Avis 89 tome I - Projet de loi de finances pour 1998 - Affaires sociales
M. Jean CHÉRIOUX, Sénateur
Commission des Affaires sociales - Avis N°89 Tome I - 1996/1997
Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
-
INTRODUCTION
-
I. LA SOLIDARITÉ S'EXPRIME PAR LES ACTIONS EN FAVEUR DE L'INSERTION ET DE LA
LUTTE CONTRE L'EXCLUSION ET LES ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT DE LA VIE SOCIALE
- A. L'IRRÉSISTIBLE PROGRESSION DES DÉPENSES CONSACRÉES AU RMI TRADUIT L'IMPORTANCE DES BESOINS
- B. UN BUDGET RELATIVEMENT DÉCEVANT EN MATIÈRE D'AIDE EN FAVEUR DES PLUS DÉMUNIS
- C. LES DÉPENSES RELATIVES AU DÉVELOPPEMENT DE LA VIE SOCIALE
- II. LA POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES DOIT ÊTRE POURSUIVIE
-
III. LA PROGRESSION TOUJOURS ÉLEVÉE DES DÉPENSES D'AIDE SOCIALE DES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES RELANCE LA RÉFLEXION SUR UNE MEILLEURE GESTION DES
DÉPENSES DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL
-
A. LES DÉPENSES DE L'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE ÉVOLUENT À UN RYTHME TOUJOURS
ÉLEVÉ
-
1. Malgré un infléchissement en 1996, les dépenses nettes d'aide sociale
augmentent toujours à un rythme soutenu
- a) La progression des dépenses demeure toujours sensiblement plus rapide que l'inflation
- b) Les dépenses d'aide sociale représentent une part croissante des dépenses des départements
- c) Les dépenses d'aide sociale progressent toujours plus rapidement que les ressources transférées lors de la décentralisation
-
2. L'analyse des différentes composantes de la dépense d'action sociale des
départements montre pour la première fois un ralentissement des dépenses liées
à l'insertion
- a) L'aide sociale à l'enfance représente le premier poste de l'aide sociale des départements
- b) Les dépenses d'aide sociale aux personnes âgées continuent leur augmentation
- c) L'aide sociale aux personnes handicapées présente la progression de dépenses la plus significative
- d) Une progression des dépenses d'insertion et d'intervention sociale en net ralentissement
- e) La part non négligeable des dépenses indirectes
- f) L'intervention des communes, par l'intermédiaire des contingents communaux d'aide sociale, demeure sur un taux d'augmentation stable en 1996
- g) Les observations de votre rapporteur
-
1. Malgré un infléchissement en 1996, les dépenses nettes d'aide sociale
augmentent toujours à un rythme soutenu
-
B. LA DÉTERMINATION DES DÉPENSES DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL DOIT SE
FAIRE DANS DES CONDITIONS NOUVELLES QUI RESTAURENT LA COHÉRENCE DE L'ACTION
PUBLIQUE
- 1. Un mode de financement insatisfaisant qui aboutit à la " déresponsabilisation " des parties prenantes au dispositif social et médico-social
- 2. Instaurer un taux directeur pour rendre plus cohérentes les décisions de gestion de l'Etat et des établissements dans le secteur social et médico-social
- 3. Les amendements proposés par votre commission
-
A. LES DÉPENSES DE L'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE ÉVOLUENT À UN RYTHME TOUJOURS
ÉLEVÉ
-
I. LA SOLIDARITÉ S'EXPRIME PAR LES ACTIONS EN FAVEUR DE L'INSERTION ET DE LA
LUTTE CONTRE L'EXCLUSION ET LES ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT DE LA VIE SOCIALE
-
ANNEXE N° 1
-
AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION -
ANNEXE N° 2
-
RÉPARTITION EN DENSITÉ DES TITULAIRES DU RMI
NOMBRE D'ALLOCATAIRES POUR 1.000 HABITANTS
N° 89
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME I
AFFAIRES SOCIALES
Par M. Jean CHÉRIOUX,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jean-Pierre Fourcade,
président
; Jacques Bimbenet, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier,
Louis Souvet,
vice-présidents
; Jean Chérioux, Charles
Descours, Roland Huguet, Jacques Machet,
secrétaires
;
François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick
Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis
Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M.
Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis,
Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue,
Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain
,
Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès,
Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin,
MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle
Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau,
Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
18
)
(1997-1998).
Lois de finances.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mercredi 22 octobre 1997, sous la
présidence de
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
la
commission a procédé à
l'audition
de
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
et de
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la
santé,
sur les crédits de leurs départements
ministériels pour 1998.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
après avoir rappelé que le budget de l'emploi et de la
solidarité s'élevait à 229 milliards de francs, a
souligné que sa progression était supérieure à la
norme de 1,5 % retenue pour l'ensemble du budget de l'Etat :
4,4 % pour le budget emploi (112,6 milliards), et 3,6 % en
intégrant les crédits inscrits au budget des charges communes,
soit au total 115,8 milliards de francs, et près de 3 % pour le
budget santé, solidarité, ville (73,2 milliards).
Mme Martine Aubry
,
ministre de l'emploi et de la
solidarité
, a ensuite abordé le budget de la
solidarité. Elle a rappelé qu'elle préparait avec une
dizaine de ministres un nouveau projet de loi sur la prévention et la
lutte contre les exclusions, qui devrait déboucher sur un programme
interministériel de trois ans. Elle a indiqué que le budget de
l'emploi comportait déjà plusieurs mesures liées à
cette loi : la revalorisation de l'allocation de solidarité
spécifique (ASS), le financement de 710 postes
supplémentaires en entreprises d'insertion (28 millions de francs)
et l'inscription au budget des charges communes d'une provision de
225 millions de francs. Elle a ajouté que les crédits
d'insertion par l'économique s'élevaient à 484 millions de
francs (+ 6 %).
Elle a, en outre, précisé que le budget de la solidarité
représentait 64 milliards de francs sur les 73,2 milliards de
la section santé, solidarité et ville.
Elle a alors énuméré les quatre grandes masses de ce
budget : les dotations de solidarité avec 25,33 milliards pour le revenu
minimum d'insertion (RMI) et 23,39 milliards de francs pour l'allocation
aux adultes handicapés (AAH), l'aide sociale obligatoire de l'Etat
(10,5 milliards, soit + 3,8 %), notamment pour les subventions
aux centres d'aide par le travail (CAT) et aux centres d'hébergement et
de réadaptation sociale (CHRS), l'action sociale de l'Etat
(1 milliard), notamment pour le dispositif d'accueil d'urgence, et, enfin,
la formation des travailleurs sociaux (618 millions de francs).
Elle a souligné que le budget finançait 2.000 places nouvelles de
CAT et 500 places d'ateliers protégés. Elle a indiqué
qu'un effort comparable était fait dans le domaine de
l'hébergement et de la prise en charge des plus démunis, avec
notamment 500 places nouvelles de CHRS.
Le ministre a également évoqué la question des dettes non
réglées de l'Etat, concernant notamment la prise en charge des
objecteurs de conscience ou des tutelles déférées à
l'Etat, qui portaient préjudice aux organismes, essentiellement
associatifs, chargés de mettre en oeuvre ces mesures.
Enfin, le ministre a rappelé que ses compétences englobaient
également les rapatriés, auxquels était consacré un
budget de 2,1 milliards de francs, répartis entre divers
ministères. Elle a rappelé que le processus de l'indemnisation
arrivait à son terme, raison pour laquelle les crédits
étaient passés de 3,5 milliards de francs en 1997 à
260 millions en 1998. Elle a également évoqué les
crédits de secours et les crédits du musée mémorial
de la France d'outre-mer.
En conclusion,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité,
a indiqué que les administrations sociales
bénéficiaient de créations nettes d'emplois (369), afin de
remplir les objectifs de résorption de l'emploi précaire et de
renforcer l'encadrement.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis
du budget des affaires
sociales
, s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles serait
appliqué un taux directeur opposable aux dépenses du secteur
social et médico-social ainsi que sur les améliorations que le
Gouvernement souhaitait apporter au RMI.
S'agissant du secteur social et médico-social,
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité,
a précisé
qu'il ne pouvait pas faire exception à la politique d'encadrement des
dépenses qui devait être la contrepartie naturelle des mesures
nouvelles permettant une progression de la capacité des
établissements pour les personnes handicapées et les personnes
âgées dépendantes.
Elle a rappelé que le principe de l'opposabilité des enveloppes
de crédit pour les institutions sociales et médico-sociales
était arrêté mais que le taux directeur fixé pour
ces dépenses était fixé par une circulaire qui
n'était pas opposable au contentieux.
Elle a précisé que ce principe serait mis en oeuvre avec la
réforme de la loi du 30 juin 1975 et s'appliquerait à toutes
les structures quel que soit leur mode de financement en précisant
qu'elle souhaitait mettre au point des outils plus fins d'allocation des
ressources, à l'instar de ceux qui existent déjà pour les
centres d'aide par le travail (CAT) et les centres d'hébergement et de
réadaptation sociale (CHRS).
Confirmant les besoins de financement de plus en plus importants dans ce
secteur, elle a souhaité reprendre le problème de la
tarification, revoir l'ensemble des aides au maintien à domicile qui
sont trop complexes et faciliter les reconversions hospitalières afin de
dégager des lits supplémentaires pour les personnes
âgées et handicapées.
Concernant le RMI,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité
, a rappelé que son objectif était de faire
reculer la pauvreté et qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause
l'économie générale et les équilibres du RMI, qui
faisait l'objet d'un large consensus dans l'opinion, tout en souhaitant rendre
les dispositifs d'insertion plus efficaces et en soulignant les grandes
disparités qui existent en ce domaine selon les départements.
En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, président
,
Mme Martine Aubry
a précisé que la préparation de
la loi d'orientation contre les exclusions demanderait encore deux ou trois
mois de travail et que le nouveau texte serait présenté au
premier trimestre 1998.
Elle a précisé que si ce texte s'appuyait sur l'ancien projet de
loi de renforcement de la cohésion sociale, l'objectif était
également de présenter, dans chaque domaine de la lutte contre
l'exclusion, un programme d'action sur deux ou trois ans.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis
, a interrogé le ministre
sur la diminution des crédits d'exonération de charges sociales
dans les zones rurales et les zones franches, sur la suppression des aides
à l'installation des travailleurs indépendants et sur la
réduction de la participation de l'Etat au financement des
pré-retraites et des pré-retraites progressives.
M. Alain Vasselle
, rappelant que le Sénat avait mené une
action importante en direction des personnes âgées, s'est
inquiété de la disparition de la ligne budgétaire
consacrée à la formation des intervenants à domicile. Il a
demandé aux ministres de préciser le calendrier de la
réforme de la double tarification et a rappelé que l'AGIRC et
l'ARRCO étaient toujours en attente de la compensation financière
qui devait leur être versée dans le cadre des interventions du FNE.
Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur les risques
associés à la vaccination contre l'hépatite B.
Evoquant les conséquences de l'entrée en vigueur de la loi
instituant les emplois jeunes et citant une expérience menée
à Vénissieux,
M. Guy Fischer
a estimé qu'il
conviendrait d'aider les établissements qui prennent en charge les
personnes en grande difficulté, notamment dans les grands ensembles.
Il a demandé aux ministres de préciser le calendrier de la
réforme de la loi de 1975 sur les établissements
médico-sociaux et celui de la mise en oeuvre d'un taux directeur
opposable à ces établissements.
M. Georges Mazars
a d'abord exprimé sa satisfaction devant
l'action entreprise par le Gouvernement en faveur des personnes
âgées et handicapées dans le projet de loi de finances. Il
a demandé aux ministres s'ils favoriseraient la possibilité pour
les personnes ayant cotisé pendant plus de quarante ans de prendre leur
retraite.
Mme Gisèle Printz
a interrogé les ministres sur
l'évolution de la médecine scolaire.
Mme Dinah Derycke
a interrogé les ministres sur les moyens et les
objectifs de la politique menée en faveur des droits des femmes.
A
M. Alain Vasselle
, elle a indiqué que la prestation
spécifique dépendance ne correspondait pas aux attentes,
notamment parce que les départements pratiquaient des tarifs très
différents, ce qui entraînait une rupture d'égalité
entre les bénéficiaires. Elle a souhaité qu'un bilan en
soit établi, en particulier pour mesurer le développement des
emplois de gré à gré, et le risque d'une
dégradation des qualifications des aides à domicile que cela
pouvait générer. Elle a annoncé une prochaine
réunion du Conseil national de gérontologie pour étudier
cette question. Elle a précisé que les crédits de
formation au certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile
(CAFAD) avaient été réintégrés dans le droit
commun de la formation professionnelle. Elle a ajouté qu'elle souhaitait
améliorer la professionnalisation des emplois à domicile.
Enfin, elle a indiqué que la question des établissements à
double tarification serait réexaminée à l'occasion de la
réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et
médico-sociales.
Concernant l'équilibre futur des régimes de retraite
complémentaire gérés par l'AGIRC et l'ARRCO,
Mme
Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité
, a
rappelé que les gouvernements qui l'avaient
précédée n'avaient pas réglé cette question
et a souhaité une mise à plat de la situation dans ce secteur.
S'agissant des droits des femmes, elle a indiqué que les crédits
correspondant s'élevaient à 72 millions de francs en 1998 en
précisant qu'elle accordait une priorité à la
généralisation de l'accès des femmes au travail
salarié, à l'information des femmes sur leurs droits et au
maintien d'un soutien fort aux structures d'accueil des femmes victimes de
violences.
En réponse à une précision demandée par M. Paul
Blanc,
Mme Martine Aubry
a indiqué que le projet de loi
modifiant la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et
médico-sociales comporterait des dispositions modifiant la loi de 1987
relatives à l'obligation d'emploi de personnes handicapées en
milieu ordinaire de travail.
M. Jean-Pierre Fourcade
,
président,
évoquant les
conditions de mise en place de la prestation spécifique
dépendance, a souligné l'intérêt qu'il y avait
à consulter les parlementaires ; il a appelé de ses voeux le
développement de réseaux de gérontologie associant
notamment médecins libéraux, infirmières, hôpitaux
et structures d'accueil des personnes âgées.
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le jeudi 20 novembre 1997, sous la
présidence de
M. Jean Pierre Fourcade,
président,
la commission a tout d'abord procédé
à
l'examen du rapport pour avis de M. Jean Chérioux
sur le projet de loi de finances pour 1998
(emploi et solidarité
: affaires sociales).
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis
, a tout d'abord
rappelé que, dans la nouvelle présentation budgétaire, les
crédits relatifs à l'action sociale et à la
solidarité étaient inclus dans le fascicule relatif aux
dépenses portant sur la santé, la solidarité et la ville.
Soulignant par ailleurs qu'une fraction des crédits en faveur des
rapatriés était également rattachée à ce
fascicule, il a observé que le budget des affaires sociales
représentait ainsi, à périmètre constant,
63 milliards de francs de crédits pour 1998 destinés
à financer, d'une part, les actions de solidarité telles que le
revenu minimum d'insertion (RMI) ou l'allocation aux adultes handicapés
(AAH), et, d'autre part, diverses actions sociales regroupées sous
l'appellation " développement de la vie sociale ".
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis
, a souligné que les
besoins en matière d'action sociale étaient immenses mais que la
marge de manoeuvre des pouvoirs publics était réduite en raison
de l'inertie des dispositifs en place.
Il a estimé que l'objectif des pouvoirs publics ne devait donc plus
être de dépenser " plus " mais de dépenser
" mieux " et que ce budget devait être jugé à
partir d'une approche qualitative.
Evoquant tout d'abord l'insertion et la lutte contre l'exclusion,
M. Jean Chérioux
,
rapporteur pour avis,
a
commenté l'évolution des principales données relatives au
RMI en soulignant la hausse de 7 % des bénéficiaires
constatée en 1996.
Puis, il a observé que le volet relatif à l'insertion
prévu dans le dispositif du RMI était " en panne " pour
certaines catégories de bénéficiaires, en particulier pour
des personnes marginalisées qui ne peuvent entrer dans les parcours
d'insertion classiques.
Il a regretté, par ailleurs, que le contrôle des fraudes au RMI,
nettement amélioré par le précédent Gouvernement,
semble atteindre un seuil maximum. Il a souhaité que les limites de ce
contrôle ne remettent pas en cause le consensus sur le dispositif du RMI.
Il s'est interrogé sur la possibilité de prévoir une forme
d'intéressement des caisses d'allocations familiales (CAF) aux
résultats des contrôles qui sont effectués sur une
prestation dont il a rappelé qu'elle était financée
principalement par l'Etat.
Abordant la question de la lutte contre l'exclusion,
M. Jean
Chérioux, rapporteur pour avis
, a tout d'abord rappelé le
caractère préoccupant de l'évolution de la grande
pauvreté constatée notamment à travers une récente
enquête du Secours Catholique, en regrettant qu'un nouveau projet de loi
portant sur la lutte contre les exclusions n'ait pas été
déposé plus tôt par l'actuel Gouvernement.
Il a constaté que le programme d'ouverture de places
supplémentaires dans les centres d'hébergement et de
réadaptation sociale (CHRS) était inférieur à celui
de l'année dernière et a regretté les économies
réalisées sur les crédits relatifs au financement de
l'action sociale d'urgence et de l'aide aux jeunes en difficulté.
Abordant l'aide aux personnes handicapées
, M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis
, a tout d'abord rappelé que les crédits
relatifs à l'AAH augmentaient de plus de 5 % en 1998 et a donc
constaté l'ampleur des besoins en ce domaine.
Il a indiqué que le Gouvernement avait prévu de créer
2.000 places supplémentaires dans les centres d'aide par le travail
(CAT) et 500 places nouvelles en atelier protégé tout en
précisant que les associations auraient souhaité une autre
ventilation des dépenses supplémentaires en ce domaine.
Il a rappelé que la question de l'amendement " Creton "
s'était récemment compliquée du fait de l'annulation, par
décision du Conseil d'Etat du 9 juillet 1997, de la circulaire du 27
janvier 1995 qui assurait un équilibre précaire en matière
de répartition de la charge financière des jeunes adultes
handicapés.
Evoquant le débat récemment survenu sur le contrôle de
l'effectivité par les départements de l'utilisation de
l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP),
M. Jean
Chérioux, rapporteur pour avis
, a estimé que les
départements pouvaient légitimement s'assurer que l'ACTP
n'était pas considérée comme un complément de
revenus mais bien comme un soutien au financement de l'aide fournie par un
tiers.
S'agissant des actions diverses,
M. Jean Chérioux
,
rapporteur
pour avis,
a souhaité mettre l'accent sur la dérive
préoccupante de la dotation relative aux tutelles et curatelles d'Etat
en soulignant que, depuis 10 ans, les décisions judiciaires tendaient
souvent à instaurer l'intervention d'un tiers, même dans les cas
où les membres de la famille de la personne protégée
n'étaient pas indifférents au sort de celle-ci.
Il a estimé que le développement de la tutelle et de la curatelle
d'Etat était une question de société qui devait relever
d'un examen par le Parlement.
Par ailleurs, il a constaté que, pour la préparation du projet de
budget pour 1998, le Gouvernement avait bénéficié de
l'arrivée à échéance de la procédure
d'indemnisation des rapatriés, prévue par la loi du 16 juillet
1987, qui avait représenté 3,5 milliards de francs de
dépenses dans le budget pour 1997.
Puis il a évoqué l'évolution des différentes
composantes de la dépense nette d'action sociale des départements
d'un montant de 76 milliards de francs en 1996.
Il a souligné que l'infléchissement de la croissance des
dépenses d'insertion était dû au ralentissement des frais
sur les dépenses d'intervention sociale facultative ainsi que sur la
protection maternelle et infantile, en remarquant que ces économies ne
seraient pas reconductibles et qu'elles risquaient de toucher les familles les
plus fragiles.
Il a indiqué qu'il proposerait l'adoption d'un taux directeur opposable
à l'évolution des dépenses dans le secteur social et
médico-social conformément au projet qui avait été
annoncé par le précédent Gouvernement lors de la
dernière discussion budgétaire.
En conclusion,
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis,
a
souligné que ce budget ne devait pas être jugé uniquement
à l'aune des augmentations ou des diminutions de crédits, tout en
constatant qu'il n'était pas très généreux dans le
domaine de la lutte contre l'exclusion. Il a estimé qu'il ne permettait
pas d'assurer au meilleur coût les prestations sociales dont le
ministère était chargé.
Il a donc proposé d'émettre un avis défavorable aux
crédits relatifs à l'action sociale et la solidarité.
M. Jean Madelain
s'est interrogé sur l'incidence de la mise en
place de la prestation spécifique dépendance sur
l'évolution des attributions au titre de l'AAH. Il s'est
inquiété des effets de l'application d'un taux directeur
opposable dans le secteur social et médico-social pour les
établissements accueillant des jeunes handicapés adultes au titre
de l'amendement " Creton " et s'est demandé quelles suites
pourraient être données à l'annulation de la circulaire par
le Conseil d'Etat.
Mme Joëlle Dusseau
a exprimé des réserves à
propos du principe de l'intéressement des CAF aux résultats des
contrôles sur le RMI ainsi que sur la mise en oeuvre d'un taux directeur
opposable dans le secteur social et médico-social. Elle a rappelé
qu'une loi sur la lutte contre les exclusions était en
préparation. Elle s'est déclarée en accord avec le
rapporteur pour avis au sujet de l'évolution préoccupante du
dispositif des tutelles et curatelles d'Etat. Elle a souligné que le
Gouvernement avait fait des efforts en matière de créations de
places de CAT et en atelier protégé dont il convenait de se
féliciter, même si elle a reconnu qu'il subsistait des besoins,
notamment en places de maisons d'accueil spécialisé (MAS).
M. Bernard Seillier
a estimé que, compte tenu du report de
l'examen de l'ancien projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la
cohésion sociale, le Gouvernement aurait pu prévoir des mesures
particulières en ce domaine au titre du budget pour 1998.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est interrogée sur
l'évolution des crédits relatifs aux établissements de
formation des travailleurs sociaux en rappelant les besoins des
collectivités locales en ce domaine. Elle a constaté que le
débat sur le projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la
cohésion sociale avait été interrompu brutalement du fait
de la dissolution de l'Assemblée nationale. Reconnaissant les
insuffisances en matière d'insertion du dispositif du RMI, elle a
rappelé que le Gouvernement avait choisi en priorité d'agir sur
l'emploi grâce aux emplois-jeunes. Elle a regretté l'insuffisance
du nombre de travailleurs sociaux et s'est déclarée
réservée à l'égard du renforcement du
contrôle des fraudes au RMI, en estimant que le taux de
récupération de 73 millions de francs d'indus représentait
déjà un montant élevé. Elle a, par ailleurs,
souhaité un renforcement du dispositif d'accompagnement social dans le
logement pour les plus démunis.
M. Marcel Lesbros
a estimé normal que les départements
contrôlent l'effectivité de l'aide apportée aux personnes
handicapées titulaires de l'ACTP, a considéré que les
conseils généraux s'en tenaient strictement au texte de loi et
qu'on ne pouvait leur reprocher d'être attentifs aux pièces
justificatives.
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, s'est demandé s'il ne
serait pas opportun de proposer un dispositif législatif en remplacement
de la circulaire relative à l'amendement " Creton "
annulée par le Conseil d'Etat en juillet 1997.
En réponse,
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis,
a tout
d'abord constaté qu'il était encore un peu tôt pour mesurer
l'incidence de la mise en place de la prestation spécifique
dépendance sur les statistiques relatives à l'AAH et a
évoqué l'augmentation des attributions de l'AAH à des
salariés handicapés âgés mais n'ayant pas encore
atteint l'âge de la retraite et ne trouvant plus de travail.
S'agissant de l'amendement " Creton ", il a indiqué que le
taux directeur dont il proposait l'application pourrait être
modulé en fonction de la situation de chaque établissement et
s'est déclaré prêt à étudier un amendement
permettant de donner une base légale aux dispositions contenues dans la
circulaire du 29 juillet 1995 relative à une procédure
forfaitaire de tarification.
Concernant le contrôle du RMI, il a souligné que le
mécanisme consistant à faire supporter aux CAF, sans
compensation, la lourde charge du contrôle de cette prestation pour le
compte de l'Etat, ne portait pas en lui-même l'assurance de son
efficacité.
S'agissant des sanctions en cas de fraude, il a fait une distinction entre la
suspension du versement du RMI, qui devrait intervenir dans tous les cas, et le
reversement de l'indu qui pourrait faire l'objet d'une appréciation
individualisée.
Concernant le projet de loi de lutte contre les exclusions, il a estimé
que le texte qui avait été présenté par le
précédent Gouvernement avait été accueilli par un
relatif consensus et qu'il aurait donc pu être redéposé
plus rapidement.
S'agissant de la formation des professions sociales, il a indiqué que le
Gouvernement avait prévu une revalorisation de la dotation des
établissements de formation correspondant en principe à un
accroissement en volume de 3 % des étudiants en travail social tout
en regrettant que des objectifs qualitatifs ne soient pas fixés en
matière de formation.
Concernant l'accompagnement social des plus démunis, il a
souligné les bons résultats des opérations assurant
à la fois la mise à disposition d'un logement et un
accompagnement social renforcé.
S'agissant des handicapés, il a déclaré que la demande de
places supplémentaires en MAS, de préférence à des
places en CAT ou ateliers protégés, avait été
formulée par les responsables des associations qu'il avait
auditionnés.
Puis,
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis,
a
présenté deux amendements visant à instaurer un taux
directeur opposable à l'évolution des dépenses des
établissements sociaux et médico-sociaux.
Il a tout d'abord rappelé la procédure de financement de ces
établissements ainsi que les conditions dans lesquelles le dispositif
prévu pour le 1
er
janvier 1997 avait été
reporté par le précédent Gouvernement.
Il a souligné que le taux directeur opposable serait adapté,
après évaluation, à la situation et aux besoins de chaque
établissement ou de chaque catégorie d'établissement.
Il a estimé que le taux directeur opposable obligerait l'Etat à
instaurer une cohérence entre les décisions prises en
matière de rémunération des personnels et celles prises
pour assurer le financement du secteur social et médico-social.
Il a souligné également la nécessité
d'intégrer les coûts de la fixation des normes d'encadrement dans
les établissements ainsi que de la révision périodique des
normes de sécurité.
Il a estimé que des progrès pourraient être obtenus en
matière d'effectifs des établissements, d'horaires et de
formation du personnel dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur les
conventions collectives applicables dans ce secteur.
Puis il a présenté les deux amendements dont le premier porte sur
l'ensemble des établissements médico-sociaux financés par
les départements et le second concerne les établissements sociaux
et médico-sociaux financés par l'Etat.
Après un débat au cours duquel sont intervenus
MM. Jean-Pierre
Fourcade, président, Jean Madelain, Mme Marie-Madeleine Dieulangard et
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, la commission a émis
un avis défavorable à l'adoption des crédits
consacrés aux affaires sociales
dans le projet de loi de finances
pour 1998, et a adopté deux amendements portant articles additionnels
rattachés à ce budget afin d'instituer un taux directeur
opposable à l'évolution des dépenses des
établissements sociaux et médico-sociaux financés
respectivement par les départements et par l'Etat.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Cet avis demeure consacré aux crédits d'action sociale et de
solidarité du ministère de l'emploi et de la solidarité,
mais porte en réalité sur un fascicule budgétaire dont
l'apparence et les frontières sont légèrement
transformés :
- changement d'
apparence,
tout d'abord, puisque si l'année
dernière M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires
sociales, avait souhaité consacrer un " bleu "
budgétaire, d'un montant de 61,5 milliards de francs, entièrement
à l'action sociale et à la solidarité, le budget relevant
de la compétence de Mme la Ministre de l'emploi et de la
solidarité effectue une distinction entre les crédits relatifs
à l'emploi, d'une part, qui représentent 112 milliards de francs
et relèvent de la compétence de notre excellent collègue
Louis Souvet, et les crédits relatifs à la santé, à
la solidarité et à la ville, d'autre part, qui
représentent au total 73 milliards de francs ;
- changement de
frontière
ensuite, car il convient de
retirer de ce chiffre de 73 milliards de francs, les dépenses
budgétaires examinées par M. Paul Blanc au titre de la
politique de la ville et par M. Louis Boyer au titre de la politique de
santé ainsi que les crédits qui sont purement dévolus aux
dépenses de personnel d'administration centrale : il subsiste alors un
montant de 63,2 milliards de francs.
Ce montant ne peut encore être comparé à celui
analysé l'année précédente car, en 1998, les
crédits relatifs aux rapatriés, pour la fraction qui relevait de
la compétence de M. Roger Romani, sont déplacés du budget
du Premier ministre, dont il dépendait en sa qualité de ministre
délégué, à celui du ministère de l'emploi et
de la solidarité, soit un transfert de 135 millions de francs.
A frontière inchangée, ce sont donc 63 milliards de francs que
nous devons comparer aux 61,4 milliards de francs de l'année
dernière.
Ces crédits regroupent un ensemble assez disparate d'actions
regroupées autour de
deux volets
.
Le
premier volet
d'un montant de 59 milliards de francs est relatif
aux
actions de solidarité
et comprend les sommes que l'Etat
consacre au financement de l'allocation du RMI, à la solidarité
avec les handicapés, notamment à travers l'allocation aux adultes
handicapés, ou encore, toutes les sommes versées en faveur de la
lutte contre l'exclusion, notamment aux institutions sociales et
médico-sociales dépendant de l'Etat telles que les centres
d'hébergement et de réadaptation sociale.
Le
second volet
d'un montant de 3,7 milliards de francs, porte sur
diverses actions sociales que la nomenclature budgétaire regroupe sous
l'appellation " développement de la vie sociale " : il
s'agit
des dépenses relatives aux objecteurs de conscience, à la
formation des travailleurs sociaux, aux rapatriés, de diverses
dépenses d'aide sociale ainsi que la prise en charge des frais
liés à la tutelle et à la curatelle d'Etat.
Sur l'ensemble de ces deux volets, une
première constatation
s'impose : les crédits passent, à frontière
inchangée, de 61,4 à 63 milliards de francs soit une hausse
apparente de 2,6 %.
En réalité, cette hausse provient de deux postes où le
Gouvernement se borne à une simple constatation en termes d'effectifs et
de valeur des prestations, à savoir le RMI, qui entraîne une
dépense de 1 milliard de francs supplémentaire et l'AAH, qui
augmente, elle, de 1,1 milliard de francs.
Tel est au fond le paradoxe auquel toute politique sociale est aujourd'hui
confrontée :
les besoins en termes de solidarité et d'action
sociale sont aujourd'hui immenses mais la marge de manoeuvre qui est
laissée à l'action volontariste des pouvoirs publics se
réduit en raison de l'inertie des dispositifs en place.
Les entretiens que votre rapporteur a eus au cours de la préparation de
cet avis lui ont confirmé les difficultés de la lutte contre
l'exclusion sur le terrain en raison de la montée de la
précarité. Face à cette pression irrésistible des
besoins, la priorité de l'action publique ne peut être que de
restaurer des marges de manoeuvre en faveur de l'insertion et de la
solidarité.
L'objectif ne doit donc plus être de
dépenser plus
, en
constatant passivement le coût de l'augmentation des effectifs de
titulaires de minima sociaux, mais de
dépenser mieux
, en
permettant à notre appareil social de protéger aussi bien et
à meilleur coût sans réduire le champ des
bénéficiaires de prestations.
Il est toujours tentant de juger un budget en fonction de l'augmentation
arithmétique de ses crédits ; en matière d'action sociale,
les besoins sont tels que nous sommes sûrs que nous serons toujours en
deçà de ce qui est nécessaire. C'est pourquoi nous devons
juger à partir d'une
approche qualitative
.
Le Gouvernement est-il à la hauteur de cette exigence qualitative, qu'il
s'agisse des dépenses de l'Etat ou de celles prises en charge par l'aide
sociale des départements ? C'est à cette question que nous devons
répondre.
Examinant ce budget et constatant la progression toujours sensible des
titulaires du RMI, votre commission s'est interrogée sur les
insuffisances actuelles du dispositif d'insertion et a souhaité la mise
en place de parcours d'insertion durable pour les publics les plus
marginalisés.
Elle a souligné que les résultats des contrôles que le
Gouvernement précédent avait sensiblement renforcés,
plafonnaient en termes d'efficacité. Elle s'est donc interrogée
sur la mise en place d'une réforme de structure qui permettrait
d'intéresser directement les caisses d'allocations familiales aux
résultats de la lutte contre la fraude au RMI.
S'agissant des centres d'hébergement et de réadaptation sociale,
votre commission a regretté le relâchement de l'effort en faveur
de la création de places nouvelles par la transformation de places
d'asiles de nuit devenues inadaptées.
Elle s'est étonnée de la baisse des crédits
déconcentrés de l'Etat destinés à l'action sociale
d'urgence et à l'aide aux jeunes difficulté alors que l'exclusion
continue à exercer des ravages dans des couches de la
société nouvellement précarisées.
Evoquant les crédits d'aide au développement de la vie sociale,
votre commission s'est inquiétée de l'absence de maîtrise
des conséquences financières des décisions prises par les
instances judiciaires en matière de tutelle et curatelle d'Etat.
Elle a souligné que le ministère maintenant en charge des
questions relatives aux rapatriés aurait dû tirer avantage de
l'arrivée à échéance de la procédure
d'indemnisation des rapatriés prévus par la loi du
16 juillet 1987 qui avait entraîné mécaniquement un
allégement de 3,5 milliards de francs pour la préparation de
la loi de finances de cette année.
S'agissant de la solidarité en faveur des handicapés, la
commission a constaté que le Gouvernement avait fait des efforts dans le
secteur de l'aide aux handicapés, sans toutefois que la ventilation
retenue pour les dépenses supplémentaires ne réponde
entièrement aux souhaits des associations et en regrettant que des
progrès ne soient pas faits en matière d'insertion des
handicapés en milieu de travail ordinaire.
Elle s'est inquiétée du poids persistant de la prise en charge
des jeunes adultes handicapés dans les établissements
d'éducation spéciale au titre de l'amendement
" Creton " et a souhaité la mise en place d'une solution au
niveau législatif pour faire face à la récente
décision d'annulation de la circulaire du 27 janvier 1995 prise par
le Conseil d'Etat.
S'agissant du débat sur le contrôle de l'efficacité de
l'utilisation de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), votre
commission a estimé que les départements étaient
fondés à veiller à ce que cette prestation soit bien
utilisée pour aider à financer le recours aux services d'une
tierce personne et non pas pour assurer un complément de revenus.
Evoquant les dépenses d'aide sociale des départements, la
commission a pris acte de la hausse de près de 4 % de ces
dépenses en 1996, tout en soulignant qu'il serait
prématuré de voir dans cet infléchissement le signe
précurseur d'un renversement de tendance durable.
Constatant l'ampleur des dépenses prises en charge par les
établissements sociaux et médico-sociaux et le caractère
" déresponsabilisant " de leur procédure actuelle de
financement, votre commission a adopté deux amendements tendant à
instaurer dès le 1
er
janvier 1998 un taux directeur
opposable à l'évolution des dépenses du secteur
médico-social prises en charge par l'Etat et par les
départements. Il s'agit par là de donner à l'Etat les
moyens d'assurer une cohérence entre les décisions qui sont
prises en matière salariale ou d'édiction de norme et celles
prises pour maîtriser les dépenses publiques. Il s'agit
également d'inciter les établissements à peser sur les
facteurs structurels d'évolution de leurs dépenses.
En définitive, face à ce projet de budget, comment former le
jugement de votre Haute Assemblée ? Il n'est pas question, vous l'avez
compris, de le juger uniquement à l'aune des augmentations ou des
diminutions des crédits. De ce point de vue cependant, force est de
constater qu'il n'est pas particulièrement généreux dans
le domaine de la lutte contre l'exclusion, qu'il s'agisse des CHRS ou des
mesures de secours d'urgence.
Mais c'est au regard de l'ensemble d'une politique d'action sociale que nous
devons juger ce budget. Dès lors, votre commission n'a pu que constater
qu'il ne recherchait pas particulièrement à assurer au meilleur
coût les prestations sociales dont il est chargé.
Sans manifester une opposition systématique, votre commission a
regretté que ce budget soit un budget d'attente, qui constatait
l'augmentation des dépenses requises par les dispositifs en place, sans
pour autant mettre clairement l'accent sur l'aide aux plus démunis ou
améliorer réellement l'efficacité de l'aide sociale.
C'est pourquoi votre commission a émis un avis défavorable
à l'adoption des crédits relatifs aux affaires sociales dans le
projet de loi de finances pour 1998.
I. LA SOLIDARITÉ S'EXPRIME PAR LES ACTIONS EN FAVEUR DE L'INSERTION ET DE LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION ET LES ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT DE LA VIE SOCIALE
S'agissant de la solidarité avec les plus
démunis, il convient d'examiner l'ensemble des dépenses
consacrées au
revenu minimum d'insertion
avant d'étudier
l'évolution des dépenses engagées au titre de
l'aide
sociale obligatoire
à travers l'aide à hébergement
puis de l'action sociale de l'Etat en faveur des plus démunis.
En troisième lieu, nous mettrons l'accent sur certains crédits
relatifs au " développement de la vie sociale " concernant
en
particulier les tutelles et curatelles d'Etat et l'aide aux rapatriés.
A. L'IRRÉSISTIBLE PROGRESSION DES DÉPENSES CONSACRÉES AU RMI TRADUIT L'IMPORTANCE DES BESOINS
L'augmentation constante des dépenses consacrées au RMI conduit à s'interroger sur l'efficacité du dispositif d'insertion et sur la nécessité de maintenir un haut niveau de contrôle sur cette prestation.
1. La progression constante du nombre des foyers concernés et du coût de la prestation
L'importance des dépenses consacrées au RMI
reflète l'importance des besoins et de la détresse sociale de
ceux dont les revenus passent en-dessous des minima sociaux.
Peuvent bénéficier du RMI tous les résidents en France,
sans condition de nationalité -une condition de résidence de
trois ans étant toutefois requise pour les ressortissants de pays
étrangers- à condition qu'ils soient âgés de plus de
25 ans et qu'ils ne soient pas étudiants, ou s'ils ont moins de
25 ans, qu'ils aient au moins un enfant à charge. L'allocation
versée complète les ressources des intéressés de
façon à leur garantir un revenu minimum fixé à
2.403 francs par mois
au 1er janvier 1997 pour une personne
isolée sans enfant à charge et à
3.604 francs
par mois pour un couple (ce montant est majoré de
721 francs
par mois pour chaque enfant à charge). L'allocation est toutefois
conditionnée à un engagement du bénéficiaire
à participer aux actions ou activités définies avec lui et
nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle. Cet
engagement peut être formalisé dans un contrat d'insertion.
Au 31 décembre 1996,
la France a franchi le seuil symbolique de plus
d'un million de titulaires du RMI
(1.010.472 foyers), dont
904.000 titulaires en métropole. Avec les ayants droit, ce sont 1,9
million de personnes qui sont protégées par ce qui avait
été conçu à l'origine comme un ultime " filet
de sécurité ".
Evolution des effectifs et des crédits afférents au RMI
|
|
|
|
|
|
Crédits budgétaires en MF (1) |
|
|
Décembre 1989 |
335.514 |
71.567 |
407.081 |
6.000 |
||||
Décembre 1990 |
422.101 |
25,8 % |
88.044 |
23,0 % |
510.145 |
25,3 % |
8.668 |
+ 45 % |
Décembre 1991 |
488.422 |
15,7 % |
93.939 |
6,7 % |
582.361 |
14,2 % |
14.325 |
+ 65 % |
Décembre 1992 |
575.034 |
17,7% |
96.208 |
2,4 % |
671.242 |
15,3 % |
13.168 |
- 8 % |
Décembre 1993 |
696.589 |
21,1 % |
96.355 |
0,2 % |
792.944 |
18,1 % |
16.631 |
+ 26 % |
Décembre 1994 |
803.303 |
15,3 % |
105.033 |
9,0 % |
908.336 |
14,6 % |
19.217 |
+ 16 % |
Décembre 1995 |
840.839 |
4,7 % |
105.174 |
0,1 % |
946.010 |
4,1% |
22.022 |
+ 15 % |
Décembre 1996 |
903.804 |
7,5 % |
106.668 |
1,4 % |
1.010.742 |
6,8 % |
23.179 |
+ 5 % |
(1) En millions de francs, compte tenu des lois de
finances rectificatives
Le nombre d'allocataires a plus que doublé depuis la création de
la prestation en 1988 tandis que le montant de la dotation budgétaire de
l'Etat a plus que quadruplé, passant de 6 milliards de francs en 1989
à 25 milliards de francs aujourd'hui.
a) Le profil des bénéficiaires a peu évolué depuis la création du dispositif
Ce sont souvent des chômeurs de longue durée avec
un faible niveau de formation ou de qualification.
En métropole, 59,2 % des allocataires sont des
personnes
isolées
, sans enfant ni personne à charge. Il s'agit en
grande majorité d'hommes seuls (201.547 femmes pour
387.490 hommes). Ces derniers sont en majorité célibataires
: 47,6 % en métropole, 54,6 % dans les DOM. 20 % des
foyers sont des familles monoparentales, 20 % sont des couples.
Les bénéficiaires du RMI constituent
une population
relativement jeune
: 48,4 % d'entre eux ont moins de 35 ans,
30 % ont moins de trente ans, alors que la condition d'âge restreint
l'entrée aux plus de 25 ans, sauf s'ils ont des enfants (3,6 %
en 1996). 15 % sont âgés de plus de 50 ans.
Il est à noter que l'on n'assiste pas à un rajeunissement de
l'ensemble des allocataires du RMI : la part des 25-29 ans reste
rigoureusement stable depuis 1989, alors que le nombre d'allocataires a presque
été multiplié par trois.
Près de 90 % des bénéficiaires n'ont pas le
baccalauréat. Plus de 40 % d'entre eux ont un niveau scolaire
inférieur à la classe de troisième. Les nouveaux entrants
âgés de 25 à 29 ans sont plus diplômés
(37 % ont le bac ou plus) que les autres personnes entrant dans le
dispositif (24 % des nouveaux entrants au RMI ont le bac ou plus),
toutefois cette part reste inférieure à celle présente
dans la population française à âge égal (27 %).
Le montant moyen de l'allocation différentielle
de RMI
versée s'élève, en 1996, à 1.925 francs en
métropole. 40 % des bénéficiaires du RMI n'ont pas
d'autres ressources que les allocations diverses versées par les caisses
d'allocations familiales (CAF). Pour 13,8 % des
bénéficiaires, le RMI constitue l'unique ressource.
Par rapport au nombre d'habitants, le ratio de titulaires du RMI varie dans une
proportion de un à cinq : les départements de la Lozère,
de la Mayenne et de l'Aveyron ont les ratios les plus faibles pour
1.000 habitants, tandis que les départements des
Pyrénées-Orientales, de l'Hérault, des
Bouches-du-Rhône et de la Corse du Sud se partagent les densités
les plus fortes. (Cf annexe II)
En valeur absolue, ce sont les départements du Nord (56.439), des
Bouches-du-Rhône (53.205) et Paris (49.708) qui comptent le nombre le
plus important de bénéficiaires.
b) Le coût total de la prestation excède largement le montant de la seule dotation budgétaire
Le coût total du RMI est sensiblement plus
élevé pour l'ensemble de la collectivité nationale que la
seule dotation budgétaire destinée à financer
l'allocation. Il s'élève en réalité à
près de 39 milliards de francs
.
Il faut prendre en compte tout d'abord les frais de gestion du dispositif, la
créance de proratisation dans les DOM, le coût de l'aide
médicale assurée par l'Etat pour les personnes sans domicile fixe
et le coût de la mise en oeuvre des aides à l'emploi, en plus des
crédits destinés au financement de l'allocation
stricto
sensu
soit 25,327 milliards de francs inscrits au chapitre 46-21
(article 10) du fascicule santé, solidarité et ville.
Il convient de préciser que les frais de gestion directe pour la part
assumée par l'Etat (hors moyens des caisses d'allocations familiales)
s'élèvent à 250 millions de francs. Le coût de
la créance de proratisation
1(
*
)
dans les
DOM s'élève à 812,6 millions de francs pour 1996.
L'aide médicale de l'Etat versée pour les titulaires du RMI sans
domicile fixe s'élève à 350 millions de francs en
1996.
Le poste essentiel reste celui du coût des
mesures pour l'emploi
(contrat emploi consolidé, contrat emploi solidarité, contrat
initiative emploi) mises en oeuvre au profit des titulaires du RMI dont le
montant total est estimé à
6,6 milliards de francs pour
1996
, soit une multiplication par six depuis la mise en place du dispositif
(1 milliard de francs en 1989).
A cela, il faut ajouter la
part des départements qui
représente, au titre de la contribution obligatoire et de l'assurance
personnelle, environ 7 milliards de francs en 1996
2(
*
)
.
Les
crédits d'insertion des départements
résultent
de l'obligation légale d'inscrire à leurs budgets 20 % des
sommes versées par l'Etat l'année précédente au
titre de l'allocation, afin de financer des actions d'insertion pour les
bénéficiaires du RMI : ce montant, qui représentait
1,98 milliard de francs en 1992, est passé à
3,7 milliards de francs en 1996
.
A ces dépenses d'insertion, il faut ajouter les
frais de
santé
comprenant la prise en charge de
l'assurance
personnelle
pour les personnes non assurées sociales et ne relevant
pas de la CAF (familles) ou de l'Etat (SDF) et la
couverture maladie
à 100 % des bénéficiaires. Les crédits
engagés par les départements pour permettre l'accès aux
soins des bénéficiaires du RMI se sont élevés
à
3,590
milliards de francs en 1996
.
Ce tableau impressionnant est assombri par la progression, à nouveau
inquiétante, du nombre d'allocataires.
c) Une progression à nouveau inquiétante des effectifs
En effet, la hausse des effectifs des titulaires du RMI est
revenue à 7 % en tendance annuelle en 1996, contre 4,7 % pour
l'année 1995.
Pour le budget 1998, la dotation du chapitre 46-21 destiné à
couvrir les dépenses d'allocations de revenu minimum d'insertion a
été fixée en fonction d'une estimation des dépenses
tenant compte de l'évolution antérieure de la prestation moyenne
et du nombre d'allocataires évalué pour 1996 à 1.010.472.
S'agissant du taux de revalorisation du RMI pour 1998, il a été
retenu un taux d'évolution prévisionnelle de 1,1 % en
moyenne annuelle.
Par ailleurs, il a été pris en compte un
effet volume de 3 %
, ce qui peut paraître optimiste mais se
fonde sur les efforts consentis au titre des crédits de l'emploi, et
notamment de l'augmentation du nombre de contrats emploi-solidarité
inscrite au budget.
La solution qui consiste à augmenter le nombre d'emplois parapublics
aidés par l'Etat n'en est pas vraiment une car le RMI semble aujourd'hui
se heurter à deux difficultés majeures : les déficiences
du volet " insertion " et le seuil d'efficience structurel
des
contrôles.
2. Le volet insertion du RMI est en panne pour certaines catégories de bénéficiaires
Comme l'a souligné M. Paul de Viguerie, directeur
général de l'Association des présidents de Conseils
Généraux, entendu par votre rapporteur, alors que la consommation
des crédits d'insertion réservés par les
départements à hauteur de 20 % des crédits d'Etat, a
atteint, en 1996, près de 98 % des crédits inscrits en
budget primitif,
il subsiste toujours une difficulté pour mettre en
place des parcours d'insertion durable pour certains publics
marginalisés qui bénéficient du RMI sans doute quasiment
depuis sa mise en place
.
50 % des bénéficiaires du RMI relèvent du dispositif
depuis deux ans au moins. Plus l'ancienneté de présence dans le
dispositif est grande, plus la sortie du dispositif est difficile; Il y a ainsi
une " spirale " du RMI qui est aussi une
" spirale " du
chômage de longue durée.
Le taux de sortie demeure encore insuffisant puisqu'en 1996 seulement 320.000
allocataires ont quitté le RMI, soit à peine un titulaire du RMI
sur trois.
Flux des entrées et des sorties du RMI (France entière)
Entrées |
Sorties |
Solde |
|
1993 |
301.764 |
181.603 |
120.161 |
1994 |
382.058 |
268.393 |
113.665 |
1995 |
362.830 |
326.012 |
36.818 |
1996 |
387.445 |
324.016 |
63.429 |
L'autre aspect symptomatique des dysfonctionnements du volet
insertion -le " I " du RMI- se lit à travers
le faible
taux
de contractualisation des allocataires
et sa lente montée avec la
durée de passage au RMI.
En principe, la loi et ses circulaires d'application prévoient que, pour
tout allocataire, un contrat d'insertion doit être signé dans les
trois mois suivant la mise en paiement du RMI. Le droit à l'allocation
n'est, par ailleurs, attribué que pour trois mois ; il est ensuite
prorogé de trois mois à un an au vu du contrat d'insertion. Les
renouvellements ultérieurs, par périodes de même
durée, se font au vu de la mise en oeuvre du contrat par la commission
locale d'insertion.
Alors que la signature d'un contrat d'insertion est en principe obligatoire, on
notera que
seulement un peu plus d'un titulaire du RMI sur deux est
titulaire d'un tel contrat
(52,9 %).
Evolution du taux de contractualisation (1) des allocataires du RMI
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
45 % |
48,3 % |
51,1 % |
52,9 % |
(1) Le taux de contractualisation retenu est le
rapport entre contrats d'insertion en cours et bénéficiaires
payés.
Au demeurant,
l'existence d'un contrat n'est pas forcément le signe
d'un retour à l'activité.
En effet, selon une enquête réalisée en 1994
3(
*
)
,
un tiers des contrats a simplement pour objet le
"
développement de l'autonomie sociale
" du
titulaire,
qui s'engage alors à entreprendre des démarches en matière
de santé ou dans le domaine administratif. Certes, deux tiers des
contrats visent à l'insertion par l'emploi ; encore faut-il noter que
dans 66 % des cas, il ne s'agit que de la réalisation d'un bilan
professionnel ou d'un simple engagement du titulaire de rechercher un emploi.
Parmi les actions visant à développer l'autonomie sociale,
12 % des contrats d'insertion concernent les démarches liées
à la santé et 9 % des démarches administratives. Ce
sont les bénéficiaires âgés de plus de 50 ans
qui bénéficient principalement de ce type de mesures (25 %
pour les démarches liées à la santé, 21 % pour
les démarches administratives).
L'insertion par l'emploi concerne à 66 % les signataires d'un
premier contrat, mais dans
deux cas sur trois
le contrat porte sur la
réalisation d'un bilan professionnel ou sur une simple aide à la
recherche d'activité d'insertion, d'un stage ou d'un emploi.
Beaucoup de contrats mentionnent davantage des perspectives d'insertion
plutôt que des solutions effectives
. Les formules sont alors du type
" recherche d'un emploi ", éventuellement assorties de
quelques précisions concernant le métier ou le domaine
d'activité. La réalisation de l'objectif ainsi défini
dépendra alors de la réalité de l'offre d'insertion locale
qui se révèle le plus souvent globalement insuffisante pour
assurer à toutes les personnes concernées l'embauche
recherchée.
Supprimer l'allocation à ceux qui sont depuis trop longtemps dans le
dispositif n'est pas en soi une solution, encore qu'il faille noter qu'en 1996
environ 32.000 suspensions-sanctions ont été prononcées
dans l'hypothèse où le titulaire refuse de prendre le moindre
engagement dans le cadre d'un contrat d'insertion.
La délégation interministérielle au RMI (DIRMI) estime
ainsi, à partir d'une extrapolation, à 27.000 le nombre de
suspensions en 1994, à 29.980 celles de 1995 et à 32.350 celles
de 1996, en progression de 7,9 % à l'échelle
métropolitaine. Les suspensions-sanctions représenteraient ainsi
5 % des contrats signés.
Il est clair qu'il faut distinguer ceux qui se maintiennent dans le
dispositif alors qu'ils ont d'autres sources de revenus non
déclarés, de ceux, profondément marginalisés, qui
ne peuvent revenir à une activité sociale minimale que dans le
cadre d'un accompagnement social particulièrement soutenu.
3. Des limites structurelles à la mise en oeuvre des contrôles
Le contrôle des fraudes au RMI, nettement
renforcé par le précédent Gouvernement, semble aujourd'hui
atteindre un seuil, alors que ces contrôles sont nécessaires pour
assurer le consensus sur un dispositif qui garantit un minimum vital
indispensable mais qui est de plus en plus coûteux pour la
collectivité.
Une mission conjointe de l'Inspection générale des affaires
sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) de
février 1995 et le rapport public de la Cour des Comptes de la
même année avaient recommandé une mise en oeuvre
accélérée des procédures d'échanges
informatisées "
afin d'améliorer encore les
contrôles et réduire les risques de fraude au RMI
".
Depuis 1995, un effort important a été réalisé pour
que l'ensemble des liaisons informatisées soient mises en oeuvre et
rendues opérationnelles ainsi que pour développer un programme de
contrôles sur échantillon.
a) Les contrôles informatisés
Les contrôles informatisés sont effectués
tout d'abord par le croisement systématique des fichiers des diverses
caisses d'allocations familiales (CAF) afin notamment de vérifier les
situations entre départements ainsi que les déclarations de
ressources transmises dans le cadre d'autres prestations sous condition de
ressources versées par les CAF.
Des échanges de données informatiques sont également
organisées entre les CAF et :
- les ASSEDIC pour repérer d'éventuelles
non-déclarations ou sous-déclarations en matière
d'indemnités de chômage. Ces contrôles sont en place et
fonctionnent de manière satisfaisante, y compris en Ile-de-France. Ils
concernent chaque mois tous les allocataires soumis à déclaration
de ressources pour le mois considéré, soit le tiers du stock.
- le
Centre national pour l'aménagement des structures des
exploitations agricoles
(CNASEA) pour le contrôle des personnes en
contrat emploi-solidarité (CES), en contrat emploi consolidé
(CEC) ou en stage de formation professionnelle (SIFE). Ces contrats sont tous
opérationnels depuis la fin de 1995.
Deux dispositifs de croisement de fichiers sont en cours d'installation :
- avec l'ANPE, d'une part, pour les entrées en contrat initiative
emploi (CIE) : les conditions de mise en oeuvre de contrôle du CIE ont
été expertisées ; la demande d'autorisation a
été déposée auprès de la CNIL.
- avec les services fiscaux, d'autre part : la réalisation des
programmes d'informatique est en cours.
S'agissant des relations avec les services fiscaux, les annexes au projet de
loi de financement de la sécurité sociale
4(
*
)
apportent des précisions intéressantes
à cet égard.
"
Cette opération-transfert des données fiscales
consiste, pour les CAF, à transmettre à la DGI un fichier d'appel
des allocataires percevant des prestations familiales sous condition de
ressources et à obtenir, en retour, l'indication des allocataires
identifiés. La comparaison automatique des ressources est toutefois
effectuée sur la base des coordonnées des
intéressés (nom patronymique, adresse...) et non sur le
numéro d'identification du recensement (NIR) dont l'usage n'est pas
ouvert aux services fiscaux.
" Des difficultés techniques quant à la juxtaposition des
foyers fiscaux et des comptes allocataires entre la DGI et les CAF en
résultent. L'utilisation d'un identifiant commun, le NIR,
améliorerait sensiblement la qualité des échanges avec les
services fiscaux et permettrait d'éviter les rejets dus à
l'impossibilité d'exploiter certaines demandes.
" Les autres recoupements se font en revanche à partir du NIR et
représentent 17 millions d'échanges avec les ASSEDIC et
660.000 avec le CNASEA. Ces échanges sont mensuels avec les ASSEDIC et
trimestriels avec le CNASEA et concernent tous les allocataires. "
b) Les contrôles sur échantillon
Par ailleurs, les CAF assurent des contrôles internes
dans le cadre d'un plan de contrôle annuel dont elles doivent rendre
compte au Préfet concerné :
- 15 % des ouvertures de droit doivent faire l'objet d'un
contrôle lourd dans le mois qui suit l'accès au RMI ;
- 1 % des allocataires doit faire l'objet, chaque mois, d'un
contrôle lourd.
Les CAF sont encouragées à procéder largement à des
contrôles sélectifs sur des " cibles "
déterminées ou à la suite de signalements.
Il s'agit au total de 13.000 contrôles par mois, soit 18,5 %
d'allocataires contrôlés en un an. Ces contrôles sont
effectués sur pièces, sinon au domicile des
bénéficiaires, par des contrôleurs assermentés.
En ce qui concerne le revenu minimum d'insertion,
la situation globale de
146.000 allocataires a été contrôlée en
1996
.
Parmi ces contrôles :
- les trois quarts sont effectués par un appel de pièces
auprès des allocataires ;
- un quart est effectué sur place ; les CAF comptent, à cet
égard, 580 contrôleurs assermentés.
c) Les résultats des contrôles
Les résultats des contrôles peuvent être
appréciés à partir de deux catégories de
données.
D'une part, comme on l'a vu, 32.350 suspensions-sanctions du RMI ont
été prononcées en 1996 (+ 7,9 %), ce qui peut
correspondre soit au refus de signer un contrat d'insertion, soit
résulter d'actions frauduleuses.
Par ailleurs, en mai 1996, sur 815.035 allocataires payés par les
CAF, 43.500 personnes, soit 5 %, faisaient l'objet de retenues
liées à des récupérations d'indus. Le
prélèvement mensuel en cas d'indu s'élevait alors à
381 francs
par mois, ce qui correspond à peu près au
maximum autorisé par la loi.
Le rapport du projet de loi de financement de la sécurité sociale
précise que les contrôles relatifs au RMI ont
généré 31.000 indus pour 73,5 millions de francs
et 5.550 rappels
5(
*
)
pour 10 millions
de francs, soit un solde net de 63,5 millions de francs en 1996.
La notion de régularisation d'indus ne peut toutefois être
totalement assimilée à celle de fraude de la part des
allocataires.
En effet, l'essentiel des indus provient de deux origines :
- d'une part, le maintien d'un demi-RMI pendant un mois en cas de retard
de déclaration trimestrielle de ressources (y compris s'il s'agit d'un
retard de saisie de la CAF) ; c'est une procédure prévue par
décret et ces sommes sont versées en pleine conformité
avec les textes.
- d'autre part, ce sont les règles comptables, par exemple en cas
de rappel de prestations familiales ou d'allocations aux adultes
handicapés, qui génèrent à titre rétroactif
une baisse du RMI et donc un indu comptable, mais sans perte globale car
compensé sur les autres prestations sociales.
Il apparaît en définitive que le nombre de fraudes
pénalement qualifiées par les tribunaux est très rare (315
en 1996 pour 741 dépôts de plaintes) ; la difficulté
est, pour le juge, d'apprécier parmi les déclarations inexactes
celles qui sont volontaires et celles qui sont involontaires et
témoignent soit d'une incompréhension par l'allocataire de la
législation, soit d'une négligence.
Votre rapporteur souligne que, si les contrôles sont indispensables,
l'échelle des sanctions doit être proportionnée à la
situation et aux revenus des personnes qui ont perçu indûment le
RMI.
Il faut distinguer entre la cessation immédiate du versement de la
prestation, qui devrait s'imposer dans tous les cas, et les demandes de
reversement de l'indu qui doivent tenir compte des ressources des
intéressés.
d) Les limites auxquelles se heurtent les contrôles appellent une nouvelle réflexion structurelle
Les résultats des contrôles du RMI semblent
relativement modestes alors que, souvent, les élus locaux ont à
l'esprit des cas où l'examen approfondi de la situation de certains
titulaires du RMI conduirait certainement à des remises en question.
S'agissant des contrôles informatisés, il serait utile de parvenir
à des croisements de données informatiques avec les fichiers des
déclarations préalables à l'embauche
(DPE) dont la
transmission par les employeurs est obligatoire, ainsi qu'avec les fichiers de
l'URSSAF afin de repérer les allocataires du RMI qui ont repris une
activité rémunérée.
Il est paradoxal
, en
effet, que
la situation d'un titulaire du RMI qui obtient un stage de
formation rémunéré soit plus facile à
détecter que celle d'un allocataire qui reprend effectivement une
activité régulière
.
Toutefois, compte tenu de l'absence d'identifiant commun au niveau des
entreprises, cette procédure de croisement de fichiers
nécessiterait un investissement important que le ministère des
Affaires sociales juge inadapté au regard du faible taux de fraude
constaté à partir des contrôles effectués
actuellement. C'est donc sur le contrôle personnalisé qu'il faut
se porter.
Comme le rappelle la réponse au questionnaire budgétaire
transmise à votre rapporteur, le contrôle par les instructeurs du
dossier, qu'il s'agisse d'une assistante sociale ou du personnel d'un centre
communal d'action sociale (CCAS), joue souvent un rôle fondamental bien
qu'il soit généralement passé sous silence.
L'instructeur accueille le demandeur pour recueillir son dossier. En principe,
un travail bien fait d'explications commentées et de discussion avec le
demandeur peut conduire à dissuader ce dernier de poursuivre sa
démarche lorsqu'elle est engagée à tort.
Ultérieurement, l'instructeur suit l'allocataire, d'abord pour
établir son contrat d'insertion dans le trimestre suivant l'ouverture du
droit ; ensuite, suivant la périodicité décidée par
lui et, en tout état de cause, tous les ans, pour actualiser le contrat
d'insertion. Là encore, il doit pouvoir déceler des situations
anormales.
La CAF et son personnel peuvent donc jouer un rôle essentiel s'ils font
preuve de vigilance pour déjouer les comportements qui s'apparentent
à une fraude manifeste alors même que les demandeurs font valoir,
à tort, la difficulté de leur situation et le besoin d'urgence
d'un secours.
Dans ce contexte où le rôle sur le terrain des CAF est essentiel,
force est de constater que
l'architecture du dispositif du RMI ne garantit
pas par elle-même l'optimisation des contrôles
. Les CAF sont
chargées de distribuer une prestation dont le financement est
assuré, non pas par la branche " famille " mais directement
par le budget de l'Etat ; les CAF sont chargées de contrôler que
le versement du RMI est justifié, mais elles supportent seules la charge
de la gestion sur le terrain de ce dispositif.
En tout état de cause, la branche famille ne retire aucune
conséquence positive des résultats des contrôles puisque
les suspensions-sanctions ou les reversements des indus sont effectués
au profit du budget de l'Etat.
Certes, la convention d'objectifs et de gestion signée entre l'Etat et
la CNAF le 14 mai 1997 prévoit un renforcement de la politique de
contrôle en fixant notamment comme objectif aux CAF, de passer d'un
contrôle global
a posteriori
de la situation de 15 % des
allocataires à un contrôle de 25 % d'entre eux en l'an 2000, ce
qui représente, si l'on fait l'hypothèse de situations à
risque représentant la moitié des fichiers, le contrôle
exhaustif de celles-ci tous les deux ans. La convention insiste, par ailleurs,
sur l'importance des contrôles sur place.
Cet objectif doit être atteint par :
- les redéploiements internes aux caisses ;
- l'amélioration permanente des politiques de ciblage des
contrôles et de transfert de données sociales ;
- une amélioration du pilotage de la fonction contrôle au
sein de la CNAF et des CAF.
Parallèlement à cet objectif, les CAF se sont engagées
dans l'amélioration de leurs relations avec l'allocataire en cas de
contrôle ou de litige en renforçant l'information sur la politique
de contrôle et en définissant des règles claires de gestion
des procédures de contrôle.
La question est posée de savoir s'il ne faut pas franchir une autre
étape :
il serait intéressant que les CAF puissent
bénéficier d'un mécanisme de compensation de l'effort
consenti en matière de lutte contre la fraude au RMI
. Il ne serait
pas illégitime que l'Etat rétrocède à la branche
famille une fraction des sommes économisées ou
récupérées à la suite de contrôle dans la
lutte contre la fraude au RMI.
Un mécanisme qui permettrait, par un moyen financier ou tout autre
avantage, de faire bénéficier la branche famille des
résultats en matière de lutte contre la fraude au RMI, jouerait
un rôle d'incitation très positif auprès du service qui est
le plus directement chargé de la gestion quotidienne de cette
prestation.
Cette observation s'inscrit dans une problématique plus large qui est
celle de la charge non compensée qui pèse sur la branche famille
en matière de gestion du RMI, largement étrangère à
la vocation originelle de cette branche.
e) La question récurrente du contrôle des droits à affiliation de la sécurité sociale
Dans son avis de l'année dernière, votre
rapporteur avait appelé l'attention sur l'insuffisance des
contrôles préalables des droits à prestation en nature au
régime d'assurance maladie des titulaires du RMI avant leur inscription
au régime de l'assurance.
Les représentants de l'APCG entendus par votre rapporteur avaient
souligné que des contrôles simples opérés à
partir de déclaration des intéressés, montraient souvent
qu'ils détenaient des droits, soit parce qu'ils avaient exercé
une activité professionnelle avant d'être au chômage, soit
parce qu'ils bénéficiaient de l'assurance de leur conjoint,
même en cas de divorce ou de décès de celui-ci.
La réponse au questionnaire transmise par votre rapporteur indique que,
concrètement, le service instructeur doit en principe saisir la Caisse
primaire d'assurance maladie (CPAM) systématiquement, dès lors
que l'intéressé n'a pas de carte d'assuré social valide ou
qu'il ne sait pas où en sont ses droits. La CPAM procède alors
à une vérification du dossier, à partir de ses fichiers ou
par la recherche de toute information nécessaire, l'assurance
personnelle n'intervenant que de façon subsidiaire. Il est
précisé que cette vérification ne présentait pas de
difficulté majeure, dès lors que la caisse pouvait interroger
directement l'assuré social sur sa situation au regard de l'emploi et
sur sa situation familiale.
En revanche, il est souligné, qu'il est apparu, à l'usage,
"
d'importantes difficultés de gestion
" :
" -
Les CPAM n'ont pas de fichier national des
assurés
et ne gèrent pas l'acquisition des droits. Leur seule
information provient de l'interrogation des usagers qui fournissent des
informations permettant de mettre en oeuvre telle ou telle disposition
législative ou réglementaire.
" - Le mode de vie des bénéficiaires du RMI les rend
souvent difficiles à contacter : la moitié sont
hébergés, la majorité sont célibataires, leur
niveau d'instruction est faible et une fraction d'entre eux vivent dans la
marginalité.
" - Dans les départements dont la population est importante,
les caisses éprouvent des difficultés à faire face
à la masse des informations à traiter.
" - Les agents ne sont pas toujours préparés à
comprendre ces questions de précarité, qui demandent un fort
engagement professionnel. "
La dispositif se complique encore du fait que la situation des
bénéficiaires du RMI est instable, qu'un tiers des titulaires
" sort " du dispositif chaque année et que les CPAM ont des
difficultés à gérer l'évolution des droits à
la suite de modifications de situation.
" Les CAF transmettent mensuellement un état des modifications
de situation, mais les CPAM ont des difficultés à l'exploiter, en
particulier dans les gros départements. Les contraintes mises par la
CNIL rendent extrêmement difficiles la gestion des fichiers et
l'échange automatisé d'information. La multiplicité des
intervenants ne fait qu'accroître les difficultés de gestion (CAF,
CPAM, Etat, Conseil Général, URSSAF). "
Il est indiqué que "
c'est, pour partie, ce constat qui est
à l'origine de la réflexion sur l'assurance maladie universelle,
visant à simplifier l'ensemble du dispositif.
"
Il est clair cependant que la mise en place de l'assurance maladie
universelle ne doit pas être conçue comme une " fuite en
avant ". Les insuffisances sur les informations relatives aux
assurés ne pourraient que conduire rapidement à des
dérives sur la branche maladie de la sécurité sociale dans
des proportions non maîtrisées.
*
Pour conclure cette partie relative au RMI, votre commission a regretté que, s'agissant du perfectionnement du volet insertion du RMI ou de la poursuite de l'amélioration du contrôle du dispositif, le Gouvernement n'ait pas fait part de solutions novatrices tout en se bornant à renvoyer à la loi annoncée contre les exclusions la réforme des difficultés actuelles.
B. UN BUDGET RELATIVEMENT DÉCEVANT EN MATIÈRE D'AIDE EN FAVEUR DES PLUS DÉMUNIS
En matière de lutte contre l'exclusion, le second volet
porte sur l'aide aux plus démunis, ceux qui échappent à
toute forme de protection sociale et entrent dans une spirale de
précarisation qui les conduit à devenir des sans domicile fixe.
Tous nos interlocuteurs, en particulier de la FNARS et de l'UNIOPSS, ont
souligné auprès de nous le caractère préoccupant de
la montée de la grande pauvreté et de la précarisation.
1. L'évolution toujours préoccupante de l'exclusion
Le
Secours Catholique
a récemment diffusé
une étude dans laquelle il souligne qu'il doit faire face à un
"
durcissement de la pauvreté
". Il précise
qu'il a eu à faire face en 1996 à 751.000 cas de pauvreté,
soit
10 % de plus qu'en 1995
.
Dans 60 % des cas, les personnes en difficulté ont
été orientées vers le Secours Catholique par les services
sociaux publics eux-mêmes, ce qui témoigne d'un certain
désarroi des services de l'Etat
.
Dans 21 % des cas, il s'agit de personnes confrontées à un
dysfonctionnement administratif
se traduisant par des erreurs ou des
retards de paiement d'une allocation ou d'une prestation sociale ayant un
caractère vital pour la famille concernée.
Les résultats d'activité du Secours Catholique en 1996
Les équipes du Secours Catholique ont accompagné
751.000 situations de pauvreté en 1996 contre 702.760 en 1995 et 681.625
en 1994.
1.941.670 personnes ont été concernées dont 933.259
enfants.
Parmi ces personnes accueillies :
- 38 % sont entièrement seules, 25 % seules avec enfants,
28 % en couple avec enfants, 9 % en couple sans enfant ;
- 93 % des familles monoparentales en difficulté ont une femme
comme chef de famille ;
- 26 % sont bénéficiaires du revenu minimum d'insertion
;
- 70 % des moins de 25 ans sont sans qualification ;
- 18 % des personnes accueillies sont étrangères
(33 % en Ile-de-France) :
. 56 % sont originaires du Maghreb,
. 17 % viennent d'Afrique noire dont une majorité de
Zaïrois,
- 11 % ressortent de l'Union européenne.
Dans 60 % des cas, les personnes qui s'adressent au Secours Catholique
sont envoyées par les services sociaux (+ 14 % en trois ans).
Trois indicateurs de pauvreté sont spécialement significatifs :
- l'absence ou la précarité d'emploi forment la
première cause de difficultés, 60 % des cas (58 % en
1995) ;
- l'endettement s'aggrave, concernant 28 % des familles accueillies
(+ 5 % en deux ans) sa moyenne est passée, en sept ans, de
4.333 francs à 7.152 francs ;
- un logement précaire ou une absence de domicile
caractérisent 24 % des situations (26 % en 1994 et 1995).
Lors de son audition par votre rapporteur, M. Jean-Jacques Delarbre,
président de la Fédération nationale des associations
d'accueil et de réadaptation sociale (FNARS) a constaté, pour sa
part, un "
infléchissement
" dans l'augmentation des
situations de grande pauvreté.
Il estime que la progression serait relativement stabilisée en 1996
même si les gestionnaires de CHRS considèrent ne pas être en
mesure de résorber les flux.
En revanche, il a souligné que les cas de
" décrochage " dans l'exclusion de personnes auparavant
intégrées et exerçant une activité, continuaient
à se poursuivre. Il a regretté que des mécanismes
efficaces de prévention n'aient pu être mis en place pour freiner
cette tendance.
Votre commission a constaté que l'adoption de la loi de renforcement
de la cohésion sociale revêtait donc bien une certaine urgence et
a regretté que le nouveau Gouvernement n'ait pas souhaité
accorder une priorité absolue à ce texte qui avait
été préparé en étroite liaison avec les
associations concernées.
Le Gouvernement pouvait certes souhaiter améliorer le projet de loi ; il
disposait d'éléments de base qui auraient sans doute pu lui
permettre de présenter une nouvelle version avant la discussion de ce
budget, s'il avait souhaité agir le plus rapidement possible en faveur
de la lutte contre l'exclusion.
2. Un budget qui ne poursuit pas au même rythme les efforts engagés en faveur de l'hébergement d'urgence
S'agissant de l'hébergement d'urgence, il convient
de rappeler qu'un effort important a été entrepris depuis trois
ans.
Celui-ci semble avoir porté ses fruits puisque cette
année, le Gouvernement a estimé que compte tenu du bon niveau des
capacités d'accueil d'urgence, il ne serait pas nécessaire, pour
la première fois depuis 1984, de publier une circulaire organisant un
plan d'urgence spécifique à la période hivernale.
Dans une lettre au préfet du 30 octobre dernier, Mme Martine Aubry
a souligné que, "
pour l'essentiel, les besoins d'urgence
étaient aujourd'hui couverts et que le dispositif d'accueil qui avait
été conçu à l'origine comme un dispositif
saisonnier était maintenant organisé comme un dispositif
permanent
".
a) Un ralentissement de l'effort d'ouverture de places en centre d'hébergement et de réadaptation sociale
L'hébergement d'urgence repose principalement sur les
centres d'hébergement et de réadaptation sociale
(CHRS),
qui relèvent de la
loi n° 75-535 du 30 juin 1975
relative aux institutions sociales et médico-sociales
. Leurs frais
de fonctionnement relèvent des dépenses d'aide sociale
obligatoire de l'Etat.
Au nombre de 735 et employant 9.622 personnes au 1er janvier 1996, les CHRS ont
aujourd'hui une capacité d'accueil qui leur permet d'héberger
26.000 personnes
et de suivre, hors de leurs murs, un peu moins de
3.000 personnes
.
Les caractéristiques des populations accueillies en CHRS
La dernière enquête sociale du SESI en janvier
1994 fait apparaître les données suivantes sur les populations
accueillies en CHRS.
Seuls 22 % des adultes disposaient auparavant d'un logement personnel. La
plupart d'entre eux étaient locataires, notamment en HLM. C'était
surtout le cas des familles accompagnées d'enfants.
Un quart des adultes (24 %) n'avaient pas de logement personnel avant
d'être accueillis en CHRS mais étaient hébergés dans
leur famille ou chez des amis.
15 % n'avaient pas de logement à proprement parler, ils occupaient
une caravane ou étaient sans abri.
Les autres adultes accueillis (34 %) provenaient d'établissements
sociaux, médicaux ou pénitentiaires.
Les personnes accueillies sont pénalisées surtout par une
qualification professionnelle trop ancienne ou insuffisante : 36 % des
adultes accueillis sont des ouvriers non qualifiés et 19 % n'ont
aucune expérience professionnelle.
La majorité des adultes hébergés en CHRS sont
chômeurs (36 %) ou inactifs (19 %).
Seuls 24 % des adultes en CHRS exercent une activité
salariée.
La plupart des adultes hébergés en CHRS ont pour ressource
principale une allocation.
Un tiers des adultes de moins de 25 ans est sans ressources.
Le Gouvernement a inscrit pour 1998 une dotation de
2,412 milliards de
francs
, en augmentation de 3 % par rapport à 1995 et
correspondant à un apport de crédits supplémentaires de
65 millions de francs. Ceci doit permettre à hauteur de
23 millions de francs de faire face à l'évolution des
dépenses de personnel et pour 42 millions de francs de financer 500
places supplémentaires de CHRS, par transformation de places d'asiles de
nuit.
Evolution des crédits relatifs aux CHRS
(chapitre
46-23, article 22)
Année |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Crédits inscrits en LFI
|
2.129 |
2.222 |
2.347 |
2.412 |
Taux d'évolution en % |
+ 10,53 |
4,33 |
5,65 |
2,77 |
Sommes consacrées à la création de places (en millions de francs) |
38,5 |
38,5 |
84 |
42 |
Il n'est pas inutile de rappeler que le budget 1997 avait
financé la transformation de 1.000 places supplémentaires dans le
cadre de la première phase d'un plan de transformation de places
d'asiles de nuit dont le nombre a été fixé initialement
à 3.000 unités.
Ce programme a été lancé en 1997 par la création de
1.135 places nouvelles de CHRS se décomposant en :
- 130 places d'atelier de réinsertion rattaché à un
CHRS ;
- 12 dispositifs d'accueil et d'orientation territorialisés
assurant la régulation des places d'hébergement d'urgence
après l'orientation des personnes accueillies ;
- 1.005 places résultant de la pérennisation de places de
foyers d'accueil d'urgence en places d'hébergement et de
réinsertion (CHRS).
La réponse au questionnaire budgétaire souligne que ce programme
a pour vocation la pérennisation du financement et le renforcement
qualitatif des prestations d'accueil d'hébergement d'accompagnement
à la réinsertion et de suivi pour les plus démunies des
personnes exclues, assurées par ces structures bénéficiant
ainsi du statut de CHRS.
"
Il importe en effet que ne se développe pas une prise en
charge discriminante en fonction de difficultés apparentes de
réinsertion. Pour cela, il convient de globaliser la prise en charge -de
l'urgence sociale à la réinsertion- en visant à la
resocialisation et la requalification professionnelle des personnes socialement
exclues, quelle que soit la gravité de la désocialisation,
à partir d'une orientation adaptée à leurs
possibilités, en pariant sur la réversibilité des
troubles.
"
Le programme se poursuit en 1998 par l'inscription de 500 places
supplémentaires pour un montant de 42 millions de francs.
Il peut sembler étonnant de ne pas continuer l'effort
supplémentaire engagé en 1997, alors que la FNARS estime pour sa
part que 2.000 à 3.000 places nouvelles seraient nécessaires pour
mettre à niveau les CHRS et moderniser les lits existants.
En l'espèce, même dans un contexte de maîtrise
budgétaire, il n'aurait pas été anormal de poursuivre la
transformation de places d'asiles de nuit en places de CHRS, souvent
matériellement dégradées et
génératrices
d'insécurité
, voire de violences, pour les personnes
hébergées. En outre, les établissements doivent parfois
être transformés matériellement pour permettre
l'accueil
de familles entières
dans des conditions acceptables.
Enfin, comme votre rapporteur aura l'occasion de le souligner dans la
troisième partie de son avis,
la mise en oeuvre d'un taux directeur
opposable
à l'évolution des dépenses des CHRS
apparaît aujourd'hui comme une réforme indispensable pour assurer
au meilleur coût les prestations assurées par ces organismes.
b) Une diminution décevante des crédits d'action sociale de l'Etat en faveur de la lutte contre l'exclusion
Au-delà du ralentissement du rythme de création
de places de CHRS, il est également décevant que le Gouvernement
ait choisi, au cours de ses arbitrages, d'inscrire à la baisse les
crédits d'action sociale décentralisée destinés
à la lutte contre l'exclusion
6(
*
)
(
chapitre 46-23, article 70
).
Ces crédits qui avaient été portés à 784
millions de francs en 1997, contre 708 millions de francs en 1996, sont
abaissés à
760 millions de francs en 1998
, soit une
baisse de 3 %.
Les crédits déconcentrés ne doivent pas être
confondus avec les dépenses non déconcentrées qui
permettent notamment de passer des conventions d'objectifs avec les grandes
associations à vocation caritative et qui s'élèvent
à 212 millions de francs dans le projet de loi de finances pour
1998.
Les crédits non déconcentrés qui font l'objet d'une baisse
en 1998 sont consacrés pour une partie aux actions dites d'urgence
sociale et pour une autre partie à des actions en faveur des jeunes en
difficulté.
Le Gouvernement n'a pas précisé clairement sur quels postes
serait imputée la baisse prévisible des moyens.
-
· Le financement des
dispositifs nouveaux en faveur des
populations les plus fragiles
(SAMU-Sociaux, Boutiques de
solidarité, accompagnement social et logements d'urgence) relève
particulièrement des actions d'urgence sociale.
Une progression des crédits alloués à ce type d'actions a été enregistrée ces dernières années : 231,71 millions de francs en 1994, 299,58 millions de francs en 1995, 328,81 millions de francs en 1996. En 1997, autour de 400 millions de francs ont été consacrés aux actions d'urgence sociale.
Les actions d'urgence sociale assurent en premier lieu l'accueil et l'hébergement d'urgence des sans-abri . Pendant l'hiver, 15.000 places d'hébergement d'urgence sont ouvertes, dont 5.000 en région parisienne. Un " volant " de places important est désormais également disponible toute l'année.
Il s'agit aussi d'aller au-devant des sans-abri et de leur proposer un hébergement . Suite à la création du " Samu-Social " de Paris, ce type d'équipement se généralise progressivement dans les plus grandes agglomérations de province et les départements de la région parisienne. Plus d'une trentaine de tels dispositifs (" SOS-Sans-abri " dans les Hauts-de-Seine, " Service ville sociale " à Lyon) ont vu le jour. Ce type d'équipement s'avère très utile, notamment vis-à-vis des personnes sans domicile qui ne se dirigent pas spontanément vers les centres d'accueil.
Par ailleurs, ont été créés ces dernières années quelque 200 lieux d'accueil de jour pour les personnes sans domicile fixe. Ces personnes peuvent y trouver chaque jour un accueil et divers services : boîtes aux lettres, machines à laver, douches, consignes, informations, aides à l'accès aux soins.
En matière d'accès aux soins , se sont mis en place des " lits infirmiers " et des permanences médico-sociales dans les centres d'accueil. Par " lits infirmiers ", il convient d'entendre la mise à disposition de lits pour des personnes malades mais dont l'état ne nécessite pas une hospitalisation. Ont été également installées des permanences sociales d'accueil et d'orientation dans les hôpitaux.
Un programme de " points d'accueil jeunes " a été lancé à partir de 1996 dans un but de prévention et pour faire face aux problèmes que soulève notamment la présence de jeunes en errance au cours de la période estivale dans les villes touristiques et à l'occasion de festivals.
A l'automne 1997, un " numéro vert " d'appel téléphonique à trois chiffres, le 115, consacré à l'accueil des sans-abri a été ouvert. Ainsi 24 heures sur 24, une personne sans abri pourra accéder gratuitement par ce numéro, facile à mémoriser, au centre d'accueil départemental chargé de fournir une réponse fiable à quiconque en matière d'hébergement d'urgence.
L'opérationnalité de ce dispositif exigera une coordination permanente de l'ensemble des structures offrant localement un hébergement. Cette évolution va dans le sens de la création d'un véritable dispositif départemental d'information, d'accueil et d'orientation des personnes sans domicile.
· Les crédits déconcentrés servent également à financer la participation de l'Etat aux Fonds d'aide aux jeunes (FAJ).
Le financement du dispositif est paritaire entre l'Etat (DDASS) et le conseil général . Une convention à laquelle peuvent également être associés les municipalités et les organismes concourant sur une base volontaire au financement du FAJ détermine les modalités et les conditions d'attribution des aides financières. Environ 500 comités d'attributions départementaux ou locaux couvrent le territoire national.
Il a été précisé à votre rapporteur que ce dispositif bénéficiait d'une forte adhésion des partenaires institutionnels : conseils généraux, réseau d'accueil jeunes et missions locales.
Trois qualités principales sont attribuées aux FAJ : souplesse, rapidité de paiement en cas d'urgence et proximité avec le secteur rural souvent démuni. Il reste que les actions d'accompagnement social n'ont pas connu un développement important : 20 % des départements seulement financeraient de telles mesures.
Il a été précisé à votre rapporteur que les crédits consommés par les FAJ estimés à 207 millions de francs en 1995, étaient passés à 158 millions de francs en 1996. Cette baisse s'expliquerait par " la pression exercée par d'autres besoins en matière d'urgence sociale dans le cadre d'une enveloppe de crédits globalisés " et par l'existence dans les FAJ de " réserves financières " dues à une montée en charge plus lente que prévue du dispositif.
Les FAJ visent à aider les jeunes les plus en difficulté qui ne sont sans doute pas susceptibles d'accéder directement aux emplois-jeunes, voire à un CES, compte tenu de leur degré de marginalisation et de désinsertion sociale. Il est pourtant essentiel de les aider à retrouver le chemin de l'intégration sociale et les FAJ constituent un instrument utile qu'il serait dangereux d'affaiblir.
C. LES DÉPENSES RELATIVES AU DÉVELOPPEMENT DE LA VIE SOCIALE
L'agrégat " développement de la vie
sociale " forme un ensemble assez hétérogène qui
regroupe des dépenses de nature diverses.
Il comprend notamment l'action en faveur des droits des femmes
(72 millions de francs en 1998), les subventions aux établissements
de formation des professions sociales (537,2 millions de francs en 1998),
les bourses aux étudiants en travail social (324 millions de francs
en 1998) et les crédits destinés aux objecteurs de conscience
(118 millions de francs en 1998).
Cette année, votre rapporteur a souhaité mettre l'accent en
particulier sur deux catégories des dépenses visées dans
cet agrégat qui sont intéressantes du point de vue du souci d'une
bonne gestion.
1. La dérive préoccupante de la dotation relative aux tutelles et curatelles d'Etat
Une dérive préoccupante s'instaure sur la
dotation relative aux tutelles et curatelles d'Etat (
chapitre 46-23, article
60
) qui passe de 435,5 à 515 millions de francs en 1998, soit
une mesure nouvelle d'ajustement de
80 millions de francs
environ,
ce qui représente une hausse de 18 %.
La
loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme
du droit des incapables majeurs
a institué trois régimes de
protection des majeurs incapables qui se sont substitués aux
régimes antérieurs tels que l'interdiction judiciaire ou le
conseil judiciaire.
Il s'agit des régimes :
- de la
sauvegarde de justice
, régime de protection
provisoire, destiné à prendre en urgence les mesures de
sûreté indispensable ;
- de la
tutelle
, système de représentation dans
lequel le majeur est frappé d'incapacité totale pour agir tant
sur le plan patrimonial que dans le domaine de la vie civile ;
- de la
curatelle
, régime plus simple de protection,
où le juge des tutelles peut limiter l'incapacité à
certains actes et autoriser le majeur à en accomplir d'autres.
Deux systèmes de tutelle coexistent dans notre droit :
- la tutelle familiale qui fait reposer la charge tutélaire sur la
famille, parents, enfants, collatéraux ;
- la tutelle publique qui consiste à confier à un organisme
public ou privé ou à une personne physique la charge de la
tutelle, sous le contrôle de l'Etat. La tutelle de l'Etat, la curatelle
d'Etat et la tutelle en gérance appartiennent à cette
catégorie.
Le
décret n° 85-193 du 7 février 1985
a
instauré une rémunération du tuteur ou du curateur d'Etat
reposant à titre principal sur les ressources du majeur
protégé et complétée sous certaines conditions par
une rémunération financée par le budget de l'Etat.
L'arrêté du 15 janvier 1990 pris pour l'application de cette
disposition prévoit des taux de participation progressifs applicables
sur trois tranches de revenu au-dessous d'un rapport fixé par rapport au
montant brut du SMIC majoré de 75 %, soit 11.661 francs.
Au-dessus de ce montant, l'Etat n'assure aucun financement, mais le juge des
tutelles peut autoriser des prélèvements supplémentaires
si l'importance des biens à gérer le justifie.
Les conditions du transfert à l'Etat de la tutelle sont ainsi, en
principe, très strictes : le vide de la famille restreinte et de la
famille étendue doit être constaté (majeurs
protégés n'ayant plus de famille ou membres de la famille
demandant à être dispensés des charges tutélaires en
raison d'un des motifs énumérés à l'article 428 du
code civil : âge, maladie, éloignement, occupations
professionnelles ou familiales exceptionnellement absorbantes, ...).
En réalité, on constate, depuis une dizaine d'années, une
tendance de certains juges des tutelles à écarter la famille
même dans des cas où les membres de celle-ci ne font pas preuve
d'indifférence à l'égard de la protection de la
personne
.
Ainsi, le nombre brut de création de nouvelles mesures a
été de 17.191 en 1996, soit 25,5 % d'augmentation du nombre
de mesures en un an.
La Cour de cassation a ainsi été conduite à censurer
certaines décisions de justice qui n'avaient pas tenu compte de la
volonté de la famille d'assurer la charge de la tutelle ni
constaté l'impossibilité de réunir un conseil de famille.
Les crédits prévus en loi de finances initiale pour 1998
s'élèveront à 515 millions de francs, ce qui devrait
permettre d'assurer le financement des 87.400 mesures existantes et celui de
nouvelles mesures que créeront les juges au cours de l'année 1998.
Votre commission s'est inquiétée de la forte progression non
maîtrisée des dépenses de tutelle et de curatelle.
Si devait être créé de manière quasi
systématique le principe d'une aide financière au conseil
patrimonial et social auprès des personnes âgées à
domicile, il s'agirait à l'évidence d'une question de
société, qui ne saurait être décidée sous la
seule impulsion des instances judiciaires et devrait relever d'un examen par le
Parlement.
2. Le transfert des crédits relatifs aux rapatriés ne doit pas occulter les économies résultant de l'arrivée à échéance du calendrier d'indemnisation des rapatriés prévu par la loi du 16 juillet 1987
Le " bleu " budgétaire relatif à la
santé, à la solidarité et à la ville comprend cette
année différents crédits d'intervention (chapitre 46-03)
en faveur des rapatriés rassemblés sous la dénomination
" prestations sociales et actions culturelles ".
Ces crédits étaient inscrits au budget des services du Premier
ministre et relevaient auparavant de la responsabilité de M. Roger
Romani alors ministre délégué chargé des relations
avec le Parlement. A l'occasion du changement du Gouvernement, Mme Martine
Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, s'est vu confier les
questions relatives aux rapatriés.
Les crédits inscrits au budget de l'emploi et de la solidarité et
concernant les rapatriés représentent au total
135 millions de francs en 1998.
Ils s'inscrivent en baisse de
10 % par rapport aux crédits inscrits l'année
précédente.
Ces crédits ont pour objet de financer diverses formes d'action sociale
découlant soit de la loi du 26 décembre 1961 relative à
l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer
soit de la loi du 11 juin 1994 relatives aux anciens membres des formations
supplétives ou victimes de la captivité en Algérie.
Le chapitre 46-03 précité ne constitue qu'une fraction des
crédits prévus en faveur des rapatriés et inscrits au
budget de différents ministères qui s'élèvent au
total à 2 milliards de francs en 1998.
Crédits relatifs aux rapatriés dans le projet de loi de finances pour 1998
(En millions de francs)
LFI 97 |
PLF 98 |
|
Economie, Finances et Industrie |
||
I - (Charges communes) |
4.484,58 |
792,77 |
II - Services financiers |
29 |
27 |
III - Industrie |
186,49 |
182,69 |
Emploi solidarité et ville |
||
II - Santé solidarité, ville |
175 |
135 |
Anciens combattants |
56,2 |
56,2 |
Affaires étrangères et coopération |
0,14 |
0,14 |
Equipement, transports et logement |
807,6 |
773,98 |
Agriculture et pêche |
124,5 |
105 |
Dépenses fiscales |
20 |
23 |
Total |
5.859 |
2.067,21 |
Le présent rapport ne saurait présenter un commentaire exhaustif sur l'ensemble des crédits budgétaires prévus en faveur des rapatriés. En revanche, ces derniers appellent trois observations .
-
· En premier lieu, le dispositif des
Commissions
départementales d'aide aux rapatriés
réinstallés
(CODAIR) créées par un
décret du 28 mars 1994 afin d'assurer le traitement
individualisé des dossiers de résorption du surendettement des
rapatriés réinstallés relève du financement
budgétaire des crédits du ministère de l'emploi et de la
solidarité.
Les CODAIR ont traité à ce jour 1.225 dossiers à titre définitif. Plus de 200 dossiers de surendettement lourd demeurent à traiter. Pourtant aucun crédit n'a été reconduit en vue de financer l'aide au règlement de ces dossiers.
Le Gouvernement fait observer à cet égard que les reports au titre des exercices précédents avoisinerait 100 millions de francs, ce qui serait suffisant pour assurer le règlement des dossiers en cours.
En second lieu, la gestion par M. Guy Forzy, ancien délégué aux rapatriés, des crédits d'intervention prévus à l'article 46-03 a fait l'objet d'une polémique alimentée par des indiscrétions transmises à la presse sur le contenu d'une analyse de la Cour des Comptes.
Votre rapporteur ne peut que constater que la procédure suivie devant de la Cour des Comptes est contradictoire et qu'à ce jour, la procédure n'est pas achevée dans la mesure où la Cour doit prendre en compte les réponses de l'intéressé qui doivent être transmises à la Cour par l'intermédiaire de son ministre de tutelle.
Votre rapporteur souhaitera donc se prononcer au vu des conclusions définitives de la Cour.
· Enfin, il est essentiel de noter que la sensible contraction du montant total des crédits relatifs aux rapatriés est due à l'achèvement de la procédure de remboursement des certificats d'indemnisation émis au titre de la loi du 16 juillet 1987 .
Cette procédure étant parvenue à échéance, le nouveau Gouvernement a bénéficié automatiquement pour la préparation de ce budget d'un allégement significatif des dépenses au titre des charges communes. A cet égard, il n'est pas inutile d'effectuer une comparaison avec les dépenses supplémentaires relatives à la solidarité consenties dans ce budget, laquelle rend d'autant plus difficilement compréhensibles les baisses de crédit subies au titre de l'action sociale déconcentrée.
II. LA POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES DOIT ÊTRE POURSUIVIE
Evolution des crédits en faveur des personnes
handicapées depuis 1993
Prévisions (PLF 1998)
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
|
Prise en charge par l'Etat des CAT 46-23 art. 10 |
4.658.584.192 |
4.889.859.225 |
5.293.974.045 |
5.590.197.045 |
5.844.777.365 |
6.039.500.000 |
Tutelle et curatelle
d'Etat
|
239.700.000 |
287.300.000 |
328.660.000 |
374.000.000 |
435.500.000 |
515.000.000 |
Allocations et prestations
diverses
en faveur des personnes
handicapées
|
|
|
|
|
|
|
Aide sociale en faveur des personnes handicapées 46-23 art. 90 |
84.475.000 |
75.331.000 |
84.418.000 |
85.750.000 |
98.000.000 |
102.100.000 |
Contribution de l'Etat au financement de l'AAH 46-92 art. 10 |
17.225.000.000 |
18.661.000.000 |
20.081.000.000 |
20.764.000.000 |
22.260.000.000 |
23.389.000.000 |
Actions sociales en faveur des personnes handicapées Actions nationales et déconcentrées 47-21 art. 30 et art. 50 |
150.250.940 |
151.695.940 |
151.965.940 |
164.615.940 |
147.075.000 |
145.850.000 |
Subventions d'équipement 66-20 art. 10 |
70.000.000 |
87.300.000 |
85.000.000 |
85.000.000 |
56.214.000 |
46.500.000 |
TOTAL |
23.280.365.132 |
24.423.988.165 |
26.090.464.185 |
27.127.762.985 |
28.893.766.365 |
30.319.450.000 |
A. LES PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
1. Plusieurs millions de personnes sont confrontées au handicap
La détermination du nombre de personnes
handicapées en France dépend de la définition du handicap
retenue.
Des enquêtes réalisées par l'INSEE en 1981 et 1991 ont
permis d'estimer le nombre de personnes vivant à domicile ayant au moins
une gêne ou une difficulté dans la vie quotidienne, liée
à un problème de santé (ce qui correspond à une
définition extensive de la notion de handicap) à près de
5,5 millions de personnes, soit 9,7 % de la population. Sur la base
d'une définition plus stricte (personnes qui se déclarent
handicapées), les enquêtes estiment la population
handicapée à 3,2 millions de personnes, soit 6 % de la
population.
Lorsque l'on considère les personnes atteintes d'un handicap
sévère (de 50 à 100 % d'incapacité), on arrive
à des estimations comprises entre 3,4 et 4,2 % de la population.
L'ensemble de ces données démontre que la population
handicapée est importante en France, ce qui justifie pleinement une
politique globale mobilisant des moyens substantiels.
Les origines du handicap sont diverses. On peut toutefois considérer que
les quatre principales causes sont dans un ordre décroissant : la
maladie, la vieillesse, l'accident et la naissance.
Les origines du handicap
(enquête du CTNERMI, plus
de 20 ans vivant à domicile)
Saône-et-Loire |
Paris |
||
1990 1 |
1994 2 |
1995 |
|
Origine en % |
|||
Naissance |
12,9 |
14,5 |
10,1 |
Maladie |
54,7 |
54,6 |
52,1 |
Accident |
17,3 |
20,3 |
19,5 |
Maladie et accident |
3,9 |
4,9 |
2,0 |
Vieillesse seule |
3,2 |
1,4 |
6,7 |
(Vieillesse évoquée avec d'autres origines) |
---- |
25,4 |
13,2 |
Autres |
1,7 |
||
Inconnue |
3,4 |
||
Non réponse |
4,6 |
4,2 |
7,9 |
Ensemble |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
1) Enquête déjà évoquée ;
sur un échantillon de 25.723 personnes handicapées de vingt ans
et plus à domicile
2) Résultats extraits d'une enquête réalisée
auprès de 2.523 personnes dont 1.815 de vingt ans et plus à
domicile
2. La prévention doit devenir une véritable priorité
Les accidents de la circulation et de la vie domestique, de sports ou de loisirs sont impliqués dans 6,8 % des handicaps ou gênes (soit 370.000 des 5,5 millions de personnes souffrant de handicaps ou gênes vivant à domicile) et environ 11 % des handicaps au sens plus strict du terme (soit environ 380.000 des 3,5 millions de personnes handicapées vivant à domicile ou en institution).
Les accidents dans les origines du handicap
INSEE 1 |
CTNERHI |
CTNERHI |
||
Saône-et-Loire 2 |
Paris 3 |
|||
1991 |
1990 |
1994 |
1995 |
|
Tous accidents dont : |
11,8 % |
17,5 % |
21,6 % |
21,5 % |
travail (trajet exclu) |
5,0 % |
- |
||
travail (trajet inclus) |
- |
7,4 % |
||
circulation |
3,9 % |
- |
(9,7 %) |
8,0 % |
sport ou loisirs |
1,0 % |
- |
6,5 % |
4,6 % |
vie domestique |
1,9 % |
- |
2,0 % |
0,9 % |
- |
0,8 % |
1,1 % |
||
Autres |
- |
- |
1,5 % |
4,2 % |
Non réponse |
3,4 % |
2,7 % |
||
Total accidents hors travail |
6,8 % |
- |
10,8 % |
10,8 % |
Sources :
1) Enquête réalisée par l'INSEE en 1991 auprès
d'un échantillon de 8.235 ménages, soit 21.597 individus
représentatifs de la population nationale des ménages ordinaires.
(Définition large du handicap : handicap ou quelques gênes dans la
vie quotidienne).
2) Enquête du Centre Technique National d'Etudes et de Recherches
sur les Handicaps et les Inadaptations (CTNERHI) sur les personnes
handicapées en Saône-et-Loire en 1990 ; réalisée par
1.200 enquêteurs bénévoles auprès de 20.000
personnes handicapées ; 1994 : enquête du CTNERHI
réalisée avec le concours du Réseau national de la
santé publique auprès d'un échantillon de
2.523 personnes handicapées recensées dans le cadre de
l'enquête précédente (définition stricte du
handicap).
3) Enquête du CTNERHI et de la DASES de Paris réalisée
en 1995 auprès d'un échantillon de demandeurs de la carte
d'invalidité (définition stricte du handicap).
Nombre de ces accidents qui bouleversent des vies entières pourraient
être évités par une politique de prévention plus
efficace. Ceci est d'autant plus important que la politique en faveur des
personnes handicapées est coûteuse, elle mobilisera plus de 30
milliards de francs en 1998. Il est normal que la Nation soit solidaire des
personnes handicapées. Toutefois, une politique de prévention
plus dynamique permettrait de sauver des vies et des existences,
d'économiser des crédits et d'augmenter les concours aux actions
en faveur des personnes handicapées.
Pour illustrer ce propos, on peut rappeler que le coût global des
accidents corporels de la circulation était estimé, en 1996,
à 58 milliards de francs, auxquels il convient d'ajouter le
coût des accidents matériels non corporels (évalués
à 60 milliards de francs).
Coût de l'insécurité routière en 1996
Accidents corporels |
Tués |
Blessés graves |
Blessés légers |
Total coûts unitaires 1990 |
3.258.400 |
338.700 |
72.400 |
Actualisation en 1996 |
3.834.000 |
394.840 |
83.940 |
Population concernée en 1996 |
8.541 |
35.743 |
133.913 |
Coût estimé des accidents corporels |
32,7 milliards |
14,1 milliards |
11,2 milliards |
Le renforcement des politiques de prévention devrait concerner tous les espaces de la vie sociale et en particulier les accidents sur les lieux de travail et les difficultés lors des accouchements.
3. L'accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées reste insuffisante
Alors que les services du ministère de l'emploi et de
la solidarité ont pris conscience du fait que "
l'aspiration
à vivre chez soi sans y être confiné
s'affirmait
", on observe la lente mise en oeuvre de la loi du 13
juillet 1991 portant diverses mesures destinées à favoriser
l'accessibilité aux personnes handicapées des locaux
d'habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public.
Concernant les modalités du contrôle
a priori
de
l'accessibilité pour les établissements recevant du public, il
est à noter que depuis le 1
er
août 1994, le
dossier de demande d'autorisation ou de permis de construire concernant les
bâtiments d'habitation collectifs neufs et des lieux de travail doit
être accompagné d'un engagement du demandeur et d'une notice
technique décrivant les moyens mis en oeuvre pour respecter les
règles d'accessibilité. A défaut de ces deux documents, la
demande d'autorisation de travaux ou de permis de construire ne pourra
être instruite.
A propos de l'aménagement de la voirie et des transports en commun,
force est de constater que les améliorations sont encore à venir
et les besoins toujours aussi inégalement satisfaits.
B. LES RESSOURCES DES PERSONNES HANDICAPÉES
1. L'allocation aux adultes handicapés
L'allocation aux adultes handicapés (AAH), prestation
non contributive, soumise à condition de ressources, est un minimum
social garanti par la collectivité nationale à toute personne
reconnue handicapée par la commission technique d'orientation et de
reclassement professionnel (COTOREP), l'allocataire devant justifier pour cela
d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 %. En application
de l'article 95 de la loi de finances pour 1994, les personnes
handicapées qui sont, en raison de leur handicap, dans
l'incapacité de se procurer un emploi doivent également justifier
d'un taux minimal d'incapacité de 50 %.
Les crédits budgétaires destinés au financement de
l'allocation aux adultes handicapés s'élèvent dans le
projet de loi de finances pour 1998 à 23,4 milliards de francs
contre 22,3 milliards de francs en 1997.
L'AAH n'est pas encadrée par des critères de revalorisation
propres, mais évolue, en application de l'article D. 821-3 du code de la
sécurité sociale, comme le minimum vieillesse. Ainsi, au 1er
janvier 1997, le montant de l'AAH a été porté à
3.433,08 francs soit une revalorisation de 1,2 %. L'allocation est
versée par les CAF mais prise en charge par le budget de l'Etat.
L'AAH a été allouée à 630.500
bénéficiaires en 1996, ce nombre est en augmentation
régulière. On peut rappeler que les bénéficiaires
de l'AAH vivant de façon autonome, à leur domicile, peuvent
également percevoir un complément d'AAH. Ce revenu
complémentaire sert à financer le surcroît de
dépenses engendré par les adaptations nécessaires à
la vie autonome. Le complément représente 16 % du montant
mensuel de l'AAH (549 francs) ce qui représentait une
dépense de 746 millions de francs en 1996. Cette prestation a
été accordée à 20 % des allocataires de l'AAH,
soit 110.000 personnes handicapées.
Suppression de la condition de nationalité
française
pour l'obtention de l'allocation aux adultes
handicapés (AAH)
Le projet de loi relatif à l'entrée et au
séjour des étrangers en France et au droit d'asile (AN,
XIème législature, n° 327) déposé par le
gouvernement le 15 octobre 1997 comporte deux articles à
caractère social, les articles 35 et 36. L'article 36 supprime
l'obligation de nationalité française pour pouvoir
bénéficier du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes
handicapés (AAH) ; on peut rappeler qu'actuellement, cette obligation de
nationalité ne s'applique pas aux ressortissants européens.
Cette mesure, recommandée par le rapport Weil
7(
*
)
afin de prévenir une éventuelle
condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes
(CJCE), aurait un coût important, estimé par l'étude
d'impact du Gouvernement entre 520 et 638 millions de francs ; ce coût
pourrait toutefois être minoré par des économies en
matière de RMI. Cette évaluation doit être
appréciée avec prudence, l'offre de prestation
révélant généralement une demande latente
supérieure aux prévisions, ce qui aurait pour conséquence
de sous-estimer le coût final de la mesure.
Pour ce qui est du financement de cette disposition, il ne semble pas que le
chapitre 46-92, art. 10 qui retrace la contribution de l'Etat au
financement de l'AAH ait été majoré en conséquence.
Des précisions sont nécessaires de la part du Gouvernement quant
aux moyens du financement de cette mesure dans l'hypothèse où
elle devrait être définitivement adoptée.
2. L'allocation compensatrice pour tierce personne
L'allocation compensatrice, instituée par l'article 39
de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes
handicapées, est une prestation d'aide sociale attribuée pour
compenser les dépenses supplémentaires occasionnées, pour
les personnes handicapées, par le recours effectif à une tierce
personne pour effectuer certains actes de la vie quotidienne. Le montant de
cette prestation, modulable en fonction du degré de dépendance,
est compris entre 40 et 80 % de la majoration pour tierce personne du
régime général, soit entre 2.236,62 francs et 4.477,24
francs depuis le 1
er
janvier 1997.
La loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 a institué une prestation
spécifique dépendance (PSD) qui devrait se substituer à
l'ACTP pour les personnes dépendantes âgées de plus de 60
ans. Un régime d'option entre les deux prestations a été
établi qui rend difficile toute estimation de cette réforme, qui
reste de toute façon trop récente pour qu'un premier bilan soit
disponible.
On peut rappeler que l'ACTP est attribuée par les COTOREP et que son
montant est fixé par le président du conseil
général du département de la résidence de la
personne handicapée. L'ACTP est à la charge du
département ; devant l'augmentation continue de ce poste
budgétaire,
les départements ont souhaité renforcer le
contrôle de l'effectivité du recours à une tierce personne
dans le strict respect de la loi.
Actuellement, le bénéficiaire de l'allocation doit adresser au
président du conseil général une déclaration
indiquant l'identité et l'adresse de la ou des tierces personnes qui lui
apportent l'aide qu'exige son état, ainsi que les modalités de
cette aide. Il doit joindre à cette déclaration, s'il a recours
à une tierce personne rémunérée, des copies de
justificatifs de salaires de la tierce personne et s'il a recours à une
personne de son entourage qui, de ce fait, subit un manque à gagner, des
justifications relatives à ce manque à gagner. Les
départements ont l'obligation de demander ces justificatifs lorsque
l'ACTP est accordée au taux de 80 % mais, sous réserve
d'interprétation judiciaire contraire, il demeure qu'ils en ont
également la faculté pour un taux inférieur dans le cadre
du contrôle général de l'effectivité de l'aide.
On peut s'étonner dans ces conditions des reproches formulés par
certaines associations sur ces contrôles.
En effet, toute politique de
" guichet ouvert " constituerait une menace pour la
pérennité des aides issues de la solidarité nationale ou
départementale. Les contrôles sont nécessaires parce qu'il
y a eu des abus et que les départements doivent pouvoir maîtriser
leurs dépenses, notamment sociales
.
C. L'ACCUEIL DES PERSONNES HANDICAPÉES
1. L'accueil sur des lieux de travail adaptés
a) Les centres d'aide par le travail
Evolution des crédits budgétaires depuis 1994
Année |
Dotation LFI (en francs) |
dont dotation mesures nouvelles créations de places (en francs) |
Evolution
|
1994 |
4.889.859.225 |
110.000.000 |
- 5,09 |
1995 |
5.293.974.045 |
110.000.000 |
- 8,27 |
1996 |
5.590.197.045 |
151.250.000 |
+ 5,60 |
1997 |
5.844.777.365 |
135.000.000 |
- 4,55 |
1998 |
6.055.000.000 |
135.000.000 |
+ 3,60 |
La ligne 46-23, article 10, passe de 5.844 millions de francs
en LFI 1997 à 6.055 millions de francs en PLFI 1998, soit
+ 3,60 %.
Cette évolution se décompose en :
- une mesure nouvelle d'ajustement à hauteur de 75,3 millions
de francs pour couvrir l'évolution de la masse salariale en 1998 ;
- une mesure nouvelle complémentaire à hauteur de
135 millions de francs permettant la création de 2.000 places
nouvelles de CAT en 1998 pour répondre aux besoins avérés.
On peut rappeler que les centres d'aide par le travail (CAT) sont des
établissements qui offrent aux adultes handicapés qui ne peuvent,
momentanément ou durablement, travailler ni dans les entreprises
ordinaires, ni dans un atelier protégé ou pour le compte d'un
centre de distribution de travail à domicile, ni exercer une
activité professionnelle dépendante, des possibilités
d'activités diverses à caractère professionnel, un soutien
médico-social et éducatif et un milieu de vie favorisant leur
épanouissement personnel et leur intégration sociale. On a
constaté que certains handicapés travaillant dans les CAT
bénéficiaient d'une bonne " employabilité ".
Pour optimiser l'utilisation des structures, il conviendrait de favoriser
l'insertion en milieu ordinaire de ces personnes afin de réserver les
places de CAT aux personnes handicapées qui ne peuvent travailler en
milieu ordinaire.
Les centres sont créés sur autorisation du préfet,
donnée après avis du comité régional de
l'organisation sanitaire et sociale. Ils sont habilités par le
préfet à recevoir des bénéficiaires de l'aide
sociale de l'Etat dans le cadre d'une convention.
L'accès d'un handicapé à un CAT est subordonné
à trois conditions :
- être orienté par la commission technique d'orientation et
de reclassement professionnel (COTOREP) ;
- être âgé de plus de vingt ans : toutefois, les
centres d'aide par le travail peuvent également accueillir les personnes
handicapées dont l'âge est compris entre seize et vingt ans ; dans
ce cas, la décision de la commission technique est prise après
avis de la commission départementale de l'éducation
spéciale ;
- avoir une capacité de travail inférieure à un tiers
de la normale :
toutefois, la commission technique peut orienter
vers des centres d'aide par le travail des personnes handicapées dont la
capacité de travail est supérieure ou égale au tiers de la
capacité normale, lorsque leur besoin de soutien ou leurs
difficultés d'intégration en milieu ordinaire de travail ou en
atelier protégé le justifient. Elle peut prononcer pour les
mêmes raisons le maintien en centre d'aide par le travail d'un
travailleur handicapé qui aura manifesté, au terme de la
période d'essai, une capacité de travail supérieure.
b) Les ateliers protégés
Le programme de création annuelle de 500 nouvelles
places en ateliers protégés se poursuit, ce qui portera le nombre
total de places créées à 13.600. Le coût de cette
mesure inscrit sur les crédits du ministère du travail, est de
9,9 millions en 1998.
Il convient de rappeler que les ateliers protégés et les centres
de distribution de travail à domicile constituent des unités
économiques de production dépendant d'associations ou
d'entreprises ordinaires. Ils mettent les travailleurs handicapés
à même d'exercer une activité professionnelle
salariée dans des conditions adaptées à leurs
possibilités. Ils doivent, en outre, favoriser la promotion des
travailleurs handicapés et leur accession à des emplois dans le
milieu ordinaire du travail.
Les ateliers protégés ne peuvent embaucher que les travailleurs
handicapés dont la capacité de travail est au moins égale
au tiers de la capacité de travail d'un travailleur valide. Selon les
nécessités de leur production, les ateliers
protégés peuvent embaucher des salariés valides dans la
limite de 20 % de leurs effectifs.
2. L'hébergement dans des structures adaptées
a) L'accueil des autistes
Chacun sait qu'il est très difficile pour les familles
de garder un malade autiste, pourtant les structures d'accueil restent
très insuffisantes. Pour mieux appréhender les besoins, des plans
régionaux sur l'autisme ont été mis en oeuvre par une
circulaire ministérielle d'avril 1995. En 1995 et 1997, ces plans ont
été accompagnés d'une aide financière qui a permis
la création de 1.171 places adaptées.
La loi du 11 décembre 1996 sur l'autisme a marqué un tournant
dans la prise de conscience de cette maladie particulière qu'est
l'autisme.
Il convient maintenant de se donner les moyens de donner vie à ce
texte fondateur. Le ministre de la santé a reconnu que les
crédits alloués à l'accueil des autistes ne seront pas,
pour des raisons budgétaires, à la hauteur des besoins en
1998.
Le Gouvernement entend renforcer la formation initiale et continue des
personnels médico-sociaux, poursuivre la mise en oeuvre des plans
régionaux et mener des actions de prévention.
b) L'hébergement des adultes handicapés
Depuis plusieurs années, l'ensemble des structures
d'hébergement pour adultes handicapés enregistre une progression
du nombre des établissements comme des places installées.
Le nombre des foyers d'hébergement ouverts serait en 1996 proche de
1.250 pour plus de 38.000 places installées.
Le nombre de foyers occupationnels progresse (831 en 1996, soit une
augmentation d'environ 16 % par rapport à janvier 1994).
L'augmentation de places n'est pas aussi conséquente : 27.500 places en
1996 contre 24.400 en 1994 (+ 13 %). Il semblerait que les nouveaux
établissements créés aient en moyenne des capacités
inférieures à ce que l'on connaissait auparavant.
Les progressions sont aussi importantes en ce qui concerne les maisons
d'accueil spécialisées (MAS) et les foyers à double
tarification (FDT). Le nombre d'établissements ouverts en 1996
s'élèverait pour les MAS à 249 qui verraient leur
capacité installée atteindre les 10.193 places et à
149 établissements et 4.860 places pour les FDT.
On doit noter que certaines associations souhaiteraient que les places en
maisons d'accueil spécialisées soient maintenant
privilégiées, un besoin particulier se faisant sentir pour cette
forme d'accueil.
Nombre de structures (au 1er janvier) |
|||||
1988 |
1990 |
1992 |
1994 |
1996 |
|
Foyers d'hébergement |
936 |
1.019 |
1.096 |
1.152 |
1.210 |
Foyers occupationnels |
347 |
472 |
606 |
718 |
831 |
Foyers à double tarification |
- |
- |
61 |
102 |
149 |
Maisons d'accueil spécialisées |
119 |
164 |
190 |
208 |
249 |
Nombre de places installées (au 1er janvier) |
|||||
1988 |
1990 |
1992 |
1994 |
1996 |
|
Foyers d'hébergement |
30.924 |
32.816 |
35.005 |
36.589 |
38.607 |
Foyers occupationnels |
13.808 |
17.428 |
20.752 |
24.422 |
27.500 |
Foyers à double tarification |
- |
- |
1.701 |
3.212 |
4.860 |
Maisons d'accueil spécialisées |
4.726 |
6.322 |
7.534 |
8.469 |
10.193 |
Nombre de personnes accueillies (au 1er janvier) |
|||||
1988 |
1990 |
1992 |
1994 |
1996 |
|
Foyers d'hébergement |
30.155 |
31.941 |
33.698 |
35.678 |
37.451 |
Foyers occupationnels |
13.459 |
17.073 |
20.464 |
23.939 |
27.024 |
Foyers à double tarification |
- |
- |
1.653 |
3.219 |
4.740 |
Maisons d'accueil spécialisées |
4.641 |
6.205 |
7.529 |
8.346 |
10.093 |
Source : Enquêtes ES 1996 - Ministère de
l'emploi et de la solidarité - SESI - ST7 - Février 1997
Champ : France entière
c) L'" amendement Creton "
L'article 22 de la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989
portant diverses dispositions d'ordre social, dit " amendement
Creton ", a permis le maintien d'adultes handicapés dans des
structures destinées à accueillir des enfants et des adolescents.
Malgré la progression du nombre des places permettant l'accueil des
adultes handicapés, 4.600 jeunes adultes se trouvaient encore
début 1997 dans ces établissements dans l'attente d'une solution.
Cette situation pose
un double problème
: les
établissements destinés aux jeunes handicapés ne peuvent
pas eux-mêmes accueillir de nouveaux enfants dans les centres qui leur
étaient destinés et un contentieux s'est développé
entre les départements et les caisses d'assurance maladie sur la part du
coût de maintien de ces adultes qu'il leur revenait respectivement de
prendre en charge.
La circulaire n° 95-41 du 27 janvier 1995 avait permis de trouver un
terrain d'entente entre la caisse nationale d'assurance maladie,
l'Assemblée des présidents de conseils généraux et
les associations représentatives des personnes handicapées pour
résoudre la dimension financière du problème mais le
Conseil d'Etat vient de l'annuler (
décision du 9 juillet 1997 -
département des Vosges et département du Val-de-Marne
) pour
défaut de base légale.
Cette circulaire prévoyait que le département verserait à
l'établissement accueillant l'adulte handicapé une compensation
"
sur la base d'un tarif moyen d'hébergement constaté
dans les foyers pour adultes lourdement handicapés du
département
".
Le Conseil d'Etat a considéré que cette circulaire était
contraire à la loi du 13 janvier 1989 qui dispose que la personne morale
compétente supporte le coût "
des frais
d'hébergement et des soins effectivement occasionnés
".
Des discussions sont en cours entre le ministère de l'emploi et de la
solidarité et l'APCG pour fixer les modalités de participation
des conseils généraux aux frais de maintien dans les instituts
médico-éducatifs des jeunes adultes au-delà de l'âge
de 20 ans.
Dans le cadre de la réforme en préparation, il conviendra
d'être précis sur " l'autorité tarifaire
compétente ". En cas d'orientation en foyer de vie, c'est le
président du conseil général qui est compétent pour
assurer le financement considéré et doit être
l'autorité tarifaire compétente. A l'inverse, si c'est une
orientation en MAS ou en CAT, c'est le préfet qui est l'autorité
tarifaire compétente en raison de sa compétence financière.
Par ailleurs, le coût moyen départemental des prestations
d'hébergement dans les établissements pour personnes
handicapées ne devrait concerner que les foyers d'hébergement,
seule structure ayant à ce jour une base légale.
En tout état de cause, il faudrait préciser que le montant des
frais d'hébergement est fixé forfaitairement chaque année
par le président du conseil général, ce forfait
étant égal au prix moyen départemental des foyers de vie,
des foyers occupationnels et de la partie hébergement des foyers
à double tarification autorisés par le président du
conseil général dans son département. Lorsque le tarif de
l'établissement considéré est inférieur au forfait
moyen, c'est ce tarif qui devait servir de base au paiement des frais de
séjour relevant de l'amendement Creton.
Enfin, il faudrait souligner que le dispositif prévu par l'amendement
Creton est un dispositif par nature transitoire et il serait souhaitable
d'engager dans toute la mesure du possible l'adaptation des structures
existantes à l'évolution des besoins.
D. L'EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES
1. Une population particulièrement touchée par le chômage
L'évolution du nombre de travailleurs handicapés demandeurs d'emplois de catégorie 1 (personnes sans emploi, immédiatement disponibles, tenues d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi à la recherche d'un emploi à durée indéterminée à plein temps) depuis 1990 est la suivante :
En juin 1995, la définition de la catégorie 1
des demandeurs d'emploi a été modifiée. Les personnes qui
travaillent plus de 78 heures dans le mois ne sont plus enregistrées.
De 1990 à juin 1997, le nombre de travailleurs handicapés
demandeurs d'emploi a augmenté de 101,8 % pour atteindre 119.236
personnes. Cette évolution tient à l'augmentation de l'ensemble
des demandeurs d'emploi, mais aussi à celle du nombre de demandes de
reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés par les
COTOREP.
Le Gouvernement a maintenu ses efforts en matière de placement de
personnes handicapées. L'effort financier de l'Etat en direction des
équipes de préparation et de suite du reclassement (EPSR) qui a
été de 50 millions de francs en 1997 sera porté
à 53,38 millions de francs en 1998 (+ 6,76 %). Une
convention nationale relative aux EPSR et aux autres organismes d'insertion et
de placement (OIP), signée en 1994 entre l'Etat et l'AGEFIPH et
renouvelée pour un an en 1997, a permis la couverture totale du
territoire en 1995. 22.000 placements ont été
réalisés par les EPSR et OIP en 1996 (65 EPSR
privées, 43 EPSR publiques, 38 OIP).
En ce qui concerne l'action de l'ANPE, dans chaque département, un
conseiller à l'emploi est plus particulièrement chargé
d'informer le réseau des agences locales sur les aides à l'emploi
publiques et privées dont bénéficient les travailleurs
handicapés. De façon plus spécialisée, l'ANPE met
à disposition des 43 EPSR de droit public un conseiller à
l'emploi chargé du placement des travailleurs handicapés.
2. L'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique
A l'identique de ce qui existe dans le secteur privé,
les employeurs publics sont soumis à une obligation d'emploi des
travailleurs handicapés à hauteur de 6 % de leurs effectifs.
En 1995, le nombre des bénéficiaires de la loi du 10 juillet 1987
était de 69.934 sur un total de 2.184.682 agents dans la fonction
publique d'Etat, soit un rapport de 3,2 % contre 2,9 % en 1993.
Cette légère augmentation devrait se poursuivre après
l'adoption de la loi du 4 février 1995 qui a élargi la
procédure de recrutement par la voie contractuelle ; une politique
dynamique doit être menée pour favoriser le recrutement de
personnes handicapées. On peut noter que le taux d'obligation d'emploi
est de 5,79 % dans la fonction publique hospitalière et de 5 %
pour la fonction publique territoriale.
3. Les personnes handicapées et les politiques de l'emploi
Les personnes handicapées relèvent des
catégories prioritaires des politiques publiques d'insertion et d'emploi
et, à ce titre, elles bénéficient des mesures les plus
favorables de la politique de l'emploi.
Les personnes handicapées ont constamment fait partie des publics
prioritaires pour l'accès aux contrats de retour à l'emploi
(jusqu'en juin 1995), puis aux contrats initiative emploi, qui ont pris le
relais à partir de juillet 1995.
Pour le seul second semestre 1995, 12.034 contrats initiative emploi ont
été conclus en faveur de travailleurs handicapés.
La même dynamique a été constatée en 1996, 21.567
travailleurs handicapés ont été embauchés sous ce
type de contrats. Ce chiffre est à rapporter aux 11.136 contrats de
retour à l'emploi conclus en 1992.
Par ailleurs, 49.397 personnes handicapées ont été
embauchées en CES en 1996. Le caractère de particulière
fragilité du public handicapé, très peu formé en
moyenne, très éloigné de l'emploi au point d'être
fortement sur-représenté dans la catégorie des
chômeurs de longue durée, explique le recours important à
des contrats de travail aidés du type du CES. Par ailleurs, 7.833
travailleurs handicapés ont bénéficié d'un CEC pour
cette même année.
La progression du nombre de travailleurs handicapés en CES a
été soutenue et est illustrée par le tableau suivant :
1993 |
33.269 |
1994 |
40.042 |
1995 |
43.674 |
1996 |
49.397 |
De 1993 à 1996, il est ainsi enregistré une augmentation de 48,45 %.
4. L'effort d'insertion et de formation professionnelle doit être poursuivi
Le dispositif de formation professionnelle des personnes
handicapées repose essentiellement sur :
- les centres de rééducation professionnelle (CRP) ;
- les centres de l'AFPA ;
- les schémas régionaux de la formation professionnelle (SRFP)
mis en place à l'initiative de l'AGEFIPH.
On peut noter que l'AGEFIPH poursuit son programme des
" 17 mesures
pour l'emploi des personnes handicapées " qui vise à agir
sur la qualification professionnelle, mobiliser le monde de l'entreprise,
augmenter les moyens consacrés à l'insertion et répondre
aux obstacles techniques rencontrés par les personnes
handicapées. Le budget de l'AGEFIPH de 1997 repose sur
l'équilibre des ressources et des emplois de l'exercice (les ressources
collectées sont estimées à 1.730 millions de francs). Au
1er semestre 1997, on observe une nette augmentation des actions dans le
domaine de l'apprentissage (463 contrats financés contre 201 au premier
semestre 1996), de la formation professionnelle (4.360 dossiers contre 2.995)
et de la création d'activités (1.020 dossiers financés
contre 620 en 1996).
La seconde tendance est marquée par un plafonnement des embauches dans
des emplois à durée indéterminée ou
supérieure à un an. Sur huit mois, 15.271 dossiers de primes
à l'embauche ont été financés, soit un recul de
2,9 % par rapport aux 15.711 dossiers financés en 1996. 82 %
des dossiers sont éligibles simultanément à la prime
travailleur handicapé et à la prime employeur, ce qui tend
à montrer que le dispositif des primes de l'AGEFIPH traite en
priorité le flux des travailleurs handicapés nouvellement
reconnus par les COTOREP.
III. LA PROGRESSION TOUJOURS ÉLEVÉE DES DÉPENSES D'AIDE SOCIALE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES RELANCE LA RÉFLEXION SUR UNE MEILLEURE GESTION DES DÉPENSES DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL
L'évolution des dépenses d'aide sociale
transférées aux départements dans le cadre des lois de
décentralisation, même si elle enregistre un
infléchissement en 1996, continue à se poursuivre à un
rythme sensiblement supérieur à l'inflation et au dynamisme
intrinsèque des ressources locales.
C'est pourquoi il importe de redéfinir les conditions de gestion du
secteur social et médico-social en mettant en place un taux directeur
opposable à l'évolution des dépenses de ce secteur.
A. LES DÉPENSES DE L'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE ÉVOLUENT À UN RYTHME TOUJOURS ÉLEVÉ
L'interprétation du budget de l'Etat consacré
à l'action sociale et à la solidarité, soit
63,5 milliards de francs, ne prend tout son sens que si elle est
resituée dans la perspective de l'évolution d'ensemble des
dépenses d'aide sociale décentralisée.
En effet, aux termes de l'article 34 de la loi du 22 juillet 1983, le
département s'est vu transférer une
compétence de droit
commun
dans le domaine des prestations
d'aide sociale légale
.
Sous réserve des compétences maintenues à l'Etat, les
départements reçoivent donc la responsabilité de l'aide
médicale (
art. 179 et suivant du CFAS
), de l'aide sociale
à l'enfance (
art. 145 et suivant dudit code
), de l'aide sociale
aux familles (
art. 150 et suivants dudit code
), de l'aide sociale aux
personnes âgées (
art. 157 du CFAS
) et de l'aide aux
personnes handicapées adultes qui, outre l'aide à domicile et
l'hébergement en établissement, inclut le versement de l'aide
compensatrice pour tierce personne (ACTP).
S'agissant des données chiffrées exposées, votre
rapporteur tient tout particulièrement à saluer l'Observatoire
national de l'action sociale décentralisée (ODAS) dont le
sérieux et la qualité des travaux lui ont été
précieux comme l'année dernière.
Il remercie également tout spécialement
l'Association des
Présidents de Conseils généraux
(APCG) qui a bien
voulu lui faire parvenir les éléments d'information dont elle
disposait sur les comptes administratifs des départements en 1995 et
1996 et les budgets primitifs pour 1997 à partir des données
du
Centre d'échanges de données
interdépartementales
(CEDI), elles-mêmes tirées des
documents votés par 99 départements (hors Paris).
Après avoir présenté l'évolution globale de la
dépense sociale d'aide sociale décentralisée, nous
reviendrons sur les diverses composantes de cette évolution.
1. Malgré un infléchissement en 1996, les dépenses nettes d'aide sociale augmentent toujours à un rythme soutenu
Selon l'enquête réalisée par le groupe
permanent de l'ODAS composé des responsables des services financiers des
services d'action sociale de 29 départements constituant un
échantillon représentatif de la France métropolitaine, la
dépense nette d'aide sociale s'est élevé à
76
milliards de francs
en 1996, soit une augmentation de
4,1 %
par
rapport à l'année dernière où elle atteignait
73 milliards de francs.
Il convient d'apporter une précision terminologique.
Les
dépenses nettes
d'aide sociale
sont égales aux
dépenses brutes -c'est-à-dire au montant total des prestations
versées par les départements- diminuées des recettes
ultérieurement encaissées auprès des
bénéficiaires de l'aide sociale, de leurs obligés
alimentaires et des organismes de sécurité sociale.
C'est cette donnée qui est prise en compte par l'ODAS et qui
apparaît comme le renseignement le plus révélateur sur la
charge financière réelle qui pèse sur les
départements.
Par ailleurs, les
dépenses directes d'aide sociale
ne comprennent
que les prestations versées, tandis que les
dépenses
indirectes
incluent les dépenses de fonctionnement liées
à l'exercice de leurs compétences par les départements.
Elles se composent essentiellement des dépenses de personnel ainsi que
des dépenses d'équipement et de fonctionnement courant des
services sociaux du conseil général.
Selon l'étude de l'APCG qui porte sur les données brutes en
matière d'aide sociale inscrites au compte administratif de
99 départements, hors Paris, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte
(72,7 milliards de francs de dépenses brutes en 1996), le taux de
croissance pourrait être un peu plus élevé
(+ 4,3 %) pour 1996 que celui observé par l'ODAS tout en
restant comparable.
Les premières données sur les budgets primitifs de 1997
confirmeraient l'infléchissement de la hausse des dépenses qui
s'établirait encore à 4,5 % en 1997 (75,9 milliards de
francs de dépenses comptabilisés).
En tout état de cause, l'année 1996 apparaît donc comme
une année de décélération apparente des
dépenses
, même si l'analyse des diverses composantes de la
dépense, sur laquelle nous reviendrons, confirme
le maintien des
facteurs structurels de hausse
.
L'ODAS souligne par ailleurs que cette progression moyenne de 4 % est
liée à la faible progression des dépenses des
départements très peuplés. Or, il faut souligner que les
20 départements les plus peuplés représentent
70 % de l'ensemble de la dépense nette d'action sociale des
départements.
Les dépenses de la majorité des
départements progressent donc encore de beaucoup plus de 4 %.
L'ODAS estime donc qu'"
il serait donc imprudent de tirer des
enseignements définitifs d'une évolution assez contrastée,
et probablement très influencée par les pratiques
locales
. "
Quoi qu'il en soit, la progression de la dépense d'aide sociale demeure
impressionnante rapportée à d'autres indicateurs
économiques.
a) La progression des dépenses demeure toujours sensiblement plus rapide que l'inflation
L'évolution de la dépense nette d'aide sociale a
été particulièrement spectaculaire en 1990 et en 1993
où elle a frôlé les 10 % d'augmentation annuelle. En
1994 et 1995, la hausse a été quatre fois supérieure
à l'inflation en moyenne.
Au cours des années 90, la faiblesse du taux d'inflation a clairement
joué comme un " révélateur " de la progression
considérable des dépenses d'aide sociale. La pression qui
résulte sur les budgets locaux de la hausse des dépenses sociales
n'est plus " masquée " artificiellement par l'évolution
de la hausse des prix.
Evolution des dépenses nettes d'action sociale départementale
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Dépenses nettes
|
49,8 |
54,1 |
57,7 |
63 |
68,2 |
73 |
76 |
Evolution |
+ 9,9 % |
+ 8,6 % |
+ 6,7 % |
+ 9,2 % |
+ 8,3 % |
+ 7,0 % |
+ 4 % |
Prix à la consommation (moyenne annuelle) |
3,4 |
3,2 |
2,4 |
2,3 |
2,1 |
1,7 |
2 |
Source : ODAS
L'année 1996 semble marquer un retour à la normale ; encore faut-il souligner que le taux de progression de 4 % est encore le double de celui de l'inflation et excède de 1,5 point le taux du produit intérieur brut en valeur qui ressort à 2,4 % dans les documents du projet de loi de finances pour 1998.
b) Les dépenses d'aide sociale représentent une part croissante des dépenses des départements
Les données fournies par l'APCG sur les comptes administratifs en 1995 montrent que si les dépenses totales d'aide sociale, c'est-à-dire les dépenses brutes versées au titre des prestations auxquelles s'ajoutent les dépenses indirectes de structure administrative, représentaient en moyenne 56 % des dépenses totales de fonctionnement des départements entre 1984 et 1989, ce taux a dépassé la barre des 60 % en 1995 .
Evolution de la part de la dépense totale d'aide
sociale
de fonctionnement au sein des dépenses des
départements
(en millions de francs)
Dépenses totales d'aide sociale (1) |
% des dépenses |
||
Montant |
Evolution en % |
de fonctionnement |
|
1985 |
47.145 |
56,5 |
|
1986 |
48.981 |
3,9 |
55,3 |
1987 |
50.497 |
3,1 |
56,1 |
1988 |
52.106 |
3,2 |
55,5 |
1989 |
54.133 |
3,9 |
55,2 |
1990 |
58.339 |
7,8 |
55,5 |
1991 |
63.166 |
8,3 |
57,0 |
1992 |
68.295 |
8,1 |
57,7 |
1993 |
73.383 |
7,5 |
58,9 |
1994 |
77.949 |
6,2 |
59,6 |
1995 |
82.092 |
5,0 |
60,4 |
(1) Dépenses directes et indirectes, hors Paris
Source : APCG-CEDI
L'action sociale demeure donc la cause principale de l'augmentation des
dépenses de fonctionnement des départements, même si l'on a
assisté en 1995 à une décélération du taux
de progression de ces dépenses qui variait entre 6 % et 8 % au
cours des six derniers exercices et qui est passé à 5 % en
1996.
Proportion des dépenses d'aide sociale au sein des
dépenses des départements
c) Les dépenses d'aide sociale progressent toujours plus rapidement que les ressources transférées lors de la décentralisation
En compensation du transfert de compétence
résultant de la loi du 22 juillet 1983, les départements se
sont vu attribuer le produit de la vignette automobile, des droits de mutation
et de la plus-value des recettes provenant de la réforme de la taxe
foncière sur les propriétés bâties. Le solde des
sommes non couvertes par les transferts de fiscalité est en principe
opéré au sein de la dotation générale de
décentralisation (DGD).
Or, l'analyse montre que si les dépenses sociales ont progressé
très régulièrement,
les recettes de fiscalité
indirecte transférées aux départements se sont
contractées sous l'effet du ralentissement économique
tandis
que la DGD, indexée sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), a
subi également le contrecoup de la recherche d'une meilleure
maîtrise des dépenses de l'Etat.
Il résulte de ces évolutions inverses un véritable
" effet de ciseaux " illustré par le graphique
ci-après, établi à partir des données
définitives disponibles dans les comptes nationaux.
2. L'analyse des différentes composantes de la dépense d'action sociale des départements montre pour la première fois un ralentissement des dépenses liées à l'insertion
Le tableau ci-après, transmis par l'ODAS, permet d'analyser les différents " compartiments " de l'action sociale des départements.
Evolution des dépenses nettes d'aide sociale
(en milliards de francs)
Dépense nette 1995 |
Dépense nette 1996 |
Evolution 1995-1996 |
Bénéficiaires 1995 |
Bénéficiaires 1996 |
|
ASE |
23,9 |
25,0 |
5 % |
107.000 |
108.000 |
Dont placement familial |
5,2 |
5,5 |
6 % |
55.000 |
56.000 |
Dont placement en établissement |
12,4 |
13,0 |
5 % |
52.000 |
52.000 |
PERSONNES ÂGÉES |
13,3 |
13,8 |
4 % |
||
Aide ménagère |
1,5 |
1,4 |
- 7 % |
90.000 |
84.000 |
A.S. hébergement (2) |
5,7 |
6,1 |
7 % |
134.000 |
132.000 |
A.C.P.A. (1) |
6,1 |
6,3 |
3 % |
195.000 |
201.000 |
PERSONNES HANDICAPÉES |
13,0 |
13,7 |
5 % |
||
A.S. hébergement (2) |
10,1 |
10,8 |
7 % |
77.000 |
80.000 |
A.C.P.H. (1) |
2,9 |
2,9 |
0 % |
84.000 |
82.000 |
INSERTION |
9,5 |
9,6 |
1 % |
||
Aide médicale |
6,4 |
6,3 |
- 2 % |
||
RMI |
3,1 |
3,3 |
6 % |
840.000 |
904.000 |
AUTRES (solde) |
13,3 |
13,9 |
4 % |
||
TOTAL |
73,0 |
75,8 |
4 % |
Source : ODAS (juin 1997)
(1) Estimation du nombre de personnes âgées de plus de 60 ans
bénéficiant de l'ACTP
(2) Aide sociale à l'hébergement
(3) Bénéficiaires de l'ACTP âgés de moins de 60
ans
Ces données devront être complétées par des
aperçus sur les dépenses administratives indirectes des conseils
généraux et sur les dépenses des communes au titre du
contingent communal d'aide sociale.
a) L'aide sociale à l'enfance représente le premier poste de l'aide sociale des départements
L'aide sociale à l'enfance (ASE) représenterait
environ
25 milliards de francs en 1996
. Il s'agit fonctionnellement du
premier poste de dépenses du département (33 %).
Les dépenses résultent :
- des frais de prise en charge des enfants, faisant l'objet d'une
décision de placement en établissement d'éducation
spécialisé ou en famille d'accueil, financés par le
département. En 1993, ces dépenses représentaient les
trois-quarts des dépenses d'ASE ;
- des dépenses liées au soutien en milieu ouvert, qu'il
s'agisse des mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO), du
recours aux travailleuses familiales ou des aides aux associations.
Comme le fait remarquer l'ODAS, "
les dépenses de l'ASE
progressent deux fois plus vite que l'inflation entre 1995 et 1996
(+ 5 %), alors que le nombre d'enfants placés semble
stagner
".
Les causes de cette évolution mériteraient d'être mieux
analysées dans un contexte où les mauvais traitements à
enfant font l'objet d'une vigilance particulière.
b) Les dépenses d'aide sociale aux personnes âgées continuent leur augmentation
Les calculs de l'ODAS relatifs aux personnes
âgées, qui représentent 13,8 milliards de francs au
total en 1996, sont effectués en intégrant, par convention, le
coût de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) lorsque
celle-ci est versée à des personnes âgées de plus de
60 ans, soit une dépense de 6,3 milliards de francs en 1996.
L'aide sociale aux personnes âgées
stricto sensu
recouvre
les dépenses d'aide financière au placement familial ou en
établissement et l'aide à domicile.
-
·
L'aide à l'hébergement
qui a
représenté 6,1 milliards de francs en 1995 était
relativement stable depuis 1989, mais enregistre une forte augmentation en 1996
qui semble résulter de
l'augmentation des prix de journée en
établissements
, en raison notamment du caractère plus
coûteux des prises en charge pour des personnes dont le degré de
dépendance est plus accentué.
· L'aide à domicile s'effectue sous la forme du versement de l'allocation représentative de services ménagers , réservée aux personnes dont les ressources ne dépassent pas le minimum vieillesse, soit 42.193 francs par an, et qui représente 60 % du coût des services ménagers ou 30 heures d'aide ménagère par mois. Cette aide est en diminution constante depuis plusieurs années et s'élève en 1996 à 1,4 milliard de francs .
Dépenses nettes d'aide sociale aux personnes âgées
En milliards de francs
1985 |
1986 |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Aide sociale à l'hébergement |
4,73 |
4,52 |
4,49 |
4,57 |
4,55 |
4,73 |
4,79 |
4,9 |
4,8 |
5,3 |
5,7 |
6,1 |
Aide ménagère |
1,70 |
1,62 |
1,57 |
1,42 |
1,45 |
1,48 |
1,48 |
1,4 |
1,5 |
1,4 |
1,5 |
1,4 |
ACPA (1) |
2,3 |
2,5 |
2,6 |
2,7 |
3,0 |
3,4 |
3,8 |
4,3 |
4,8 |
6 |
6,1 |
6,3 |
Total |
8,73 |
8,64 |
8,71 |
8,69 |
9,00 |
9,61 |
10,07 |
10,60 |
11,1 |
12,7 |
13,3 |
13,8 |
(1)
Part de l'ACTP versée à
des personnes âgées de plus de 60 ans Source : ODAS
La dépense d'aide sociale aux personnes âgées enregistrera
en 1997 les effets de la création de la prestation spécifique
dépendance.
c) L'aide sociale aux personnes handicapées présente la progression de dépenses la plus significative
L'aide sociale aux personnes handicapées donne lieu
à une répartition de compétence complexe entre l'Etat,
l'assurance maladie et les départements. La prise en charge des enfants
handicapés fait l'objet d'un financement intégralement
assuré par la sécurité sociale tandis que celui-ci est
partagé avec les départements pour l'hébergement des
personnes handicapées adultes.
Le département assure les frais d'hébergement des
handicapés adultes au sein de diverses structures telles que les foyers
de vie, les foyers occupationnels et les hospices, à l'exception
toutefois des maisons d'accueils spécialisés (MAS) qui, parce
qu'elles sont réservées aux handicaps les plus lourds, sont
financées par l'assurance maladie. Par ailleurs, les centres d'aide par
le travail (CAT) et les ateliers protégés, comme on l'a vu plus
haut, relèvent de la responsabilité de l'Etat.
De plus, les foyers dits à double tarification (FDT) connaissent, au
sein d'un même établissement, un financement assuré par
l'Etat pour la prise en charge des soins et par le département pour les
frais d'hébergement.
Enfin, le département, comme on l'a vu, assume jusqu'en 1996, le
coût de l'ACTP.
Par convention, pour cette partie de l'analyse, les crédits d'ACTP pris
en compte par l'ODAS correspondent à la fraction versée aux
personnes âgées de moins de soixante ans.
Dans cette
hypothèse, les dépenses d'aide sociale des départements
aux personnes handicapées s'élèvent à
13,7 milliards de francs en 1996 en hausse de 5 % sur l'année
dernière
.
-
· Les dépenses
d'aide sociale à
l'hébergement des handicapés
représentent
10,8
milliards de francs en 1996
. Cette dépense représente 14 % de
la dépense nette d'action sociale départementale contre 9 % en
1984.
La dépense d'hébergement est le poste qui a le plus
augmenté depuis la décentralisation
avec une progression de
135 % en francs courants, soit 18,21 % par an.
Cette accélération s'explique à la fois par l'augmentation des prix de journée dans ces établissements et par la hausse du nombre de bénéficiaires constatée entre 1989 et 1993 en raison du vieillissement des générations d'adultes handicapés et de l'ouverture de nouvelles structures d'accueil.
· S'agissant de l'ACTP versée aux moins de 60 ans , qui atteint 2,8 milliards de francs en 1995 , la progression est demeurée modérée de l'ordre de 1,5 % par an au cours de ces dernières années, tandis que la part relative des moins de 60 ans au sein des bénéficiaires de l'ACTP a tendu à se réduire.
L'aide sociale en direction des personnes handicapées
(France métropolitaine)
En milliards de francs
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Hébergement |
5,0 |
5,8 |
6,5 |
7,0 |
8,1 |
9,2 |
10,1 |
10,8 |
ACPH |
2,5 |
2,5 |
2,5 |
2,6 |
2,8 |
2,8 |
2,9 |
2,9 |
Total |
7,5 |
8,2 |
9,0 |
9,6 |
10,9 |
12,0 |
13,0 |
13,7 |
Evolution |
11 % |
9 % |
9 % |
14 % |
11 % |
8,3 % |
5 % |
Source : ODAS
L'ODAS fait remarquer que les dépenses d'aide sociale aux personnes
handicapées continuent d'augmenter trois fois plus vite que l'inflation.
Elle souligne que l'impact des accords Durieux-Durafour sur le prix des
prestations s'atténue et qu'aujourd'hui l'augmentation des coûts
en matière d'hébergement semble davantage liée à
l'accroissement et à l'adaptation de l'offre de service -en raison
notamment de l'âge croissant des personnes handicapées-
plutôt qu'à l'accroissement des salaires des personnels des
établissements d'accueil.
Par ailleurs, l'APCG observe que le développement de formules de prise
en charge diversifiées du handicap adulte plus conformes aux souhaits
des bénéficiaires, comme le maintien à domicile, a
certainement contribué à limiter des frais de structure plus
lourds. L'APCG note également que le contrôle de
l'effectivité de l'ACTP a également été à
l'origine d'une moindre progression de la dépense ces dernières
années.
d) Une progression des dépenses d'insertion et d'intervention sociale en net ralentissement
Les dépense d'insertion et d'intervention sociale,
entendues au sens large, correspondent en première analyse à
23,5 milliards de francs en 1996.
Cette dépense représente aujourd'hui 31 % de la
dépense sociale du département, les dépenses liées
au RMI représentant, à elles seules, 13 % de cette
dépense sociale. En 1989, ces dépenses représentait
13,5 milliards de francs, soit 30 % des dépenses nettes
d'action sociale, la part du RMI au sein des dépenses nettes d'action
sociale ne représentant alors que 6 % des dépenses nettes
d'aide sociale.
Trois postes doivent être analysés.
Ces dépenses se composent, tout d'abord, des dépenses des
cotisations d'assurance personnelle des allocataires non affiliés
à un régime de sécurité sociale et des
dépenses financées dans le cadre des divers systèmes de
" carte de santé " : ces dépenses
s'élèvent à
6,3 milliards de francs
en 1996.
Elles comprennent, ensuite, des dépenses d'insertion liées au RMI
dans le cadre de l'obligation qui est faite au département d'inscrire
annuellement à son budget un crédit au moins égal à
20 % des sommes versées, au cours de l'exercice
précédent, par l'Etat au titre de l'allocation attribuée
à des personnes résidant dans le département : le montant
de ces dépenses est évaluée à
3,3 milliards
de francs
en 1995.
Enfin, ces dépenses intègrent celles de la rubrique
" solde " du tableau précisé,
soit
13,9 milliards de francs
, qui recouvrent les frais liés aux
services de la protection maternelle et infantile (PMI), du service social
départemental (SSD), ainsi que les dépenses d'action sociale
facultative.
Au total, ces dépenses font apparaître un taux d'évolution
particulièrement modéré en 1996 de l'ordre de 3 % en
1996. Cette tendance est néanmoins difficile à interpréter.
La stabilisation des dépenses du RMI suit le " tassement "
du
nombre de bénéficiaires observé en 1995 comme le fait
remarquer l'APCG.
En revanche, les données afférentes aux soins médicaux
gratuits augmentent parfois fortement sous l'effet de la mise en place de la
carte santé : les pratiques comptables semblent très
diverses d'une collectivité à l'autre.
L'ODAS estime que les départements ont cherché un ralentissement
des dépenses dans "
les secteurs où ils conservaient une
capacité d'action directe
" et considère que
"
les logiques gestionnaires ont fortement pesé pour contenir
les dépenses à un moment où le nombre de
bénéficiaires du RMI progresse plus lentement que les
années précédentes
".
e) La part non négligeable des dépenses indirectes
Les dépenses indirectes sont les dépenses de
personnel et les frais de fonctionnement générées par la
gestion de l'aide sociale. Ces dépenses sont relativement difficiles
à évaluer en raison des différentes pratiques
d'imputations retenues par les départements.
L'APCG-CEDI dans son étude sur les comptes administratifs pour 1996
évalue à
12,73 milliards de francs
la part des
dépenses indirectes (hors Paris), soit environ 12 % des
dépenses brutes d'aide sociale.
f) L'intervention des communes, par l'intermédiaire des contingents communaux d'aide sociale, demeure sur un taux d'augmentation stable en 1996
Malgré l'objectif de la suppression des financements
croisés, la loi du 7 janvier 1983 a maintenu le principe de la
participation financière des communes. Ce principe semble trouver son
origine dans le rôle des communes dans la mise en oeuvre de l'aide
sociale légale, confirmé par la présence des maires au
sein des commissions locales d'aide sociale compétentes pour examiner
les demandes d'admission, par le rôle des services municipaux dans
l'instruction des demandes déposées auprès d'eux et par
les pouvoirs spécifiques conférés aux maires en
matière d'admission d'urgence.
La participation des communes revêt la forme d'une contribution globale
annuelle calculée par rapport aux dépenses totales
supportées par le département en matière d'aide sociale
dont l'augmentation ne peut, en règle générale, être
supérieure à celle des dépenses départementales.
Dans son étude sur les comptes administratifs pour 1996, l'APCG
évalue à
11 milliards de francs
la contribution
demandée en 1996 aux communes soit une stabilisation du rythme de
croissance qui demeure néanmoins établi à 4 %.
Il convient de rappeler que l'ODAS a mené récemment une
étude sur l'évolution des contingents communaux d'aide sociale.
Il en ressort qu'en 1994, le montant moyen du contingent payé par les
communes de près de 30.000 habitants était de 236 francs par
habitant.
Cette dépense avait progressé de 28 % depuis 1991,
évolution comparable à celle des dépenses d'aide sociale
obligatoire départementale pendant la même période.
En moyenne le contingent départemental par habitant était deux
fois plus élevé dans les communes de plus de
30.000 habitants que dans les autres.
Les différentes moyennes recouvrent de fortes disparités. Ainsi,
en 1994, le montant du contingent payé au département par une
ville de plus de 30.000 habitants pouvait varier, pour les deux extrêmes,
de 30 francs par habitant à plus de 600 francs. Par ailleurs, on
relevait qu'au sein d'un même département, les contingents
payés par deux villes de population identique pouvaient varier du simple
au double.
g) Les observations de votre rapporteur
-
· Comme le fait remarquer l'APCG avec un taux compris entre 4 et
4,5 %, qui peut sembler plus satisfaisant que celui constaté les
années précédentes, la dépense d'aide sociale
départementale atteint ce qui semble pourtant être un
"
seuil minimal incompressible
".
Cette constatation, valable à condition que ne soient pas opérées de réformes structurelles, laisse ouverte une question cruciale : dès lors que les dépenses d'aide sociale continuent à augmenter plus vite que l'inflation et plus rapidement que la croissance du PIB, les départements seront encore dans l'obligation de poursuivre l'augmentation des prélèvements fiscaux : jusqu'à quel point de rupture la fiscalité locale, et notamment départementale, peut-elle continuer à se comporter en variable d'ajustement de la hausse des coûts sociaux ?
· La seconde interrogation porte sur la fragilité de " l'accalmie " constatée en 1996 dans la dérive des dépenses sociales. Comme le fait remarquer M. Jean-Louis Sanchez, délégué de l'ODAS, " il serait prématuré d'y voir le signe d'un renversement de tendance durable ".
Comme on l'a vu plus haut, l'augmentation des effectifs des titulaires du RMI a repris sur un taux de 7 % en 1996 et rien ne permet de voir que les phénomènes d'exclusion ou de précarité vont se résorber. Le vieillissement démographique et le coût structurellement plus élevé de la prise en charge de personnes dépendantes font peser une menace sur le poste de l'aide sociale aux personnes âgées. La nette augmentation des situations " repérées " de maltraitance sur les enfants aura des conséquences sur les frais d'ASE.
Un certain nombre de facteurs lourds sont donc déjà à l'oeuvre pour pousser demain encore plus à la hausse des dépenses. Cela doit nous conduire à une réflexion sur une meilleure adaptation de l'appareil social et médico-social.
· Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que l'on voit bien en 1996 que, faute de pouvoir peser sur l'évolution des dépenses prises en charge par le secteur social et médico-social, les départements, pour réaliser des économies de gestion, font porter leur effort sur la PMI ou encore sur l'action sociale facultative.
Cela rend d'autant plus nécessaire une révision en profondeur du mode de fixation des dépenses du secteur social et médico-social qui assurent la part prépondérante des dépenses d'aide sociale départementale.
B. LA DÉTERMINATION DES DÉPENSES DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL DOIT SE FAIRE DANS DES CONDITIONS NOUVELLES QUI RESTAURENT LA COHÉRENCE DE L'ACTION PUBLIQUE
L'hébergement en établissement social
représente plus de la moitié (56 %) des dépenses
d'aide sociale des départements, qu'il s'agisse de l'aide sociale
à l'enfance, des maisons de retraite pour personnes âgées
ou de l'hébergement et des soins pour les personnes handicapées.
L'ensemble des établissements sous compétence
tarifaire de
l'Etat
représentent, quant à eux, une dépense de
60,01 milliards de francs
en 1996.
C'est dire l'utilité qu'il y a à assurer une régulation
optimale de l'évolution des dépenses dans ce secteur qui n'a pas
fait l'objet de réforme en profondeur depuis la loi du 30 juin 1975.
1. Un mode de financement insatisfaisant qui aboutit à la " déresponsabilisation " des parties prenantes au dispositif social et médico-social
Actuellement le financement et la tarification des
établissements et services sociaux et médico-sociaux est
fixé par la loi n° 75-535 du 30 juin 1975.
Il repose sur la reconnaissance par l'autorité tarifaire des recettes et
dépenses prévisionnelles "
justifiées et non
excessives
" présentées par les organismes et structures
concernés.
Cette reconnaissance acquise, l'organisme dispose en quelque sorte d'une
garantie de financement que l'on pourrait qualifier de " droit de
tirage " sur la collectivité qui assure ce financement. Celui-ci
est alors assuré, soit sous forme de prix de journée, pour les
établissements relevant du département, soit de dotations
mensuelles forfaitisées pour les établissements relevant de
l'Etat.
Cette procédure est placée sous le contrôle d'un juge
administratif spécialisé -
les commissions du contentieux de la
tarification
- dont la jurisprudence est fondée sur des textes
relevant d'une conception plus étroitement budgétaire
qu'économique.
Les structures financées par l'Etat ou l'assurance maladie font l'objet
d'une tarification par le préfet de département, après
allocation de ressources par le préfet de région et cadrage
préalable soit par la loi de finances de l'Etat, soit par le taux
directeur médico-social fixé dans la loi de financement de la
sécurité sociale.
Ainsi, par exemple en 1997, la progression des dépenses
médico-sociales a été fixée à 3 % pour les
dépenses d'assurance maladie des établissements
médico-sociaux relevant de la compétence de l'Etat.
Ont été fixées alors, en valeur absolue, deux
sous-enveloppes " personnes âgées " et " personnes
handicapées ". S'agissant des personnes âgées, le taux
de reconduction des moyens était fixé à 1,06 %, le
solde étant réservé pour la création de places.
S'agissant des personnes handicapées, la reconduction des moyens
correspondait à un taux de 1,25 % et une enveloppe était
réservée pour les personnes atteintes d'un syndrome autistique et
les personnes lourdement handicapées.
Le problème est qu'aujourd'hui les établissements peuvent
poursuivre leurs dépenses, même si l'enveloppe des
prévisions initiales a été dépassée, puisque
la jurisprudence ne reconnaît pas de caractère opposable aux
enveloppes ou au taux d'évolution
.
Les budgets notifiés par les autorités tarifaires sont
régulièrement contestés par les établissements qui
obtiennent alors des crédits supplémentaires de la part des
commissions de la tarification sanitaire et sociale qui ne considèrent
pas que les normes d'évolution revêtent dans ce cas un
caractère juridiquement opposable.
Une enveloppe de 99 millions de francs a dû être ainsi
prévue dans la loi de finances pour 1997 pour faire face aux contentieux
engagés par les CAT.
Il devient essentiel de
recentrer le contrôle du juge
des
tarifs
qui devrait prendre ses décisions en fonction du montant des
crédits alloués par l'Etat ou par le Conseil
général.
Les dépenses évoluent finalement sans contrainte d'aucune sorte
dans un contexte de forte pression de la demande ; les prévisions
budgétaires annuelles sont erronées et la mise en paiement des
sommes reconnues acquises à l'établissement après une
décision de justice s'effectue avec retard, entraînant parfois au
demeurant des charges de trésorerie pour les établissements
concernés.
Chacune des parties prenantes au dispositif est donc poussée à
une sorte de " déresponsabilisation " :
- l'Etat et les départements financent les établissements
médico-sociaux mais ils ne maîtrisent pas les dépenses qui
sont engagées par les gestionnaires des établissements ;
- les autorités responsables des établissements, même
si elles sont soucieuses d'une bonne gestion, savent que leur financement sera
assuré
a posteriori
en particulier pour faire face à
des dépenses, telles que les dépenses de personnel, qui
dépendent de décisions qui échappent à leur
sphère de contrôle.
Dans cette structure, chaque acteur se renvoie mutuellement la
responsabilité des dérives de coût, au détriment du
contribuable qui finit par solder les dépenses non
maîtrisées.
C'est pourquoi il faut stopper ce processus en instituant un taux directeur
opposable aux dépenses des établissements sociaux et
médico-sociaux financés par l'Etat ou par l'aide sociale
départementale.
2. Instaurer un taux directeur pour rendre plus cohérentes les décisions de gestion de l'Etat et des établissements dans le secteur social et médico-social
Votre commission vous propose de mettre en oeuvre dès
le 1
er
janvier 1998 un taux directeur opposable à
l'évolution des dépenses des établissements sociaux et
médico-sociaux financés par le budget de l'Etat et par les
départements.
Le but est de restaurer
un cercle vertueux
en matière de gestion
où l'Etat assumera ses choix en toute cohérence et où les
établissements eux-mêmes seront naturellement conduits à
peser sur les facteurs externes d'évolution de leurs dépenses.
a) Restaurer la cohérence de l'action de l'Etat concernant toutes les mesures, notamment de revalorisation salariale, de nature à influer sur les dépenses du secteur
Les personnels des établissements et services sociaux
et médico-sociaux (hors personnels des structures associatives) sont
évalués à
421.000 personnes
, ce qui correspond
à 347.000 équivalents temps plein selon les enquêtes
périodiques du ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
Ils relèvent d'un régime de droit public pour 36 %, et d'un
régime de droit privé pour 64%.
Les personnels de droit public (137.958 personnes, soit
123.787 équivalents temps plein) relèvent de trois
références : la fonction publique de l'Etat, la fonction publique
territoriale, la fonction publique hospitalière.
En revanche, les personnels de droit privé -283.042 personnes, soit
223.293 équivalents temps plein- relèvent majoritairement de
conventions collectives.
La convention collective " des établissements et services pour
personnes inadaptées et handicapées " de 1966 s'applique
à 148.993 personnes, soit 114.776 équivalents temps
plein.
La convention collective " des établissements privés
d'hospitalisation et de soins, de cure et de garde à domicile à
but non lucratif " dite FEHAP, de 1951, s'applique principalement aux
établissements sanitaires privés participant au service public
hospitalier, mais aussi de manière significative aux
établissements et services sociaux et médico-sociaux. Sur ce seul
champ, 69.373 personnes, soit 56.387 équivalents temps plein,
sont concernées.
Trois autres conventions collectives sont appliquées: celle de la Croix
Rouge française propre à cette association, celle de 1965 pour
les établissements sociaux et médico-sociaux, et les
" accords SOP " pour les centres d'hébergement et de
réadaptation sociale concernent ensemble 7.106 personnes, soit
5.688 équivalents temps plein.
S'agissant des dépenses de personnel en particulier, le taux directeur
va obliger
l'Etat à trouver une cohérence entre les
décisions qu'il prend en matière de rémunération de
certaines catégories de personnels et les objectifs
généraux qu'il s'impose en matière d'évolution de
la dépense médico-sociale
.
Il ne devrait plus être possible, comme cela a été le cas
lors de l'extension du protocole Durieux-Durafour, qu'une simple circulaire
prise en fin d'année, et confirmée ultérieurement par deux
décrets, puisse bouleverser sensiblement l'équilibre des
relations financières entre les établissements et les
collectivités qui les financent.
La transposition des protocoles " Durieux-Durafour "
Une circulaire du 23 décembre 1991 et deux
décrets du 2 janvier 1992 ont étendu aux agents du secteur social
et médico-social le bénéfice du protocole
" Durieux-Durafour " sur l'amélioration des conditions de
vie
et de travail des personnels de la fonction publique hospitalière.
Le but poursuivi était d'aligner le régime salarial des
personnels des établissements sociaux et médico-sociaux avec
celui des personnels salariés des établissements publics
sanitaires.
Il convient de rappeler que les salariés des établissements
privés assumant une mission de service public relèvent
principalement de deux conventions collectives nationales (CCN) : la convention
du 31 octobre 1951 des établissements privés
d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif et
la convention du 15 mars 1966 des établissements et services pour les
personnes inadaptées et handicapées.
Cet objectif de parité entre le personnel de droit privé des
institutions sociales et médico-sociales et celui du personnel sous
statut de la fonction publique hospitalière est, au demeurant, reconnu
par les conventions collectives. C'est ainsi que l'article 36 de la
convention du 15 mars 1966 prévoit que "
les organisations
signataires se réuniront au moins chaque fois qu'interviendra une
modification des traitements et classements du secteur public de
référence, pour en déterminer obligatoirement les
incidences sur la présente convention ".
Sur la base du décret de janvier 1992, les partenaires sociaux ont
conclu en mars 1992 des avenants aux conventions collectives de 1951 et 1966,
lesquels, conformément à l'article 16 de la loi du 30 juin 1975
ont obtenu un agrément du ministre en 1992 et 1993.
Ces
décisions semblent avoir été prises, selon la Cour des
Comptes, sans que les services du ministère ne puissent
appréhender l'incidence de cette extension du protocole
" Durafour " sur les finances départementales et sans que
les
marges de manoeuvre budgétaires des départements ne soient prises
en compte.
Ces accords ont
un coût salarial direct
auquel s'est
surajouté le
caractère rétroactif
de certaines
augmentations ce qui a conduit à creuser de soudains déficits
dans le budget des établissements. La rétroactivité
fonctionne comme un véritable piège budgétaire et
comptable en conduisant à créer de soudains déficits dans
la gestion du budget social des établissements.
Les accords Durafour sont largement à l'origine de la forte
dérive des coûts dans le secteur social et médico-social
constatée à partir de 1992.
La mise en place d'un taux directeur est d'autant plus urgente que le
Gouvernement risque de se trouver confronté à des
interprétations extensives de l'objectif de la semaine " de
35 heures " qu'il souhaite inscrire dans la loi.
Certes, comme M. Emile Zucarelli,
ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation,
l'a encore
rappelé devant le Sénat le 23 octobre 1997, le Gouvernement
considère que "
la question du temps de travail dans la fonction
publique ne peut être abordée par la transposition pure et simple
du régime applicable au secteur privé
".
Il reste que les " 35 heures ", comme l'ont reconnu
certains de nos
interlocuteurs au contact avec le secteur social et médico-social,
pourraient bien se propager " par contagion " aux
personnels du
secteur social et médico-social, où les contraintes liées
à des services à la personne se prêtent pourtant mal
à une annualisation du temps de travail.
Si les 35 heures devaient être étendues au secteur social et
médico-social, il en résulterait immédiatement un
surcoût de 10 % environ, hors gains de productivité.
Or, on sait par ailleurs que les gains de productivité dans le secteur
public ne générerait pas de recettes supplémentaires et
que l'Etat ne pourrait " s'entraider " en se versant à
lui-même des subventions à l'embauche comme il souhaite le faire
au bénéfice du secteur privé.
Rien ne s'oppose aujourd'hui légalement à ce que l'Etat
renouvelle, en appliquant les 35 heures au personnel du secteur social et
médico-social, la même méthode que celle utilisée
pour la transposition du protocole Durafour. Un texte réglementaire
d'initiative purement ministérielle peut déclencher la signature
d'un avenant sur lequel les départements qui sont des financeurs
essentiels du système, ne seraient jamais consultés.
Le taux directeur obligera également l'Etat à être
cohérent et à tirer les conséquences financières
des décisions qui sont prises à son échelon en
matière de renforcement des
normes d'encadrement
des
établissements sociaux.
La même démarche doit être suivie pour la fixation des
normes techniques de sécurité
dont les révisions
périodiques génèrent des coûts d'investissement
importants dans ce secteur.
Il n'est pas inutile de rappeler que les dépenses de fonctionnement,
hors dépenses de personnel, représentent 32,37 % de
l'ensemble des dépenses générales dans les centres
d'hébergement et de réadaptation sociale, 23 % dans les
établissements pour enfants handicapés, 26 % dans les
maisons d'accueil spécialisées et de 10 à 16,5 % dans
les différents services de prise en charge à domicile.
Il est tout à fait souhaitable que les taux directeurs
d'évolution des dépenses prévoient, en toute clarté
et préalablement, des
marges spécifiques de financement
pour mettre en oeuvre la rénovation des normes techniques dans les
diverses catégories d'établissements.
b) Inciter les établissements sociaux et médico-sociaux à relever le défi du glissement-vieillesse-technicité
Les associations gestionnaires des établissements
sociaux et médico-sociaux, elles-mêmes, sous l'effet du taux
directeur, seront incitées à une meilleure gestion et prendront
conscience de la nécessité de peser sur l'évolution de
leurs facteurs structurels de dépenses.
S'agissant des coûts de fonctionnement, comme votre rapporteur l'avait
souligné dans son avis de l'année dernière, les
institutions médico-sociales, qui ont été mises en place
dans les années 70, comprennent souvent des personnels qui arrivent
maintenant à maturité dans leur carrière et induisent une
forte progression des rémunérations du fait du
glissement-vieillesse-technicité.
Les effets du glissement-vieillesse-technicité
D'une manière générale, le coût des
mesures individuelles, c'est-à-dire des mesures d'ancienneté et
de promotion des agents est mesuré par le
glissement-vieillesse-technicité.
La masse des rémunérations évolue en raison des variations
des caractéristiques des personnes employées ; ce
phénomène est connu sous le nom de
glissement-vieillesse-technicité (GVT), qui se compose :
-
d'un effet de carrière
(ou GVT positif), qui retrace
l'incidence positive sur la masse salariale des avancements et promotions dont
bénéficient régulièrement les fonctionnaires ;
-
d'un effet de noria
(ou GVT négatif) qui traduit
l'incidence généralement négative sur la masse salariale
du jeu des entrées-sorties.
La somme algébrique des deux effets constitue
l'effet de
structure
(ou GVT solde) : il permet d'apprécier l'évolution
effective de la masse salariale due aux variations de structure de la
population étudiée.
Il est frappant de constater que de 1991 à 1996, le GVT
" positif " de la fonction publique de l'Etat n'est jamais
inférieur à 1,8 % et que de 1993 à 1996 il a toujours
été supérieur à la hausse de l'indice des prix
à la consommation.
L'effet " GVT positif " est également non négligeable
dans le secteur couvert par les
conventions collectives
du secteur
social et médico-social puisque la rémunération moyenne
des personnels en place (RMPP) varie ces dernières années entre
0,8 % et 1,3 %.
Il apparaît aujourd'hui que pour les prochaines années même
en tenant compte de " l'effet de noria " c'est à dire du
GVT
négatif résultant de l'économie à la suite des
départs à la retraite,
le GVT ne saurait descendre en dessous
de 1%,
ceci avant même toute augmentation du pouvoir d'achat des
agents.
Cette constatation est encore plus vraie pour les agents des institutions
sociales et médico-sociales qui forment un corps plus jeune dans lequel
les départs sont moins fréquents que dans la fonction publique de
l'Etat. Il en résulte donc une contrainte mécanique pour les
budgets des établissements.
Evolution de la rémunération moyenne des
personnels en place
- du personnel relevant de la convention collective du 31 octobre
1951
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
|
G.V.T. positif |
1,30 |
1,30 |
1,10 |
0,80 |
0,80 |
Autres mesures |
3,31 |
3,16 |
6,75 |
2,21 |
2,98 |
R.M.P.P. |
4,61 |
9,46 |
7,85 |
3,01 |
3,78 |
- du personnel relevant de la convention collective du
15 mars 1996
G.V.T. positif |
1,30 |
1,30 |
1,10 |
0,80 |
0,80 |
Autres mesures |
5,67 |
5,89 |
5,22 |
2,95 |
3,70 |
R.M.P.P. |
6,97 |
7,19 |
6,32 |
3,75 |
4,50 |
Le taux directeur devra intégrer les effets du GVT qui
continuera à évoluer sous l'effet du vieillissement des
personnels et de la poursuite des effets des revalorisations indiciaires
prévues par les accords Durafour.
A terme, la mise en place du taux directeur ouvre la voie à une
réflexion d'ensemble sur les conventions collectives
qui
régissent le secteur.
Sans doute des progrès pourraient être accomplis en termes de
déroulement des carrières, d'effectif des établissements
et d'horaires, tout en assurant une meilleure formation des agents et en
favorisant le recours à de nouveaux recrutements plus homogènes
dès lors que la décision serait prise de " remettre à
plat " les conventions actuelles.
3. Les amendements proposés par votre commission
Votre commission vous présente deux amendements
rattachés à ce budget.
Le premier amendement institue un taux directeur opposable pour l'ensemble des
établissements médico-sociaux financés par le
départements.
Il prévoit expressément que ce taux directeur peut être
modulé par la collectivité en fonction des diverses
catégories d'établissements.
Le second amendement concerne les établissements médico-sociaux
financés sur crédits d'Etat, c'est-à-dire les CAT et les
CHRS. Cet amendement est la stricte reprise de celui qui avait
été prévu dans le projet de loi de finances pour 1997 et
avait été supprimé à l'époque par
l'Assemblée nationale en premier lecture, le Gouvernement s'étant
alors donné pour objectif de mettre en place ce dispositif dans le cadre
de la réforme de la loi du 30 juin 1975 qui devait être
présentée au printemps 1997, et a été
ajournée du fait de la dissolution.
Il est à noter que notre collègue, M. Charles Descours, a
proposé et fait adopter par le Sénat un dispositif analogue pour
les institutions médico-sociales dépendant d'un financement de
l'assurance maladie lors de la discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
A cette occasion, le Gouvernement a proposé de reporter au printemps
1998, lors de la discussion de la nouvelle réforme de la loi du
30 juin 1975, l'institution du taux directeur, alors que
l'administration a maintenant clairement eu plus d'un an pour préparer
la réforme.
C'est pourquoi votre commission vous propose de poursuivre une démarche
devenue indispensable pour appliquer la réforme du taux directeur
à tous les établissements sociaux et médico-sociaux et
ceci dès le 1er janvier 1998.
En tout état de cause, le but de votre commission n'est pas de mettre en
oeuvre un taux unique d'évolution qui s'appliquerait de manière
aveugle d'un établissement à un autre. Cela figerait les
situations acquises, donnerait une prime aux mauvais gestionnaires et
pénaliserait au contraire les bons gestionnaires.
Le taux directeur sera adapté à la situation et aux besoins de
chaque établissement après évaluation.
*
* *
Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs aux affaires sociales dans le projet de loi de finances pour 1998.
ANNEXE N° 1
-
AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR
LA COMMISSION
Projet de loi de finances pour 1998
Articles deuxième partie
emploi et solidarité
Amendements présentés par M. Jean Chérioux,
rapporteur
au nom de la commission des Affaires sociales
Article additionnel après l'article 66
Après l'article 66, insérer un article
additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 11-1 de la loi n° 75-535 du
30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales,
est ainsi rédigé :
" Il en est de même lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner
pour les budgets des collectivités territoriales des charges
injustifiées ou excessives compte tenu d'un objectif annuel ou
pluriannuel d'évolution des dépenses
délibéré par la collectivité concernée en
fonction de ses obligations légales, de ses priorités en
matière d'action sociale et des orientations des schémas
visés à l'article 2-2 de la présente loi. La
collectivité locale concernée peut moduler l'objectif
précité en fonction des catégories d'établissements
visées à l'article 3 de la présente loi "
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
I. Il est inséré, dans la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
relative aux institutions sociales et médico-sociales, un article 27-2
ainsi rédigé :
" Art. 27-2 - Le montant total annuel des dépenses des
établissements et services visés aux 6° et 8° de
l'article 3 de la présente loi, imputables aux prestations prises en
charge par l'aide sociale de l'Etat et, corrélativement, le montant
total annuel des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations
globales de fonctionnement de ces établissements ou services, est
déterminé par le montant inscrit à ce titre dans la loi de
finances initiale de l'exercice considéré.
" Ce montant total annuel est constitué en dotations
régionales limitatives. Le montant de ces dotations régionales
est fixé par le ministre chargé de l'action sociale, en fonction
des priorités en matière de politique sociale, compte tenu des
besoins de la population, de l'activité et des coûts moyens des
établissements ou services, et d'un objectif de réduction des
inégalités d'allocation des ressources entre départements
et établissements ou services.
" Chaque dotation régionale est répartie par le
préfet de région, après avis des préfets de
département, en dotations départementales, dont le montant tient
compte des priorités locales, des orientations des schémas
prévus à l'article 2-2 de la présente loi, de
l'activité et des coûts moyens des établissements ou
services, et d'un objectif de réduction des inégalités
d'allocation des ressources entre départements et établissements
ou services.
" Pour chaque établissement ou service, le préfet de
département compétent peut modifier le montant global des
recettes et dépenses prévisionnelles visées au 5° de
l'article 26-1 de la présente loi, imputables aux prestations prises en
charge par l'aide sociale de l'Etat, compte tenu du montant des dotations
régionales ou départementales définies ci-dessus ; la
même procédure s'applique en cas de révision, au titre du
même exercice, des dotations régionales ou départementales
initiales.
" Le préfet de département peut également supprimer
ou diminuer les prévisions de dépenses qu'il estime
injustifiées ou excessives compte tenu, d'une part, des conditions de
satisfaction des besoins de la population, telles qu'elles résultent
notamment des orientations des schémas prévus à l'article
2-2 de la présente loi, d'autre part, de l'évolution de
l'activité et des coûts des établissements et services
appréciés par rapport au fonctionnement des autres
équipements comparables dans le département ou la région.
" Des conventions conclues entre le préfet de région, les
préfets de départements, les gestionnaires d'établissement
ou service et, le cas échéant, les groupements constitués
dans les conditions prévues à l'article 2 de la présente
loi, précisent, dans une perspective pluriannuelle, les objectifs
prévisionnels et les critères d'évaluation de
l'activité et des coûts des prestations imputables à l'aide
sociale de l'Etat dans les établissements et services
concernés. "
II. Le dernier alinéa de l'article 27 de la même loi est
abrogé.
III. Au deuxième alinéa de l'article 11-1 de la même loi,
les termes " à l'article 27-1 " sont remplacés par les
termes " aux articles 27-1 et 27-2 ".
ANNEXE N° 2
-
RÉPARTITION EN
DENSITÉ DES TITULAIRES DU RMI
NOMBRE D'ALLOCATAIRES POUR
1.000 HABITANTS
1
En compensation du taux
inférieur du RMI dans les DOM, l'Etat participe dans ces
départements au financement d'actions d'insertion au profit des
bénéficiaires du RMI, en plus de celles de droit commun
déjà financées. Ces crédits appelés
" créances de proratisation du RMI " représentent la
différence entre les allocations versées dans les DOM chaque
année, et le montant qu'elles auraient atteint, en prenant en compte le
nombre de personnes qu'elles auraient concernées, si le barème
métropolitain avait été appliqué.
2
La loi de 1992 réformant le RMI et l'aide médicale a
permis aux départements d'effectuer, sur les crédits d'insertion
affectés au titre de l'obligation légale des 20 %, une
imputation forfaitaire au titre de l'aide médicale de 3 points de
ces 20 % en métropole (3,75 % dans les DOM). Une fraction des
sommes identifiées au titre de l'aide médicale des
départements est donc prise en charge dans le cadre des crédits
d'insertion.
3
Enquête menée par le Service des Statistiques, des
Etudes et des Systèmes d'information (SESI) du ministère des
Affaires sociales : " Profils des signataires et nature des contrats
d'insertion du RMI. Résultats sur les signataires de premier contrat
d'insertion en 1994 ".
4
Annexe B : mise en oeuvre des dispositions de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1997.
5
Les rappels sont des versements aux allocataires à la suite
d'un non-paiement pour erreur de calcul.
6
Certes, il est fait état d'une provision de
225 millions de francs au budget des charges communes
(chapitre 44-75, art. 10) en vue de la préparation de la loi
contre les exclusions. Mais en l'état actuel des choses, il est
impossible de porter un jugement sur la ventilation de ces crédits, qui
ont valeur de provision, et peuvent être affectés au financement
de dépenses purement structurelles. Au demeurant, il convient de
rappeler que le Gouvernement de M. Alain Juppé avait prévu
une somme de 470 millions de francs sur le même poste pour 1997.
7
Pour une politique de l'immigration juste et
efficace, Patrick Weil, Rapport au Premier Ministre 1997.