II. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS POUR UNE POLICE DE PROXIMITÉ
Le projet de budget pour 1998 s'élève à
28,2 milliards de francs
, ce qui correspond à une
très légère progression en francs courants de
1,13 %
.
En réalité, en tenant compte des crédits inscrits au
budget de l'emploi qui seront transférés en cours d'exercice, la
progression est de 1,5 %
, ce qui correspond à une
augmentation très minime en francs constants
, les
prévisions de hausse des prix se situant autour de 1,4 %.
Cette quasi stagnation dissimule de fortes disparités :
- les
dépenses de personnel
(
23,6 milliards de
francs)
connaissent un accroissement de 2,16 % sous l'influence des
rémunérations d'activité
qui
progressent de
2,42 %
, malgré la diminution de 611 emplois ;
- les
moyens de fonctionnement
(
3,8 milliards de francs
)
diminuent
de
3,5 % ;
- les
dépenses en capital
sont en baisse de
6 %
en
terme de crédits de paiement (848,7 millions de francs) mais en
hausse de 12,5 % en autorisations de programme
(1,15 milliards
de francs).
Votre rapporteur regrette que la priorité annoncée par le
Gouvernement concernant la politique de sécurité n'ait pas sa
traduction dans le budget qu'il présente
.
A. UNE PRIORITÉ DONNÉE À LA POLICE DE PROXIMITÉ
Pour lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement souhaite relancer une politique de proximité en rapprochant les forces de police des citoyens et en adoptant une démarche globale qui suppose la mobilisation de tous les acteurs sur le terrain.
1. Les emplois de proximité
Le Gouvernement prévoit de déployer sur trois ans 35.000 emplois de proximité sur le terrain dont 20.000 adjoints de sécurité et 15.000 agents locaux de médiation , recrutés dans le cadre des dispositions de la loi sur l'emploi des jeunes.
a) Les agents locaux de médiation
Ces agents seront recrutés dans le cadre de l'article
premier de la loi sur l'emploi des jeunes, pour 5 ans sur la base de contrats
de droit privé, pour remplir des tâches de prévention,
périphériques de la sécurité publique au sens
strict.
Ils seront employés par des collectivités territoriales ou
d'autres personnes morales de droit public ou privé, telles des
sociétés de HLM ou des entreprises de transports, et seront mis
en place dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Le
coût de leur rémunération sera supporté pour
20 % par l'employeur et 80 % par le ministre de l'emploi.
b) Les adjoints de sécurité
Ces agents, dont le statut a été
précisé par un décret du 4 novembre 1997, doivent
permettre de faire face à des besoins non satisfaits en matière
de prévention, d'assistance et de soutien, particulièrement dans
les quartiers les plus sensibles.
Agés de 18 à 25 ans, ils seront engagés pour cinq ans sur
la base d'un
contrat de droit public
.
Ils seront placés sous l'autorité des fonctionnaires des services
actifs de la police nationale. Leurs
missions
seront assez
variées
. Elles permettront notamment de renforcer
l'îlotage, d'améliorer l'accueil et l'information du public dans
les commissariats, de soutenir les victimes en les aidant dans leurs
démarches administratives, de contribuer à des actions
d'intégration des étrangers, de participer à la
surveillance de la sortie des écoles et d'apporter une aide au public
sur la voie publique.
Ils ne pourront pas participer à des missions de police judiciaire ou de
maintien de l'ordre, mais ils seront
armés
quand leurs
tâches le justifieront.
Les candidats seront recrutés dans le
cadre départemental
sur la base d'une sélection reposant sur des
tests psychologiques
et un entretien.
Ils bénéficieront d'une
formation initiale d'une durée
de deux mois
comprenant une partie technique en école de six
semaines et un stage de deux semaines dans un service.
Dès 1997, 1.650 jeunes seront ainsi recrutés, ils seront
8.250
d'ici la fin 1998
.
Les adjoints seront rémunérés au
SMIC
sur la base
de 169 heures de travail mensuelles.
La prise en charge financière sera répartie entre le budget du
ministère de l'Intérieur qui assurera 20 % des
rémunérations et la totalité des frais de fonctionnement,
et celui du ministère de l'emploi qui assurera les 80 % restant des
rémunérations.
Pour 1998,
200 millions de francs
ont été inscrits
à ce titre au budget de l'intérieur, un nouveau chapitre 31-96 y
étant créé pour l'inscription des
rémunérations.
Compte tenu du grand nombre de départs à la retraite attendu chez
les policiers dans les années à venir (4 000 par an), les jeunes
embauchés auront toute facilité pour passer les concours de
recrutement et être à terme intégrés dans la police.
Votre rapporteur estime que ces emplois pourraient certes rendre service sur
le terrain. Mais il
souhaite que les jeunes recrutés ne soient
pas considérés comme des supplétifs à moindre
coût de la police nationale ou un simple substitut aux policiers
auxiliaires appelés à disparaître en 2002 du fait de la
réforme du service national
.
Comme l'a souligné le Président Jacques Larché lors de
l'audition du ministre de l'intérieur par la commission des lois, le 5
novembre 1997, la qualité du recrutement des policiers auxiliaires est
excellente en raison de la motivation des intéressés. Votre
rapporteur insiste pour qu'un soin particulier soit apporté à la
sélection des candidats aux emplois de proximité. Il se pose
enfin la question de savoir s'il convenait d'emblée d'autoriser les
adjoints de sécurité à porter une arme.
2. Les contrats locaux de sécurité
Une politique efficace de sécurité doit
mobiliser tous les partenaires publics et tous les acteurs sociaux et prendre
en compte aussi bien les aspects préventifs que les aspects
répressifs.
Le Gouvernement a souhaité donner une nouvelle impulsion à cette
approche partenariale en prévoyant l'intervention de
contrats de
sécurité
cosignés par le Préfet, le Procureur
de la République et les maires des communes concernées en
associant tous les agents publics ou privés pour la mise en place d'un
véritable dispositif de lutte contre l'insécurité dans les
zones les plus touchées par la délinquance urbaine. Les emplois
de proximité seront affectés prioritairement à la
réalisation des objectifs fixés par ces contrats.
La circulaire relative à la mise en œuvre de ces contrats a
été signée le 28 octobre 1997 par les ministres de
l'intérieur, de l'emploi, de la justice, de l'éducation nationale
et de la défense. Elle vise tout spécialement le
développement
d'actions concertées entre l'autorité
administrative et l'autorité judiciaire
. Elle soumet ces contrats
à une évaluation par une
cellule interministérielle
d'animation et d'évaluation des contrats locaux de
sécurité
.
Votre rapporteur estime indispensable de rapprocher au niveau local, comme
au niveau national, les différents acteurs de la sécurité
et notamment la police et la justice mais il reste circonspect quant à
l'efficacité réelle de ces nouveaux contrats qui se superposent
aux plans départementaux de sécurité organisés par
les circulaires de septembre 1993 et janvier 1997. Ces plans étaient
tout à fait à même de remplir la fonction dévolue
aux contrats locaux de sécurité en s'appuyant sur
l'expérience des conseils communaux et départementaux de
prévention de la délinquance institués au début des
années 1980.
3. Un difficile redéploiement des moyens de la police vers les zones les plus sensibles
a) La correction des déséquilibres géographiques
Au plan des effectifs, la
répartition
géographique des policiers est trop inégale
sur
l'ensemble
du territoire
. Dans son rapport remis au premier ministre
l'été dernier, M. Bruno Le Roux, député de la
Seine-Saint-Denis, produit des données chiffrées
démontrant que les policiers sont plus nombreux dans les zones où
la délinquance est la plus faible et le taux d'élucidation le
plus important. Le ratio de policiers par habitant passe de 1 pour 245 en
Lozère à 1 pour 510 en grande couronne parisienne.
Dans le cadre du pacte de relance pour la ville,
1 500 agents
devaient
être redéployés dans des zones sensibles en 1996 et 1997. A
titre
d'incitation
, les fonctionnaires affectés dans ces zones
touchent des primes pour
sujétions exceptionnelles et une
indemnité de fidélisation
après une affectation d'une
durée de cinq ans au moins dans le même ressort.
La
départementalisation du recrutement
est une bonne
méthode pour fixer les agents en Ile-de-France, alors que les agents
recrutés au niveau national préfèrent en
général les affectations en province.
La
politique du logement
des policiers est également un aspect
très important pour les retenir dans une affectation.
b) Une nouvelle répartition fonctionnelle des tâches
La loi d'orientation avait prévu qu'un maximum de
policiers puissent être employés à des missions de
sécurité publique, en contact avec les populations sur le
terrain. A cet effet, elle envisageait la limitation du nombre des policiers
affectés dans des emplois administratifs et la suppression des
" tâches indues " qui leur sont confiées.
· Trop de policiers sont éloignés " du terrain "
par l'accomplissement de
tâches administratives
. Les agents de la
sécurité publique passent en effet moins de la moitié de
leur temps en activités opérationnelles.
La loi d'orientation avait prévu la création de 1.250 emplois
administratifs ou techniques par an afin de pouvoir reverser à des
tâches opérationnelles des fonctionnaires des corps actifs. Mais
ce chiffre sera loin d'être atteint. Au total, seuls 1.200 emplois ont
été créés depuis 1996.
Des réductions de gardes statiques peuvent
également
être envisagées grâce à une utilisation plus grande
des matériels vidéo.
Le Gouvernement a également engagé une réflexion sur
la
préfecture de police
afin de recentrer les effectifs de la direction
de la sécurité publique, soit environ 13.000 fonctionnaires, sur
la sécurité des parisiens.
· La loi d'orientation envisageait également la suppression des
"
tâches indues
" non prioritaires ou parajudiciaires
accomplies par les policiers.
Notre collègue M. Alain Danilet, député du Gard, a
dressé dans un rapport remis en 1996 une liste de
19 tâches
occupant 7.400 fonctionnaires, qui pourraient être confiées
à d'autres administrations.
Cependant, une commission interministérielle semble avoir conclu en
faveur du statut quo concernant la plupart des activités
parajudiciaires. La garde des détenus hospitalisés, en revanche,
serait transférée à l'administration pénitentiaire.
Au total, cette réflexion sur la réaffectation fonctionnelle des
policiers n'a abouti en 1996 qu'au reversement de
65 policiers sur la
voie publique
.
c) La répartition des responsabilités entre la police et la gendarmerie
A cette réflexion sur le redéploiement des
forces de police s'ajoute celle sur la
répartition des
responsabilités entre la police et la gendarmerie
, envisagée
dans le prolongement de la loi d'orientation. Abandonnant l'ancien
critère purement démographique et afin de mieux prendre en compte
la réalité du terrain, le décret n° 96-827 du 19
septembre 1996 a posé le principe de l'étatisation de la police
des communes dont la population est supérieure à 20.000 habitants
et dont les caractéristiques de la délinquance sont celles d'une
zone urbaine, les chefs-lieux de départements restant en tout
état de cause sous régime d'Etat.
Le processus est à l'heure actuelle peu avancé
puisque les
seules réalisations concrètes intervenues en 1997 sont, en Corse,
l'étatisation de Furiani et de Ville-di-Pietrabugno et la
désétatisation de Corte.
Nos collègues MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest ont reçu
mission du Premier ministre pour travailler sur ce délicat
problème. Il importe en effet de supprimer les doubles emplois entre
police et gendarmerie sans porter atteinte à la sécurité,
au moment où la gendarmerie envisage de réduire ses implantations
en zones étatisées de 153 unités.
d) les polices municipales
La répartition des rôles
entre
police nationale
et
polices municipales
ou
sociétés de gardiennage devrait faire l'objet d'un nouveau projet
de loi en cours de préparation. Votre rapporteur rappelle qu'un premier
projet de réforme des polices municipales avait déjà
été déposé au Sénat en décembre 1987
et avait fait l'objet, sur son rapport, d'une adoption en séance
publique le 20 décembre 1987. l'Assemblée nationale n'ayant pas
examiné ce texte avant la fin de la législature, deux autres
projets ont été déposés, respectivement en 1993 au
Sénat et en 1995 à l'Assemblée nationale, sans plus de
succès.
Le Gouvernement a, de plus, annoncé l'élaboration d'un
code
de déontologie
qui sera applicable à l'ensemble des personnes
chargées de missions de sécurité publique.
4. Un effort pour l'équipement immobilier des zones sensibles
Trop de locaux de police, sont encore vétustes ou mal
adaptés aux missions qui s'y exercent, particulièrement dans les
quartiers défavorisés.
La loi de programmation avait prévu un rythme de livraison annuel de 100
000 m² de locaux pour l'équipement immobilier des services. En
fait, depuis 1995, les retards se sont accumulés. Le budget pour 1998
prévoit une hausse de 22 % des autorisations de programme (601 millions
de francs) mais une baisse des crédits de paiement de 6,34 %.
La formation des adjoints de sécurité ainsi que celle des agents
recrutés dans les prochaines années pour faire face aux
départs en retraite nécessitera également des
investissements immobiliers en conséquence.