B. À UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE, LA RÉGULATION TECHNIQUE ET LE CONTRÔLE DU RESPECT DES RÈGLES DU JEU
1. Pour une autorité de régulation indépendante des parties et de l'administration
La
directive, on l'a vu, impose aux Etats membres de confier le règlement
des litiges nés de l'application des nouvelles règles du jeu
à une autorité compétente, indépendante des
parties. Les Etats doivent également créer des mécanismes
appropriés et efficaces de régulation, de contrôle et de
transparence afin d'éviter tout abus de position dominante et tout
comportement prédateur.
Dès lors se pose la question de l'organisation à mettre en place
pour satisfaire à ces obligations. Les grandes règles
étant fixées par les pouvoirs publics, qui devra assurer
la
fonction de régulation
?
Il s'agira de régler -dans le cadre qu'auront fixé la loi et ses
décrets d'application- les questions relatives à l'accès
aux réseaux, à la gestion du système électrique
ainsi qu'au contrôle de l'action de l'opérateur sur le
marché libre du kilowattheure et sur les marchés de services,
toutes questions cruciales pour un développement satisfaisant de la
concurrence.
Le Gouvernement
, dans son Livre Blanc,
envisage que cette fonction
continue à être assurée directement
par l'Etat
,
une direction du ministère chargé de l'industrie -distincte de
celle chargée de la tutelle d'EDF- pouvant s'en voir
spécifiquement confier la mission.
Une telle solution semble
peu souhaitable
.
En effet,
comme le souligne l'avis précité du Conseil de la
concurrence : " le processus de régulation de
l'opérateur français se réduit [....] pour l'instant, dans
les faits, à un tête à tête assez peu transparent
entre les pouvoirs publics et lui. Or, pareil face-à-face apparaît
aujourd'hui inadéquat, tant la demande de débat public sur la
politique énergétique est forte, tandis que les
collectivités locales sont désireuses de s'impliquer dans le
contrôle des sociétés de distribution et que
l'arrivée de nouveaux acteurs paraît indispensable. "
En outre, les compétences requises pour traiter ces aspects seront
particulièrement larges et, toujours selon le Conseil de la concurrence,
elles devront :
" être mobilisées au
bénéfice égal de tous les intervenants sur le
marché, donc sans subir l'influence de l'administration de tutelle qui
est aussi " actionnaire " de l'opérateur public. "
Or, concentrer ces compétences au sein d'une administration ne
risque-t-il pas d'inciter les opérateurs autres qu'EDF -voire les
institutions européennes elles-mêmes- à douter de la
transparence et de l'impartialité d'un Etat actionnaire et
traditionnellement tuteur de l'établissement public ?
"
L'indépendance des parties
" exigée par la
directive serait-elle réellement assurée ?
EDF n'aurait-elle pas elle-même tout à gagner à voir une
autorité de régulation indépendante de
l'administration, mais adossée à l'Etat
, s'assurer du respect
des règles du jeu et régler les litiges qui ne manqueront pas de
surgir ?
Différentes formules possibles sont possibles: direction du
ministère, section spécialisée du Conseil de la
Concurrence, autorité administrative autonome, mais cette
dernière solution est " naturellement porteuse de symboles et de
dispositions qui crédibilisent l'idée de concentration de
l'expertise et le souci d'indépendance vis-à-vis de la tutelle de
l'opérateur, notamment aux yeux de la Commission européenne et de
la Cour de Justice. Son choix est de nature à limiter les contentieux de
régulateur auprès de Bruxelles et donc les transferts indus de
responsabilités ".
On dispose d'ailleurs d'une référence récente dans le
secteur des industries de réseaux avec l'Autorité de
Régulation des Télécommunications (ART)
95(
*
)
, dont on pourrait utilement
s'inspirer. Cette dernière semble fonctionner dans des conditions
globalement satisfaisantes, même si sa jeunesse et la
nécessité de forger une doctrine ont suscité quelques
critiques.
Votre commission d'enquête souhaite que soit créée une
autorité de régulation indépendante à la fois des
opérateurs et de l'administration, mais liée à l'Etat.
Une telle instance devrait être dotée d'un
pouvoir de
sanction
, gage de l'efficacité de ses décisions.
Cette indépendance des parties et de l'administration ne doit cependant
pas être synonyme d'indépendance totale à l'égard
des pouvoirs publics.
Votre commission d'enquête souhaite que cette autorité de
régulation soit amenée à rendre compte de ses
activités chaque année devant le Parlement.
Elle juge, en outre, indispensable de coordonner l'action des pouvoirs publics,
de l'autorité de régulation et du Conseil de la Concurrence et de
prévoir, par ailleurs, une possibilité d'appel devant les
juridictions de droit commun des décisions de cette autorité.
Là encore, le schéma retenu pour l'ART pourrait utilement
guider le travail du législateur.
Il faut souligner que le Conseil de la concurrence, estime lui aussi
nécessaire que la régulation du secteur soit confiée
à une autorité indépendante.