II. AFIN QUE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL CONSTITUE UNE VÉRITABLE OPPORTUNITÉ POUR L'EMPLOI, LA COMMISSION PROPOSE LE RÉTABLISSEMENT DU TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
A. LE TEXTE VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE NE RÉPOND PAS AUX OBJECTIONS MISES EN ÉVIDENCE PAR LE SÉNAT
Loin de lever les inquiétudes qui ont surgi lors de la
première lecture, le débat de deuxième lecture à
l'Assemblée nationale semble les avoir confirmées, voire
amplifiées de telle manière qu'aujourd'hui nombre des acteurs
intéressés par cette question, comme les syndicats, semblent
prendre leurs distances et attendre une clarification.
Les incertitudes restent importantes concernant l'impact du projet de loi sur
l'emploi. Le scénario optimiste de la direction de la prévision
du ministère des finances repose ainsi sur la conclusion entre les
partenaires sociaux d'un véritable "
pacte pour
l'emploi
", c'est-à-dire une négociation
généralisée et rapide sur la réduction du temps de
travail accompagnée d'une "
modération salariale
prononcée
". Le dispositif du projet de loi, fondé sur
la baisse de la durée légale, ne remplit aucune de ces deux
conditions : il a bloqué durablement le dialogue social et
entraînera quasiment mécaniquement une augmentation du coût
du travail et particulièrement du coût des emplois peu
qualifiés.
Les incertitudes budgétaires concernant le coût global de
l'incitation financière demeurent. Le Gouvernement n'a pas
contesté les estimations de la commission des Affaires sociales qui
chiffraient le coût brut du dispositif pour les cinq premières
années selon les hypothèses retenues entre 183 et
312 milliards de francs.
Les incertitudes juridiques concernant l'impact d'une baisse du salaire
consécutive à une réduction de la durée du travail
sur les contrats de travail individuels ont fait naître un trouble dans
l'esprit des employeurs. Les entrepreneurs sont en train d'intégrer le
fait qu'ils pourraient être amenés à devoir licencier des
salariés qui n'accepteraient pas une remise en cause de leur salaire,
avant de pouvoir embaucher dans le cadre du nouveau dispositif.
Les incertitudes concernant la multiplicité des SMIC se sont
transformées en méfiance de la part des entrepreneurs comme le
montre le ralentissement des négociations salariales ces derniers mois.
Le Gouvernement continue à déclarer vouloir conjuguer un SMIC
horaire en l'état et une rémunération mensuelle minimale
correspondant à l'actuel SMIC mensualisé. Il résulterait
de cette décision que les salariés payés au SMIC qui
passeraient à 35 heures seraient payés 39 heures, ce qui
veut dire que leur rémunération horaire progresserait de
11,4 %, ceci alors que les salariés qui resteraient à 39
heures percevraient un salaire sur 40 heures. Comme le déclarait M.
Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des Affaires sociales,
lors du débat en séance publique, on peut douter "
que
l'on puisse faire coexister durablement des salariés travaillant 35
heures payées 39 et d'autres travaillant 39 heures qui seraient
payés 40 heures
".
Dans ces conditions, le président Fourcade a pu déclarer qu'on
pouvait craindre que ce texte "
n'engendre inéluctablement, sous
une forme ou sous une autre, une forte majoration du SMIC
".
Les incertitudes concernant les modalités de l'application des
35 heures au personnel d'encadrement n'ont pas été
levées. Les cadres français travaillent en moyenne 45 heures par
semaine, on a du mal à imaginer comment ils pourraient brutalement
réduire de 10 heures leur durée du travail. Par ailleurs, la
nature même de leur tâche se transforme sous l'effet des nouvelles
technologies et des nouvelles formes de travail. Le cadre rigide du projet de
loi est ainsi particulièrement inadapté à la situation
spécifique du personnel d'encadrement.
Les inquiétudes des entreprises sur la compatibilité des 35
heures avec le marché unique et l'euro n'ont pas été
levées par le Gouvernement. Les entreprises françaises pourraient
avoir à supporter une détérioration de leur
compétitivité qui aurait un impact négatif sur leurs parts
de marché et l'emploi.
La question d'une extension des 35 heures à la fonction publique n'a pas
reçu de réponse claire. Pourtant, sa réalisation aurait
des conséquences budgétaires considérables, ceci d'autant
plus que pourrait se poser la question de la nécessité de
recrutements complémentaires afin de compenser la baisse de la
durée du travail.
Toutes ces incertitudes, auxquelles il faut ajouter les craintes liées
à la définition de la durée du travail effectif, ont
amené la commission à rétablir son texte.