AVIS n° 90 - Tome II - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 - INTERIEUR ET DECENTRALISATION : POLICE ET SECURITE


M. Paul MASSON, Sénateur


COMMISSION DES LOIS - Avis n° 90 - Tome II - 1997/1998

Table des matières






N° 90

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME II

INTÉRIEUR ET DÉCENTRALISATION :

POLICE ET SÉCURITÉ


Par M. Paul MASSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 29 ) (1997-1998).

Lois de finances.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie sous la présidence de M. Jacques Larché, Président, la commission des lois a procédé, sur le rapport de M. Paul Masson, à l'examen pour avis des crédits de la police inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998, dont la commission des finances est saisie au fond.

La commission a constaté que, malgré l'amélioration des statistiques globales de la criminalité constatée en 1996, le sentiment d'insécurité de nos concitoyens augmentait du fait de la recrudescence de la délinquance de proximité. Elle s'est montrée particulièrement préoccupée par l'accroissement de la délinquance des mineurs.

Au plan budgétaire, elle a regretté que le caractère prioritaire que le Gouvernement a annoncé vouloir donner à la politique de sécurité ne trouve pas sa pleine traduction dans le budget de la police pour 1998 qui, en francs constants, se présente en légère diminution.

Elle a constaté que les grandes orientations définies par la loi du 21 janvier 1995 n'étaient pas remises en cause mais que les retards pris dans son exécution se creusaient.

Tout en souscrivant à l'objectif d'amélioration de la sécurité de proximité poursuivi par le Gouvernement, elle s'est interrogée sur la validité d'une politique reposant, pour l'essentiel, sur des emplois-jeunes dont les modalités de mise en oeuvre apparaissaient floues à bien des égards.

Enfin, elle a regretté que la loi du 24 avril 1997 relative à l'immigration n'ait pas reçu sa pleine application.

Ces observations ont conduit la commission des lois à ne pas souscrire aux mesures techniques qui figurent dans la section police-sécurité du projet de loi de finances pour 1998 et à s'en remettre, pour les crédits proprement dits, à l'appréciation de la commission des finances.

Mesdames, Messieurs,

La police est une des plus importantes administrations régaliennes de l'Etat. 136 200 fonctionnaires dont 113 100 personnels actifs sont en charge de la sécurité de nos concitoyens.

Ces trois dernières années, elle a connu une profonde réorganisation initiée par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995. Les corps et les carrières ont été entièrement réformés. Cette année, est intervenue une importante réforme des horaires de travail à la suite de l'abandon du système de la " cinquième brigade ".

Tous ces changements ont été plutôt bien acceptés prouvant la capacité d'adaptation de la police.

Celle-ci doit faire face à des défis multiples tant sur le front de la délinquance de proximité que sur celui des trafics internationaux qui exigent une coopération internationale active.

En 1996, elle a constaté, avec la gendarmerie nationale, 3,5 millions d'infractions et procédé à plus de 12 000 mesures d'éloignement du territoire.

Malgré une priorité affichée pour la politique de sécurité, le budget de la police pour 1998 qui s'élève à 28,3 milliards de francs, soit 1,1 % de plus que l'année dernière, est en très légère diminution en francs constants.

Ce budget permet néanmoins d'aménager quelques mesures indemnitaires catégorielles et de créer 83 emplois administratifs et techniques. Les autorisations de programme intéressant la poursuite du programme immobilier sont en hausse alors que les crédits consacrés au logement des policiers sont en diminution sensible.

Mais le budget de 1998 est placé avant tout sous le signe de la " proximité ". Le Gouvernement souhaite rapprocher la police des citoyens pour mieux lutter contre l'accroissement de la délinquance urbaine. On ne peut que souscrire à cet objectif, la sécurité étant une condition essentielle de l'exercice de la liberté.

Une des conditions du succès de cette politique sera de poursuivre le redéploiement des policiers vers les zones sensibles et de les décharger de tâches administratives qui les éloignent " du terrain ".

Il reste à espérer que les 35 000 emplois jeunes, qu'il s'agisse des agents de médiation ou des adjoints de sécurité, dont les activités prolongeront les mesures préventives et répressives engagées par les fonctionnaires de police dans les zones sensibles, répondront aux attentes. Quoi qu'il en soit, leur recrutement ne compensera pas la disparition des policiers auxiliaires en 2002 du fait de la réforme du service national.

On peut également espérer que les contrats locaux de sécurité mobiliseront efficacement l'ensemble des acteurs de la sécurité au niveau local, même si aucun moyen nouveau n'est accordé à cet effet.

Il faudra également définir au plus près la répartition des rôles entre la police et la gendarmerie nationale. C'est le sens de la délicate mission confiée par le Premier ministre à nos collègues, MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest.

Enfin, une police efficace doit bénéficier de moyens techniques modernes. Il est sur ce point tout à fait anormal qu'il faille attendre 2008 pour que le réseau numérique de transmission ACROPOL lancé en 1993 couvre l'ensemble du territoire.

Mais avant d'examiner le budget de la police pour 1998, votre rapporteur tient à rendre hommage une fois de plus aux 136 000 policiers qui dans des conditions souvent très périlleuses se dévouent pour assurer la sécurité de notre pays.

I. L'ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ FAIT APPARAÎTRE DES RÉSULTATS CONTRASTÉS

Comme les deux années précédentes, cette année enregistre une amélioration des statistiques globales de la délinquance et de la criminalité.

Mais cette évolution n'est guère perçue dans la vie quotidienne des français chez qui le sentiment d'insécurité s'accroît, alimenté par la délinquance de proximité et la recrudescence des infractions impliquant des mineurs et le trafic de drogue, quand, dans le même temps, la lutte contre le terrorisme marque des points.

A. LA BAISSE DES STATISTIQUES GLOBALES DE LA CRIMINALITÉ SE POURSUIT

En 1996, les services de police et de gendarmerie ont constaté 3.559.617 crimes ou délits, soit près de 106.000 de moins que l'année dernière.

La criminalité globale se caractérise donc par une diminution de 2,88 % par rapport à l'année dernière, la criminalité moyenne pour 1.000 habitants s'établissant à 61.

Alors que l'on avait assisté à une augmentation ininterrompue de la criminalité depuis 1989, l'évolution favorable depuis 1995 a conduit depuis cette date à une baisse de 10 %, les chiffres revenant en valeur absolue un peu au-dessus du niveau enregistré en 1990.

Une explication pourrait, comme l'année dernière, résider dans l'application du plan Vigipirate, qui a certainement contribué à décourager les infractions en raison de la présence visible de policiers dans les rues. C'est en effet dans les zones urbaines où le plan a eu le plus d'incidence que la baisse de la criminalité est la plus notable, surtout à Paris qui a connu 8,47 % de moins de délinquance de voie publique alors que la moyenne de la diminution des infractions de ce type n'était que de 0,6%.


Évolution décennale de la criminalité en France

Années

Nombre de crimes
et délits

Évolution en %

Taux pour
1 000 habitants

1987

3.170.970

- 3,68

57

1988

3.132.634

- 1,21

56

1989

3.266.442

+ 4,3

58

1990

3.492.712

+ 6,9

62

1991

3.744.112

+ 7,2

66

1992

3.830.996

+ 2,32

67

1993

3.831.894

+ 1,33

67

1994

3.919.008

+ 0,96

67

1995

3 665 320

- 6,47

63

1996

3 559 617

- 2,88

61

B. LE SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DE NOS CONCITOYENS AUGMENTE NOTABLEMENT

Comme votre rapporteur l'a souligné l'année dernière, il existe un décalage entre l'amélioration des statistiques globales et la perception de leur sécurité par les citoyens. Ceci s'explique par plusieurs facteurs objectifs.

· La forte croissance d'une délinquance de proximité qui affecte les Français dans leur vie quotidienne.

Depuis 12 ans, les dégradations et les coups et blessures volontaires ont doublé. En 1996, les vols avec violence et les coups et blessures ont continué à croître de plus de 6 %.

La violence est donc objectivement plus présente dans la vie quotidienne de chacun.

· La non élucidation des infractions de proximité est fréquente. Alors que le taux d'élucidation de la criminalité organisée atteint 70 % et qu'il est en moyenne de 30,2 % pour l'ensemble des infractions, il s'établit aux alentours de 10% pour la délinquance de voie publique .

La faiblesse de l'action répressive aggrave encore ce phénomène puisque, dans certaines juridictions, près de 90 % des affaires élucidées en ces matières sont classées sans suite par les parquets faute de moyens pour les traiter. Votre rapporteur avait déjà signalé l'année dernière cette rupture de la chaîne répressive. Le classement sans suite ne doit pas être une solution pour pallier l'encombrement des tribunaux.

Il s'ensuit un sentiment d'impunité qui encourage la délinquance, démotive profondément la police et dissuade les citoyens eux-mêmes de porter plainte.

Pour ces raisons, les statistiques de la délinquance de proximité sont certainement minimisées .

· L'apparition, à côté d'une réelle délinquance, de " comportements incivils " qui, même s'ils ne sont pas toujours réprimables pénalement, sont durement ressentis par les populations concernées.

L'ensemble de ces phénomènes se concentre principalement dans les banlieues et les quartiers défavorisés dont les habitants ont le sentiment d'être à l'écart des services de l'Etat en devenant de fait des citoyens de deuxième rang, condamnés à vivre dans des zones de non-droit en contact quotidien avec la violence urbaine et la multiplication des trafics.

Le ministère de l'intérieur a déterminé 673 quartiers sensibles en proie à la violence urbaine. Parmi ceux-ci, 132 dont 55 en région Ile de France, sont régulièrement le siège de violences anti-policières .

Il convient d'enrayer cette dégradation du niveau réel de sécurité au quotidien et de restaurer sur l'ensemble du territoire la légalité républicaine.

Votre rapporteur a souvent rappelé que la sécurité est une condition essentielle de l'exercice de la liberté . Les déclarations récentes du Premier ministre, le 25 octobre 1997, au colloque de Villepinte, semblent confirmer que cette perception de la liberté, directement issue de notre déclaration de l'Homme et du citoyen, est aujourd'hui largement partagée.

C. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS CONTINUE DE S'ACCROÎTRE DE MANIÈRE PRÉOCCUPANTE

Le caractère de plus en plus précoce de la délinquance devient un sujet de préoccupation majeur.

Globalement, en 1996, 17,87 % des 804.000 personnes mises en cause, soit 143.824, étaient des mineurs. L'année dernière votre rapporteur avait déjà signalé ce phénomène alors que le nombre de mineurs mis en cause était de 126.000 et ne représentait encore que 15,91 % de la population totale mise en cause.

Sur les sept premiers mois de l'année 1997 , la part des mineurs est passée à près de 20 % .

C'est pour des vols que les mineurs sont le plus souvent impliqués (30 % des mises en cause).

L'augmentation des actes de violences impliquant des mineurs est particulièrement alarmante. 569 d'entre-eux ont été mis en cause dans les vols à main armée ou avec violence et 40 % des vols avec violence constatés en 1996 ont donné lieu à la mise en cause d'un mineur. La part des mineurs dans les coups et blessures volontaires s'élève à 14,4% et dans les viols, à 18,4%.

Cette situation reflète la faillite des modes de régulation habituels , l'approche éducative classique n'ayant pas de prise sur les jeunes délinquants et l'emprisonnement ne conduisant qu'à fabriquer des récidivistes en puissance.

Les déclarations du ministre de l'intérieur, le 24 octobre 1997, au colloque de Villepinte, reprises lors de son audition devant la commission des lois du 5 novembre 1997, confirment ce constat. Elles devraient se concrétiser par des propositions gouvernementales nouvelles et conduire à une réflexion sur la modification de l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante.

Pour sa part, le ministre de l'éducation nationale a lancé au mois d'octobre une expérience de lutte contre la violence à l'école dans 412 établissements répartis sur 9 sites particulièrement sensibles.

D. LA PERSISTANCE D'UN NIVEAU ÉLEVÉ DE DÉLITS LIÉS À LA TOXICOMANIE

D'année en année, votre rapporteur constate une montée en puissance du fléau que constitue la drogue.

En 1996, l'augmentation du nombre d'infractions est faible : + 0,71 %. Mais il dépasse les 79.000 infractions. Si l'on note une diminution des délits de trafic (8,9 %), on relève simultanément une augmentation de 2,69 % des délits d'usage-revente et de 5,71 % des infractions pour consommation.

Infractions à la législation sur les stupéfiants

Type d'infractions

Année 1995

Année 1996

Variation 95/96

TOTAL

79.052

79.617

+ 0,71 %

- dont trafic

5.661

5.158

- 8,8 %

- usage-revente

12.098

12.424

+ 2,6 %

- consommation

54.850

57.981

+ 5,71 %

Le volume des saisies a notablement augmenté par rapport à 1995 :

Substances

1995

1996

%

Cannabis
(toutes formes confondues)

42,2 tonnes

66,8 tonnes

+ 58,17 %

Héroïne

498 kg

617 kg

+ 23,79 %

Cocaïne

0,8 tonnes

1,7 tonnes

+ 101,4 %

LSD

70 000 doses

74 780 doses

+ 6,50 %

Crack

8,6 kg

10,5 kg

+ 22,70 %

Ecstasy

273 700 doses

349 210 doses

+ 27,55 %

Concernant les usagers, les interpellations ont augmenté de 11 % mais on constate une baisse encourageante d'environ 16 % du nombre d'usagers d'héroïne .

Ces chiffres sont néanmoins d'interprétation délicate. Ils retracent certes la priorité accordée à ce fléau par les services de police mais relèvent en même temps une diffusion plus grande de la consommation .

Rappelant son souhait de l'année précédente, votre rapporteur insiste pour qu'un indicateur synthétique mieux approprié soit mis en oeuvre, permettant d'appréhender l'ampleur exacte du phénomène .

La provenance diffère suivant les drogues. La Belgique et les Pays-Bas sont prépondérants pour l'héroïne et les fournisseurs quasi exclusifs de l'ecstasy. La Colombie arrive en tête pour la cocaïne, la résine de cannabis provenant essentiellement du Maroc et d'Espagne.

Sur le plan international , votre rapporteur a aussi maintes fois eu l'occasion d'attirer l'attention sur l'ampleur des trafics en provenance des Pays-Bas et plus globalement sur les difficultés que suscite la politique hollandaise de la drogue.

Une convention de coopération bilatérale avec ce pays est entrée en vigueur en 1996. Elle prévoit en particulier l'échange d'officiers de liaison drogue et la création d'une cellule de coordination dans la région Nord-Pas-de-Calais.

Au cours du premier semestre 1997, deux vastes opérations de contrôles frontaliers contre le " tourisme de la drogue " ont été déclenchées entre la France, les Pays-Bas et la Belgique. Elles ont mobilisé près de 1.000 fonctionnaires des trois pays concernés.

Il semble donc que les relations avec les Pays-Bas semblent en voie d'amélioration.

Votre rapporteur tient à rappeler que la lutte contre la drogue est une des cinq missions prioritaires assignées à la police nationale par la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité du 21 janvier 1995. Cette lutte passe, tant en ce qui concerne l'action interne que la coopération internationale, par une mobilisation permanente de tous les moyens.

E. LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME A MARQUÉ DES POINTS

La lutte contre le terrorisme est aussi définie comme une mission prioritaire de la police par la loi d'orientation.

En 1996, le nombre total des actions violentes répertoriées dans la rubrique terrorisme s'est élevé à 467 contre 541 l'année précédente.

Très mobilisés par la lutte contre le terrorisme tout au long de l'année 1996 et au premier semestre 1997, les services régionaux de police judiciaire et la 6ème division centrale chargée au plan national de la répression des menées subversives et terroristes ont enregistré d'importants résultats en ce domaine .

Visant notamment à la recherche et à l'arrestation des membres encore en fuite du réseau terroriste responsable des attentats perpétrés en France au cours de l'été et de l'automne 1995 ainsi qu'à l'identification des auteurs de l'attentat commis le 3 décembre 1996 dans la station RER de Port-Royal à Paris, leur activité a abouti à la neutralisation de plusieurs structures et filières clandestines de soutien aux terroristes islamistes dans notre pays.

Elle a, dans le même temps, permis le démantèlement en France de l'appareil logistique de l'organisation terroriste basque espagnole ETA-militaire ainsi que l'identification et l'interpellation d'activistes du séparatisme violent corse dont celle d'individus mis en cause principalement dans les attentats commis en septembre et octobre 1996 à Aix-en-Provence (Bouches du Rhône).

Dans ce contexte, la 6ème division centrale a traité en 1996 plus de 330 dossiers judiciaires , ses investigations donnant lieu à 500  gardes à vue et au placement sous écrou de 95 individus.

Au cours du premier semestre 1997, 426 personnes ont été interpellées et 103 placées sous écrou.

F. DES RÉSULTATS INCERTAINS DANS LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIERE.

Dans cette autre mission prioritaire confiée à la police nationale par la loi d'orientation, il apparaît que la police peut se prévaloir de quelques résultats depuis 1995.

C'est à la direction centrale du contrôle de l'immigration irrégulière et de la lutte contre l'emploi des clandestins (DICCILEC), née en 1994, que revient la responsabilité d'animer et de coordonner l'action des services de police en la matière.

Par un décret du 6 août 1996, a été institué un office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi des étrangers sans titre (OCRIEST) chargé tout particulièrement de lutter contre les filières d'immigration de type mafieuse à ramifications internationales. Depuis sa création, celui-ci a permis le démantèlement de 15 filières internationales et de 30 ateliers clandestins.

L'immigration irrégulière est en effet passée de l'entreprise individuelle à l'organisation de filières structurées en provenance principalement des pays du Maghreb, d'Europe centrale et de Chine.

En 1996, le nombre de mesures de non-admission aux frontières s'est élevé à 43.775 . La diminution constatée de 36 % par rapport à 1995 peut s'expliquer en grande partie par la mise en oeuvre de la convention d'application de l'accord de Schengen.

Le nombre de mesures d'éloignement du territoire s'est élevé en 1996 à 12.571 soit une hausse de 10 % par rapport à 1995.

Votre rapporteur a maintes fois déploré une nette insuffisance du taux d'exécution effective des mesures d'éloignement prononcées à l'égard des étrangers.

En 1996, ce taux s'est un peu amélioré passant de 22 à 28 %, ce qui reste notoirement insuffisant .

La loi du 24 avril 1997 a introduit un certain nombre de mesures de nature à améliorer la lutte contre l'immigration clandestine et l'exécution des mesures d'éloignement : visite des véhicules utilitaires en zone frontalière, fichiers dactyloscopiques des irréguliers, aménagements du régime de la rétention administrative, possibilités nouvelles de contrôles dans les locaux professionnels. Elle n'a cependant pas reçu sa pleine application faute de parution des textes réglementaires qui devaient la prolonger.

Votre rapporteur regrette ce blocage qui freine une action résolue contre l'immigration irrégulière.

II. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS POUR UNE POLICE DE PROXIMITÉ

Le projet de budget pour 1998 s'élève à 28,2 milliards de francs , ce qui correspond à une très légère progression en francs courants de 1,13 % .

En réalité, en tenant compte des crédits inscrits au budget de l'emploi qui seront transférés en cours d'exercice, la progression est de 1,5 % , ce qui correspond à une augmentation très minime en francs constants , les prévisions de hausse des prix se situant autour de 1,4 %.

Cette quasi stagnation dissimule de fortes disparités :

- les dépenses de personnel ( 23,6 milliards de francs) connaissent un accroissement de 2,16 % sous l'influence des rémunérations d'activité qui progressent de 2,42 % , malgré la diminution de 611 emplois ;

- les moyens de fonctionnement ( 3,8 milliards de francs ) diminuent de 3,5 % ;

- les dépenses en capital sont en baisse de 6 % en terme de crédits de paiement (848,7 millions de francs) mais en hausse de 12,5 % en autorisations de programme (1,15 milliards de francs).

Votre rapporteur regrette que la priorité annoncée par le Gouvernement concernant la politique de sécurité n'ait pas sa traduction dans le budget qu'il présente .

A. UNE PRIORITÉ DONNÉE À LA POLICE DE PROXIMITÉ

Pour lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement souhaite relancer une politique de proximité en rapprochant les forces de police des citoyens et en adoptant une démarche globale qui suppose la mobilisation de tous les acteurs sur le terrain.

1. Les emplois de proximité

Le Gouvernement prévoit de déployer sur trois ans 35.000 emplois de proximité sur le terrain dont 20.000 adjoints de sécurité et 15.000 agents locaux de médiation , recrutés dans le cadre des dispositions de la loi sur l'emploi des jeunes.

a) Les agents locaux de médiation

Ces agents seront recrutés dans le cadre de l'article premier de la loi sur l'emploi des jeunes, pour 5 ans sur la base de contrats de droit privé, pour remplir des tâches de prévention, périphériques de la sécurité publique au sens strict.

Ils seront employés par des collectivités territoriales ou d'autres personnes morales de droit public ou privé, telles des sociétés de HLM ou des entreprises de transports, et seront mis en place dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Le coût de leur rémunération sera supporté pour 20 % par l'employeur et 80 % par le ministre de l'emploi.

b) Les adjoints de sécurité

Ces agents, dont le statut a été précisé par un décret du 4 novembre 1997, doivent permettre de faire face à des besoins non satisfaits en matière de prévention, d'assistance et de soutien, particulièrement dans les quartiers les plus sensibles.

Agés de 18 à 25 ans, ils seront engagés pour cinq ans sur la base d'un contrat de droit public .

Ils seront placés sous l'autorité des fonctionnaires des services actifs de la police nationale. Leurs missions seront assez variées . Elles permettront notamment de renforcer l'îlotage, d'améliorer l'accueil et l'information du public dans les commissariats, de soutenir les victimes en les aidant dans leurs démarches administratives, de contribuer à des actions d'intégration des étrangers, de participer à la surveillance de la sortie des écoles et d'apporter une aide au public sur la voie publique.

Ils ne pourront pas participer à des missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre, mais ils seront armés quand leurs tâches le justifieront.

Les candidats seront recrutés dans le cadre départemental sur la base d'une sélection reposant sur des tests psychologiques et un entretien.

Ils bénéficieront d'une formation initiale d'une durée de deux mois comprenant une partie technique en école de six semaines et un stage de deux semaines dans un service.

Dès 1997, 1.650 jeunes seront ainsi recrutés, ils seront 8.250 d'ici la fin 1998 .

Les adjoints seront rémunérés au SMIC sur la base de 169 heures de travail mensuelles.

La prise en charge financière sera répartie entre le budget du ministère de l'Intérieur qui assurera 20 % des rémunérations et la totalité des frais de fonctionnement, et celui du ministère de l'emploi qui assurera les 80 % restant des rémunérations.

Pour 1998, 200 millions de francs ont été inscrits à ce titre au budget de l'intérieur, un nouveau chapitre 31-96 y étant créé pour l'inscription des rémunérations.

Compte tenu du grand nombre de départs à la retraite attendu chez les policiers dans les années à venir (4 000 par an), les jeunes embauchés auront toute facilité pour passer les concours de recrutement et être à terme intégrés dans la police.

Votre rapporteur estime que ces emplois pourraient certes rendre service sur le terrain. Mais il souhaite que les jeunes recrutés ne soient pas considérés comme des supplétifs à moindre coût de la police nationale ou un simple substitut aux policiers auxiliaires appelés à disparaître en 2002 du fait de la réforme du service national .

Comme l'a souligné le Président Jacques Larché lors de l'audition du ministre de l'intérieur par la commission des lois, le 5 novembre 1997, la qualité du recrutement des policiers auxiliaires est excellente en raison de la motivation des intéressés. Votre rapporteur insiste pour qu'un soin particulier soit apporté à la sélection des candidats aux emplois de proximité. Il se pose enfin la question de savoir s'il convenait d'emblée d'autoriser les adjoints de sécurité à porter une arme.

2. Les contrats locaux de sécurité

Une politique efficace de sécurité doit mobiliser tous les partenaires publics et tous les acteurs sociaux et prendre en compte aussi bien les aspects préventifs que les aspects répressifs.

Le Gouvernement a souhaité donner une nouvelle impulsion à cette approche partenariale en prévoyant l'intervention de contrats de sécurité cosignés par le Préfet, le Procureur de la République et les maires des communes concernées en associant tous les agents publics ou privés pour la mise en place d'un véritable dispositif de lutte contre l'insécurité dans les zones les plus touchées par la délinquance urbaine. Les emplois de proximité seront affectés prioritairement à la réalisation des objectifs fixés par ces contrats.

La circulaire relative à la mise en œuvre de ces contrats a été signée le 28 octobre 1997 par les ministres de l'intérieur, de l'emploi, de la justice, de l'éducation nationale et de la défense. Elle vise tout spécialement le développement d'actions concertées entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire . Elle soumet ces contrats à une évaluation par une cellule interministérielle d'animation et d'évaluation des contrats locaux de sécurité .

Votre rapporteur estime indispensable de rapprocher au niveau local, comme au niveau national, les différents acteurs de la sécurité et notamment la police et la justice mais il reste circonspect quant à l'efficacité réelle de ces nouveaux contrats qui se superposent aux plans départementaux de sécurité organisés par les circulaires de septembre 1993 et janvier 1997. Ces plans étaient tout à fait à même de remplir la fonction dévolue aux contrats locaux de sécurité en s'appuyant sur l'expérience des conseils communaux et départementaux de prévention de la délinquance institués au début des années 1980.

3. Un difficile redéploiement des moyens de la police vers les zones les plus sensibles

a) La correction des déséquilibres géographiques

Au plan des effectifs, la répartition géographique des policiers est trop inégale sur l'ensemble du territoire . Dans son rapport remis au premier ministre l'été dernier, M. Bruno Le Roux, député de la Seine-Saint-Denis, produit des données chiffrées démontrant que les policiers sont plus nombreux dans les zones où la délinquance est la plus faible et le taux d'élucidation le plus important. Le ratio de policiers par habitant passe de 1 pour 245 en Lozère à 1 pour 510 en grande couronne parisienne.

Dans le cadre du pacte de relance pour la ville, 1 500 agents devaient être redéployés dans des zones sensibles en 1996 et 1997. A titre d'incitation , les fonctionnaires affectés dans ces zones touchent des primes pour sujétions exceptionnelles et une indemnité de fidélisation après une affectation d'une durée de cinq ans au moins dans le même ressort.

La départementalisation du recrutement est une bonne méthode pour fixer les agents en Ile-de-France, alors que les agents recrutés au niveau national préfèrent en général les affectations en province.

La politique du logement des policiers est également un aspect très important pour les retenir dans une affectation.

b) Une nouvelle répartition fonctionnelle des tâches

La loi d'orientation avait prévu qu'un maximum de policiers puissent être employés à des missions de sécurité publique, en contact avec les populations sur le terrain. A cet effet, elle envisageait la limitation du nombre des policiers affectés dans des emplois administratifs et la suppression des " tâches indues " qui leur sont confiées.

· Trop de policiers sont éloignés " du terrain " par l'accomplissement de tâches administratives . Les agents de la sécurité publique passent en effet moins de la moitié de leur temps en activités opérationnelles.

La loi d'orientation avait prévu la création de 1.250 emplois administratifs ou techniques par an afin de pouvoir reverser à des tâches opérationnelles des fonctionnaires des corps actifs. Mais ce chiffre sera loin d'être atteint. Au total, seuls 1.200 emplois ont été créés depuis 1996.

Des réductions de gardes statiques peuvent également être envisagées grâce à une utilisation plus grande des matériels vidéo.

Le Gouvernement a également engagé une réflexion sur la préfecture de police afin de recentrer les effectifs de la direction de la sécurité publique, soit environ 13.000 fonctionnaires, sur la sécurité des parisiens.

· La loi d'orientation envisageait également la suppression des " tâches indues " non prioritaires ou parajudiciaires accomplies par les policiers.

Notre collègue M. Alain Danilet, député du Gard, a dressé dans un rapport remis en 1996 une liste de 19 tâches occupant 7.400 fonctionnaires, qui pourraient être confiées à d'autres administrations.

Cependant, une commission interministérielle semble avoir conclu en faveur du statut quo concernant la plupart des activités parajudiciaires. La garde des détenus hospitalisés, en revanche, serait transférée à l'administration pénitentiaire.

Au total, cette réflexion sur la réaffectation fonctionnelle des policiers n'a abouti en 1996 qu'au reversement de 65 policiers sur la voie publique .

c) La répartition des responsabilités entre la police et la gendarmerie

A cette réflexion sur le redéploiement des forces de police s'ajoute celle sur la répartition des responsabilités entre la police et la gendarmerie , envisagée dans le prolongement de la loi d'orientation. Abandonnant l'ancien critère purement démographique et afin de mieux prendre en compte la réalité du terrain, le décret n° 96-827 du 19 septembre 1996 a posé le principe de l'étatisation de la police des communes dont la population est supérieure à 20.000 habitants et dont les caractéristiques de la délinquance sont celles d'une zone urbaine, les chefs-lieux de départements restant en tout état de cause sous régime d'Etat.

Le processus est à l'heure actuelle peu avancé puisque les seules réalisations concrètes intervenues en 1997 sont, en Corse, l'étatisation de Furiani et de Ville-di-Pietrabugno et la désétatisation de Corte.

Nos collègues MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest ont reçu mission du Premier ministre pour travailler sur ce délicat problème. Il importe en effet de supprimer les doubles emplois entre police et gendarmerie sans porter atteinte à la sécurité, au moment où la gendarmerie envisage de réduire ses implantations en zones étatisées de 153 unités.

d) les polices municipales

La répartition des rôles entre police nationale et polices municipales ou sociétés de gardiennage devrait faire l'objet d'un nouveau projet de loi en cours de préparation. Votre rapporteur rappelle qu'un premier projet de réforme des polices municipales avait déjà été déposé au Sénat en décembre 1987 et avait fait l'objet, sur son rapport, d'une adoption en séance publique le 20 décembre 1987. l'Assemblée nationale n'ayant pas examiné ce texte avant la fin de la législature, deux autres projets ont été déposés, respectivement en 1993 au Sénat et en 1995 à l'Assemblée nationale, sans plus de succès.

Le Gouvernement a, de plus, annoncé l'élaboration d'un code de déontologie qui sera applicable à l'ensemble des personnes chargées de missions de sécurité publique.

4. Un effort pour l'équipement immobilier des zones sensibles

Trop de locaux de police, sont encore vétustes ou mal adaptés aux missions qui s'y exercent, particulièrement dans les quartiers défavorisés.

La loi de programmation avait prévu un rythme de livraison annuel de 100 000 m² de locaux pour l'équipement immobilier des services. En fait, depuis 1995, les retards se sont accumulés. Le budget pour 1998 prévoit une hausse de 22 % des autorisations de programme (601 millions de francs) mais une baisse des crédits de paiement de 6,34 %.

La formation des adjoints de sécurité ainsi que celle des agents recrutés dans les prochaines années pour faire face aux départs en retraite nécessitera également des investissements immobiliers en conséquence.

B. UN BUDGET QUI PREND EN COMPTE CERTAINES ATTENTES DES PERSONNELS

1. Les dotations

Les dotations consacrées au personnel représentent plus de 83,5 % des crédits de la police nationale. Le poids des dépenses de personnel est donc considérable et laisse peu de marge de manoeuvre budgétaire. L'intervention de certaines mesures catégorielles permet de consolider la réforme des corps et carrières.

Les crédits de personnels s'élèvent à 23,6 milliards de francs. Ils sont en augmentation de 2,16 % malgré une diminution de 611 emplois.

Cette hausse est d'abord mécaniquement imputable à l'augmentation de 1 % du point de la fonction publique (290 millions de francs) et au financement des adjoints de sécurité (117 millions de francs).

Elle est également imputable à plusieurs mesures indemnitaires catégorielles :

- l'unification du régime indemnitaire des officiers en prolongement de la réforme statutaire du corps (257,7 millions de francs). 2.000 officiers sur 17.000 risquent cependant d'être perdants dans l'application de cette réforme ;

- le financement de l'allocation de services des commissaires en complément des fonds de concours qui remplacent les rémunérations antérieurement versées directement aux fonctionnaires lors d'opérations funéraires ou d'assistance aux huissiers de justice. Cette nouvelle allocation, prévue par la loi d'orientation, a introduit un élément de transparence dans un régime qui était très controversé mais son financement reste problématique.

- l'alignement total des primes versées aux fonctionnaires du secrétariat général de l'administration (SGAP) de Versailles sur celles versées aux fonctionnaires du SGAP de Paris (12,1 millions de francs) ;

2. Les effectifs

Ils s'élèvent à 136 227 personnes dont 113 147 personnels actifs, 13 206 personnels administratifs, 1 549 personnels ouvriers et 8 325 policiers auxiliaires.

Depuis la loi d'orientation, les personnels actifs se répartissent en trois corps :

- les corps de conception et de direction (commissaires de police) 2 000 personnes ;

- les corps de commandement et d'encadrement (inspecteurs, commandants et officiers) 17 000 personnes ;

- les corps de maîtrise et d'application (gardiens, enquêteurs et gradés) 94 000 personnes.

La réforme des corps et des carrières, concrétisée dans le règlement général d'emploi publié le 4 septembre 1996, s'accompagne d'une modification de la répartition des effectifs entre les trois corps de manière à aboutir à une augmentation du nombre des agents de maîtrise et d'application.

Ce changement de structure s'échelonne sur dix ans. A l'heure actuelle, les officiers sont, à titre transitoire, trop nombreux pour exercer un réel emploi d'encadrement.

Pour 1998, la suppression de 11 emplois dans le corps de conception et de direction et de 653 dans le corps de commandement permettra la création de 664 emplois dans le corps de maîtrise et d'application.

Les autres modifications de structure concernent :

- le repyramidage du corps des officiers ;

- la création, gagée par la suppression de 183 emplois gelés, de 83 emplois administratifs, à savoir 70 attachés de police, 10 psychologues et 3 ingénieurs ;

- la suppression de 500 postes de policiers auxiliaires qui n'avaient jamais été pourvus.

3. L'amélioration des conditions de travail

L'année 1997 a vu entrer en application une importante réforme des horaires de travail. Le budget de 1998 prévoit un ensemble de mesures d'action sociale et la poursuite de la mise à disposition de logements pour les policiers.

a) L'importante réforme des horaires de travail

Cette réforme qui a conduit à l'abandon de la cinquième brigade (rythme 3/2) pour l'adoption d'un rythme de quatre jours de travail pour 2 jours de repos (4/2) est devenue effective depuis le 10 janvier 1997 à l'égard de 37 000 fonctionnaires actifs. Des adaptations sont intervenues localement après consultation des comités paritaires départementaux. Il semble que sa mise en oeuvre s'opère de manière satisfaisante et qu'elle permette, combinée à l'institution du service du quart pour les officiers, d'améliorer la présence continue des policiers sur la voie publique. Il convient de relever la pugnacité avec laquelle cette transformation du service quotidien a été conduite.

b) L'action sociale

Concernant l'action sociale , le Gouvernement a souhaité mieux prendre en compte le caractère éprouvant de certaines tâches dévolues aux fonctionnaires

Une mesure de 25 millions de francs permettra de renforcer le soutien médico social des policiers. Dix postes de psychologues supplémentaires seront créés.

Une enveloppe de 10 millions de francs sera affectée à la fourniture de repas chauds dans les commissariats.

c) Le logement des policiers

Le logement à proximité du lieu d'affectation est une des conditions essentielles de la qualité et de la continuité du travail des policiers.

La loi d'orientation prévoyait la livraison de 800 logements par an. Ces chiffres sont loin d'être atteints puisque les 550 logements prévus en 1997 porteront à 1680 le total des logements livrés sur trois ans.

Cependant, le nombre des logements effectivement mis à la disposition des policiers dépasse de quelques centaines les prévisions grâce au mécanisme de garantie des loyers mis en oeuvre par convention avec l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). Des bailleurs privés acceptent ainsi de conclure des baux à des prix inférieurs de 20 à 25 % à ceux du marché.

Votre rapporteur regrette cependant que les autorisations de programme comme les crédits de paiement affectés aux logements des policiers soient en baisse sensible dans le budget 1998 (- 17,3 % pour les crédits de paiement, - 9,4 % pour les autorisations de programme).

C. LA POURSUITE DES PROGRAMMES INFORMATIQUES ET DE LA RÉNOVATION DES TRANSMISSIONS

1. Le budget de 1998 permettra de poursuivre les grands programmes informatiques en cours

Il est difficile de cerner le montant exact des crédits affectés aux grands programmes informatiques car, à l'exception de ceux consacrés au système d'information Schengen (SIS), ils ne sont pas isolés, dans la nomenclature budgétaire, de l'ensemble des crédits informatiques.

Trois grands projets sont actuellement en cours de développement.

· Le système de traitement automatisé de l'information criminelle (STIC) est un chantier essentiel. Il regroupe l'intégralité des fichiers judiciaires de la police nationale. Il est scindé en deux sous-systèmes : d'une part le logiciel de rédaction de procédures (LRP) et, d'autre part, une base de données nationale permettant la saisie et la recherche d'informations.

En 1997, l'accent a porté sur l'amélioration de la base nationale qui permet maintenant d'alimenter le système d'information Schengen et de reprendre les images du système CANONGE.

Fin 1996, 5 000 postes de travail utilisaient une première version du logiciel de rédaction de procédures. Concernant la base nationale, 950 postes de travail sont raccordés.

18,39 millions de francs devraient être consacrés à l'extension de ce programme en 1998, sur un total estimé à 150 millions de francs sur la période 1994-2001 .

· Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) est un important outil d'identification des personnes mises en cause dans le cadre des procédures judiciaires.

Au 31 décembre 1996, la base centrale contenait 825 000 références, trois sites permettant la mise à jour de la base qui était interrogeable à partir de 8 sites.

Ce fichier a fait la preuve de son utilité en permettant d'accroître de 35 % le nombre d'affaires résolues.

En 1997, 4 nouveaux sites devaient être connectés, cette extension devant se poursuivre en 1998 dans la perspective d'une police de proximité.

22 millions de francs devraient être consacrés à ce programme en 1998 sur un total estimé à 400 millions de francs pour la période 1992-2000 .

· Le système d'information Schengen (SIS) résulte des accords de Schengen. Il comporte une partie nationale et un système central situé à Strasbourg. Après de multiples retards, il semble que la base centrale fonctionne en conformité avec le cahier des charges initial. Au 31 juillet dernier, elle comportait 4,8 millions de signalisations enregistrées par sept pays sur des personnes, des véhicules, des armes à feu, des documents d'identité et des billets de banque.

Lors de sa communication devant votre commission des lois sur les travaux de l'autorité commune de contrôle du SIS, M. Alex Türk a néanmoins souligné la grande disparité des chargements nationaux, l'Allemagne fédérale et la France étant à elles seules les principaux fournisseurs de signalements. Il a d'autre part regretté qu'une politique commune de signalement n'est pas été définie, l'Allemagne signalant par exemple les demandeurs d'asile déboutés sur son territoire ce que la France ne fait pas.

A la fin de l'année, le chargement des données devrait être réalisé pour les systèmes nationaux italiens, grecs et autrichiens. L'extension aux Etats nordiques qui ont actuellement un statut d'observateur est envisagée d'ici à l'an 2000.

Pour 1998, le total de la dotation consacrée à ce programme s'établit à 23,7 millions de francs , ce montant résultant d'une quote-part décidée au niveau européen .

Comme l'année dernière, votre rapporteur souligne les retards pris dans la réalisation de ces programmes informatiques.

2. Une relance insuffisante du programme de transmission ACROPOL

A plusieurs reprises, votre rapporteur a attiré l'attention sur l'enjeu du programme ACROPOL, nouveau réseau de communications cryptées numérique destiné à assurer à 100 % la confidentialité des transmissions de la police. Il s'agit d'un impératif, à une époque où les moyens électroniques d'écoute, moins chers que jadis et sans cesse plus performants, placent les communications de la police en position de faiblesse.

Dans cette optique, un des engagements importants de la loi de programmation était d'accélérer la mise en oeuvre du programme ACROPOL lancé en 1993.

Or, le développement d'ACROPOL s'est heurté à des obstacles techniques et budgétaires que ne semble pas avoir rencontrés la gendarmerie dans le cadre du programme RUBIS.

Au rythme d'exécution du programme adopté ces dernières années, le réseau aurait été terminé en 2014 au risque d'être obsolète dès son achèvement.

Une certaine accélération est prise en compte dans le budget de 1998, les autorisations de programme étant portées de 210 à 265 millions de francs et les crédits de paiement de 208 à 214 millions de francs, soit une augmentation de 2,8 % par rapport à 1997 .

Cette augmentation de dotation permettra de rendre opérationnel le réseau de la Seine-Saint-Denis où est implanté le stade de France pour la coupe du monde de football en 1998. A ce rythme, l'ensemble de l'Ile de France ne serait pas couverte avant l'an 2000 et le programme ne serait achevé qu'en 2008!

Votre rapporteur regrette que l'option d'achèvement du réseau en 2004 un moment envisagée n'ait pas été mise en oeuvre.

Il souligne qu'en tout état de cause, l'entretien de l'actuel réseau analogique devient de plus en plus coûteux.

D. LE POINT SUR L'APPLICATION DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION RELATIVE À LA SÉCURITÉ

1. Au plan réglementaire

La plus grande partie des mesures réglementaires concernant la réforme de la police sont intervenues et sont en cours d'application.

Concernant les autres mesures dont votre rapporteur avait signalé la non-application l'année dernière, on peut signaler l'intervention du décret prévu à l'article 12 de la loi relatif aux obligations de surveillance ou de gardiennage incombant à certains propriétaires, exploitants ou affectataires de locaux professionnels (décret n° 97-46 du 15 janvier 1997).

Ne sont toujours pas intervenus :

- le décret prévu à l'article 11 sur les études de sécurité préalables à certains projets d'aménagement et équipements de construction ;

- le décret prévu à l'article 14 relatif à l'implantation sur le réseau routier et autoroutier de dispositifs techniques devant faciliter le contrôle du respect du code la route ;

- le décret prévu à l'article 15 sur le marquage des véhicules . Une directive européenne est prochainement attendue sur le sujet.

2. Au plan financier

Sur le plan des engagements financiers, on constate un retard dans tous les domaines par rapport aux objectifs de la loi.

Le nombre de logements prévu a cependant pu être mis à la disposition des policiers, non pas grâce aux livraisons de logements mais en raison de la conclusion de baux à tarif préférentiel moyennant la garantie de paiement du loyer.

E. LA NÉCESSITÉ D'UN SUIVI EFFICACE DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE INTERNATIONALE

Votre rapporteur a eu maintes fois l'occasion de souligner l'importance essentielle de la coopération policière internationale comme instrument de lutte contre une criminalité qui, depuis longtemps, sait tirer le meilleur parti de toutes les opportunités qu'offre la libre circulation des personnes et des capitaux.

Il a toujours considéré qu'une impulsion au plus haut niveau devrait être assurée par une unité de conception et d'exécution chargée de suivre au plus près les problèmes de coopération policière.

Lors de son audition par votre commission des lois le 5 novembre 1997, le ministre de l'intérieur a annoncé la création au sein du ministère d'une délégation aux affaires internationales .

Le suivi des accords de Schengen actuellement dévolu au ministère des affaires étrangères reviendra au ministère de l'intérieur dès l'entrée en vigueur du Traité sur l'Union européenne, signé à Amsterdam le 2 octobre 1997, qui prévoit l'intégration de l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne.

Dans son rapport sur l'intégration de Schengen dans l'Union européenne, présenté au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, votre rapporteur note qu'une pression est effectuée par la présidence luxembourgeoise de l'Union européenne pour accélérer les travaux tendant à la communautarisation de l'acquis de Schengen, c'est-à-dire à son transfert du troisième pilier relevant de la coopération intergouvernementale dans le premier pilier relevant des procédures de décisions communautaires.

Il souhaite que le Gouvernement reste très vigilant pour que :

- les engagements auxquels les Pays-Bas ont souscrit en matière de drogue ne deviennent pas caduques ;

- des conventions bilatérales puissent être conclues entre Etats souverains, leur mise en oeuvre étant un des corollaires essentiels de la libre circulation des personnes aux frontières intérieures de l'espace Schengen ;

- il soit toujours possible de recourir à la clause de sauvegarde (article 2, paragraphe 2 de la convention de Schengen) permettant le maintien des contrôles temporaires aux frontières intérieures.

Il considère qu'il faut ménager une période transitoire suffisamment longue pour consolider l'expérience menée dans le cadre de la coopération policière européenne et les pratiques de contrôle aux frontières extérieures.

Concernant Europol , votre rapporteur émet le même voeu de vigilance en souhaitant que cet organisme reste soumis aux règles de coopération intergouvernementale.

Au vu des évolutions de Schengen et d'Europol, votre commission vient de décider la constitution en son sein d'une mission d'information sur le suivi du processus de coopération policière européenne , dotée par le Sénat des pouvoirs des commissions d'enquête dans les conditions prévues par l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

CONCLUSION

Le caractère prioritaire que le Gouvernement a annoncé vouloir donner à la politique de sécurité ne trouve pas sa pleine traduction dans le budget de la police pour 1998 qui, en francs constants, se présente en légère diminution.

L'augmentation constatée (+ 1,1 %) n'est que le résultat mécanique de la croissance des dépenses de personnel.

Les grandes orientations définies par la loi du 21 janvier 1995 ne sont pas remises en cause.

Cependant, les retards pris dans l'exécution de cette loi se creusent. On peut par ailleurs s'interroger sur la validité de la relance d'une politique de sécurité de proximité qui reposera, pour l'essentiel, sur des emplois-jeunes.

Enfin, la loi du 24 avril 1997 n'a pas reçu sa pleine application.

Ces observations conduisent la commission des Lois à ne pas souscrire aux mesures techniques qui figurent dans la section police-sécurité du projet de loi de finances pour 1998 et à s'en remettre, pour les crédits proprement dits, à l'appréciation de la commission des finances.

Page mise à jour le

Partager cette page