b) Le dispositif incitatif prôné par le Gouvernement n'est pas radicalement différent du dispositif " de Robien "
Lorsque l'on met de côté l'article premier qui
abaisse la durée légale du travail pour examiner le dispositif
incitatif de l'article 3, force est de constater que les ressemblances sont
frappantes avec le dispositif " de Robien ".
Dans chacun des dispositifs, l'aide ne peut être obtenue qu'après
la signature d'un accord d'entreprise entre l'employeur et les organisations
syndicales, cet accord est un préalable à la signature d'une
convention entre l'entreprise et les services de l'Etat qui établit les
conditions d'octroi de l'aide à l'entreprise. Dans les deux cas l'aide
prend la forme d'un abattement sur les charges patronales, elle est
décroissante et limitée dans le temps. Le dispositif comprend en
outre dans chaque cas un volet offensif pour les entreprises qui créent
des emplois et un volet défensif pour celles qui préserveraient
des emplois qu'elles prévoyaient de supprimer.
Loi de Robien/projet de loi : le comparatif
|
Loi de Robien |
Projet de loi |
Nature du dispositif |
Purement incitatif |
Accompagnement d'une mesure contraignante, la réduction à 35 heures de la durée légale du travail |
Nature des accords |
Accord d'entreprise avec les organisations syndicales |
Accord d'entreprise avec les organisations syndicales |
Montant de l'aide |
Proportionnelle aux salaires |
Forfaitaire |
Montant de l'aide la première année |
Pour les 35 heures, 40 % de réduction des charges sociales patronales, soit 10,4 % de réduction du coût salarial |
9.000 francs par salarié en 1998, soit une réduction moyenne de 4,5 % du coût du travail. Montant ramené à 8.000 francs au premier semestre 1999 et à 7.000 francs au second semestre (1) |
Montant de l'aide par la suite |
30 % de réduction des charges sociales patronales, soit une réduction de 7,8 % du coût salarial |
8.000 francs la deuxième année, puis 7.000 francs la troisième, 6.000 francs la quatrième et 5.000 francs la cinquième, soit en moyenne 2,5 % de réduction du coût du travail (1) |
Contreparties en emplois |
10 % d'emplois supplémentaires au minimum |
6 % d'emplois supplémentaires au minimum |
Coût pour les finances publiques par emploi créé |
200.000 francs la première année, en moyenne, 160.000 francs par la suite |
160.000 francs la première année, 90.000 francs quand l'exonération a été ramenée à 5.000 francs par salarié (1) |
Durée du dispositif |
7 ans et aucune modalité particulière de sortie prévue à la fin du dispositif |
5 ans, puis relais pris par des dispositions permanentes qui feront partie de la loi votée en 1999. Il est question de 5.000 francs par salarié |
Réduction au-delà de 35 heures |
10 % de réduction supplémentaire des charges sociales patronales pour 15 % de réduction du temps de travail au moins |
Jusqu'à 4.000 francs par salarié en plus pour les entreprises qui iront au-delà de 35 heures |
Entreprises en difficulté |
Peuvent bénéficier du dispositif sous condition du maintien de l'emploi et après accord de l'Etat |
Peuvent bénéficier du dispositif sous condition du maintien de l'emploi et après accord de l'Etat |
(1) hors majorations Source : Les Echos
Les différences ne sont pas considérables. L'aide est forfaitaire
dans le projet du Gouvernement alors qu'elle était forfaitaire dans le
projet de Robien. La durée de l'aide est ramenée à cinq
ans contre sept dans le volet offensif. La principale différence
consiste dans le montant des aides qui est nettement moins favorable dans le
nouveau dispositif, mais ceci n'affecte pas la logique du mécanisme, un
plafonnement et/ou une diminution des exonérations auraient permis
d'atteindre les mêmes résultats.
Il existe bien une différence notable entre les deux dispositifs qui a
trait aux conséquences sur les emplois qu'ils sont amenés
à créer ou préserver, cette différence a
été accentuée par les majorations adoptées en
première lecture à l'Assemblée nationale. Si on laisse de
côté les effets d'aubaine et la possibilité -pourtant
réelle- que les créations/préservations d'emplois dans une
entreprise se réalisent au détriment d'autres entreprises du
même secteur, il reste que le dispositif du Gouvernement, forfaitaire et
majoré, est ciblé principalement sur les emplois peu
qualifiés alors que le dispositif " de Robien "
bénéficiait à l'ensemble des catégories de
salariés, et notamment à l'emploi qualifié. Chacun a bien
conscience de l'intérêt d'un soutien au travail peu
qualifié qui permet de réduire le coût salarial de cette
catégorie de salariés pour l'entreprise. Toutefois, on peut
s'interroger sur l'opportunité de faire jouer ce rôle au
dispositif incitatif à la réduction du temps de travail
N'aurait-il pas mieux valu prévoir, parallèlement au dispositif
incitatif à la réduction du temps de travail, et dans un autre
projet de loi, un mécanisme spécifique tendant à
alléger les charges sur les bas salaires comme l'ont proposé MM.
François Bayrou et Jean-Louis Debré
16(
*
)
?
N'aurait-il pas été possible de trouver un juste milieu ? Quitte
à réformer la loi de Robien, comme s'y est en fait employé
le Gouvernement, pourquoi ne pas avoir conservé un dispositif
proportionnel aux salaires mais en le plafonnant et/ou en réduisant le
montant des exonérations. Cela aurait permis de favoriser les emplois
d'avenir tout en maîtrisant le coût budgétaire du dispositif.
Les dispositifs de modulation des horaires de travail
La modulation permet aux entreprises d'adapter le temps de
travail aux fluctuations d'activité sans rémunérer les
heures supplémentaires, à condition que la durée du
travail n'excède pas en moyenne trente-neuf heures sur la
période de modulation. Il existe trois types de modulation : la
modulation de type I (1982), la modulation de type II (1987) et la modulation
de type III (1993).
-
Les modulations de type I et II
consistent à faire varier
la durée hebdomadaire du travail sur tout ou partie de l'année,
à condition que cette durée ne dépasse pas, en moyenne
trente-neuf heures par semaine travaillée. Il existe néanmoins
des seuils maximum de durée de travail en cours de modulation :
quarante-quatre heures ou quarante-huit heures au maximum de travail sur une
semaine ; quarante-six heures de travail hebdomadaire pendant 12 semaines
consécutives au plus.
-
La modulation de type III, dite annualisation
a été
mise en place dans le cadre de la loi quinquennale du 20 décembre
1993. Elle consiste à faire varier la durée hebdomadaire du
travail sur tout ou partie de l'année à condition que cette
durée ne dépasse pas en moyenne, par semaine travaillée,
la durée prévue par la convention ou l'accord. Elle a comme
contrepartie obligatoire une réduction de la durée du travail,
dont le volume est laissé à l'appréciation des
négociateurs. Les seules limites sont les durées maximales
quotidienne (10 heures par jour) et hebdomadaire (48 heures par
semaine).