C. LES CRÉDITS RELATIFS À LA MÉMOIRE HISTORIQUE DIMINUENT
1. L'information historique est particulièrement touchée
Les crédits alloués à la politique de la
mémoire accusent une baisse importante de 30 % et se montent
à 18,45 millions de francs en 1998. Deux postes sont
particulièrement touchés ; il s'agit des interventions en faveur
de l'information historique (chapitre 43-02) qui voient leurs crédits
diminuer de près de 43 % et des moyens alloués à la
remise en état des nécropoles nationales (chapitre 57-91, article
20) qui baissent de 60 %.
En 1998, les dépenses nécessaires aux célébrations
de la victoire de 1918 seront financées par des crédits
interministériels.
Il reste que cette réduction importante des moyens affectés
à la politique de la mémoire est en contradiction avec les
déclarations du ministre qui tendaient à en faire une
priorité de son action. Une politique vigoureuse de la mémoire
est d'autant plus nécessaire aujourd'hui qu'on assiste à une
recrudescence du débat sur l'histoire des conflits en France.
La commission des Affaires sociales réitère sa volonté que
soit développée une politique de la mémoire active qui
associe étroitement le monde combattant en particulier dans sa
composante résistante. Le rapport du sénateur Jacques Baudot
contient à cet égard nombre de propositions intéressantes.
|
Actions culturelles Mémoire |
Actions restauration Patrimoine |
Opérations exceptionnelles |
|
1991 |
7.419.930 |
58.841.688 |
66.261.618 |
|
1992 |
9.404.998 |
54.143.533 |
63.548.531 |
|
1993 |
8.364.076 |
55.602.570 |
63.966.646 |
|
1994 |
10.582.183 |
43.053.632 |
100.000.000 |
153.635.815 |
1995 |
10.689.340 |
42.789.336 |
50.000.000 |
103.478.676 |
1996 |
11.771.940 |
46.285.569 |
2.638.000 |
60.695.509 |
1997 |
11.465.715 |
49.897.086 |
61.362.801 |
|
1998 |
12.500.000 |
48.500.000 |
61.000.000 |
2. Les 16 propositions du rapport de M. Jacques Baudot sur " le défi de la mémoire "
A l'initiative de son Président, M. Christian Poncelet,
la commission des finances a demandé à M. Jacques Baudot,
sénateur, en sa qualité de rapporteur spécial des
crédits du ministère des anciens combattants, d'effectuer un
contrôle, sur pièces et sur place, de l'utilisation des
crédits affectés à la Délégation à la
Mémoire et à l'Information Historique (DMIH).
Depuis plusieurs années, le Parlement est systématiquement
sollicité, lors de l'examen du budget, pour aborder de façon
exceptionnelle et non reconductible les crédits de la DMIH. Ce
contrôle devait donc permettre de vérifier si cette administration
disposait des crédits nécessaires pour accomplir ses missions.
Dans cette perspective, le rapporteur a été conduit à
évaluer la politique de la mémoire menée par le
ministère, c'est-à-dire à en apprécier le
coût, à travers une étude quantitative, mais
également le sens et les objectifs
1(
*
)
.
La commission des Affaires sociales partage les analyses de notre excellent
collègue, le sénateur Jacques Baudot lorsqu'il estime que la
mémoire collective constitue un ciment puissant pour chaque
société puisqu'elle véhicule son histoire et transmet ses
valeurs d'une génération à l'autre qu'il faut savoir
à la fois protéger, entretenir et partager, surtout avec les
jeunes.
L'analyse de la politique de la mémoire menée par la DMIH conduit
selon ce rapport à un bilan mitigé : si le ministère des
anciens combattants semble en mesure, notamment grâce au
dévouement de ses fonctionnaires, d'entretenir correctement les
nécropoles nationales et les lieux de mémoire, les actions de
célébration et de promotion de la mémoire pêchent
par un manque de vision globale à long terme.
Or, comme le souligne Jacques Baudot, la prise de conscience de cette
dérive constitue un enjeu essentiel pour la légitimité et,
en conséquence, la survie de ce ministère. En effet, la
mortalité naturelle qui affecte les anciens combattants et la diminution
du nombre des conflits font perdre de l'importance aux fonctions
traditionnelles, comme le versement des pensions d'invalidité et des
retraites des combattants. En revanche, la défense de la mémoire
apparaît d'autant plus nécessaire que les dates des conflits
reculent, que les survivants se font rares et que le souvenir s'efface.
En définitive, c'est à une véritable réflexion sur
les missions et le rôle du ministère des anciens combattants
qu'invitent les conclusions de ce rapport.
Pour nourrir cette réflexion, le rapporteur a établi 16
propositions qui portent soit sur des améliorations ponctuelles, soit
sur des réformes structurelles.
Les 16 propositions du rapport Baudot
Proposition n° 1 : respecter le programme de travaux
pour les sépultures de guerre 1996-2000 lancé par le
ministère des anciens combattants en accordant bien les 50 millions
prévus pour leur financement.
Proposition n° 2 : construire les bases prévues dans le plan
de modernisation de l'entretien des nécropoles nationales mis en place
en 1992.
Proposition n° 3 : consacrer la compétence exclusive de la
Délégation à la Mémoire et à l'Information
historique pour toutes les questions relatives à l'entretien et à
la rénovation des sépultures de guerre.
Proposition n° 4 : clarifier les relations de l'Etat avec le
" Souvenir Français " en mettant fin à la participation
financière de cette association à la rénovation des
nécropoles nationales, propriété exclusive de l'Etat.
Proposition n° 5 : revaloriser l'indemnité forfaitaire
versée par l'Etat aux communes et bloquée à 8 francs
par tombe depuis 1981 afin de l'adapter au coût réel de
l'entretien des tombes dans les carrés communaux évalué
à 36 francs par tombe.
Proposition n° 6 : rendre les cimetières militaires
français plus accueillants en installant des bancs, en construisant des
panneaux précisant le contexte historique des nécropoles
nationales (résumé des opérations militaires avec une
carte comme support, nombre de nationalité des participants ...), en
mettant à la disposition des visiteurs un plan des tombes, la liste des
noms des Morts pour la France et un livre d'or.
Proposition n° 7 : mieux signaler l'emplacement des cimetières
militaires par l'instauration systématique de panneaux de signalisation.
Proposition n° 8 : mettre à la disposition du public, dans les
mairies et les conseils généraux, des fiches précisant les
coordonnées de la direction interdépartementale des anciens
combattants de la région pour toute demande de renseignements concernant
une personne morte lors d'une guerre.
Proposition n° 9 : systématiser l'information sur les aides du
ministère des anciens combattants à la disposition des
établissements scolaires en distribuant, dans chaque collège et
lycée, une brochure récapitulant les différentes
subventions gérées par la Délégation à la
mémoire et à l'information historique et les possibilités
de prêts de documents ou de prêts d'expositions.
Proposition n° 10 : donner à la politique de la mémoire
vis-à-vis des jeunes une vision globale et à long terme par
l'établissement de relations permanentes avec les collèges et les
lycées et l'organisation, chaque année, d'une manifestation sur
un thème lié à la mémoire des conflits (exposition,
documentaire, témoignage, conférence...).
Proposition n° 11 : développer, en imitant le modèle
allemand, les camps d'été qui permettent, à travers
l'exécution de petits travaux d'entretien par les jeunes sur les
nécropoles nationales, de les sensibiliser à l'histoire de leur
pays.
Proposition n° 12 : informatiser l'ensemble des fichiers
gérés par le ministère des anciens combattants.
Proposition n° 13 : rendre les hauts lieux de mémoire plus
attractifs en les dotant de moyens techniques modernes (salle de projection,
guide vocal...) et en traduisant les commentaires des panneaux d'information en
anglais.
Proposition n° 14 : mettre fin à la polémique
suscitée par l'existence d'une carte comptabilisant dans le
Mémorial des Martyrs de la Déportation.
Proposition n° 15 : créer un grand Mémorial de la
Déportation à Compiègne qui évoquerait, d'une
manière à la fois historique et pédagogique, la
déportation dans sa réalité.
Proposition n° 16 : établir un programme pluriannuel fixant
les objectifs et les priorités de la politique de la mémoire,
prévoyant les moyens à mettre en oeuvre et instaurant une
évaluation des actions entreprises.