I. LA SOLIDARITÉ S'EXPRIME PAR LES ACTIONS EN FAVEUR DE L'INSERTION ET DE LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION ET LES ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT DE LA VIE SOCIALE
S'agissant de la solidarité avec les plus
démunis, il convient d'examiner l'ensemble des dépenses
consacrées au
revenu minimum d'insertion
avant d'étudier
l'évolution des dépenses engagées au titre de
l'aide
sociale obligatoire
à travers l'aide à hébergement
puis de l'action sociale de l'Etat en faveur des plus démunis.
En troisième lieu, nous mettrons l'accent sur certains crédits
relatifs au " développement de la vie sociale " concernant
en
particulier les tutelles et curatelles d'Etat et l'aide aux rapatriés.
A. L'IRRÉSISTIBLE PROGRESSION DES DÉPENSES CONSACRÉES AU RMI TRADUIT L'IMPORTANCE DES BESOINS
L'augmentation constante des dépenses consacrées au RMI conduit à s'interroger sur l'efficacité du dispositif d'insertion et sur la nécessité de maintenir un haut niveau de contrôle sur cette prestation.
1. La progression constante du nombre des foyers concernés et du coût de la prestation
L'importance des dépenses consacrées au RMI
reflète l'importance des besoins et de la détresse sociale de
ceux dont les revenus passent en-dessous des minima sociaux.
Peuvent bénéficier du RMI tous les résidents en France,
sans condition de nationalité -une condition de résidence de
trois ans étant toutefois requise pour les ressortissants de pays
étrangers- à condition qu'ils soient âgés de plus de
25 ans et qu'ils ne soient pas étudiants, ou s'ils ont moins de
25 ans, qu'ils aient au moins un enfant à charge. L'allocation
versée complète les ressources des intéressés de
façon à leur garantir un revenu minimum fixé à
2.403 francs par mois
au 1er janvier 1997 pour une personne
isolée sans enfant à charge et à
3.604 francs
par mois pour un couple (ce montant est majoré de
721 francs
par mois pour chaque enfant à charge). L'allocation est toutefois
conditionnée à un engagement du bénéficiaire
à participer aux actions ou activités définies avec lui et
nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle. Cet
engagement peut être formalisé dans un contrat d'insertion.
Au 31 décembre 1996,
la France a franchi le seuil symbolique de plus
d'un million de titulaires du RMI
(1.010.472 foyers), dont
904.000 titulaires en métropole. Avec les ayants droit, ce sont 1,9
million de personnes qui sont protégées par ce qui avait
été conçu à l'origine comme un ultime " filet
de sécurité ".
Evolution des effectifs et des crédits afférents au RMI
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Crédits budgétaires en MF (1) |
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Décembre 1989 |
335.514 |
71.567 |
407.081 |
6.000 |
||||
Décembre 1990 |
422.101 |
25,8 % |
88.044 |
23,0 % |
510.145 |
25,3 % |
8.668 |
+ 45 % |
Décembre 1991 |
488.422 |
15,7 % |
93.939 |
6,7 % |
582.361 |
14,2 % |
14.325 |
+ 65 % |
Décembre 1992 |
575.034 |
17,7% |
96.208 |
2,4 % |
671.242 |
15,3 % |
13.168 |
- 8 % |
Décembre 1993 |
696.589 |
21,1 % |
96.355 |
0,2 % |
792.944 |
18,1 % |
16.631 |
+ 26 % |
Décembre 1994 |
803.303 |
15,3 % |
105.033 |
9,0 % |
908.336 |
14,6 % |
19.217 |
+ 16 % |
Décembre 1995 |
840.839 |
4,7 % |
105.174 |
0,1 % |
946.010 |
4,1% |
22.022 |
+ 15 % |
Décembre 1996 |
903.804 |
7,5 % |
106.668 |
1,4 % |
1.010.742 |
6,8 % |
23.179 |
+ 5 % |
(1) En millions de francs, compte tenu des lois de
finances rectificatives
Le nombre d'allocataires a plus que doublé depuis la création de
la prestation en 1988 tandis que le montant de la dotation budgétaire de
l'Etat a plus que quadruplé, passant de 6 milliards de francs en 1989
à 25 milliards de francs aujourd'hui.
a) Le profil des bénéficiaires a peu évolué depuis la création du dispositif
Ce sont souvent des chômeurs de longue durée avec
un faible niveau de formation ou de qualification.
En métropole, 59,2 % des allocataires sont des
personnes
isolées
, sans enfant ni personne à charge. Il s'agit en
grande majorité d'hommes seuls (201.547 femmes pour
387.490 hommes). Ces derniers sont en majorité célibataires
: 47,6 % en métropole, 54,6 % dans les DOM. 20 % des
foyers sont des familles monoparentales, 20 % sont des couples.
Les bénéficiaires du RMI constituent
une population
relativement jeune
: 48,4 % d'entre eux ont moins de 35 ans,
30 % ont moins de trente ans, alors que la condition d'âge restreint
l'entrée aux plus de 25 ans, sauf s'ils ont des enfants (3,6 %
en 1996). 15 % sont âgés de plus de 50 ans.
Il est à noter que l'on n'assiste pas à un rajeunissement de
l'ensemble des allocataires du RMI : la part des 25-29 ans reste
rigoureusement stable depuis 1989, alors que le nombre d'allocataires a presque
été multiplié par trois.
Près de 90 % des bénéficiaires n'ont pas le
baccalauréat. Plus de 40 % d'entre eux ont un niveau scolaire
inférieur à la classe de troisième. Les nouveaux entrants
âgés de 25 à 29 ans sont plus diplômés
(37 % ont le bac ou plus) que les autres personnes entrant dans le
dispositif (24 % des nouveaux entrants au RMI ont le bac ou plus),
toutefois cette part reste inférieure à celle présente
dans la population française à âge égal (27 %).
Le montant moyen de l'allocation différentielle
de RMI
versée s'élève, en 1996, à 1.925 francs en
métropole. 40 % des bénéficiaires du RMI n'ont pas
d'autres ressources que les allocations diverses versées par les caisses
d'allocations familiales (CAF). Pour 13,8 % des
bénéficiaires, le RMI constitue l'unique ressource.
Par rapport au nombre d'habitants, le ratio de titulaires du RMI varie dans une
proportion de un à cinq : les départements de la Lozère,
de la Mayenne et de l'Aveyron ont les ratios les plus faibles pour
1.000 habitants, tandis que les départements des
Pyrénées-Orientales, de l'Hérault, des
Bouches-du-Rhône et de la Corse du Sud se partagent les densités
les plus fortes. (Cf annexe II)
En valeur absolue, ce sont les départements du Nord (56.439), des
Bouches-du-Rhône (53.205) et Paris (49.708) qui comptent le nombre le
plus important de bénéficiaires.
b) Le coût total de la prestation excède largement le montant de la seule dotation budgétaire
Le coût total du RMI est sensiblement plus
élevé pour l'ensemble de la collectivité nationale que la
seule dotation budgétaire destinée à financer
l'allocation. Il s'élève en réalité à
près de 39 milliards de francs
.
Il faut prendre en compte tout d'abord les frais de gestion du dispositif, la
créance de proratisation dans les DOM, le coût de l'aide
médicale assurée par l'Etat pour les personnes sans domicile fixe
et le coût de la mise en oeuvre des aides à l'emploi, en plus des
crédits destinés au financement de l'allocation
stricto
sensu
soit 25,327 milliards de francs inscrits au chapitre 46-21
(article 10) du fascicule santé, solidarité et ville.
Il convient de préciser que les frais de gestion directe pour la part
assumée par l'Etat (hors moyens des caisses d'allocations familiales)
s'élèvent à 250 millions de francs. Le coût de
la créance de proratisation
1(
*
)
dans les DOM s'élève
à 812,6 millions de francs pour 1996. L'aide médicale de
l'Etat versée pour les titulaires du RMI sans domicile fixe
s'élève à 350 millions de francs en 1996.
Le poste essentiel reste celui du coût des
mesures pour l'emploi
(contrat emploi consolidé, contrat emploi solidarité, contrat
initiative emploi) mises en oeuvre au profit des titulaires du RMI dont le
montant total est estimé à
6,6 milliards de francs pour
1996
, soit une multiplication par six depuis la mise en place du dispositif
(1 milliard de francs en 1989).
A cela, il faut ajouter la
part des départements qui
représente, au titre de la contribution obligatoire et de l'assurance
personnelle, environ 7 milliards de francs en 1996
2(
*
)
.
Les
crédits d'insertion des départements
résultent
de l'obligation légale d'inscrire à leurs budgets 20 % des
sommes versées par l'Etat l'année précédente au
titre de l'allocation, afin de financer des actions d'insertion pour les
bénéficiaires du RMI : ce montant, qui représentait
1,98 milliard de francs en 1992, est passé à
3,7 milliards de francs en 1996
.
A ces dépenses d'insertion, il faut ajouter les
frais de
santé
comprenant la prise en charge de
l'assurance
personnelle
pour les personnes non assurées sociales et ne relevant
pas de la CAF (familles) ou de l'Etat (SDF) et la
couverture maladie
à 100 % des bénéficiaires. Les crédits
engagés par les départements pour permettre l'accès aux
soins des bénéficiaires du RMI se sont élevés
à
3,590
milliards de francs en 1996
.
Ce tableau impressionnant est assombri par la progression, à nouveau
inquiétante, du nombre d'allocataires.
c) Une progression à nouveau inquiétante des effectifs
En effet, la hausse des effectifs des titulaires du RMI est
revenue à 7 % en tendance annuelle en 1996, contre 4,7 % pour
l'année 1995.
Pour le budget 1998, la dotation du chapitre 46-21 destiné à
couvrir les dépenses d'allocations de revenu minimum d'insertion a
été fixée en fonction d'une estimation des dépenses
tenant compte de l'évolution antérieure de la prestation moyenne
et du nombre d'allocataires évalué pour 1996 à 1.010.472.
S'agissant du taux de revalorisation du RMI pour 1998, il a été
retenu un taux d'évolution prévisionnelle de 1,1 % en
moyenne annuelle.
Par ailleurs, il a été pris en compte un
effet volume de 3 %
, ce qui peut paraître optimiste mais se
fonde sur les efforts consentis au titre des crédits de l'emploi, et
notamment de l'augmentation du nombre de contrats emploi-solidarité
inscrite au budget.
La solution qui consiste à augmenter le nombre d'emplois parapublics
aidés par l'Etat n'en est pas vraiment une car le RMI semble aujourd'hui
se heurter à deux difficultés majeures : les déficiences
du volet " insertion " et le seuil d'efficience structurel
des
contrôles.