2. Une redéfinition préoccupante des conditions du regroupement familial
Par la loi du 24 août 1993, le législateur a
entendu que le regroupement familial soit encadré dans des règles
précises et conformes à l'article 8 de la convention
européenne des droits de l'Homme qui pose le principe du droit à
mener une vie familiale normale.
Comme le stipule expressément cet article, le respect de la vie
privée et familiale des étrangers n'est pas exclusif de
considérations relatives "
à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l'ordre et à la
prévention des infractions pénales, à la protection de la
santé ou de la morale, ou à la protection des droits et
libertés d'autrui ".
En tout état de cause, l'admission de familles parfois nombreuses
peut-elle être acceptée sans un examen sérieux des
conditions matérielles dans lesquelles celles-ci pourraient vivre en
France ?
On a précédemment relevé que les dispositions
adoptées en 1993 commençaient à produire des effets,
puisque le nombre de personnes entrées au titre du regroupement familial
est passé de
32 665
en 1992 à
13 889
en 1996.
Or,
l'article 17
du projet de loi assouplit très sensiblement les
dispositions en vigueur.
- La durée du séjour régulier nécessaire à
l'étranger demandant à être rejoint par sa famille serait
réduite de deux ans à
un an
.
- Il ne serait plus possible de refuser un titre de séjour aux membres
de la famille lorsque les conditions du regroupement familial ne sont plus
réunies lors de leur arrivée en France.
- Le regroupement familial ne pourrait plus être refusé lorsque
les ressources de la famille sont supérieures au SMIC.
A-t-on évalué le montant des prestations qui pourraient
être servies aux familles très nombreuses disposant de ressources
à peine supérieures au SMIC ?
- Au lieu d'avoir à justifier qu'il "
dispose
" d'un
logement considéré comme normal pour une famille comparable
vivant en France, le demandeur pourrait avoir à justifier qu'il
"
disposera à la date d'arrivée de sa famille en
France
" d'un logement adéquat.
Comment l'étranger pourra-t-il prouver de manière
irréfutable qu'il disposera de ce logement ? Un
récépissé de demande de logement social sera-t-il
considéré comme une garantie suffisante ?
Certes, l'Assemblée nationale, en modifiant le projet initial, a
précisé que lorsque le demandeur ne disposait pas encore du
logement au moment de la demande, le regroupement familial "
pourra
être autorisé après que l'OMI ait vérifié sur
pièces les caractéristiques du logement et la date à
laquelle leur demandeur en aura la disposition ".
Ce contrôle
porterait donc sur un logement dont ne dispose pas encore le demandeur.
Aura-t-on toujours la certitude que ce logement lui sera effectivement
attribué avant l'arrivée de la famille?
Or c'est bien lors de l'instruction de la demande que la disposition d'un
logement adapté doit être utilement vérifiée.
- Enfin, il ne sera plus possible de retirer le titre de séjour des
étrangers non protégés contre l'éloignement
lorsqu'ils ont fait venir des membres de leur famille en dehors de la
procédure ou du regroupement familial, c'est-à-dire en fraude
à la loi.