2. La mainmise croissante de l'Etat sur la gestion des fonds d'aide aux jeunes et des fonds de solidarité logement
Sous prétexte d'améliorer la garantie des droits des plus démunis, et d'uniformiser les dispositifs d'aide sur le territoire, l'Etat renforce son emprise sur des mécanismes départementaux dont la gestion était jusqu'ici largement décentralisée.
Deux dispositifs qui sont aujourd'hui cofinancés à parité par l'Etat et par le département et qui sont gérés, de manière conjointe, avec une souplesse qui permet une adaptation aux circonstances locales, font l'objet d'une sorte de « mobilisation » par l'Etat.
Il s'agit en premier lieu des fonds d'aide aux jeunes créé par la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 relative au RMI et destinés à accorder des aides financières directes aux jeunes de 18 à 25 ans en difficulté ainsi qu'à assurer des mesures d'accompagnement. Dans le cadre du programme TRACE, le Gouvernement a prévu un abondement à hauteur de 30 millions de francs en 1998, 120 millions de francs en 1999 et 180 millions de francs en l'an 2000, soit 330 millions de francs en montant cumulé de 1998 à 2000.
Ce montant devra être suivi à parité par les départements. L'objectif est d'assurer le versement d'une rémunération aux jeunes en difficulté financière, entrés dans le programme TRACE, lorsqu'ils ne seront pas dans le cadre d'un contrat aidé ou d'une formation rémunérée.
Un amendement introduit par l'Assemblée nationale transforme ce qui était une faculté laissée à l'appréciation conjointe du président du conseil général et du préfet, gestionnaires du FSL en un véritable « droit » pour les jeunes concernés, au risque d'une dérive vers le RMI jeunes. Le texte du projet de loi indiquait clairement que les jeunes en difficulté financière « bénéficient » -et non pas « peuvent bénéficier »- du FAJ.
Concernant les fonds de solidarité pour le logement ( art. 22 ), le projet de loi initial a sensiblement précisé leurs modalités de fonctionnement : obligation de définir les conditions d'intervention dans le plan départemental, de motiver sur demande les cas de refus d'attribution d'une aide, et de mieux définir les catégories de personnes prioritaires dans le plan départemental d'action pour les personnes défavorisées.
L'Assemblée nationale a encore durci le dispositif en prévoyant que les règles de fonctionnement, les conditions de recevabilité des dossiers, les formes et modalités d'intervention des FSL seraient prévues dans un décret au niveau national : les départements n'auraient donc plus aucune marge de manoeuvre dans la gestion du dispositif et l'on peut s'interroger sur la constitutionnalité de cette disposition au regard de l'obligation de financement paritaire imposé au département, qui suppose tout de même le respect des choix exprimés par celui-ci dans la gestion du dispositif.
A terme, l'Etat sera bien obligé de tirer les conséquences de ces choix : si l'objectif est d'assurer à tous un traitement uniforme, soit pour assurer un complément de revenu minimal aux jeunes de 16 à 25 ans, soit pour faciliter l'accès ou le maintien dans un logement des personnes exclues du logement, la seule solution sera de créer de nouvelles prestations financées sur le budget de l'Etat à cet effet.
Les départements ne peuvent avoir vocation à financer des dispositifs dont ils ne maîtrisent aucunement la gestion décidée par décret, alors qu'ils assument devant leurs électeurs les conséquences du financement de ces mesures nouvelles.