé de 32 % à 39 %, et les salariés dotés d'emplois peu stables.

Par ailleurs, l'INSEE souligne que la forte aggravation de la pauvreté ne résulte pas seulement de l'augmentation du nombre de chômeurs mais aussi de la montée du chômage de longue durée, de l'arrivée de chômeurs en fin de droits, de l'instabilité de l'emploi des jeunes dont la durée de cotisation est insuffisante et des réformes ayant durci les conditions d'accès à l'assurance chômage.

L'Institut observe que le nombre de chômeurs de plus de 25 ans a été multiplié par 1,6 entre 1984 et 1994 et que le chômage s'est diffusé aux âges où l'on assume la charge financière d'une famille, alors qu'il était concentré hier sur des jeunes habitant souvent chez leurs parents.

Le nombre de chômeurs « pauvres » est passé de 255.000 en 1984 à 519.000 en 1994.

Enfin, l'INSEE constate que le développement de nouvelles formes d'emplois peu stables (contrats à durée déterminée, contrats d'intérim, contrats aidés, stages) a entraîné de nouvelles formes de pauvreté dans la mesure où il est de plus en plus fréquent que le chef du ménage n'occupe que des emplois instables ou à temps partiel et ne parvienne pas à gagner en douze mois un salaire suffisant pour dépasser le seuil de pauvreté.

L'analyse en termes de seuil de pauvreté doit être maniée avec précaution car le revenu monétaire ne rend pas toujours compte du niveau de vie d'un ménage dans la mesure où il ignore le patrimoine, l'importance de la solidarité familiale ainsi que d'autres éléments qualitatifs comme la production domestique ou le réseau relationnel.

Comme l'ont montré les travaux de Mme de Gaulle-Anthonioz au Conseil économique et social, il importe d'examiner comment évoluent les facteurs de l'exclusion tels que la perte d'un emploi, la dislocation de la famille, l'absence de formation, l'échec scolaire, l'illettrisme.

* 1 Revue « Economie et Statistiques » (n° 308-309-310/1997) - Mesurer la pauvreté aujourd'hui - INSEE.

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