2. Le réexamen des incitations au temps partiel
Le travail à temps partiel ouvre droit, pour
l'employeur, à deux dispositifs d'allégement de charges sociales
: un premier allégement, de 30 %, pour tout nouvel emploi ou pour
toute transformation d'emploi accompagnée d'embauches compensatoires
afin de maintenir le volume global des heures de travail (art. L. 322-12 du
code du travail inséré par la loi du 31 décembre 1992), et
la ristourne dégressive sur les bas salaires pour les salaires
inférieurs à 1,33 SMIC mensuel.
C'est cette dernière disposition, très favorable au temps
partiel, qui est aujourd'hui remise en cause par l'article 65 du projet de loi
de finances et dont le Gouvernement attend une économie de 4 milliards
de francs (BCC, chapitre 44-75).
Depuis la loi de finances pour 1996, la ristourne dégressive n'est plus
proratisée au nombre d'heures effectuées dans le mois : elle
s'applique aux rémunérations inférieures à 1,33
SMIC même si ces rémunérations sont très
supérieures au SMIC horaire ; ce dispositif avait été
adopté afin de simplifier le mode de calcul de l'exonération
(cela évite notamment les sorties périodiques du dispositif en
cas d'augmentation temporaire d'horaire dans le cadre d'une annualisation), et
de favoriser le temps partiel jugé très propice aux
créations d'emploi.
Vos rapporteurs ne contesteront pas le fait que les incitations au temps
partiel peuvent constituer des effets d'aubaine et contribuer à la
dégradation des conditions de travail de nombreux salariés. Mais
la ristourne dégressive n'est pas seule en cause et sa proratisation
aura pour conséquence de compliquer la gestion du temps partiel. En
outre, dans une conjoncture difficile pour l'emploi, il n'était
peut-être pas opportun de commencer par cette mesure : le temps partiel
contribue très largement à la baisse du chômage.
3. Les suppressions ou les réductions d'aides à la création d'emploi et d'activité
Le projet de loi de finances pour 1998 contient deux autres mesures qui risquent d'avoir des incidences défavorables sur les créations d'emploi et d'activité et, indirectement, sur les régimes de protection sociale, y compris le régime d'assurance chômage. Il s'agit de l'abaissement du plafond de la réduction d'impôt au titre des emplois familiaux et de l'exonération de charges sociales accordées aux travailleurs indépendants qui créent ou reprennent une activité.
a) La réduction de l'aide aux emplois familiaux
Cette disposition n'est pas rattachée au budget de
l'emploi, mais figure à l'article 10 du projet de loi de finances pour
1998. Mais ses incidences sur l'emploi ne sont pas négligeables et
à ce titre, vos rapporteurs se devaient de la mentionner dans le
présent avis.
L'aide fiscale en faveur des emplois familiaux a été mise en
oeuvre en 1992. Elle permettait de déduire de l'impôt sur le
revenu 50 % des dépenses dans la limite d'un plafond de
25.000 francs, porté en 1995 à 90.000 francs. La
réduction d'impôt peut donc aller jusqu'à
45.000 francs. Les personnes de plus de 70 ans peuvent cumuler cet
avantage avec l'exonération de charges sociales dont elles
bénéficient depuis 1987. En outre, depuis la loi du 29 janvier
1996, les employeurs peuvent verser à leurs salariés, pour leurs
emplois familiaux, une aide dans la limite de 12.000 francs par an. Enfin,
le chèque emploi-service, mis en place en décembre 1994, a
très largement favorisé les embauches en simplifiant
considérablement les formalités administratives
16(
*
)
.
D'après l'INSEE, les services familiaux représentent environ
700.000 emplois en équivalent plein temps et une dépense des
ménages de 45 milliards de francs. L'offre de service se
répartit en offre de personnes physiques salariées (85 %),
offre associative (15 %) et offre d'entreprise. La première est la
plus importante et sera la plus touchée par la remise en cause de la
réduction d'impôt.
Une étude de l'institution de retraite complémentaire des
employés de maison (IRCEM) a mis en évidence l'impact sur
l'emploi des mesures prises en 1992, 1994 et 1995 : une augmentation annuelle
de 57.700 nouveaux emplois en moyenne (au lieu d'une fluctuation entre
+ 2 et - 2 % au cours des six années
précédentes), une professionnalisation accrue et un versement
proportionnel de cotisations de sécurité sociale, de
chômage et de retraite complémentaire. Au total, l'effectif moyen
par trimestre des salariés est estimé à 829.930 en 1996
(+ 85 % entre 1986 et 1996) et celui des employeurs à 1.438.764 en
1996 et 1.582.640 en 1997 (+ 294 % entre 1986 et 1997).
Source : ACOSS et IRCEM
Il apparaît ainsi qu'une baisse du prix du travail domestique d'environ
50 % (constatée entre 1991 et 1996) a entraîné une
augmentation de l'emploi de 65 %
17(
*
)
. L'augmentation du coût de ces
emplois à la suite de la remise en cause de la réduction
d'impôt aura donc, à l'inverse, un effet destructeur
" massif ", selon l'expression utilisée dans l'étude,
des emplois déclarés. Les conséquences en termes de
cotisations sociales, de chômage et de travail clandestin n'ont pas
été évaluées.
Cette mesure intervient en outre au moment où les entreprises commencent
à mettre en place l'aide spécifique prévue par la loi de
1996 et dont les effets sont évalués par cette étude
à 50.000 emplois sur cinq ans. La synergie escomptée en termes de
créations d'emplois ne pourra donc avoir lieu.
Là encore, le projet de loi joue contre l'emploi et cette mesure, se
conjuguant avec la réduction de l'AGED, prend pour cible la famille,
première structure concernée par les emplois familiaux.