AVIS n° 90 - Tome II - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 - INTERIEUR ET DECENTRALISATION : POLICE ET SECURITE
M. Paul MASSON, Sénateur
COMMISSION DES LOIS - Avis n° 90 - Tome II - 1997/1998
Table des matières
-
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
I. L'ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ FAIT APPARAÎTRE DES RÉSULTATS CONTRASTÉS
- A. LA BAISSE DES STATISTIQUES GLOBALES DE LA CRIMINALITÉ SE POURSUIT
- B. LE SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DE NOS CONCITOYENS AUGMENTE NOTABLEMENT
- C. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS CONTINUE DE S'ACCROÎTRE DE MANIÈRE PRÉOCCUPANTE
- D. LA PERSISTANCE D'UN NIVEAU ÉLEVÉ DE DÉLITS LIÉS À LA TOXICOMANIE
- E. LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME A MARQUÉ DES POINTS
- F. DES RÉSULTATS INCERTAINS DANS LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIERE.
-
II. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS POUR UNE POLICE DE PROXIMITÉ
- A. UNE PRIORITÉ DONNÉE À LA POLICE DE PROXIMITÉ
- B. UN BUDGET QUI PREND EN COMPTE CERTAINES ATTENTES DES PERSONNELS
- C. LA POURSUITE DES PROGRAMMES INFORMATIQUES ET DE LA RÉNOVATION DES TRANSMISSIONS
- D. LE POINT SUR L'APPLICATION DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION RELATIVE À LA SÉCURITÉ
- E. LA NÉCESSITÉ D'UN SUIVI EFFICACE DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE INTERNATIONALE
-
I. L'ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ FAIT APPARAÎTRE DES RÉSULTATS CONTRASTÉS
- CONCLUSION
N° 90
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME II
INTÉRIEUR ET DÉCENTRALISATION :
POLICE ET SÉCURITÉ
Par M. Paul MASSON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
29
)
(1997-1998).
Lois de finances.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie sous la présidence de M. Jacques
Larché, Président, la commission des lois a
procédé, sur le rapport de M. Paul Masson, à l'examen pour
avis des crédits de la police inscrits dans le projet de loi de finances
pour 1998, dont la commission des finances est saisie au fond.
La commission a constaté que, malgré l'amélioration des
statistiques globales de la criminalité constatée en 1996, le
sentiment d'insécurité de nos concitoyens augmentait du fait de
la recrudescence de la délinquance de proximité. Elle s'est
montrée particulièrement préoccupée par
l'accroissement de la délinquance des mineurs.
Au plan budgétaire, elle a regretté que le caractère
prioritaire que le Gouvernement a annoncé vouloir donner à la
politique de sécurité ne trouve pas sa pleine traduction dans le
budget de la police pour 1998 qui, en francs constants, se présente en
légère diminution.
Elle a constaté que les grandes orientations définies par la loi
du 21 janvier 1995 n'étaient pas remises en cause mais que les
retards pris dans son exécution se creusaient.
Tout en souscrivant à l'objectif d'amélioration de la
sécurité de proximité poursuivi par le Gouvernement, elle
s'est interrogée sur la validité d'une politique reposant, pour
l'essentiel, sur des emplois-jeunes dont les modalités de mise en oeuvre
apparaissaient floues à bien des égards.
Enfin, elle a regretté que la loi du 24 avril 1997 relative
à l'immigration n'ait pas reçu sa pleine application.
Ces observations ont conduit la commission des lois à ne pas souscrire
aux mesures techniques qui figurent dans la section
police-sécurité du projet de loi de finances pour 1998 et
à s'en remettre, pour les crédits proprement dits, à
l'appréciation de la commission des finances.
Mesdames, Messieurs,
La police est une des plus importantes administrations régaliennes de
l'Etat. 136 200 fonctionnaires dont 113 100 personnels actifs sont en charge de
la sécurité de nos concitoyens.
Ces trois dernières années, elle a connu une profonde
réorganisation initiée par la loi d'orientation et de
programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995.
Les corps et les carrières ont été entièrement
réformés. Cette année, est intervenue une importante
réforme des horaires de travail à la suite de l'abandon du
système de la " cinquième brigade ".
Tous ces changements ont été plutôt bien acceptés
prouvant la capacité d'adaptation de la police.
Celle-ci doit faire face à des défis multiples tant sur le front
de la délinquance de proximité que sur celui des trafics
internationaux qui exigent une coopération internationale active.
En 1996, elle a constaté, avec la gendarmerie nationale, 3,5 millions
d'infractions et procédé à plus de 12 000 mesures
d'éloignement du territoire.
Malgré une priorité affichée pour la politique de
sécurité, le budget de la police pour 1998 qui
s'élève à 28,3 milliards de francs, soit 1,1 % de plus que
l'année dernière, est en très légère
diminution en francs constants.
Ce budget permet néanmoins d'aménager quelques mesures
indemnitaires catégorielles et de créer 83 emplois administratifs
et techniques. Les autorisations de programme intéressant la poursuite
du programme immobilier sont en hausse alors que les crédits
consacrés au logement des policiers sont en diminution sensible.
Mais le budget de 1998 est placé avant tout sous le signe de la
" proximité ". Le Gouvernement souhaite rapprocher la police
des citoyens pour mieux lutter contre l'accroissement de la délinquance
urbaine. On ne peut que souscrire à cet objectif, la
sécurité étant une condition essentielle de l'exercice de
la liberté.
Une des conditions du succès de cette politique sera de poursuivre le
redéploiement des policiers vers les zones sensibles et de les
décharger de tâches administratives qui les éloignent
" du terrain ".
Il reste à espérer que les 35 000 emplois jeunes, qu'il s'agisse
des agents de médiation ou des adjoints de sécurité, dont
les activités prolongeront les mesures préventives et
répressives engagées par les fonctionnaires de police dans les
zones sensibles, répondront aux attentes. Quoi qu'il en soit, leur
recrutement ne compensera pas la disparition des policiers auxiliaires en 2002
du fait de la réforme du service national.
On peut également espérer que les contrats locaux de
sécurité mobiliseront efficacement l'ensemble des acteurs de la
sécurité au niveau local, même si aucun moyen nouveau n'est
accordé à cet effet.
Il faudra également définir au plus près la
répartition des rôles entre la police et la gendarmerie nationale.
C'est le sens de la délicate mission confiée par le Premier
ministre à nos collègues, MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest.
Enfin, une police efficace doit bénéficier de moyens techniques
modernes. Il est sur ce point tout à fait anormal qu'il faille attendre
2008 pour que le réseau numérique de transmission ACROPOL
lancé en 1993 couvre l'ensemble du territoire.
Mais avant d'examiner le budget de la police pour 1998, votre rapporteur tient
à rendre hommage une fois de plus aux 136 000 policiers qui dans des
conditions souvent très périlleuses se dévouent pour
assurer la sécurité de notre pays.
I. L'ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ FAIT APPARAÎTRE DES RÉSULTATS CONTRASTÉS
Comme les deux années précédentes, cette
année enregistre une amélioration des statistiques globales de la
délinquance et de la criminalité.
Mais cette évolution n'est guère perçue dans la vie
quotidienne des français chez qui le sentiment
d'insécurité
s'accroît, alimenté par la
délinquance de proximité et la recrudescence des infractions
impliquant des mineurs et le trafic de drogue,
quand, dans le même
temps, la lutte contre le terrorisme marque des points.
A. LA BAISSE DES STATISTIQUES GLOBALES DE LA CRIMINALITÉ SE POURSUIT
En 1996, les services de police et de gendarmerie ont
constaté 3.559.617 crimes ou délits, soit près de
106.000 de moins que l'année dernière.
La criminalité globale se caractérise donc par une
diminution
de 2,88 %
par rapport à l'année dernière, la
criminalité moyenne pour 1.000 habitants s'établissant
à 61.
Alors que l'on avait assisté à une augmentation ininterrompue de
la criminalité depuis 1989, l'évolution favorable depuis 1995 a
conduit depuis cette date à une baisse de 10 %, les chiffres revenant en
valeur absolue un peu au-dessus du niveau enregistré en 1990.
Une explication pourrait, comme l'année dernière, résider
dans l'application du plan Vigipirate, qui a certainement contribué
à décourager les infractions en raison de la présence
visible de policiers dans les rues. C'est en effet dans les zones urbaines
où le plan a eu le plus d'incidence que la baisse de la
criminalité est la plus notable, surtout à Paris qui a connu
8,47 % de moins de délinquance de voie publique alors que la
moyenne de la diminution des infractions de ce type n'était que de 0,6%.
Évolution décennale de la criminalité en France |
|||
Années |
Nombre de crimes
|
Évolution en % |
Taux pour
|
1987 |
3.170.970 |
- 3,68 |
57 |
1988 |
3.132.634 |
- 1,21 |
56 |
1989 |
3.266.442 |
+ 4,3 |
58 |
1990 |
3.492.712 |
+ 6,9 |
62 |
1991 |
3.744.112 |
+ 7,2 |
66 |
1992 |
3.830.996 |
+ 2,32 |
67 |
1993 |
3.831.894 |
+ 1,33 |
67 |
1994 |
3.919.008 |
+ 0,96 |
67 |
1995 |
3 665 320 |
- 6,47 |
63 |
1996 |
3 559 617 |
- 2,88 |
61 |
B. LE SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DE NOS CONCITOYENS AUGMENTE NOTABLEMENT
Comme votre rapporteur l'a souligné l'année
dernière, il existe un décalage entre l'amélioration des
statistiques globales et la perception de leur sécurité par les
citoyens. Ceci s'explique par plusieurs facteurs objectifs.
· La forte croissance
d'une délinquance de
proximité
qui affecte les Français dans leur vie quotidienne.
Depuis 12 ans, les dégradations et les coups et blessures
volontaires ont doublé. En 1996, les vols avec violence et les coups et
blessures ont continué à croître de plus de 6 %.
La violence est donc objectivement plus présente dans la vie quotidienne
de chacun.
· La
non élucidation
des infractions de proximité
est fréquente. Alors que le taux d'élucidation de la
criminalité organisée atteint 70 % et qu'il est en moyenne
de 30,2 % pour l'ensemble des infractions, il s'établit aux
alentours de
10% pour la délinquance de voie publique
.
La faiblesse de l'action répressive aggrave encore ce
phénomène puisque, dans certaines juridictions, près de
90 % des affaires élucidées en ces matières sont
classées sans suite
par les parquets faute de moyens pour les
traiter. Votre rapporteur avait déjà signalé
l'année dernière cette rupture de la chaîne
répressive. Le classement sans suite ne doit pas être une solution
pour pallier l'encombrement des tribunaux.
Il s'ensuit un sentiment d'impunité qui encourage la délinquance,
démotive profondément la police et dissuade les citoyens
eux-mêmes de porter plainte.
Pour ces raisons, les statistiques de la délinquance de
proximité sont certainement minimisées
.
· L'apparition, à côté d'une réelle
délinquance, de "
comportements incivils
" qui,
même s'ils ne sont pas toujours réprimables pénalement,
sont durement ressentis par les populations concernées.
L'ensemble de ces phénomènes se concentre principalement dans les
banlieues et les quartiers défavorisés dont les habitants ont le
sentiment d'être à l'écart des services de l'Etat en
devenant de fait des citoyens de deuxième rang, condamnés
à vivre dans des
zones de non-droit
en contact quotidien avec la
violence urbaine et la multiplication des trafics.
Le ministère de l'intérieur a déterminé
673 quartiers sensibles
en proie à la violence urbaine.
Parmi ceux-ci,
132
dont 55 en région Ile de France, sont
régulièrement le siège de
violences
anti-policières
.
Il convient d'enrayer cette dégradation du niveau réel de
sécurité au quotidien et de restaurer sur l'ensemble du
territoire la légalité républicaine.
Votre rapporteur a souvent rappelé que
la sécurité est
une condition
essentielle de l'exercice de la liberté
. Les
déclarations récentes du Premier ministre, le 25 octobre 1997, au
colloque de Villepinte, semblent confirmer que cette perception de la
liberté, directement issue de notre déclaration de l'Homme et du
citoyen, est aujourd'hui largement partagée.
C. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS CONTINUE DE S'ACCROÎTRE DE MANIÈRE PRÉOCCUPANTE
Le caractère de plus en plus précoce de la
délinquance devient un sujet de préoccupation majeur.
Globalement, en 1996,
17,87 %
des 804.000 personnes mises en cause,
soit
143.824,
étaient des mineurs. L'année dernière
votre rapporteur avait déjà signalé ce
phénomène alors que le nombre de mineurs mis en cause
était de 126.000 et ne représentait encore que 15,91 % de la
population totale mise en cause.
Sur les
sept premiers mois de l'année 1997
, la part des mineurs
est passée
à près de 20 %
.
C'est pour des vols que les mineurs sont le plus souvent impliqués
(30 % des mises en cause).
L'augmentation des actes de violences impliquant des mineurs
est
particulièrement alarmante. 569 d'entre-eux ont été
mis en cause dans les
vols à main armée
ou avec
violence
et 40 % des vols avec violence
constatés en
1996 ont donné lieu à la mise en cause d'un mineur. La part des
mineurs dans les coups et blessures volontaires s'élève à
14,4% et dans les viols, à 18,4%.
Cette situation reflète la
faillite des modes de régulation
habituels
, l'approche éducative classique n'ayant pas de prise sur
les jeunes délinquants et l'emprisonnement ne conduisant qu'à
fabriquer des récidivistes en puissance.
Les déclarations du ministre de l'intérieur, le 24 octobre 1997,
au colloque de Villepinte, reprises lors de son audition devant la commission
des lois du 5 novembre 1997, confirment ce constat. Elles devraient se
concrétiser par des propositions gouvernementales nouvelles et conduire
à une réflexion sur la modification de l'ordonnance de 1945 sur
l'enfance délinquante.
Pour sa part, le ministre de l'éducation nationale a lancé au
mois d'octobre une expérience de
lutte
contre la violence
à l'école
dans 412 établissements répartis sur
9 sites particulièrement sensibles.
D. LA PERSISTANCE D'UN NIVEAU ÉLEVÉ DE DÉLITS LIÉS À LA TOXICOMANIE
D'année en année, votre rapporteur constate une
montée en puissance du fléau que constitue la drogue.
En 1996, l'augmentation du nombre d'infractions est faible :
+ 0,71 %. Mais il dépasse les 79.000 infractions. Si l'on
note une diminution des délits de trafic (8,9 %), on relève
simultanément une augmentation de 2,69 % des délits
d'usage-revente et de 5,71 % des infractions pour consommation.
Infractions à la législation sur les stupéfiants |
|||
Type d'infractions |
Année 1995 |
Année 1996 |
Variation 95/96 |
TOTAL |
79.052 |
79.617 |
+ 0,71 % |
- dont trafic |
5.661 |
5.158 |
- 8,8 % |
- usage-revente |
12.098 |
12.424 |
+ 2,6 % |
- consommation |
54.850 |
57.981 |
+ 5,71 % |
Le volume des saisies a notablement augmenté par
rapport à 1995 :
Substances |
1995 |
1996 |
% |
Cannabis
|
42,2 tonnes |
66,8 tonnes |
+ 58,17 % |
Héroïne |
498 kg |
617 kg |
+ 23,79 % |
Cocaïne |
0,8 tonnes |
1,7 tonnes |
+ 101,4 % |
LSD |
70 000 doses |
74 780 doses |
+ 6,50 % |
Crack |
8,6 kg |
10,5 kg |
+ 22,70 % |
Ecstasy |
273 700 doses |
349 210 doses |
+ 27,55 % |
Concernant les usagers, les interpellations ont
augmenté de 11 % mais on constate une
baisse encourageante
d'environ 16 % du nombre d'usagers d'héroïne
.
Ces chiffres sont néanmoins d'interprétation délicate. Ils
retracent certes la priorité accordée à ce fléau
par les services de police mais relèvent en même temps une
diffusion plus grande de la consommation
.
Rappelant son souhait de l'année précédente, votre
rapporteur insiste pour qu'un
indicateur synthétique
mieux
approprié soit mis en oeuvre, permettant
d'appréhender
l'ampleur exacte du phénomène
.
La provenance diffère suivant les drogues. La Belgique et les Pays-Bas
sont prépondérants pour l'héroïne et les fournisseurs
quasi exclusifs de l'ecstasy. La Colombie arrive en tête pour la
cocaïne, la résine de cannabis provenant essentiellement du Maroc
et d'Espagne.
Sur le
plan international
, votre rapporteur a aussi maintes fois eu
l'occasion d'attirer l'attention sur l'ampleur des trafics en provenance des
Pays-Bas
et plus globalement sur les difficultés que suscite la
politique hollandaise de la drogue.
Une convention de coopération bilatérale avec ce pays est
entrée en vigueur en 1996. Elle prévoit en particulier
l'échange d'officiers de liaison drogue et la création d'une
cellule de coordination dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Au cours du premier semestre 1997, deux vastes opérations de
contrôles frontaliers contre le " tourisme de la drogue "
ont
été déclenchées entre la France, les Pays-Bas et la
Belgique. Elles ont mobilisé près de 1.000 fonctionnaires
des trois pays concernés.
Il semble donc que les relations avec les Pays-Bas semblent en voie
d'amélioration.
Votre rapporteur tient à rappeler que la lutte contre la drogue est une
des cinq
missions prioritaires
assignées à la police
nationale par la loi d'orientation et de programmation sur la
sécurité du 21 janvier 1995. Cette lutte passe, tant en ce
qui concerne l'action interne que la coopération internationale, par une
mobilisation permanente de tous les moyens.
E. LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME A MARQUÉ DES POINTS
La lutte contre le terrorisme est aussi définie comme
une mission prioritaire de la police par la loi d'orientation.
En 1996, le nombre total des actions violentes répertoriées dans
la rubrique terrorisme s'est élevé à
467
contre 541
l'année précédente.
Très mobilisés par la lutte contre le terrorisme tout au long de
l'année 1996 et au premier semestre 1997, les services régionaux
de police judiciaire et la 6ème division centrale chargée au plan
national de la répression des menées subversives et terroristes
ont enregistré
d'importants résultats en ce domaine
.
Visant notamment à la recherche et à l'arrestation des membres
encore en fuite du réseau terroriste responsable des attentats
perpétrés en France au cours de l'été et de
l'automne 1995 ainsi qu'à l'identification des auteurs de l'attentat
commis le 3 décembre 1996 dans la station RER de Port-Royal
à Paris, leur activité a abouti à la neutralisation de
plusieurs structures et filières clandestines de soutien aux
terroristes islamistes
dans notre pays.
Elle a, dans le même temps, permis le démantèlement en
France de l'appareil logistique de l'organisation terroriste basque espagnole
ETA-militaire
ainsi que l'identification et l'interpellation
d'activistes du
séparatisme violent corse
dont celle d'individus
mis en cause principalement dans les attentats commis en septembre et octobre
1996 à Aix-en-Provence (Bouches du Rhône).
Dans ce contexte, la 6ème division centrale a traité en 1996 plus
de
330 dossiers judiciaires
, ses investigations donnant lieu
à
500 gardes à vue
et au
placement sous
écrou de 95 individus.
Au cours du premier semestre 1997, 426 personnes ont été
interpellées et 103 placées sous écrou.
F. DES RÉSULTATS INCERTAINS DANS LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIERE.
Dans cette autre mission prioritaire confiée à
la police nationale par la loi d'orientation, il apparaît que la police
peut se prévaloir de quelques résultats depuis 1995.
C'est à la direction centrale du contrôle de l'immigration
irrégulière et de la lutte contre l'emploi des clandestins
(DICCILEC), née en 1994, que revient la responsabilité d'animer
et de coordonner l'action des services de police en la matière.
Par un décret du 6 août 1996, a été
institué un office central pour la répression de l'immigration
irrégulière et de l'emploi des étrangers sans titre
(OCRIEST) chargé tout particulièrement de lutter contre les
filières d'immigration de type mafieuse
à ramifications
internationales. Depuis sa création, celui-ci a permis le
démantèlement de 15 filières internationales et de
30 ateliers clandestins.
L'immigration irrégulière est en effet passée de
l'entreprise individuelle à
l'organisation de filières
structurées
en provenance principalement des pays du Maghreb,
d'Europe centrale et de Chine.
En 1996, le nombre de mesures de
non-admission
aux frontières
s'est élevé à
43.775
. La diminution
constatée de 36 % par rapport à 1995 peut s'expliquer en
grande partie par la mise en oeuvre de la convention d'application de l'accord
de Schengen.
Le
nombre de mesures d'éloignement du territoire
s'est
élevé en 1996 à
12.571
soit une hausse de 10 %
par rapport à 1995.
Votre rapporteur a maintes fois déploré une nette
insuffisance
du taux d'exécution effective des mesures d'éloignement
prononcées à l'égard des étrangers.
En 1996, ce taux s'est un peu amélioré passant de 22 à
28 %, ce qui reste
notoirement insuffisant
.
La
loi du 24 avril 1997
a introduit un certain nombre de mesures de
nature à améliorer la lutte contre l'immigration clandestine et
l'exécution des mesures d'éloignement : visite des
véhicules utilitaires en zone frontalière, fichiers
dactyloscopiques des irréguliers, aménagements du régime
de la rétention administrative, possibilités nouvelles de
contrôles dans les locaux professionnels. Elle n'a cependant pas
reçu sa pleine application faute de parution des textes
réglementaires qui devaient la prolonger.
Votre rapporteur regrette ce blocage qui freine une action résolue
contre l'immigration irrégulière.
II. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS POUR UNE POLICE DE PROXIMITÉ
Le projet de budget pour 1998 s'élève à
28,2 milliards de francs
, ce qui correspond à une
très légère progression en francs courants de
1,13 %
.
En réalité, en tenant compte des crédits inscrits au
budget de l'emploi qui seront transférés en cours d'exercice, la
progression est de 1,5 %
, ce qui correspond à une
augmentation très minime en francs constants
, les
prévisions de hausse des prix se situant autour de 1,4 %.
Cette quasi stagnation dissimule de fortes disparités :
- les
dépenses de personnel
(
23,6 milliards de
francs)
connaissent un accroissement de 2,16 % sous l'influence des
rémunérations d'activité
qui
progressent de
2,42 %
, malgré la diminution de 611 emplois ;
- les
moyens de fonctionnement
(
3,8 milliards de francs
)
diminuent
de
3,5 % ;
- les
dépenses en capital
sont en baisse de
6 %
en
terme de crédits de paiement (848,7 millions de francs) mais en
hausse de 12,5 % en autorisations de programme
(1,15 milliards
de francs).
Votre rapporteur regrette que la priorité annoncée par le
Gouvernement concernant la politique de sécurité n'ait pas sa
traduction dans le budget qu'il présente
.
A. UNE PRIORITÉ DONNÉE À LA POLICE DE PROXIMITÉ
Pour lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement souhaite relancer une politique de proximité en rapprochant les forces de police des citoyens et en adoptant une démarche globale qui suppose la mobilisation de tous les acteurs sur le terrain.
1. Les emplois de proximité
Le Gouvernement prévoit de déployer sur trois ans 35.000 emplois de proximité sur le terrain dont 20.000 adjoints de sécurité et 15.000 agents locaux de médiation , recrutés dans le cadre des dispositions de la loi sur l'emploi des jeunes.
a) Les agents locaux de médiation
Ces agents seront recrutés dans le cadre de l'article
premier de la loi sur l'emploi des jeunes, pour 5 ans sur la base de contrats
de droit privé, pour remplir des tâches de prévention,
périphériques de la sécurité publique au sens
strict.
Ils seront employés par des collectivités territoriales ou
d'autres personnes morales de droit public ou privé, telles des
sociétés de HLM ou des entreprises de transports, et seront mis
en place dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Le
coût de leur rémunération sera supporté pour
20 % par l'employeur et 80 % par le ministre de l'emploi.
b) Les adjoints de sécurité
Ces agents, dont le statut a été
précisé par un décret du 4 novembre 1997, doivent
permettre de faire face à des besoins non satisfaits en matière
de prévention, d'assistance et de soutien, particulièrement dans
les quartiers les plus sensibles.
Agés de 18 à 25 ans, ils seront engagés pour cinq ans sur
la base d'un
contrat de droit public
.
Ils seront placés sous l'autorité des fonctionnaires des services
actifs de la police nationale. Leurs
missions
seront assez
variées
. Elles permettront notamment de renforcer
l'îlotage, d'améliorer l'accueil et l'information du public dans
les commissariats, de soutenir les victimes en les aidant dans leurs
démarches administratives, de contribuer à des actions
d'intégration des étrangers, de participer à la
surveillance de la sortie des écoles et d'apporter une aide au public
sur la voie publique.
Ils ne pourront pas participer à des missions de police judiciaire ou de
maintien de l'ordre, mais ils seront
armés
quand leurs
tâches le justifieront.
Les candidats seront recrutés dans le
cadre départemental
sur la base d'une sélection reposant sur des
tests psychologiques
et un entretien.
Ils bénéficieront d'une
formation initiale d'une durée
de deux mois
comprenant une partie technique en école de six
semaines et un stage de deux semaines dans un service.
Dès 1997, 1.650 jeunes seront ainsi recrutés, ils seront
8.250
d'ici la fin 1998
.
Les adjoints seront rémunérés au
SMIC
sur la base
de 169 heures de travail mensuelles.
La prise en charge financière sera répartie entre le budget du
ministère de l'Intérieur qui assurera 20 % des
rémunérations et la totalité des frais de fonctionnement,
et celui du ministère de l'emploi qui assurera les 80 % restant des
rémunérations.
Pour 1998,
200 millions de francs
ont été inscrits
à ce titre au budget de l'intérieur, un nouveau chapitre 31-96 y
étant créé pour l'inscription des
rémunérations.
Compte tenu du grand nombre de départs à la retraite attendu chez
les policiers dans les années à venir (4 000 par an), les jeunes
embauchés auront toute facilité pour passer les concours de
recrutement et être à terme intégrés dans la police.
Votre rapporteur estime que ces emplois pourraient certes rendre service sur
le terrain. Mais il
souhaite que les jeunes recrutés ne soient
pas considérés comme des supplétifs à moindre
coût de la police nationale ou un simple substitut aux policiers
auxiliaires appelés à disparaître en 2002 du fait de la
réforme du service national
.
Comme l'a souligné le Président Jacques Larché lors de
l'audition du ministre de l'intérieur par la commission des lois, le 5
novembre 1997, la qualité du recrutement des policiers auxiliaires est
excellente en raison de la motivation des intéressés. Votre
rapporteur insiste pour qu'un soin particulier soit apporté à la
sélection des candidats aux emplois de proximité. Il se pose
enfin la question de savoir s'il convenait d'emblée d'autoriser les
adjoints de sécurité à porter une arme.
2. Les contrats locaux de sécurité
Une politique efficace de sécurité doit
mobiliser tous les partenaires publics et tous les acteurs sociaux et prendre
en compte aussi bien les aspects préventifs que les aspects
répressifs.
Le Gouvernement a souhaité donner une nouvelle impulsion à cette
approche partenariale en prévoyant l'intervention de
contrats de
sécurité
cosignés par le Préfet, le Procureur
de la République et les maires des communes concernées en
associant tous les agents publics ou privés pour la mise en place d'un
véritable dispositif de lutte contre l'insécurité dans les
zones les plus touchées par la délinquance urbaine. Les emplois
de proximité seront affectés prioritairement à la
réalisation des objectifs fixés par ces contrats.
La circulaire relative à la mise en œuvre de ces contrats a
été signée le 28 octobre 1997 par les ministres de
l'intérieur, de l'emploi, de la justice, de l'éducation nationale
et de la défense. Elle vise tout spécialement le
développement
d'actions concertées entre l'autorité
administrative et l'autorité judiciaire
. Elle soumet ces contrats
à une évaluation par une
cellule interministérielle
d'animation et d'évaluation des contrats locaux de
sécurité
.
Votre rapporteur estime indispensable de rapprocher au niveau local, comme
au niveau national, les différents acteurs de la sécurité
et notamment la police et la justice mais il reste circonspect quant à
l'efficacité réelle de ces nouveaux contrats qui se superposent
aux plans départementaux de sécurité organisés par
les circulaires de septembre 1993 et janvier 1997. Ces plans étaient
tout à fait à même de remplir la fonction dévolue
aux contrats locaux de sécurité en s'appuyant sur
l'expérience des conseils communaux et départementaux de
prévention de la délinquance institués au début des
années 1980.
3. Un difficile redéploiement des moyens de la police vers les zones les plus sensibles
a) La correction des déséquilibres géographiques
Au plan des effectifs, la
répartition
géographique des policiers est trop inégale
sur
l'ensemble
du territoire
. Dans son rapport remis au premier ministre
l'été dernier, M. Bruno Le Roux, député de la
Seine-Saint-Denis, produit des données chiffrées
démontrant que les policiers sont plus nombreux dans les zones où
la délinquance est la plus faible et le taux d'élucidation le
plus important. Le ratio de policiers par habitant passe de 1 pour 245 en
Lozère à 1 pour 510 en grande couronne parisienne.
Dans le cadre du pacte de relance pour la ville,
1 500 agents
devaient
être redéployés dans des zones sensibles en 1996 et 1997. A
titre
d'incitation
, les fonctionnaires affectés dans ces zones
touchent des primes pour
sujétions exceptionnelles et une
indemnité de fidélisation
après une affectation d'une
durée de cinq ans au moins dans le même ressort.
La
départementalisation du recrutement
est une bonne
méthode pour fixer les agents en Ile-de-France, alors que les agents
recrutés au niveau national préfèrent en
général les affectations en province.
La
politique du logement
des policiers est également un aspect
très important pour les retenir dans une affectation.
b) Une nouvelle répartition fonctionnelle des tâches
La loi d'orientation avait prévu qu'un maximum de
policiers puissent être employés à des missions de
sécurité publique, en contact avec les populations sur le
terrain. A cet effet, elle envisageait la limitation du nombre des policiers
affectés dans des emplois administratifs et la suppression des
" tâches indues " qui leur sont confiées.
· Trop de policiers sont éloignés " du terrain "
par l'accomplissement de
tâches administratives
. Les agents de la
sécurité publique passent en effet moins de la moitié de
leur temps en activités opérationnelles.
La loi d'orientation avait prévu la création de 1.250 emplois
administratifs ou techniques par an afin de pouvoir reverser à des
tâches opérationnelles des fonctionnaires des corps actifs. Mais
ce chiffre sera loin d'être atteint. Au total, seuls 1.200 emplois ont
été créés depuis 1996.
Des réductions de gardes statiques peuvent
également
être envisagées grâce à une utilisation plus grande
des matériels vidéo.
Le Gouvernement a également engagé une réflexion sur
la
préfecture de police
afin de recentrer les effectifs de la direction
de la sécurité publique, soit environ 13.000 fonctionnaires, sur
la sécurité des parisiens.
· La loi d'orientation envisageait également la suppression des
"
tâches indues
" non prioritaires ou parajudiciaires
accomplies par les policiers.
Notre collègue M. Alain Danilet, député du Gard, a
dressé dans un rapport remis en 1996 une liste de
19 tâches
occupant 7.400 fonctionnaires, qui pourraient être confiées
à d'autres administrations.
Cependant, une commission interministérielle semble avoir conclu en
faveur du statut quo concernant la plupart des activités
parajudiciaires. La garde des détenus hospitalisés, en revanche,
serait transférée à l'administration pénitentiaire.
Au total, cette réflexion sur la réaffectation fonctionnelle des
policiers n'a abouti en 1996 qu'au reversement de
65 policiers sur la
voie publique
.
c) La répartition des responsabilités entre la police et la gendarmerie
A cette réflexion sur le redéploiement des
forces de police s'ajoute celle sur la
répartition des
responsabilités entre la police et la gendarmerie
, envisagée
dans le prolongement de la loi d'orientation. Abandonnant l'ancien
critère purement démographique et afin de mieux prendre en compte
la réalité du terrain, le décret n° 96-827 du 19
septembre 1996 a posé le principe de l'étatisation de la police
des communes dont la population est supérieure à 20.000 habitants
et dont les caractéristiques de la délinquance sont celles d'une
zone urbaine, les chefs-lieux de départements restant en tout
état de cause sous régime d'Etat.
Le processus est à l'heure actuelle peu avancé
puisque les
seules réalisations concrètes intervenues en 1997 sont, en Corse,
l'étatisation de Furiani et de Ville-di-Pietrabugno et la
désétatisation de Corte.
Nos collègues MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest ont reçu
mission du Premier ministre pour travailler sur ce délicat
problème. Il importe en effet de supprimer les doubles emplois entre
police et gendarmerie sans porter atteinte à la sécurité,
au moment où la gendarmerie envisage de réduire ses implantations
en zones étatisées de 153 unités.
d) les polices municipales
La répartition des rôles
entre
police nationale
et
polices municipales
ou
sociétés de gardiennage devrait faire l'objet d'un nouveau projet
de loi en cours de préparation. Votre rapporteur rappelle qu'un premier
projet de réforme des polices municipales avait déjà
été déposé au Sénat en décembre 1987
et avait fait l'objet, sur son rapport, d'une adoption en séance
publique le 20 décembre 1987. l'Assemblée nationale n'ayant pas
examiné ce texte avant la fin de la législature, deux autres
projets ont été déposés, respectivement en 1993 au
Sénat et en 1995 à l'Assemblée nationale, sans plus de
succès.
Le Gouvernement a, de plus, annoncé l'élaboration d'un
code
de déontologie
qui sera applicable à l'ensemble des personnes
chargées de missions de sécurité publique.
4. Un effort pour l'équipement immobilier des zones sensibles
Trop de locaux de police, sont encore vétustes ou mal
adaptés aux missions qui s'y exercent, particulièrement dans les
quartiers défavorisés.
La loi de programmation avait prévu un rythme de livraison annuel de 100
000 m² de locaux pour l'équipement immobilier des services. En
fait, depuis 1995, les retards se sont accumulés. Le budget pour 1998
prévoit une hausse de 22 % des autorisations de programme (601 millions
de francs) mais une baisse des crédits de paiement de 6,34 %.
La formation des adjoints de sécurité ainsi que celle des agents
recrutés dans les prochaines années pour faire face aux
départs en retraite nécessitera également des
investissements immobiliers en conséquence.
B. UN BUDGET QUI PREND EN COMPTE CERTAINES ATTENTES DES PERSONNELS
1. Les dotations
Les dotations consacrées au personnel
représentent plus de 83,5 % des crédits de la police nationale.
Le poids des dépenses de personnel est donc considérable et
laisse peu de marge de manoeuvre budgétaire. L'intervention de certaines
mesures catégorielles permet de consolider la réforme des corps
et carrières.
Les crédits de personnels s'élèvent à 23,6
milliards de francs. Ils sont en augmentation de 2,16 % malgré une
diminution de 611 emplois.
Cette hausse est d'abord mécaniquement imputable à l'augmentation
de 1 % du point de la fonction publique (290 millions de francs) et au
financement des adjoints de sécurité (117 millions de francs).
Elle est également imputable à
plusieurs mesures indemnitaires
catégorielles
:
-
l'unification du régime indemnitaire des officiers
en
prolongement de la réforme statutaire du corps (257,7 millions de
francs). 2.000 officiers sur 17.000 risquent cependant d'être perdants
dans l'application de cette réforme ;
- le financement de
l'allocation de services des commissaires
en
complément des fonds de concours qui remplacent les
rémunérations antérieurement versées directement
aux fonctionnaires lors d'opérations funéraires ou d'assistance
aux huissiers de justice. Cette nouvelle allocation, prévue par la loi
d'orientation, a introduit un élément de transparence dans un
régime qui était très controversé mais son
financement reste problématique.
- l'alignement total des primes versées aux fonctionnaires du
secrétariat général de l'administration
(SGAP) de
Versailles
sur celles versées aux fonctionnaires du SGAP de Paris
(12,1 millions de francs) ;
2. Les effectifs
Ils s'élèvent à
136 227 personnes
dont 113 147 personnels actifs, 13 206 personnels
administratifs, 1 549 personnels ouvriers et 8 325 policiers
auxiliaires.
Depuis la loi d'orientation, les personnels actifs se répartissent en
trois corps :
- les corps de conception et de direction (commissaires de police) 2 000
personnes ;
- les corps de commandement et d'encadrement (inspecteurs, commandants et
officiers) 17 000 personnes ;
- les corps de maîtrise et d'application (gardiens, enquêteurs et
gradés) 94 000 personnes.
La réforme des corps et des carrières, concrétisée
dans le règlement général d'emploi publié le 4
septembre 1996, s'accompagne d'une
modification de la répartition des
effectifs entre les trois corps
de manière à aboutir à
une augmentation du nombre des agents de maîtrise et d'application.
Ce changement de structure s'échelonne sur dix ans. A l'heure actuelle,
les officiers sont, à titre transitoire, trop nombreux pour exercer un
réel emploi d'encadrement.
Pour 1998, la suppression de 11 emplois dans le corps de conception et de
direction et de 653 dans le corps de commandement permettra la création
de 664 emplois dans le corps de maîtrise et d'application.
Les autres modifications de structure concernent :
- le repyramidage du corps des officiers ;
- la création, gagée par la suppression de 183 emplois
gelés, de 83 emplois administratifs, à savoir
70
attachés de police, 10 psychologues et 3 ingénieurs ;
- la suppression de
500 postes de policiers auxiliaires
qui n'avaient
jamais été pourvus.
3. L'amélioration des conditions de travail
L'année 1997 a vu entrer en application une importante réforme des horaires de travail. Le budget de 1998 prévoit un ensemble de mesures d'action sociale et la poursuite de la mise à disposition de logements pour les policiers.
a) L'importante réforme des horaires de travail
Cette réforme qui a conduit à l'abandon de la cinquième brigade (rythme 3/2) pour l'adoption d'un rythme de quatre jours de travail pour 2 jours de repos (4/2) est devenue effective depuis le 10 janvier 1997 à l'égard de 37 000 fonctionnaires actifs. Des adaptations sont intervenues localement après consultation des comités paritaires départementaux. Il semble que sa mise en oeuvre s'opère de manière satisfaisante et qu'elle permette, combinée à l'institution du service du quart pour les officiers, d'améliorer la présence continue des policiers sur la voie publique. Il convient de relever la pugnacité avec laquelle cette transformation du service quotidien a été conduite.
b) L'action sociale
Concernant
l'action sociale
, le Gouvernement a
souhaité mieux prendre en compte le caractère éprouvant de
certaines tâches dévolues aux fonctionnaires
Une mesure de 25 millions de francs permettra de renforcer le soutien
médico social des policiers. Dix postes de psychologues
supplémentaires seront créés.
Une enveloppe de 10 millions de francs sera affectée à la
fourniture de repas chauds dans les commissariats.
c) Le logement des policiers
Le logement à proximité du lieu d'affectation
est une des conditions essentielles de la qualité et de la
continuité du travail des policiers.
La loi d'orientation prévoyait la livraison de 800 logements par an. Ces
chiffres sont loin d'être atteints puisque les 550 logements
prévus en 1997 porteront à 1680 le total des logements
livrés sur trois ans.
Cependant, le nombre des logements effectivement mis à la disposition
des policiers dépasse de quelques centaines les prévisions
grâce au mécanisme de garantie des loyers mis en oeuvre par
convention avec l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI).
Des bailleurs privés acceptent ainsi de conclure des baux à des
prix inférieurs de 20 à 25 % à ceux du marché.
Votre rapporteur regrette cependant que les autorisations de programme comme
les crédits de paiement affectés aux logements des policiers
soient en baisse sensible dans le budget 1998
(- 17,3 % pour les
crédits de paiement, - 9,4 % pour les autorisations de programme).
C. LA POURSUITE DES PROGRAMMES INFORMATIQUES ET DE LA RÉNOVATION DES TRANSMISSIONS
1. Le budget de 1998 permettra de poursuivre les grands programmes informatiques en cours
Il est difficile de cerner le montant exact des crédits
affectés aux grands programmes informatiques car, à l'exception
de ceux consacrés au système d'information Schengen (SIS), ils ne
sont pas isolés, dans la nomenclature budgétaire, de l'ensemble
des crédits informatiques.
Trois grands projets sont actuellement en cours de développement.
·
Le système de traitement automatisé de l'information
criminelle (STIC)
est un chantier essentiel. Il regroupe
l'intégralité des fichiers judiciaires de la police nationale. Il
est scindé en deux sous-systèmes : d'une part le logiciel de
rédaction de procédures (LRP) et, d'autre part, une base de
données nationale permettant la saisie et la recherche d'informations.
En 1997, l'accent a porté sur l'amélioration de la base nationale
qui permet maintenant d'alimenter le système d'information Schengen et
de reprendre les images du système CANONGE.
Fin 1996, 5 000 postes de travail utilisaient une première version du
logiciel de rédaction de procédures. Concernant la base
nationale, 950 postes de travail sont raccordés.
18,39 millions de francs
devraient être consacrés à
l'extension de ce programme en 1998, sur un total estimé à
150
millions de francs sur la période 1994-2001
.
·
Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)
est un important outil d'identification des personnes mises en cause dans le
cadre des procédures judiciaires.
Au 31 décembre 1996, la base centrale contenait 825 000
références, trois sites permettant la mise à jour de la
base qui était interrogeable à partir de 8 sites.
Ce fichier a fait la preuve de son utilité en permettant
d'accroître de 35 % le nombre d'affaires résolues.
En 1997, 4 nouveaux sites devaient être connectés, cette extension
devant se poursuivre en 1998 dans la perspective d'une police de
proximité.
22 millions de francs
devraient être consacrés à ce
programme en 1998 sur un total estimé à
400 millions de francs
pour la période 1992-2000
.
·
Le système d'information Schengen (SIS)
résulte
des accords de Schengen. Il comporte une partie nationale et un système
central situé à Strasbourg. Après de multiples retards, il
semble que la base centrale fonctionne en conformité avec le cahier des
charges initial. Au 31 juillet dernier, elle comportait 4,8 millions de
signalisations enregistrées par sept pays sur des personnes, des
véhicules, des armes à feu, des documents d'identité et
des billets de banque.
Lors de sa communication devant votre commission des lois sur les travaux de
l'autorité commune de contrôle du SIS, M. Alex Türk a
néanmoins souligné la grande disparité des chargements
nationaux, l'Allemagne fédérale et la France étant
à elles seules les principaux fournisseurs de signalements. Il a d'autre
part regretté qu'une politique commune de signalement n'est pas
été définie, l'Allemagne signalant par exemple les
demandeurs d'asile déboutés sur son territoire ce que la France
ne fait pas.
A la fin de l'année, le chargement des données devrait être
réalisé pour les systèmes nationaux italiens, grecs et
autrichiens. L'extension aux Etats nordiques qui ont actuellement un statut
d'observateur est envisagée d'ici à l'an 2000.
Pour 1998, le total de la dotation consacrée à ce programme
s'établit à
23,7 millions de francs
, ce montant
résultant d'une
quote-part décidée au niveau
européen
.
Comme l'année dernière, votre rapporteur souligne les retards
pris dans la réalisation de ces programmes informatiques.
2. Une relance insuffisante du programme de transmission ACROPOL
A plusieurs reprises, votre rapporteur a attiré
l'attention sur l'enjeu du programme ACROPOL, nouveau réseau de
communications cryptées numérique destiné à assurer
à 100 % la confidentialité des transmissions de la police. Il
s'agit d'un impératif, à une époque où les moyens
électroniques d'écoute, moins chers que jadis et sans cesse plus
performants, placent les communications de la police en position de faiblesse.
Dans cette optique, un des
engagements importants de la loi de programmation
était d'accélérer la mise en oeuvre du programme ACROPOL
lancé en 1993.
Or, le développement d'ACROPOL s'est heurté à des
obstacles techniques et budgétaires que ne semble pas avoir
rencontrés la gendarmerie dans le cadre du programme RUBIS.
Au rythme d'exécution du programme adopté ces dernières
années, le réseau aurait été terminé en 2014
au risque d'être obsolète dès son achèvement.
Une certaine accélération est prise en compte dans le budget de
1998, les autorisations de programme étant portées de 210
à 265 millions de francs et les crédits de paiement de 208
à 214 millions de francs, soit une
augmentation de 2,8 % par rapport
à 1997
.
Cette augmentation de dotation permettra de rendre opérationnel le
réseau de la Seine-Saint-Denis où est implanté le stade de
France pour la coupe du monde de football en 1998. A ce rythme, l'ensemble de
l'Ile de France ne serait pas couverte avant l'an 2000 et le programme ne
serait achevé qu'en 2008!
Votre rapporteur regrette que l'option d'achèvement du réseau
en 2004 un moment envisagée n'ait pas été mise en
oeuvre.
Il souligne qu'en tout état de cause, l'entretien de l'actuel
réseau analogique devient de plus en plus coûteux.
D. LE POINT SUR L'APPLICATION DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION RELATIVE À LA SÉCURITÉ
1. Au plan réglementaire
La plus grande partie des mesures réglementaires
concernant la réforme de la police sont intervenues et sont en cours
d'application.
Concernant les autres mesures dont votre rapporteur avait signalé la
non-application l'année dernière, on peut signaler l'intervention
du décret prévu à l'article 12 de la loi relatif aux
obligations de surveillance ou de gardiennage incombant à certains
propriétaires, exploitants ou affectataires de locaux professionnels
(décret n° 97-46 du 15 janvier 1997).
Ne sont toujours pas intervenus :
- le décret prévu à l'article 11 sur les
études
de sécurité préalables
à certains projets
d'aménagement et équipements de construction ;
- le décret prévu à l'article 14 relatif à
l'implantation sur le réseau routier et autoroutier de dispositifs
techniques
devant faciliter le contrôle du respect du code la route
;
- le décret prévu à l'article 15 sur le
marquage des
véhicules
. Une directive européenne est prochainement
attendue sur le sujet.
2. Au plan financier
Sur le plan des engagements financiers, on constate un retard
dans tous les domaines par rapport aux objectifs de la loi.
Le nombre de logements prévu a cependant pu être mis à la
disposition des policiers, non pas grâce aux livraisons de logements mais
en raison de la conclusion de baux à tarif préférentiel
moyennant la garantie de paiement du loyer.
E. LA NÉCESSITÉ D'UN SUIVI EFFICACE DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE INTERNATIONALE
Votre rapporteur a eu maintes fois l'occasion de souligner
l'importance essentielle de la coopération policière
internationale comme instrument de lutte contre une criminalité qui,
depuis longtemps, sait tirer le meilleur parti de toutes les
opportunités qu'offre la libre circulation des personnes et des capitaux.
Il a toujours considéré qu'une impulsion au plus haut niveau
devrait être assurée par une unité de conception et
d'exécution chargée de suivre au plus près les
problèmes de coopération policière.
Lors de son audition par votre commission des lois le 5 novembre 1997, le
ministre de l'intérieur a annoncé la création au sein du
ministère d'une délégation aux
affaires
internationales
.
Le suivi des accords de Schengen actuellement dévolu au ministère
des affaires étrangères reviendra au ministère de
l'intérieur dès l'entrée en vigueur du Traité sur
l'Union européenne, signé à Amsterdam le 2 octobre 1997,
qui prévoit
l'intégration de l'acquis de Schengen dans le
cadre de l'Union européenne.
Dans son rapport sur l'intégration de Schengen dans l'Union
européenne, présenté au nom de la délégation
du Sénat pour l'Union européenne, votre rapporteur note qu'une
pression est effectuée par la présidence luxembourgeoise de
l'Union européenne pour accélérer les travaux tendant
à la communautarisation de l'acquis de Schengen, c'est-à-dire
à son transfert du troisième pilier relevant de la
coopération intergouvernementale dans le premier pilier relevant des
procédures de décisions communautaires.
Il souhaite que le Gouvernement reste très vigilant pour que :
- les engagements auxquels les Pays-Bas ont souscrit en matière de
drogue ne deviennent pas caduques ;
- des conventions bilatérales puissent être conclues entre Etats
souverains, leur mise en oeuvre étant un des corollaires essentiels de
la libre circulation des personnes aux frontières intérieures de
l'espace Schengen ;
- il soit toujours possible de recourir à la clause de sauvegarde
(article 2, paragraphe 2 de la convention de Schengen) permettant le maintien
des contrôles temporaires aux frontières intérieures.
Il considère qu'il faut ménager une période transitoire
suffisamment longue pour consolider l'expérience menée dans le
cadre de la coopération policière européenne et les
pratiques de contrôle aux frontières extérieures.
Concernant
Europol
, votre rapporteur émet le même voeu de
vigilance en souhaitant que cet organisme reste soumis aux règles de
coopération intergouvernementale.
Au vu des évolutions de Schengen et d'Europol, votre commission vient de
décider la constitution en son sein d'une
mission d'information sur
le suivi du processus de coopération policière
européenne
, dotée par le Sénat des pouvoirs des
commissions d'enquête dans les conditions prévues par l'article 5
ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
CONCLUSION
Le caractère prioritaire que le Gouvernement a
annoncé vouloir donner à la politique de sécurité
ne trouve pas sa pleine traduction dans le budget de la police pour 1998 qui,
en francs constants, se présente en légère diminution.
L'augmentation constatée (+ 1,1 %) n'est que le
résultat mécanique de la croissance des dépenses de
personnel.
Les grandes orientations définies par la loi du 21 janvier 1995 ne
sont pas remises en cause.
Cependant, les retards pris dans l'exécution de cette loi se creusent.
On peut par ailleurs s'interroger sur la validité de la relance d'une
politique de sécurité de proximité qui reposera, pour
l'essentiel, sur des emplois-jeunes.
Enfin, la loi du 24 avril 1997 n'a pas reçu sa pleine application.
Ces observations conduisent la commission des Lois à ne pas souscrire
aux mesures techniques qui figurent dans la section
police-sécurité du projet de loi de finances pour 1998 et
à s'en remettre, pour les crédits proprement dits, à
l'appréciation de la commission des finances.