LES PROPOSITIONS DETAILLÉES
DE LA COMMISSION
D'ENQUÊTE
REDONNER UNE PRIORITÉ À LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE
1-1 Cibler les actions sectorielles les plus efficaces
Dans l'industrie
, il faut encourager la mise en oeuvre des prises de
décisions, notamment par le biais d'expertises et d'incitations fiscales.
Dans l'habitat
, il convient :
- d'optimiser la consommation d'énergie dans les logements
(amélioration des performances techniques, travaux d'isolation,
séparation des différents types de consommation, ...) ;
- de rendre obligatoires certaines normes d'efficacité
énergétique, plutôt que d'imposer une performance globale
minimale, en laissant au maître d'ouvrage le choix des moyens ;
- de contrôler le respect de la réglementation
thermique.
Dans le secteur tertiaire
, votre commission d'enquête
propose :
- d'harmoniser les exigences sur celles des logements individuels ;
- de faire des bâtiments publics des exemples ;
- d'introduire, dans les règles applicables aux
marchés publics, l'obligation de retenir l'offre dont le coût
global (investissement + exploitation) est le plus faible ;
- de s'assurer du respect de la réglementation.
Dans le secteur des transports
:
- de promouvoir des véhicules et des modes de transport
économes en énergie ;
- d'améliorer les conditions d'utilisation des
véhicules ;
- d'encourager les carburants alternatifs ;
- de rétablir les conditions d'une concurrence équitable
en mettant à la charge des usagers des transports les
" externalités " (en termes d'impact sur l'environnement, par
exemple) ;
- d'intégrer le facteur énergétique dans la
décision publique, notamment quand elle a trait à l'urbanisation.
1-2
Encourager les citoyens à participer à
la politique d'économies d'énergie
, au travers d'une
amélioration des actions d'information, de conseil et d'incitation.
1-3 Conforter les missions de maîtrise de l'énergie de
l'ADEME et assurer la pérennité de ses moyens.
Ceci implique que la maîtrise de l'énergie redevienne le coeur
des activités de l'ADEME, et que lui soient donnés les moyens
correspondants.
DÉVELOPPER LA DIVERSIFICATION DES ÉNERGIES EN METTANT EN
OEUVRE DES TECHNOLOGIES JUSQU'ICI TROP NÉGLIGÉES
2-1
Développer la cogénération
" utile "
Ceci devrait se faire, en particulier, par la trigénération
(association de la cogénération et de la production de froid) et
le recours à des sources d'énergies de récupération
(déchets urbains, résidus pétroliers).
En revanche, il conviendrait de supprimer l'obligation d'achat par EDF de
l'électricité produite par des installations rentables.
2-2
Encourager les technologies favorisant l'utilisation
propre du charbon
(charbon pulvérisé avec traitement des
fumées, filière du lit fluidisé circulant,
gazéification) etc..
SOUTENIR NOTRE INDUSTRIE PÉTROLIÈRE
- il est nécessaire de prendre les mesures fiscales
nécessaires au maintien d'une
industrie du raffinage
compétitive
;
- et d'aller vers
un alignement des taxes applicables au gazole et
aux supercarburants.
DÉVELOPPER NOTRE SAVOIR-FAIRE EN MATIÈRE D'ÉNERGIES
RENOUVELABLES
Les énergies renouvelables méritent d'être
encouragées
sous certaines conditions, comme énergie
d'appoint ou dans le cadre de projets décentralisés auxquels les
collectivités locales doivent être si possible associées,
même si
elles ne
représentent qu'une part
limitée de notre bilan énergétique.
4-1
Recourir aux énergies renouvelables, soit en
exploitant les niches de rentabilité, soit en développant des
technologies susceptibles d'être compétitives à
terme
- pour l'énergie
éolienne :
cibler
précisément le marché potentiel, à savoir petites
éoliennes pour des sites éloignés du réseau, petits
réseaux collectifs en cas d'insularité et technologies à
valoriser à l'export ;
- pour l'énergie
solaire :
développer la
filière photovoltaïque pour électrifier des sites
isolés et exporter notre savoir-faire ;
- poursuivre le développement de la "
petite
"
hydraulique
;
- encourager la production de
biomasse :
réactiver le
plan
énergie-bois
et créer des filières
structurées d'approvisionnement en bois ; au travers du
biogaz
,
valoriser nos 3 millions de tonnes de déchets
agro-alimentaires ;
- pour les
biocarburants :
continuer à favoriser leur
production; soutenir la recherche en vue d'améliorer leur
compétitivité ; publier les décrets d'application des
dispositions de la loi sur l'air et sur l'utilisation rationnelle de
l'énergie du 30 décembre 1996.
4-2
Mettre en place des financements adaptés
- il s'agit d'organiser la coopération entre les promoteurs
d'énergies renouvelables et le Fonds d'amortissement des charges
d'électrification (FACE) ;
- si des subventions à l'investissement et l'obligation d'achat
par EDF de l'électricité ainsi produite sont nécessaires
en phase de lancement d'une technologie, elles doivent être suspendues
dès lors que celle-ci atteint maturité et rentabilité.
CONSOLIDER NOS ACQUIS DANS LE NUCLÉAIRE POUR ASSURER L'AVENIR
5-1 Dépassionner le débat sur le nucléaire en
améliorant l'information
-
mieux informer
les Français sur l'ensemble des risques
et incidents concernant les diverses sources d'énergie ainsi que les
autres industries, chimiques notamment ;
-
créer un organisme
chargé de recueillir les
données contradictoires
en ce domaine et de remettre chaque
année un
rapport public
au Gouvernement et au Parlement.
5-2 Améliorer la transparence du secteur et la
crédibilité de la sûreté :
- organiser
un contrôle de sûreté et de
radioprotection moins " éclaté "
entre
différents organismes
et plus indépendant
;
- réexaminer la
sûreté sur l'ensemble de la
filière et en particulier sur la chaîne du transport
de
combustibles usés ;
-
étendre
le champ d'application de
l'échelle
internationale des événements nucléaires
(échelle INES, qui va de 1 à 7)
au transport
des
matières radioactives.
5-3
Développer la coopération internationale
en
matière de sûreté et de recherche
5-4
Améliorer la gestion de l'aval du cycle
Il est nécessaire de
poursuivre
conjointement
les
recherches
concernant les trois axes définis par la loi du
30 décembre 1991, car ils sont
complémentaires
.
Il convient de
conforter le choix du
retraitement
des
combustibles usés, qui permet de diviser par quatre le volume des
déchets ultimes à stocker et par dix leur
radiotoxicité ;
En ce qui concerne la
fermeture
de
Superphénix : revenir sur cette grave erreur
qui a pour
conséquences de :
- dilapider un savoir-faire considérable et des moyens
techniques nécessaires pour garantir l'avenir de la filière des
neutrons rapides ;
- se priver d'un outil de recherche de taille industrielle sur la
transmutation des déchets hautement radioactifs et à vie longue.
Ce réacteur apparaît indispensable car
Phénix et
Superphénix sont complémentaires et non substituables
; en
outre, rien ne garantit aujourd'hui que Phénix, même
" relifté " sera autorisé par les autorités de
sûreté à mener l'ensemble des programmes de recherche que
le Gouvernement souhaite lui voir mener.
A tout le moins, organisons un
débat
,
suivi d'un vote
,
au sein des assemblées parlementaires.
En tout état de cause, le Gouvernement doit rapidement
autoriser l'implantation et l'exploitation d'au moins
deux laboratoires
souterrains
, afin que soient poursuivies les recherches sur le stockage des
déchets ultimes en zone géologique profonde, en s'attachant
à maintenir ouverte l'option de la
réversibilité
;
Il faut poursuivre parallèlement les recherches concernant
l'entreposage
de longue durée en surface.
5-5
Préparer le nucléaire du futur :
- construire au plus tôt un prototype du
réacteur
franco-allemand
EPR
(European Pressurized Reactor) et proposer un site
pour l'accueillir ;
- lancer un démonstrateur expérimental permettant de
valider la technologie des
réacteurs
hybrides
;
- poursuivre activement les programmes de recherche, engagés dans
le cadre européen, dans le domaine de la
fusion nucléaire
.
TRANSPOSONS AVEC LUCIDITÉ ET RÉALISME LES DIRECTIVES
EUROPÉENNES " ÉLECTRICITÉ " ET " GAZ
NATUREL " EN DROIT FRANÇAIS
6-1
Il appartient aux pouvoirs publics de
définir :
-
les missions de service public
, celles qui relèvent du
service public de l'électricité
stricto sensu
devant
être financées par le monopole, les obligations résultant
d'autres politiques publiques relevant d'un fonds alimenté par
l'ensemble des consommateurs ;
-
les critères d'éligibilité
, les
régies
municipales de distribution d'électricité
devant être éligibles - c'est-à-dire pouvoir choisir leur
fournisseur - sans pour autant que cela n'entraîne d'augmentation du
seuil d'ouverture du marché à la concurrence ;
-
la politique énergétique
, par le biais d'une
loi d'orientation énergétique quinquennale,
en fixant les
objectifs et les moyens en termes d'organisation et de fonctionnement du
secteur, ceci dans le cadre d'une planification à long terme.
Il convient cependant de distinguer clairement les différentes
missions de l'Etat (autorité de tutelle et actionnaire).
6-2
Il appartient à une autorité
administrative indépendante des opérateurs et de l'administration
d'assurer la régulation technique et le contrôle du respect des
règles du jeu
sur le mode de l'autorité de
régulation des télécommunications (ART) :
- cette autorité devra être
commune
à
l'électricité et au gaz ;
- elle devra
rendre compte de ses activités
chaque
année
devant le Parlement
;
- ses activités devront être
coordonnées
avec
l'action des pouvoirs publics et du Conseil de la concurrence ;
- il devra pouvoir être fait
appel de ses décisions
devant les juridictions de droit commun.
6-3
La concurrence doit s'exercer dans des conditions
équitables et transparentes
Pour l'organisation de la production, appliquer la procédure
de l'autorisation
pour le lancement de nouveaux moyens de production,
à
l'ensemble des opérateurs
, y compris EDF, et
recourir à la procédure d'appel d'offres en cas de carence de
l'initiative des producteurs (pour développer les énergies
renouvelables, par exemple).
Pour garantir la transparence :
- il importe de garantir l'absence de subvention croisée entre
clients " captifs " et clients " éligibles " ;
- les tarifs appliqués à l'accès au réseau de
transport pour les clients éligibles devront être
régulés, transparents et publics ;
- EDF - dont le caractère intégré ne devra pas
être remis en cause - devra cependant opérer une
séparation comptable de ses différentes activités, dont
les résultats devront être incontestables.
Pour donner à EDF toutes les chances de réussir dans
une compétition loyale :
- il convient de
lever l'obligation d'achat
par EDF dans les
conditions précisées ci-dessus ;
- les règles concernant les "
coûts
échoués
" doivent être cohérentes avec
celles retenues par les autres pays voisins ;
- il apparaît nécessaire d'
élargir le principe
de spécialité d'EDF
de façon à lui permettre de
proposer une offre multiservices, à l'instar de ses concurrents, en
imposant cependant à l'opérateur public de respecter le tissu
industriel existant et d'associer les PMI au développement de ses
nouvelles activités.
6-4
Mettre EDF " sous tension "
- l
e caractère public d'EDF ne saurait être remis en
cause
, pour des motifs tant d'indépendance énergétique
que de sûreté nucléaire ;
- il faut toutefois revoir les modes de gestion et de contrôle de
l'établissement public et le faire
entrer dans une logique de
gouvernement d'entreprise
;
- on pourrait aussi
envisager sa transformation en
société anonyme à capitaux publics
, ce qui aurait pour
triple avantage de faciliter la création de filiales, les alliances
industrielles et l'association des personnels à ses projets.
6-5
Chercher les moyens de préserver le statut des
personnels
- le Gouvernement doit se préoccuper du
poids croissant des
charges de retraites
qui deviendra vite insupportable pour l'entreprise
(50 % de la masse salariale aujourd'hui, 100 % en 2020, contre moins
de 25 % pour les concurrents privés !) ;
- il
ne faut pas se faire d'illusion sur la possibilité
d'étendre ce statut à l'ensemble des acteurs
du secteur, dans
la mesure où son surcoût par rapport au statut du secteur
privé serait évalué à 50 %...
6-6 Le gaz
- les principes qui sous-tendent les propositions de la commission pour
la
transposition
de la directive " électricité "
valent également pour la directive " gaz naturel ", en tenant
cependant compte des spécificités du secteur ;
- il convient de permettre, sous certaines conditions, aux communes que GDF
ne peut desservir, de faire appel à un autre fournisseur. Il importe
ainsi de répondre à l'accusation d'abus de position dominante
faite à GDF ;
- GDF pourrait être transformé en une
société anonyme dont le capital pourrait être
partiellement ouvert.