2. Les méthodes de gestion
S'agissant des méthodes de gestion de la politique communautaire de la recherche, la proposition de cinquième programme-cadre ne répond que partiellement aux critiques formulées à leur encontre. Par ailleurs, elle présente certaines lacunes.
• Assurer un contrôle sur la gestion des programmes assurée par la Commission européenne
La proposition de résolution invite le Gouvernement à veiller à ce que soit assuré un contrôle plus étroit sur la gestion par la Commission européenne du cinquième programme-cadre.
Il n'apparaît pas souhaitable, en effet, de renforcer le rôle de la Commission européenne dans la gestion de la politique de recherche, gestion qui fait d'ores et déjà l'objet de critiques soulignant son opacité et son caractère bureaucratique.
La délégation invite en conséquence le Gouvernement, d'une part, à s'opposer à la réduction du rôle des comités de programme et, d'autre part, à plaider pour des modalités d'évaluation du programme-cadre indépendantes de l'organe de gestion
La Commission européenne suggère pour accroître l'efficacité de la mise en oeuvre du programme-cadre que lui soient donnés « les moyens d'exercer pleinement le pouvoir d'exécution des programmes qui lui est conféré », et, à cette fin, de limiter le rôle des comités de programme à l'édiction des mesures possédant un caractère normatif et général.
Cette proposition, que la Commission justifie par la volonté de raccourcir les délais de traitement des dossiers et d'améliorer l'efficacité générale de la mise en oeuvre des programmes, n'apparaît pas opportune.
Rappelons que pour chaque programme, un comité composé de représentants des Etats membres est chargé d'assister et de contrôler la Commission. Il rend un avis sur le programme de travail élaboré par la Commission européenne pour chaque programme spécifique, sur les appels d'offre qu'elle s'apprête à lancer et sur les projets sélectionnés. En cas de désaccord entre la Commission et un comité, la décision est renvoyée au Conseil de l'Union européenne, ce qui ne se produit quasiment jamais en pratique.
Ces comités ne peuvent en aucun cas être considérés comme des obstacles à une gestion efficace des programmes de recherche. En effet, ils n'usent que très modérément de leur pouvoir de blocage. Par ailleurs, ils n'interviennent pas dans la phase de la procédure la plus critiquée, qui est celle de la négociation des contrats.
En outre, comme le note la délégation dans son rapport d'information, ces comités « constituent un instrument permettant au Conseil de l'Union européenne, détenteur d'une forte légitimité démocratique d'exercer un contrôle souple sur l'action conduite par la Commission européenne ».
La proposition de résolution souligne également la nécessité de mettre en place des modalités d'évaluation du programme-cadre indépendantes de la Commission européenne.
La Commission européenne propose, d'une part, d'examiner chaque année avec l'aide d'experts indépendants l'état de réalisation du cinquième programme-cadre afin de permettre notamment d'adapter ou de compléter les actions entreprises et, d'autre part, de faire procéder, avant la présentation du sixième programme-cadre, à une évaluation du programme-cadre par des experts indépendants de haut niveau. Le troisième alinéa de l'article 5 de la proposition de cinquième programme-cadre dispose que « le choix des experts indépendants (...) est effectué par la Commission qui tient compte de façon équilibré des différents acteurs de la recherche ».
Si on peut se féliciter de la qualité et de l'indépendance des travaux conduits par le groupe d'experts présidé par M. Etienne Davignon sur le quatrième programme-cadre, le principe de désignation des experts par la Commission elle-même pour évaluer sa propre gestion n'est pas de nature à garantir l'indépendance de l'expertise.
• Améliorer la flexibilité du programme-cadre
La Commission européenne, reconnaissant les rigidités de la politique européenne de recherche face à la rapidité des évolutions sociales, économiques et scientifiques, a introduit dans sa proposition un élément de souplesse des conditions de gestion en décidant de ne pas pré-affecter l'ensemble des ressources au sein de chaque programme spécifique.
Cette suggestion, si elle est incontestablement intéressante, demeure limitée et pourrait être approfondie. La proposition de résolution propose notamment que les synergies entre Eurêka et le programme-cadre soient renforcées et que les articles 130 K, 130 L et 130 N du traité sur l'Union européenne soient mis en oeuvre. De telles mesures permettraient, à l'évidence, au programme-cadre de gagner en souplesse.
L'initiative Eurêka, créée en 1985, regroupe désormais 26 Etats et a pour objectif de renforcer les coopérations transfrontalières entre entreprises et instituts de recherche dans les domaines technologiques et d'accroître la productivité et la compétitivité des industries et des économies nationales. Tournée vers l'initiative industrielle, elle est gérée de manière décentralisée et s'appuie sur une dynamique tournée vers les besoins du marché. A la différence de ce qui prévaut pour les programmes communautaires qui fonctionnent selon le système des appels d'offre, les entreprises et centres de recherche proposent spontanément leurs projets, ce qui favorise notamment l'émergence de projets pluridisciplinaires. En dépit de ces différences de logique, les actions conduites dans le cadre d'Eurêka et des programmes communautaires ne sont pas incompatibles et, selon le rapport Davignon, « pourraient être aisément associés dans une chaîne d'innovation renforcée qui propulserait jusqu'au marché la RDT réalisée au titre du programme-cadre ».
Comme le propose la délégation dans son rapport, la possibilité de réserver une ligne de crédits du programme-cadre au financement de projets lancés dans le cadre d'Eurêka apparaît comme très pertinente.
La mise en oeuvre des actions prévues par les articles 130 K, 130 L et 130 N du traité qui prévoient la possibilité de conduire des programmes n'intéressant que certains Etats membres et la création d'entreprises communes paraît particulièrement intéressante dans la mesure où elles permettraient l'émergence de coopérations renforcées entre les Etats membres.
• Protéger la recherche européenne
La proposition de programme-cadre ne comporte aucune disposition relative à la propriété intellectuelle . Il s'agit cependant là d'un élément déterminant de la compétitivité économique qui repose aujourd'hui de plus en plus sur l'exploitation des résultats de la recherche.
Comme le note la délégation dans son rapport d'information, la Communauté européenne a été qualifiée par certains de « passoire technologique ». Une telle situation résulte, d'une part, de la logique des programmes communautaires qui font travailler ensemble de nombreux partenaires, ce qui ne favorise pas la protection des résultats des travaux de recherche, et, d'autre part, des accords de coopération scientifique et technique qui ne semblent pas comporter dans le domaine de la propriété intellectuelle des garanties satisfaisantes et offrir aux entreprises et centres de recherche européens une garantie de réciprocité pour accéder aux programmes de recherche des Etats signataires des traités.
La proposition de résolution incite en conséquence le Gouvernement à veiller à la protection juridique des recherches entreprises dans le cadre communautaire et à ce que les accords de coopération scientifique et technique offrent aux partenaires européens une pleine réciprocité pour accéder aux programmes de recherche de ces pays.