CHAPITRE V
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DROIT À L'ÉGALITÉ
DES CHANCES PAR L'ÉDUCATION ET LA CULTURE
Art. 74
Accès à la culture, au sport,
aux vacances et aux loisirs
Cet article qui se présente comme une déclaration de principe dispose, dans son premier alinéa, que « l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national ».
Or, ces principes sont déjà inclus dans le bloc de constitutionnalité. Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1958 avait déjà proclamé comme « principes particulièrement nécessaires à notre temps » le principe d'égal accès à la culture et la garantie pour tous du repos et des loisirs.
On peut donc s'interroger sur l'utilité de reprendre dans la loi des principes à valeur constitutionnelle.
Certes, le Conseil d'Etat considère, dans sa jurisprudence, que ces principes restent des principes généraux insuffisamment précis pour être directement applicables ou invocables par le justiciable. Or, la formulation législative proposée par le Gouvernement ne les rend ni directement applicables, ni invocables par le justiciable.
On peut aussi se demander quel est le contenu juridique précis de la notion d'« objectif national », notion qui reste distincte de celle d'« objectif à valeur constitutionnelle » définie par le Conseil Constitutionnel.
Le second alinéa dresse la liste des partenaires associés à la réalisation de cet « objectif national » : l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de protection sociale, les entreprises et les associations.
Cet alinéa recense en réalité les partenaires que le Gouvernement souhaite impliquer dans son programme d'action pour l'accès à la culture, aux sports et au tourisme.
Le programme d'action défini par le Gouvernement lors du Conseil des ministres du 4 mars 1998, qui ne nécessite pas de dispositions de nature législative, aborde trois domaines :
• L'accès à la culture
Il devra être favorisé par la mise en place de programmes d'action concertés pour l'accès aux pratiques artistiques et culturelles. Ces programmes, qui pourront faire l'objet de contrats d'objectifs, seront négociés au niveau local entre les services de l'Etat, les collectivités locales et les associations de solidarité.
Les cahiers des charges des établissements culturels financés par l'Etat devront également inclure, au titre de leurs missions, l'obligation d'agir contre les exclusions.
Le Gouvernement envisage enfin la création de « médiateurs culturels », sur le modèle des « médiateurs du livre » expérimentés par les associations en faveur de l'accès à la lecture et à l'écriture des personnes en voie d'exclusion.
• L'accès aux sports
En cette matière, le Gouvernement propose de relancer les « tickets sport » qui permettent aux jeunes de s'initier aux différentes pratiques sportives et de créer les « coupons sport » qui instituent une aide financière aux familles les plus modestes afin de réduire les coûts d'adhésion aux associations sportives.
• L'accès aux loisirs
Le Gouvernement envisage la création d'une « bourse solidarité-vacances » destinée à mettre en commun les moyens disponibles pour permettre aux familles les plus en difficulté de partir en vacances.
Ce programme d'action est évalué, selon les chiffres fournis par le Gouvernement le 4 mars 1998, à 375 millions de francs cumulés entre 1998 et 2000 : 95 millions de francs ou 125 millions de francs selon les sources au titre de la culture, 266 au titre des sports, 14 au titre des loisirs.
Or, il est à craindre que ce programme, qui repose largement sur l'implication des acteurs locaux, ne se traduise par un transfert de charges sur les collectivités locales.
Ce risque n'est cependant pas directement lié aux dispositions du présent article.
L'Assemblée nationale, lors de l'examen du texte en première lecture, a sensiblement modifié le texte proposé par le Gouvernement en adoptant trois amendements présentés par M. Jean Le Garrec, rapporteur de la commission spéciale . Le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée.
Le premier amendement précise que l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs « permet de garantir l'exercice effectif de la citoyenneté ».
Le second amendement définit les conditions concrètes de réalisation de cet objectif : « développement de la formation dans le secteur de l'animation et des activités périscolaires », « organisation d'activités sportives hors du temps scolaire », « sensibilisation des jeunes qui fréquentent les structures de vacances et de loisirs collectifs aux questions de société », « développement des hébergements touristiques à caractère social et familial », « organisation du départ en vacances des personnes rencontrant des difficultés pour bénéficier de ce droit ». Il vise à inscrire dans la loi les lignes directrices du programme d'action défini par le Gouvernement lors du Conseil des ministres du 4 mars 1998.
Le dernier amendement prévoit la mise en oeuvre de programmes d'action concertés pour favoriser l'accès de tous aux pratiques artistiques et culturelles. Cet amendement se réfère également au programme d'action du Gouvernement.
Votre commission souhaite vous proposer deux amendements à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Elle estime tout d'abord excessive la formulation retenue par l'Assemblée nationale dans son premier amendement sur cet article. Si l'accès de tous à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs, constitue effectivement une condition nécessaire à l'insertion sociale, il ne peut garantir, en lui-même, « l'exercice effectif de la citoyenneté ». Le projet de loi comporte d'ailleurs un chapitre consacré spécifiquement à « l'exercice de la citoyenneté » qui traite principalement du droit de vote, lequel ne saurait être mis sur le même plan que l'accès aux loisirs. Votre commission propose donc de supprimer la deuxième phrase du premier alinéa de cet article.
Elle constate également que le deuxième amendement adopté à l'Assemblée nationale introduit un glissement sémantique qui déséquilibre la cohérence de cet article. Dans le premier alinéa de cet article, l'accès à la culture et aux loisirs est présenté comme un « objectif national » . Or, la dernière phrase du second alinéa transforme cet objectif en un « droit » , en l'espèce « le droit au départ en vacances ». Votre commission vous propose donc une nouvelle rédaction de cette phrase pour redonner une cohérence à l'ensemble du présent article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.